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PARAÎTRE OU DISPARAÎTRE (suite 4)

Chères lectrices et chers lecteurs,

Voici le quatrième épisode de votre histoire à suspense « Paraître ou disparaître ».

Merci à toutes et à tous de partager cet article (notamment sur les groupes de lecture de Facebook, Instagram, Twitter…) pour en faire profiter d’autres lecteurs et faites fonctionner le « bouche à oreille » qui généralement marche pas mal du tout !

Un commentaire de votre part, un « J’aime » font toujours plaisir à l’auteure, un abonnement au site plus encore d’autant que cela ne vous engage en rien. En effet, il est triste de voir que certains lisent régulièrement sur mon site, voire reviennent tous les jours, profitent de mes écrits, de mon travail mais ne s’investissent pas en retour, retranchés derrière l’anonymat confortable des réseaux sociaux, surtout que s’abonner ou mettre un commentaire, ce n’est vraiment pas grand chose.

La fin de cette histoire à suspense paraîtra très prochainement mais avant je publierai un autre article concernant mes conseils de lecture car je dévore les romans.

Passez une bonne journée, une bonne semaine et à très bientôt !

Résumé de l’épisode précédent :

La police n’a rien trouvé d’anormal chez Éthan, resté enfermé dans la buanderie pendant leur visite. L’inconnu a répondu à leurs questions et une fois seul a libéré Éthan éberlué de se trouver en face de son double. Ce dernier prend sa place au travail si bien que le jeune trader peut profiter de ses journées et s’offrir tout ce qu’il n’avait pas le temps de faire ou d’acheter auparavant. Il baigne dans le bonheur.

La vie était belle pour Éthan qui s’habituait à l’oisiveté. Mais un soir, en rentrant d’une partie de squash dont il était devenu adepte, il fut étonné de ne pas trouver le repas prêt, comme c’était le cas tous les jours. Certes, il avait remarqué que la prestation de l’autre baissait en qualité depuis quelque temps. Les plats surgelés micro-ondables avaient peu à peu remplacé les dîners mitonnés et le petit déjeuner était désormais privé de jus de fruits frais, de viennoiseries chaudes, supplantés par des boissons aux couleurs alléchantes mais au goût insipide et par de simples biscottes.

Il était minuit trente quand son double rentra, le visage défait, les traits tirés. Il jeta ses affaires sur un fauteuil du salon et s’affala sur le lit où Éthan lisait. Quelque chose clochait.

            — Éthan, il faut qu’on parle !

            — Je t’écoute.

             Comme il ne décollait pas les yeux de son roman, l’autre s’énerva, lui arracha le livre des mains et monta d’un ton :

            — Je te parle. La semaine prochaine, tu reprends le boulot. Il faut que tu me remplaces. Je suis fatigué.

            — Si tu ne rentrais pas tous les soirs aussi tard.

            — Je fais ce que je veux. Si tu crois que c’est simple de se lever tôt pour préparer les repas de monsieur qui devient de plus en plus exigent d’ailleurs. Sans parler du linge, des courses… J’en ai assez d’autant qu’il y a trop de pression au boulot. On m’en demande plus, toujours plus !

            — C’était déjà comme ça avant !

            — Non, c’est devenu pire. Tu ne peux pas imaginer. Et puis tu as bien profité ces derniers temps : un voyage par ci, le ski, la mer, l’avion, la moto… J’ai besoin d’un break moi aussi.

— Impossible, la semaine prochaine je pars au Cap Vert. J’ai déjà réservé l’avion et l’hôtel. Il n’a jamais été question que je renonce ou que je reprenne le travail, selon notre accord ! Tu n’as qu’à…

            À ces mots, l’autre pivota brusquement et chevaucha le corps d’Éthan étendu sur le dos, les yeux rivés au plafond comme s’il y voyait le ciel bleu de ses prochaines destinations de voyage. Il l’immobilisa, bras coincés le long du buste à l’aide de ses jambes et il enserra sa gorge de ses deux mains aussi puissantes que des tenailles.

            — Regarde-moi bien et ouvre grand tes deux oreilles. D’abord, on n’a jamais passé d’accord. Je suis venu t’aider, c’est tout. Mais maintenant, c’est fini. Fini, tu entends !

            Sous lui, le jeune homme suffoquait, le visage rougi, les yeux exorbités. Il commençait à manquer d’air et redoublait d’efforts pour rester en vie. Puis l’autre relâcha légèrement son étreinte, même s’il renonçait encore à libérer sa proie. Son regard sanguin exprimait toujours une colère redoutable.

            — Pour le cas où tu n’aurais pas compris, je te répète que la semaine prochaine tu vas au taf à ma place. Ne t’avise pas de contester ou de te défausser. C’est clair ?

            Aucun son compréhensible n’émanait de la bouche d’Éthan mais les traces rouges qu’il garderait sur son cou pendant plusieurs jours s’occuperaient de lui rappeler qu’il n’avait pas le choix. Il se demandait pourquoi ce changement brusque et cette réaction violente et il cherchait dans son comportement ce qui avait pu causer ce retournement de situation qu’il redoutait depuis le début de leur cohabitation. Il se garda de poser la moindre question, trop occupé à retrouver sa respiration et craignant le courroux de son double. Par précaution, il décida de passer la nuit sur le canapé, loin de son agresseur qui prit la direction de la banque au petit matin en laissant derrière lui l’appartement dans un désordre inhabituel. Le réfrigérateur était presque vide et lorsqu’Éthan se leva, il dut se préparer lui-même un café qu’il avala difficilement tant son cou était tuméfié.

            Trop inquiet, il ne se rendit pas sur le green ce matin-là alors qu’il en avait pris l’habitude. Il consulta en ligne son compte en banque qui avait fructifié mais ne présentait pas d’anomalie, vérifia à deux reprises que la porte était bien verrouillée puis il se mit à fouiller l’appartement à la recherche de son arme, un pistolet acquis sous le manteau deux ans auparavant sur les conseils d’un collègue agressé en pleine nuit par deux voyous. La dégradation de la sécurité n’était pas un vain mot et Éthan ne voulait pas le vérifier à ses dépens.

            — Où sont les balles ? dit-il tout haut.

            Précautionneux, il avait pris soin de les ranger séparément. Il eut beau tout retourner, elles restaient introuvables. Il devrait en acheter.

            Il songea qu’il aurait dû prendre des cours de self-défense pour se prémunir contre le danger d’autant qu’il aurait eu le temps de s’impliquer et d’apprendre les rudiments. C’était trop tard à présent. Trop perturbé pour entreprendre quoi que ce soit ou pour sortir, il se contenta de téléphoner pour annuler son voyage, après quoi, il erra chez lui, échafaudant des stratagèmes pour palier à tous les cas de figures qui pourraient se présenter quand l’autre rentrerait et il redoutait ce moment.

            Fébrile, il passa le reste de sa journée dans le canapé où il finit par plonger dans des micro-sommeils peuplés de rêves sombres dans lesquels il essayait d’utiliser son pistolet sans jamais y parvenir. L’arme qui reposait sur ses cuisses glissa doucement à plusieurs reprises et il la rattrapait à chaque fois, recollant ainsi à la réalité ou du moins à ce qu’il croyait être la réalité.

            Le cliquetis d’une serrure qu’on ouvre le réveilla définitivement. C’était d’ailleurs pour cette raison qu’il avait tout fermé, sûr que ce bruit l’alerterait. Il ouvrit les yeux, se redressa, attendant l’autre de pied ferme. Quand l’intrus pénétra dans l’appartement, Éthan ne lui décrocha pas le moindre mot.

            — Salut, dit simplement l’arrivant.

            Il se dirigea vers la cuisine, remplit la bouilloire d’eau, la mit à chauffer et revint quelques instants après auprès d’Éthan en lui tendant une tasse de thé fumante.

— Attention, c’est chaud.

Éthan en perdit son latin. Il eut un geste brusque comme s’il se cabrait et en se levant il propulsa le darjeeling sur le carrelage ainsi que son arme. Le liquide brûlant évita de justesse le serveur. En heurtant le sol l’arme quant à elle émit un son métallique qui glaça le sang d’Éthan involontairement désarmé.

            — Qu’est-ce qu’il te prend ? C’est pas malin ! Tu aurais pu m’ébouillanter. Moi qui voulais te faire plaisir, c’est raté !

            L’autre semblait ne pas avoir remarqué l’arme.

            Éthan bondit alors, s’empara du révolver et le pointa sur sa cible.

            — Ne bouge pas ou je tire ! menaça-t-il, masquant difficilement le trouble qui l’agitait.

            Sa main tremblait.

            — Arrête Éthan, pose cette arme, tu sais comme moi qu’elle n’est pas chargée ! Il y a longtemps qu’on a perdu les balles. Range-la et cesse de t’exciter !

            L’intrus s’absenta quelques secondes et revint auprès de lui pour éponger le thé renversé. Ils se regardèrent droit dans les yeux, longuement.

            Éthan s’étonnait de le voir si tranquille et si gentil. Pourquoi changeait-il d’attitude ? Il avait imaginé tous les scénarios mais pas ce changement radical.

            — Je sais, c’est bizarre et tu ne comprends pas ce qui se passe moi non plus d’ailleurs ! Je suis désolé pour hier. J’étais fatigué. Excuse-moi !

            Tout en parlant, il rassemblait les morceaux de la tasse brisée dans une pelle pour les jeter.

            — Veux-tu que je te prépare une autre tasse ? demanda-t-il de façon extrêmement affable.

            Cette voix si douce et maintenant ce visage apaisé. Quel jeu jouait-il ? Voulait-il pousser Éthan à bout ? C’était une possibilité.

            — Sinon, si ça t’intéresse, au travail tout était ok et notre portefeuille d’actions se porte comme un charme. J’ai fait des placements et des investissements qui se sont avérés très rentables. Tu as raison : fais-toi plaisir, fais-nous plaisir, pars au Cap vert.

            Mais Éthan ne semblait pas avoir entendu.

            — Comment es-tu entré ?

            — Avec ma clé pardi ! Quelle drôle de question.

            — Quelle clé ?

            — Réfléchis : tu en as une donc moi aussi. Depuis le temps, tu devrais déjà le savoir.

            — Mais de quoi tu parles ?

            — Enfin Éthan, ça fait des mois qu’on fonctionne ainsi. Tu as oublié ? Tu m’inquiètes.

            Éthan commençait à douter. Si l’autre lui parlait maintenant de façon sympathique il fallait se méfier.

            — Et tu sors ce soir ?

            — Non, je préfère rester avec toi. On passe trop peu de temps ensemble.

            Éthan ne savait plus qui était la personne qu’il avait en face de lui. Pouvait-il lui faire confiance ?

            — Dans ce cas, jure-moi de ne plus m’agresser comme hier.

            — Je te l’ai déjà dit, je suis vraiment désolé. Ça ne se reproduira plus. Oublie ce qui s’est passé !

            Puis il changea de sujet.

            — Ce n’est pas tout mais le temps passe à une de ces vitesses ! Il est plus de vingt heures. Allume la télé, moi je m’occupe du dîner. Des lasagnes ça te tente ? J’ai acheté tous les ingrédients.

            L’autre redevenait à nouveau serviable et Éthan le regardait s’agiter tandis qu’il restait inerte, privé de toute énergie, perdu.

Il le regardait. Il se sentait chez lui alors que ce n’était pas son appartement.

Il le regardait s’occuper de tout.

Il se regardait lui.

Il se voyait vivre, marcher, parler.

Il n’était plus unique, il était deux.

            La tête basse comme si on l’avait grondé, il ouvrit le réfrigérateur que l’autre avait partiellement garni.

            Tout en préparant le repas, son double continuait de lui parler.

            — Tu travaillais trop, ça ne pouvait plus durer. Tu aurais fini par y laisser ta peau ou par avoir un accident cardiaque ou quelque chose comme ça ! Depuis que nous sommes deux, tu te sens mieux, reconnais-le.

            Il fallait bien admettre que l’autre avait raison. Depuis qu’il travaillait dans cette banque, Éthan avait dû faire ses preuves et se battre chaque jour pour être le meilleur puis le meilleur parmi les meilleurs. C’était une véritable guerre qu’il devait livrer pour se maintenir au top. Interdiction de faillir, impossible de ne pas atteindre les objectifs mensuellement fixés par la direction. Chimérique de croire qu’il pouvait tout faire en 35 heures par semaine car il en faisait le double. Hors de question d’être malade ou seulement fatigué. Impensable de rencontrer des problèmes familiaux et donc fonder une famille était inimaginable. Le paraître était aussi surveillé de près. Chacun devait soigner son apparence en toutes circonstances. Aucun écart n’était toléré : costume, cravate exigés… Jamais Éthan ne s’était rendu compte qu’à ce jeu pervers et dangereux il se dépossédait progressivement de son identité et que fondu dans une masse où tous finissaient par se ressembler, il disparaissait progressivement.

— Mets la table s’il te plaît. On gagnera du temps. Dans une demi-heure ce sera prêt. Ça sent bon hein !

            Éthan attrapa deux assiettes, deux verres, les couverts et les disposa sur les deux sets qui patientaient. Il ouvrit une bouteille de vin pour accompagner le repas, en versa un peu dans son verre et le sentit avant de le goûter

            — Bonne idée ce vin, fit l’autre.

Éthan tira ensuite une chaise et s’installa en attendant d’être servi.

            — Ah, je vois que tu recommences à m’accepter, à t’accepter devrais-je dire ! On forme un beau couple en somme !

            Tel un miroir ésotérique, quand Éthan regardait l’étranger, il se voyait. L’autre était lui. Lui était cet autre, à ceci près que son double débordait de vitalité, de force et prenait les décisions tandis que lui semblait subir la situation et être asthénique. Lequel des deux était le vrai Éthan ? Ils étaient parfaitement identiques : dans leur façon de s’exprimer, de se mouvoir, de réagir. Les deux pouvaient-ils continuer à coexister ?

            — Ça va être prêt. On commence par une petite salade.

            Éthan posa sa serviette sur ses genoux et soudain une question jaillit de sa bouche.

            — Comment es-tu arrivé là ?

            L’étranger interrompit ce qu’il faisait et réfléchit un instant.

            — J’aimerais bien te répondre mais je ne sais pas trop comment ça s’est produit. Je me souviens que je dormais et que je t’ai senti remuer à côté de moi, dans le lit.

            — Mais avant ça où étais-tu ? Tu étais bien quelque part !

            — J’ai envie de te dire oui mais je n’ai aucune réponse et j’ai les mêmes souvenirs que toi. La veille, j’étais au bureau, croulant comme toi sous les dossiers. Marine, du service de comptabilité est passée me voir avant de partir. Plus tard j’ai quitté l’agence, j’ai attrapé le métro à la volée et en descendant du TER, je suis rentré à la maison. Il n’y a pas à tortiller, je ne sais pas comment j’ai atterri là. D’ailleurs, puisque nous sommes les mêmes, je te retourne la question. Est-ce que ce n’est pas toi qui as fait irruption dans ma vie ?

            — Non, non ! Je suis Éthan !

            — Mais moi aussi ! Inutile de te torturer, pensons à autre chose. J’ai remplacé le réveil que tu as cassé. J’en ai acheté un tout neuf, encore mieux que le dernier.

            — Arrête. Ne change pas de sujet ! Pourquoi es-tu là ?

            — Comme je suis toi, il m’est impossible de répondre mais j’ai juste une petite idée.

            — Ah, dis-moi !

— Regarde-toi, tu devenais une loque, tu étais épuisé, tu avais un teint de déterré. À part ton travail, tu ne faisais rien d’autre. Moi, au contraire, j’ai une pêche d’enfer enfin jusqu’à ces derniers jours. Personne ne peut tenir ce rythme de fou et être privé de vie personnelle, personne ! Je crois qu’un ange a eu pitié de toi et m’a envoyé ou l’inverse : il a eu pitié de moi et t’a envoyé. Franchement, je ne sais plus qui est qui aujourd’hui. Maintenant que nous sommes deux, nous pouvons nous répartir les tâches. Moi non plus je ne peux pas tenir éternellement. On doit permuter !

Éthan l’écoutait, plus inquiet que dubitatif et s’il trouvait la situation toujours aussi étrange, il commençait à se sentir dépossédé de son être. Il était le véritable Éthan, il en était sûr et l’autre n’était qu’une doublure. Pas question de lui céder sa place. Il devrait disparaître de sa vie à un moment ou à un autre. La violence dont il avait fait preuve la veille quand il avait tenté de l’étrangler le conforta dans sa méfiance et ses certitudes d’être le modèle original, authentique, unique. Il avait souvent imaginé être deux : l’un qui aurait travaillé pendant que l’autre pourrait se prélasser, s’amuser ou dormir à loisir mais jamais il n’aurait imaginé que cela se produirait.

Après le repas, ils se détendirent face à une série policière diffusée à la télé puis gagnèrent ensemble la salle de bains. Là, face au miroir, Éthan se figea et s’obligea aussitôt à prendre un air plus décontracté afin que l’autre ne voie pas qu’il était profondément troublé. Que leurs reflets soient absolument identiques, il le savait mais que l’étranger affiche les mêmes traces d’étranglement au niveau du cou n’avait aucun sens puisqu’à aucun moment Éthan n’avait tenté de l’étouffer ou du moins il ne s’en souvenait pas. Quelque chose clochait.

— Donc demain c’est moi qui vais travailler. Tu prendras le relais la semaine prochaine.

La tête sur l’oreiller, le jeune homme se contenta de répondre à la proposition de son squatteur.

— OK !

Il ne savait pas comment l’autre avait surgi dans sa vie et il ignorait pourquoi il avait ces marques terribles au cou.

Éthan supposa qu’il devait tremper dans des affaires louches, qu’il s’était battu avec un individu peu scrupuleux, qu’il était victime d’un chantage ou d’un règlement de comptes… Que lui était-il arrivé pour qu’il porte les mêmes traces que lui ? Elles n’étaient pas apparues par enchantement, cela ne leur était jamais arrivé. Une blessure chez l’un ne déclenchait pas la même chez l’autre. Ils ne l’avaient jamais observé depuis qu’ils se côtoyaient. Il y avait donc une explication différente mais Éthan n’osa pas demander laquelle.

Il se positionna dans le lit dos à l’autre, en chien de fusil et échafauda mille et une interprétation possible, à tel point qu’il ne trouva pas le sommeil, convaincu qu’une menace dont il ignorait l’origine planait sur sa tête, sur leurs têtes.

AUDREY DEGAL

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PARAÎTRE OU DISPARAÎTRE (suite 2)

 Résumé de l’épisode précédent : 

Éthan qui a trouvé un étranger endormi chez lui, dans son lit, s’est d’abord réfugié dans un placard avant d’appeler la police. L’inconnu, toujours paisible, ne s’alarme pas de la réaction du jeune homme terrorisé et violent. Ce dernier rétablit l’électricité et s’introduit dans la buanderie en attendant l’intervention des forces de l’ordre. Mais la poignée casse, le condamnant à rester enfermé, incapable de répondre à l’agent qui sonne à l’interphone. Il entend du bruit. L’intrus s’est réveillé et répond aux sollicitations des policiers.

Bonne lecture et laissez-moi un petit commentaire, ça fait toujours plaisir !

— Oui, c’est bien moi ! Qu’est-ce que c’est ? …. La police !… Qu’est-ce qui se passe ?… Moi ?… Non, je ne vous ai pas appelés… Un intrus, chez moi, c’est une plaisanterie !… Excusez-moi, mais je vous assure qu’il n’y a personne d’autre que moi ici, je suis un peu surpris d’être dérangé en plein milieu de la nuit !

            L’inconnu semblait agacé et mal réveillé.

            — OK, OK, continua-t-il alors que les policiers insistaient, je comprends, vous devez vérifier. Je vous ouvre…. Troisième étage, porte gauche.

            Il actionna le déverrouillage de l’allée comme s’il était vraiment chez lui.

            Quelques instants plus tard, un policier toqua à la porte de façon discrète pour ne pas ameuter le voisinage.

            — Pouvons-nous entrer ?

            — Je vous en prie mais je vous assure que tout va bien.

            La porte d’entrée venait de se plaquer contre celle de la buanderie dont elle masquait désormais l’accès. Toujours retranché, Éthan venait de comprendre que si les agents ne la refermaient pas derrière eux, ils ne le découvriraient pas dans sa planque d’autant que l’inconnu venait de ramasser la poignée et le carré qu’il avait trouvés par terre.

            Éthan se rapprocha de la porte, posa une main sur le bois et prit une inspiration, prêt à appeler pour signaler sa présence.

            Il essaya mais aucun son ne sortait de sa bouche sans qu’il sût pourquoi. Quelque chose le dérangeait dans cette situation improbable. Il était en quelque sorte bloqué, entravé dans sa volonté par des forces contradictoires qui le dépassaient et son corps ne lui obéissait plus.

            C’était plus fort que lui, il n’arrivait pas à agir.  Était-ce l’émotion, l’excès de peur, la fatigue ? Il ne parvenait pas à comprendre pourquoi il restait muet alors que tout le poussait à sortir de ce guêpier. Il dut se concentrer pour pouvoir lever la main mais ses doigts se contentèrent seulement d’effleurer la porte, tout doucement. Il renonçait malgré lui.

La situation aurait pu être angoissante ou cocasse mais elle n’était ni l’un ni l’autre. Elle le troublait et plus encore la voix de l’intrus. Elle lui était familière, si familière : les intonations, les expressions, le ton… De plus, il connaissait l’appartement et s’y déplaçait apparemment sans hésiter. Peut-être s’agissait-il d’un voisin qui occupait le même logement, juste au-dessus ou juste au-dessous de lui et qui avait échafaudé un plan pour le piéger et lui faire avouer son code de carte bancaire. Mais il aurait déjà agi au lieu de se contenter de se coucher dans le même lit que lui. Il dut l’admettre : les intentions de l’intrus étaient différentes.

Il aurait payé cher pour connaître le fin mot de tout ceci mais même son compte en banque garni ne pouvait lui offrir cette délivrance. Il enragea tout à coup, comme un volcan éteint depuis des siècles et désormais au bord de l’implosion. Ses nerfs lâchaient. Il leva brusquement un poing fermé, prêt à marteler la porte de rage et d’accablement mêlés. Son geste s’arrêta là, en l’air, poing retenu par une main invisible ou une volonté extérieure qui prenait l’ascendant sur ses propres décisions. Son bras refusait de lui obéir. Il dut bien l’admettre : il était prisonnier de la buanderie, de lui-même et de ce squatteur. Alors il prêta l’oreille pour saisir la conversation qui se déroulait sans lui.

            — Oui, je vous dis que je dormais. Je ne sais pas qui vous a appelés. Vous pouvez regarder dans toutes les pièces, je n’ai rien à cacher !

            Les policiers, deux probablement, avancèrent dans le couloir. Éthan entendit les portes s’ouvrir et se refermer, des pas, des paroles entrecoupées de moments de silence.

            — Je travaille au Lcl, répondit l’inconnu à la demande des agents.

            — Lcl ?

— Oui, le Crédit Lyonnais.

— OK ! Avez-vous remarqué quelque chose d’anormal ces jours-ci ?

— Non !

Les questions-réponses fusèrent pendant un bon moment. De toute évidence les policiers ne se contentaient pas d’inspecter visuellement tout l’appartement. L’intrus les suivaient pas à pas, les bras croisés, tapotant parfois du pied par terre pour leur faire comprendre qu’il s’impatientait.

            — Écoutez messieurs, je vous remercie d’être passés mais, comme vous pouvez le constater, il n’y a rien d’anormal et je ne cours aucun risque chez moi. Je commence tôt tout à l’heure, je suis encore fatigué et je voudrais bien me recoucher.

            — Bon, OK, je ne vois rien. Nous allons vous laisser. Mais s’il y a quoi que ce soit, n’hésitez pas, appelez !

            — Je n’y manquerai pas. Merci d’être intervenus.

            Et il les guida vers la sortie de l’appartement dont la porte était restée grande ouverte durant l’intervention après quoi il tourna la clé dans la serrure pour bien refermer derrière eux.

            En descendant les escaliers les deux agents, un jeune qui débutait dans le métier et l’autre la cinquantaine, restaient dubitatifs.

            — C’est bizarre tout de même !

            — Oh, tu sais, j’en ai tellement vu et entendu dans ma carrière que plus rien ne me surprend.

            — Ouais !

            — Si ça se trouve, il nous a bien appelés, pour un pari avec des copains ou parce que c’est un angoissé qui s’affole au moindre bruit nocturne ou… Ne cherche pas à comprendre. Un chat a peut-être fait tomber un pot de fleurs sur un balcon ou des voisins se sont disputés un peu trop fort… qu’est-ce que j’en sais, moi. La nuit, les gens ont peur, c’est tout. Allez, on a fait notre travail et tu as bien vu, rien ne clochait.

            Le jeune opinait de la tête à chaque supposition de son supérieur qui ajouta :

            — Parfois, il ne faut pas prendre à la légère les appels à l’aide. On ne sait jamais ! Pense à ce qui arrive à Jodie Foster, tu sais, dans le film Panic room. Tu n’étais peut-être pas né mais elle ouvre la porte aux forces de l’ordre et elle leur dit qu’il s’agit d’une erreur. Elle est souriante, sûre d’elle et plaisante aussi. Pourtant, des malfrats sont entrés dans sa maison et la menacent vraiment. Mais comme ils sont juste à côté, elle ne peut rien dire. C’est violent comme film. Enfin tu vois ce que je veux dire !

            — Oui. C’est pas facile de savoir qui dit la vérité.

            — C’est tout le problème de notre métier !

            La Dacia Duster où ils prirent place démarra et ils regagnèrent le poste où ils étaient de garde toute la nuit.

            L’appartement d’Éthan avait retrouvé son calme et un silence oppressant s’était emparé des lieux. Où était passé l’inconnu ? Que faisait-il ? Pour Éthan les secondes, les minutes semblaient s’éterniser. Que se passait-il de l’autre côté de la porte, dans le couloir. Tel un aveugle il guettait le moindre son dans l’espoir de percevoir quelque chose. Il tentait de contrôler sa respiration tout en espérant que l’autre l’oublierait, retournerait se coucher et mieux encore quitterait l’appartement.

            Soudain un bruit métallique creva l’atmosphère cotonneuse dans laquelle il se sentait à l’abri. Le carré métallique venait de retrouver sa place ainsi que la poignée et la porte s’ouvrit. L’étranger se dressait au beau milieu de l’encadrement, solidement campé sur ses jambes.

            — Qu’est-ce que tu fous enfermé là-dedans, Éthan ? Heureusement que je suis là ! Tu as l’air frigorifié. Enfile donc le peignoir qui traîne sur le sèche-linge et sors de là. On va se recoucher, je suis crevé !

            Tel un petit garçon bien obéissant, Éthan suivit scrupuleusement aux conseils que l’autre lui donnait. Il était incapable de réfléchir, incapable de rétorquer, incapable de questionner, incapable de comprendre.

            Il secoua légèrement la tête comme si ce mouvement pouvait lui permettre de remettre ses idées en place.  Ses gestes étaient lents, hésitants, mal assurés. Les pans de son peignoir mal ajustés pendaient inégalement et sa ceinture approximativement nouée menaçait de se défaire. Il devait reprendre ses esprits. Il tourna les yeux vers l’autre qui l’attendait patiemment et se plongea intensément dans son regard.

            C’est à ce moment précis qu’enfin il comprit.

Il comprit pourquoi il connaissait cette voix.

            Il comprit qu’il avait déjà rencontré cet étranger.

            Il savait tout de lui à commencer par son nom.

            Comment n’avait-il pas pensé à lui dès le début ?

            C’était inouï mais si évident !

            Sans un mot, résigné et vaincu avant même d’avoir livré bataille, il dépassa l’autre, heurtant son épaule sur son passage, se dirigea tout droit vers la chambre tel un automate, s’allongea sur un bord du lit, se couvrit, éteignit la lumière mais garda les yeux grands ouverts, luttant pour vaincre l’épuisement et ne pas dormir. Mais le sommeil finit par le terrasser.

            L’autre, étendu juste à côté, ne tarda pas à ronfler, insouciant et serein.

*

            La sonnerie du réveil-matin, détruit la veille, ne tira pas Éthan de ses rêves agités. En revanche, une agréable et inhabituelle odeur de café chaud et de tartines grillées s’invita jusque dans la chambre et vint délicatement taquiner ses narines. Malgré toute cette douceur, il se redressa brutalement. La réalité venait de le rattraper et les événements de la nuit lui revinrent pleinement en mémoire.

Il repoussa les draps qui s’étaient emmêlés autour de ses chevilles et les entravaient et, à pas de loup, s’avança vers la cuisine pour pouvoir observer ce que l’autre faisait. Avec un naturel déstabilisant, l’intrus sifflotait un air bien connu et, sans aucune gêne, ouvrait les placards ou le frigo pour dresser la table d’un petit-déjeuner copieux, que d’habitude, Éthan trop pressé ne prenait jamais.

— Arrête de faire l’idiot, dit-il alors qu’il avait senti sa présence. Regarde, je t’ai pressé deux oranges. Viens, approche et installe-toi.

Éthan ne parvenait pas à répondre quoi que ce fût. Il avait l’impression d’être tombé au fond d’un puits, d’avoir passé la nuit dans une eau putride et d’avoir tenté vainement de gravir les parois abruptes qui auraient déchiré ses doigts et usé ses ongles. Mais ses papilles sollicitées par les senteurs qui émanaient de la table lui disaient au contraire qu’il était un roi et que quelqu’un veillait à son bien-être.

            — Fais comme chez toi !

            Éthan réagit à cette remarque en sursautant.

— Relaxe, mec, je te taquine. Tu as les nerfs à fleur de peau ! C’est dingue !

            Éthan se contentait de suivre les moindres gestes de l’étranger, ses déplacements et de l’écouter.

— Assieds-toi et déguste. Prends le temps pour une fois, fais-toi plaisir !

L’inconnu donnait le sentiment d’être très à l’aise. Il lui parlait comme si c’était naturel et qu’il avait l’habitude de converser avec lui.

Entre les toasts briochés dorés, le café impeccablement dosé et goûteux, le jus de fruit savoureux, Éthan finit par se laisser aller jusqu’à se sentir plus détendu. Après tout, il était certain que l’autre ne lui voulait aucun mal.

— Ne bouge pas ! fit l’étranger.

Il s’éclipsa dans la chambre et réapparut quelques minutes plus tard, vêtu du costume préféré d’Éthan qui lui allait comme un gant.

— Je te laisse, je vais bosser ! Profite de ta journée.           

Éthan parvint enfin à articuler :

— Mais… mais … où allez- v…

Il rectifia :

— Où vas-tu ?

            — Au bureau, au LCL pardi ! Toi, tu te reposes. À ce soir !

            La porte d’entrée qui claque, le moteur d’une voiture que l’on démarre dans la rue, la sienne, et un départ sur les chapeaux de roue. L’étranger avait filé.

Le retour au silence le plus complet et la solitude achevèrent de déconcerter Éthan dont les mâchoires devenues immobiles ne parvenaient plus à venir à bout du pain au chocolat dans lequel il avait croqué.

            — C’est une histoire de fous, dit-il tout haut.

            Il parcourut du regard son appartement, s’arrêta sur l’heure affichée à l’écran de la télé muette. Hébété, désorienté, il ne savait que faire.

            Il décida d’attendre une heure au terme de laquelle il appellerait le boulot pour dire qu’il se sentait mal et n’irait pas travailler. Après tout, on ne pouvait pas lui reprocher cette petite entorse alors qu’il n’était jamais absent.

            — Lcl bonjour ! Que puis-je pour vous ?

— Allo, oui…bonjour… !

            Tout à coup, il hésita. Était-ce la bonne stratégie que de mentir ? Qu’avait-il à perdre ? Cette journée lui serait salutaire. Il avait tant besoin de se reposer, de couper avec cette vie trépidante qu’il s’imposait depuis trop longtemps. Mais sans qu’il le veuille vraiment, un autre mensonge s’invita dans la conversation.

            — Je me présente, monsieur Lantignac à l’appareil. Je suis le directeur de la société Intratech gérée par monsieur Boccello Éthan. Pourrais-je lui parler ?

            On allait bien sûr lui répondre qu’Éthan Boccello n’était pas encore arrivé mais on ne lui dirait pas qu’il était encore attablé devant son petit-déjeuner. Contre toute attente, la réponse fut différente de ce qu’il avait imaginé.

            — Oui, bien entendu. Il vient juste d’arriver. Ne quittez pas monsieur Lantignac, je vous le passe tout de suite !

            Éthan voulut se raviser et dire qu’il le rappellerait plus tard mais la communication avait déjà basculé et, à l’autre bout du fil il l’entendit, lui, l’étranger.

            — Éthan, c’est toi. C’est sympa d’appeler.

            — Comment… ?

            — Ne te fais pas de soucis, je gère. Je connais ton boulot aussi bien que toi. Ne t’inquiète pas ! Qu’est-ce que tu voulais me dire ?

            Éthan avait raccroché et il jeta le téléphone devant lui comme s’il lui brûlait la main.

            La situation lui paraissait si irréelle qu’il crut un instant qu’il avait sombré dans la folie. Peut-être qu’il se trouvait coincé dans la quatrième dimension. Peut-être que ses amis allaient sonner à la porte, accompagnés d’un caméraman et d’un producteur de télévision. Peut-être qu’un burn-out produisait ce type d’hallucinations. Peut-être que…

C’était pourtant la vérité.

C’était inexplicable mais un autre Éthan, en tous points conforme à lui, l’avait remplacé.

Il tourna en rond chez lui, se mit à lire, reposa aussitôt son livre, retourna se coucher sans conviction, se releva, alluma la télé sans la regarder, surfa sur internet sans idée précise, essaya d’appeler un ami avant de raccrocher… Déboussolé était le terme qui lui correspondait. Il avait tout son temps mais ne savait qu’en faire comme quelqu’un qui deviendrait subitement riche et ne saurait comment dépenser sa fortune. Puis, tout s’éclaira. À quoi bon chercher à comprendre ? À quoi bon lutter ? Il était libre et il pouvait donc profiter de sa journée. L’autre venait de lui offrir l’occasion de disparaître des radars pour faire ce que bon lui semblait. Les apparences étaient sauves : à la banque l’autre le remplaçait.

*

            Oui, totalement libre !

            Le trader du LCL avait virtuellement largué les amarres, brisé ses chaînes et il se sentit pousser des ailes.

            Pour la première fois depuis cinq longues années, au cours desquelles il avait dû faire ses preuves, écrasant de redoutables jeunes loups comme lui désireux de franchir les obstacles les premiers, il flânait.

            Il se rendit d’abord au musée des arts contemporains, erra dans les galeries, s’attarda devant les œuvres des plus grands artistes avant de sortir pour déjeuner chez un chef étoilé. Là, il ne se refusa rien. L’argent accumulé est fait pour être dépensé, se disait-il et ses comptes étaient bien garnis. Il suivit le conseil du sommelier et commanda un Saint-Émilion Grand Cru Château Angélus de 2018 qui s’accordait avec le menu choisi : coquilles Saint Jacques grillées, truffes Mélanosporum, bar à la vapeur, légumes glacés et foie gras, pigeon farci en cocotte sauce Salmis et Butternut rôtis, fromages de France et poire aux amandes et chocolat Valrhôna. La présentation était exquise et son palais flatté. L’après-midi, il s’accorda un plaisir qu’il reportait sans cesse : une séance au cinéma. Il essaya ensuite nombre de costumes avant d’opter pour la confection sur mesure. Il se promena le long des quais du Rhône et, comme le soleil déclinait il songea à rentrer.

            Sur le trottoir, mains enfoncées dans les poches de son manteau, il stoppa net. Et si l’autre revenait ! C’était un risque à prendre et de toute façon il n’avait pas le choix. Il gérerait la situation qui se présenterait.

            Il songea un instant qu’il pourrait se barricader dans son appartement et lui faire comprendre qu’il devait partir. Mais après tout, cette journée inespérée avait été profitable voire très agréable et il se sentait régénéré. Peut-être que ce remplaçant inespéré lui permettrait encore de se détendre en se rendant à sa place au travail. Il devait en profiter.

Il divaguait une fois de plus, son esprit faisait le grand écart, accaparé par des hypothèses antinomiques. Soudain, un postulat surprenant surgit, auquel il ne s’attendait pas : et si ce double ne rentrait pas, s’il disparaissait et que cette journée n’était qu’un aperçu voué à ne pas être reconduit. Cette pensée démente signifiait-elle qu’il voulait que l’autre reste ?

Il n’avait pas franchi le seuil de l’appartement qu’une senteur de cuisine épicée l’invita à entrer. Épicurien dans l’âme il adorait bien manger.

— Salut ! La journée s’est bien passée, s’enquit l’intrus.

Il était là, de retour.

            — Oui, très bien !

            Éthan réussissait enfin à lui parler.

            — Super, c’était l’objectif. Regarde, je t’ai préparé un tajine de poulet mais je ne dîne pas avec toi. Je file.

            — Tu files, et tu vas où ?

            — Je sors m’aérer un peu. Ta vie est rude et monotone. J’ai besoin de souffler. Ne m’attends pas, je dîne dehors et je risque de rentrer tard. Fais ce que tu veux de ton côté !

            — Et demain ?

            — Demain, je vais bosser à ta place, évidemment !

— Évidemment, répéta Éthan décontenancé.

L’inconnu doublé du cuistot ôta son tablier de cuisine sous lequel il était déjà apprêté pour sortir. Il attrapa sa pochette et ses clés au vol et avant de s’échapper adressa un petit signe de la main à son double.

— À plus !

Éthan aurait pu et aurait dû s’interroger davantage tant la situation était étrange. Il aurait pu et aurait dû poser les questions qui lui brûlaient les lèvres mais il préféra se raviser. Il craignait les réponses que l’autre pourrait lui apporter et il préférait profiter de cette aubaine, cette liberté soudaine, ces loisirs dont il avait oublié l’importance. Ce seul mot, « loisirs » avait disparu de son vocabulaire. Il s’attabla, dégusta le plat que l’autre lui avait préparé, geeka pendant des heures sur internet, visionna une série Netflix qu’il voulait voir depuis des lustres et après un bain, se rendit chez un concessionnaire Ducati encore ouvert pour s’acheter la moto dont il avait toujours rêvé. Puis il rentra, heureux, et il alla se coucher.

Pour la première fois, il n’avala aucun somnifère et dormit d’un sommeil aussi paisible que réparateur.

Le lendemain, l’autre se leva bien avant lui et, comme la veille, il lui concocta les repas de la journée avant de s’éclipser pour prendre sa place au travail.

Au fil des mois, Éthan avait pris de l’assurance et devenait hédoniste. Il alternait les journées consacrées au sport, aux parties de golf, il s’était inscrit dans un club pour passer le brevet de pilote dont il rêvait depuis l’enfance et il songeait déjà à s’offrir un jet privé léger. Il disposait des fonds nécessaires, il lui suffirait de faire un petit crédit pour compléter le financement. Pourquoi se priver ? L’autre se démenait au travail et les primes tombaient régulièrement. Au guidon de sa moto, il parcourait la France et n’avait pas pu résister à découvrir le Portugal, poussant le trajet jusqu’à l’Algarve. Il se prenait parfois pour Tom Cruise dans « Top Gun » et quand il roulait, il se moquait des limitations de vitesse. L’autre s’occuperait de les endosser.

*

Le rythme adopté par le couple était bien rodé : Le clone, cet autre lui-même qui n’était plus un inconnu, se rendait quotidiennement à la banque, enchaînait à sa place les heures de travail, les appels téléphoniques, les dossiers vertigineux, les déplacements d’affaires et le soir ou le week-end Éthan l’abandonnait pour sortir, aller au ski ou partir en voyage. Il ne s’absentait jamais plus de deux ou trois jours, soucieux que son double reprenne bien le boulot où il excellait. Éthan ne manquait pas non plus de surveiller son remplaçant car pour pouvoir continuer à profiter encore longtemps de la situation il fallait que tout fonctionne. Finalement, à part dormir dans le même lit, les deux hommes se voyaient peu et Éthan dévorait la vie, insouciant des lendemains.

Mais le bonheur est chose fragile, chacun le sait, et sans prévenir il peut s’éclipser. Les hommes s’habituent si facilement à être heureux ! Trop sans doute !

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Merci à toutes et à tous et à bientôt pour découvrir la suite !

AUDREY DEGAL


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PARAÎTRE OU DISPARAÎTRE (suite 1)

Chers lecteurs et chères lectrices,

Voici la suite de l’histoire « Paraître ou disparaître ». Le prochain épisode sera publié rapidement afin que vous n’attendiez pas trop longtemps.

Merci à celles et ceux qui se sont déplacés samedi 4/3/2023 lors du salon du livre de Sigean afin d’acheter mon dernier livre « Paroles de pierres » que j’ai pu leur dédicacer et qui en ont profité pour me dire aussi combien ils ont (je vous cite) « trouvé passionnants » « La Muraille des âmes » et « Le Manuscrit venu d’ailleurs ». Votre confiance, votre enthousiasme, votre déplacement pour me rencontrer m’a vraiment touchée.

A celles et ceux qui n’osent pas encore se procurer les romans d’une auteure non médiatisée, je vous invite à lire les commentaires des lecteurs, sur ce site, pour comprendre que vous adorerez me lire.

Agréable lecture !

Résumé épisode précédent :

Éthan est cadre dans une banque. Il voue sa vie au travail si bien qu’il n’a aucune vie personnelle. Il vit seul et toutes ses journées se ressemblent. La compétition entre collègues est rude et pour rester au top, il travaille de façon acharnée. Une nuit, alors qu’il est dans son lit, il sent quelque chose bouger à côté. Effrayé, il pense à se défendre et à ce moment il comprend qu’il s’agit d’un homme allongé, qui dort. Il s’empare d’une lampe, prêt à la jeter sur l’inconnu.

            La lampe alla se fracasser de l’autre côté du lit. Il avait manqué sa cible.

            — Non mais ça va pas ! T’es devenu fou ou quoi.

            L’inconnu se rebellait mais ne semblait ni être inquiet ni vouloir partir. Éthan saisit alors le radio-réveil qu’il avait repéré grâce aux chiffres fluorescents.

            — Foutez le camp ou j’appelle la police !

            Mais où avait-il posé son smartphone ? Dans l’affolement il n’arrivait plus à rassembler ses esprits ou à réfléchir. À court d’idées, il lança l’appareil qui pesait son poids en essayant cette fois de viser vers les oreillers pour atteindre sa cible.

            Le radio-réveil vola dans l’air avant d’atteindre la forme qui dormait dans le lit puis de rebondir pour finir pulvérisé sur le parquet.

            — Putain, t’es dingue. Tu m’as fait mal. Viens te recoucher, on s’occupera de tes conneries demain.

            Éthan se sentait alternativement fébrile, hésitant, paniqué, effrayé ou indécis face à cette situation incompréhensible.

            Comme ses yeux commençaient à s’habituer à l’obscurité, il finit par discerner une vague silhouette couchée en chien de fusil. Il la regarda, inquiet, perplexe et surtout désemparé d’autant que l’individu restait indifférent aux menaces. Son calme l’impressionnait.

            — Allez, recouche-toi Éthan, le pria-t-il sur un ton étonnamment tranquille, et puis remets la couverture en place. Il ne fait pas chaud !

            Ce n’était pas un rêve. Tout était bien réel et il faisait effectivement frais dans la chambre. D’ailleurs, Éthan commençait à grelotter. Pris d’une sensation de vertige, il crut vaciller. Ses jambes se dérobaient sous lui et il se retint de justesse au rebord de son lit pour ne pas tomber. Il prit plusieurs grandes inspirations pour recouvrer ses esprits et ses forces.

            — Il faut dormir, couche-toi, répéta l’étranger en tapotant les draps du plat de la main comme on appelle un animal auprès de soi.

Cette voix, cette façon de parler, Éthan les connaissait.

            Ce squatteur nocturne le connaissait, lui, puisqu’il l’appelait par son prénom. Par contre, Éthan ne parvenait pas à l’identifier. Qui donc était couché, là, dans son lit ? La question tournait en boucle dans sa tête.

            Comme le dormeur ne semblait pas vouloir déguerpir, le jeune homme quitta la chambre à pas de velours puis, une fois à la porte il la referma derrière lui et se précipita pour tenter d’appeler les secours. L’autre restait apparemment imperturbable. Rien ne semblait le déranger ou l’alarmer.

            Dans sa hâte, il renversa une bouteille de bière qui traînait depuis des jours, par terre, à côté du canapé. Sa hanche rencontra le coin de la table de la cuisine et son petit orteil droit heurta douloureusement le pied d’une chaise, lui arrachant de la peau, de la chair et un gémissement qu’il étouffa aussitôt.

            — Mais bonté, où est ce foutu téléphone ?

            Tel un aveugle, il avançait dans son appartement, les mains en avant, épousant le dessus de tous les meubles. Arrivé devant la télé murale, il sentit enfin sous ses doigts un objet rectangulaire, plat, fin et froid qu’il reconnut sans hésitation. Il tapota deux fois sur l’écran qui s’éclaira enfin. Quelques instants plus tard, il était en contact avec la police et après des explications confuses, son interlocuteur le rassura.

            — Surtout ne tentez rien. Je vous envoie quelqu’un au plus vite.

— Venez vite, c’est peut-être un détraqué !

— Nous allons vérifier mais en attendant, n’intervenez pas, restez calme ! On arrive.

            Pendant ce temps, l’inconnu aucunement perturbé s’était à nouveau assoupi.

            Alors qu’il raccrochait, Éthan consulta l’heure sur l’écran de son smartphone : 5 H 15.

            — C’est un cauchemar. Je vais forcément me réveiller.

            Il ferma les yeux, très fort, contracta tous les muscles de son visage et serra les poings comme si cette intense concentration pouvait lui permettre de retrouver immédiatement sa vie normale.

            En attendant et malgré l’étrangeté de la situation, il était moins tendu. Après tout l’inconnu n’était pas agressif. Peut-être s’agissait-il d’un voisin qui avait perdu la raison ou s’était trompé de palier et d’appartement et qui se croyait vraiment chez lui. Mais dans ce cas comment était-il entré ? Il pouvait aussi s’agir d’un malade qui avait fait une fixation sur lui, l’avait suivi jusque à son domicile et avait pénétré dans l’appartement sans qu’il s’en aperçoive. Pourtant Éthan ne se rappelait pas avoir laissé sa porte ouverte ne serait-ce qu’un instant. Cette hypothèse ne tenait pas la route ! Mais s’il échafaudait des théories aussi fumeuses  les unes que les autres, celle d’un pervers extrêmement sûr de lui s’imposa tout à coup. Dans ce cas, il serait la prochaine victime d’un sérial killer qui s’amusait avec lui avant de lui infliger les pires supplices. À cette idée, tout son corps se crispa, son cœur se mit à marteler sa poitrine tandis que des bouffées de chaleur et une sensation d’étouffement montaient risquant de le submerger s’il ne se ressaisissait pas rapidement. Tel un automate, il se dirigea vers le couloir et se réfugia dans un placard, loin de sa chambre. Jamais il n’aurait imaginé qu’il s’y cacherait et que ce lieu constituerait un refuge contre la menace. Il resta là, immobile, comme paralysé, coincé entre un balai, un aspirateur et une barre de penderie chargée de vêtements qui, pour l’occasion, faisait office de boucliers dérisoires. Si on lui avait dit, quelques jours plus tôt, qu’il serait en planque là-dedans, comme un voleur, il aurait ri, aurait plaisanté et n’en aurait pas cru un mot. Pourtant, il s’était bien enfermé volontairement dans ce placard, prisonnier de sa peur. Seul dans le noir, il se sentait impuissant et se demandait quand tout cela allait finir. Il s’efforça de rester silencieux et il attendit. Que faire d’autre ? La police finirait bien par arriver même si les minutes qui s’écoulaient lui semblaient durer des heures.

Alors qu’il prêtait attention au moindre petit bruit, des problèmes auxquels il n’avait pas pensé lui traversèrent l’esprit. La sonnerie, l’électricité  !…

            — Merde, jura-t-il tant cela le contrariait.

            Il venait de comprendre qu’il n’entendrait pas le bip de l’interphone puisque le courant était coupé. Il devait sortir du placard.

            Au moment de choisir son appartement, il avait opté pour un endroit spacieux. Après tout, il avait les moyens ! Mais aujourd’hui, il n’y voyait que des inconvénients. Le disjoncteur se trouvait à l’opposé du placard où il se trouvait, à l’autre extrémité du couloir.

            Sa pomme d’Adam fit un aller-retour bruyant lorsqu’il déglutit tout en faisant glisser la porte coulissante. Personne ! Décidément, l’autre dormait d’un sommeil paisible ! Il alluma son téléphone qui lui procura une douce lumière bleutée, suffisante pour se repérer. Au fur et à mesure, ses pas le rapprochaient de la chambre et il percevait de façon distincte une respiration lente et sereine. L’intrus dormait maintenant à poings fermés.

Parvenu proche de la porte d’entrée, il repéra le tableau électrique sur sa droite. Il ouvrit doucement la petite porte métallique qui le masquait mais hésita à pousser sur le bouton du disjoncteur. Et si une lumière éblouissante jaillissait dans la chambre et qu’elle réveillait l’inconnu ! C’était malheureusement un risque à prendre mais il était presque certain d’avoir tout éteint avant d’aller se coucher.

            Sous ses pieds nus, le sol était froid et ses pantoufles comme son peignoir lui manquèrent plus que jamais ! Il déposa son téléphone à même le sol pour frotter ses mains glacées l’une contre l’autre et se réchauffer. Puis, dans un élan éphémère de courage, il leva le bouton du disjoncteur avec le sentiment d’avoir pris une décision hors du commun comme s’il actionnait celui de la bombe atomique. Un léger « clac » retentit mais aucune lumière ne s’éclaira, ce qui lui arracha un soupir de soulagement.

            Pour ne pas avoir à retraverser le couloir et risquer de faire du bruit, il décida d’oublier son premier refuge, le placard qui l’avait accueilli, d’autant que la buanderie située juste derrière lui pouvait lui offrir un abri sommaire mais surtout moins étroit. Il y dégoterait bien des vêtements dans le sèche-linge pour se mettre quelque chose sur le dos.

            Toujours avec d’infinies précautions, il pénétra dans la pièce et alors qu’il allait refermer la porte après son passage, celle-ci lui échappa, claqua tandis qu’il resta avec la poignée orpheline dans une main. L’autre partie ainsi que le carré tombèrent à l’extérieur, dans le couloir, sur le carrelage dans un bruit métallique retentissant.

            — Merde ! jura-t-il. C’est pas vrai !

Depuis des semaines il se promettait de réparer la poignée récalcitrante mais il reportait sans cesse l’intervention. Cette nuit-là, il subissait les conséquences de son laxisme, désormais prisonnier de la buanderie, téléphone à l’extérieur.

Il pestait intérieurement, s’en voulait, se maudissait et piaffait de colère contre lui-même mais rien n’améliorait sa situation, bien au contraire.

            Une sonnerie retentit, qui le tira de cet énervement sans fin. Un dring, deux dring , trois dring . L’interphone ! La police ! Enfin elle arrivait ! À ce moment-là, une envie irrépressible de frapper sur n’importe quoi le saisit pour évacuer le trop-plein de tensions. Il venait de prendre conscience de l’absurdité de la situation et du fait qu’il ne pouvait ni répondre ni ouvrir à ses sauveurs.

            — Mais bon Dieu, tout se ligue contre moi ! s’agaça-t-il.

            Il chercha autour de lui un moyen de débloquer la porte. Il essaya d’abord d’introduire un stylo dans le trou prévu pour le carré et ainsi le faire tourner. Crac ! Sous la pression le plastique trop fragile se brisa et se répandit en miettes au sol. Il utilisa d’autres objets inadaptés, en vain. La porte restait close et lui enfermé.

Dehors, les policiers s’impatientaient et s’appesantissaient sur le bouton de l’interphone. Éthan se résigna et se contenta de tendre l’oreille mais seul le silence lui répondait.

Soudain, interpellé par un bruit de pas, il recula légèrement, baissa la tête et aperçut un rai de lumière jaillir. Le bas de la porte venait de s’’éclairer. Quelqu’un marchait dans le couloir en traînant les pieds. L’intrus s’était réveillé.

Il prit encore un peu de recul comme pour se protéger d’une intrusion violente puis il entendit parler. L’inconnu venait de décrocher le combiné.

La suite paraîtra très prochainement. En attendant invitez vos amis à lire sur ce site, voire à s’abonner pour ne manquer aucune publication.

A très bientôt,

AUDREY DEGAL


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L’ENVIE

L’ENVIE

 

J’ai toujours aimé le prénom de mon grand-père : Emmanuel. C’est moderne, avec un côté séducteur. Ma grand-mère s’appelait Marie. Joli prénom, divin, oserai-je dire !

Mais moi je m’appelle Bénédicte. Je déteste, vous vous en doutez ! Ça fait banal, ça fait vieux, ça fait… enfin, j’ai toujours exécré ce prénom. Pourtant j’ai fait avec, du moins pendant un certain temps. N’allez pas vous imaginer que j’ai changé de prénom en chemin ! Non, ce serait trop simple. Quel manque d’originalité ! Non, vous dis-je. J’ai eu une autre idée, un autre plan qui allait changer mon destin, qui l’a changé mais pas comme je l’imaginais !

 

            Je devais avoir deux ans. J’étais assise dans un bac à sable et mon seau a rencontré Maryline. Ou plutôt c’est elle qui s’en est emparé. Elle a aussi pris ma pelle et a fait des pâtés, de beaux pâtés, parfaitement moulés, mieux que les miens.

            Nos mamans s’appréciaient et nous nous sommes revues régulièrement. Maryline était gentille et nous sommes devenues comme deux sœurs. Elle partageait ses jouets avec moi, ses goûters avec moi, elle se privait même parfois, juste pour moi. Déjà, elle avait le cœur sur la main.

            Sur les bancs de l’école – enfin, il s’agit de chaises maintenant – nous étions assises à côté l’une de l’autre. Toujours ensemble aux récréations, mêmes jeux, mêmes copains mais pour célébrer les anniversaires c’était elle qu’on invitait la première. Moi aussi j’avais droit à mon carton mais parce que j’étais la meilleure amie de Maryline. Pas parce que j’étais moi.

            Au lycée rien n’a pas changé, pas plus qu’à la faculté et aujourd’hui, à 30 ans et des poussières ni elle ni moi ne sommes mariées. Pas le temps ! Nous sommes avocates. Je ne vous ferai pas l’offense de vous dire laquelle a le plus brillé à l’examen du barreau !

            Nous n’avons jamais habité très loin l’une de l’autre et quand nous nous donnions rendez-vous, j’arrivais systématiquement la première, juste pour voir approcher sa longue silhouette fendant l’air comme s’il la caressait. Elle avançait d’un pas à la fois assuré et nonchalant, accompagné d’un savant balancement des hanches qui la rendait encore plus désirable. Je l’étais moi aussi mais pas autant.

            Quand nous sortions le soir, ses mini-jupes mettaient en valeur ses jambes interminables, sculptées par la pratique du sport et tous les garçons la dévoraient du regard. Moi aussi, mais moins. Elle m’effaçait, comme si je n’étais qu’une esquisse sur la planche d’un dessinateur de B.D. Une gomme entre ses doigts et mes formes les plus voluptueuses disparaissaient tandis que de l’autre main il accentuait les siennes, à l’excès. Même Lara Croft aurait nourri des complexes à côté de Maryline, Maryline la femme bien réelle, Maryline qui jouait avec dextérité de l’adjectif « parfaite ».

            J’aurais pu être jalouse, vous vous en doutez ! Avouez que j’avais l’embarras du choix quant aux raisons. Eh bien non, cela ne m’a jamais effleurée. Je l’ai toujours trouvée belle, bien plus belle que moi, intelligente, bien plus intelligente que moi, brillante, bien plus brillante que moi jusqu’au moment où, sans me l’expliquer, je me suis sentie meurtrie, déchirée, dépossédée de moi-même.

            J’ai refusé de la voir pendant des jours, des semaines, des mois. Elle ne comprenait pas pourquoi, ni ce qui se passait. Comment lui dire que je souffrais de la voir si parfaite ? Oui, moi aussi je suis belle ! Oui, j’ai un QI au-dessus de la moyenne ! Non, je n’ai pas à me plaindre. Et pourtant ! Je suffoquais sous sa supériorité, sous sa beauté, sous elle.

            Alors comme on prend un train, un avion pour disparaître, pour tourner une page qui est restée trop longtemps figée, je me suis engouffrée dans une brèche et quelle brèche ! Un abîme insondable, l’antre d’un univers dont on peut ne jamais revenir.

*

            — Maryline, c’est Bénédicte !

            — Bénédicte ! Qu’est-ce qui t’est arrivé ?

            — Rien. On peut se voir ?

            — Évidemment. Mais avant promets-moi que tu ne me referas jamais une peur pareille. Je me suis fait un sang d’encre !

— J’avais simplement besoin de couper, de faire le point mais je vais bien !

            — Bon, tant mieux. Ce serait bien qu’on se voie pour en parler. Dis-moi où et quand, je m’arrangerai. Je suis tellement contente de t’avoir au téléphone !

            — Dans une heure si tu veux, rue de la Longe, au café Fred. J’ai quelque chose d’important à te dire.

            — J’y serai. À tout à l’heure. Bisous.

            Bien sûr j’arrive avant elle. Elle approche. Elle est vêtue d’un jean et d’un tee-shirt banal et pourtant elle ressemble à un top-modèle en plus charnel. Encore une fois, elle rayonne. Moi, je porte un petit tailleur cintré de la marque Chanel qui, c’est vrai, me met en valeur. Enfin, ce serait le cas si elle n’était pas à mes côtés.

            Elle se penche vers moi pour m’embrasser et aussitôt elle capte tous les regards. À cet instant précis, je n’existe plus, je disparais. Un garçon prend la commande. La sienne d’abord, la mienne après et dès qu’il s’éloigne elle me dit :

            — Si tu savais ! Comme tu ne répondais plus, je me suis fait plein de scénarios.

            Elle croise, décroise ses jambes, passe sa main dans ses longs cheveux ondulés. Je me demande si elle n’est pas encore plus belle que la dernière fois. Je lui dis qu’on parlera plus tard de mon absence, que j’ai quelque chose d’important à lui demander. Elle n’insiste pas, me regarde droit dans les yeux et ajoute :

            — Pas de problème !

            — Ce que j’ai à te dire est particulier, tu sais !

            Elle fronce les sourcils mais même cette expression la sublime. Je me lance. Je dois le lui demander, je suis venue pour ça.

            — Si tu pouvais devenir moi et que moi je pouvais prendre ta place, tu accepterais ?

            Elle sourit, amusée. Elle ne s’attendait probablement à ce que je lui dise cela.

            — Oui, on est toutes les deux avocates même si tu gagnes un peu moins que moi, ironise-t-elle.

            — Je ne parle pas de ça ! Si je pouvais me glisser dans ta peau, vivre ta vie, être toi tandis que tu vivrais la mienne…

            — Ah, je comprends. Mais c’est impossible !

            Elle rit, à la fois sincère et perplexe. J’insiste.

            — Machiavel a dit : « Rien n’est impossible à qui veut fermement. » Alors, tu accepterais ?

            — Machiavel c’était en 1515 et ceci ne peut pas arriver. En plus, je ne vois pas pourquoi tu voudrais changer ta vie pour la mienne ! On sait ce que l’on perd mais pas toujours ce que l’on gagne ! Je trouve que tu es bizarre.

            — Drôle d’idée ou pas, c’est oui ou c’est non ?

            Elle réfléchit et finit par dire :

            — Oui, pourquoi pas mais je ne suis pas sûre que tu gagnerais au change.

            Le garçon dépose son verre de whisky sur la table, devant elle, avec un biscuit, un carré de chocolat noir à 90 % et une petite serviette. Il laisse pour moi une vodka orange, sans rien d’autre. Je crois qu’il a oublié l’accompagnement. Ah si, il me tend quelque chose : la note. Je ne dis rien. J’ai l’habitude.

            Maryline ne s’est pas aperçue de la joie qui s’est emparée de moi quand elle a dit oui. J’ai vaguement souri, j’ai prié intérieurement mais elle ne peut pas le savoir. Lorsque nous nous sommes quittées, elle a ajouté :

            — Et ce serait pour toujours bien sûr !

            C’est curieux qu’elle en ait reparlé ! Elle m’a embrassée avec la promesse de me revoir très vite puis elle a disparu dans son coupé bleu avant de tourner à l’angle de la rue en faisant légèrement crisser ses pneus sur le bitume.

            Je repense à tout ça : et si c’était possible ! C’est ridicule, inutile de me torturer. Je sors un billet que je pose sur la table, je me lève et je pars sans attendre la monnaie.

            Je cherche ma voiture des yeux. Elle n’est nulle part. Pourtant je suis certaine de m’être garée devant cet hôtel dont l’enseigne abimée clignote. Je me rappelle aussi l’employé qui fumait sur le pas de la porte, enfin je crois. Ou alors c’était ailleurs. Mon esprit se brouille, ma tête tourne, je crois que je vais tomber, je chancelle et je finis par m’effondrer sur le trottoir.

 

La suite de cette nouvelle à suspense très bientôt. En attendant je vous prépare aussi quelques résumés des nombreux livres que j’ai lu et certains étaient passionnants. 

N’hésitez pas non plus à partager cet article et ce site et à lire mes romans déjà publiés (voir en page d’accueil) car le prochain, LE MANUSCRIT VENU D’AILLEURS ARRIVE très bientôt. Si vous êtes abonnés à ce site vous en serez informés. Avant sa sortie, je vous glisserai les premières pages, celles du premier chapitre, qui ne manqueront pas de vous intéresser. 

Merci de votre fidélité.

PASSEZ UN TRES BEL ETE.

AUDREY DEGAL

 


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LA DEMOISELLE INACHEVEE, 1ère partie

La Demoiselle inachevée

— Joyeux anniversaire, joyeux anniversaire, joyeux anniversaire Mathilde, joyeux anniversaire !

Dès les dernières notes fredonnées, elle avait soufflé les bougies érigées comme des tourelles sur un château de la Renaissance. Les trente flèches dressées fièrement vers le plafond de la salle louée pour l’occasion s’étaient éteintes au même moment et on avait rallumé les lumières pour apporter les cadeaux.

Mathilde souriait. Elle ne s’attendait pas à tant d’attention de la part de ses amis surtout depuis… Non ! Elle refusait d’y penser. C’était un jour de joie à savourer auprès de ceux qui la chérissaient.

Devant elle, des montagnes de paquets colorés, des grands, des petits. Elle s’en approcha et releva les pans de sa robe de cocktail pour mieux avancer. Le sol était glissant, ses talons trop hauts et elle avait l’impression de marcher sur des œufs.

— Je ne sais par lequel commencer, lança-t-elle tandis que tous les regards se braquaient sur sa personne.

— Prends n’importe lequel ! suggéra Noé.

La jeune femme en souleva un dans ses mains. Il paraissait léger. Elle en soupesa un second. Il aurait rivalisé avec une plume. Elle se fraya un passage parmi les paquets empilés pour en attraper un autre, bien plus gros. Son poids était infime.

— À quoi est-ce que vous jouez ? Je parie qu’il y a anguille sous roche !

— Et tu vas nous la cuisiner ! renchérit Denis selon son habitude.

Mathilde se doutait que cette mise en scène cachait un stratagème élaboré. Elle soupesa encore quelques paquets. Ils paraissaient tout aussi vides. Doucement, elle se mit à les écarter et, au bout de quelques minutes, elle repéra une minuscule boîte qui attendait, docilement, sous une cloche transparente. Elle s’en empara cérémonieusement comme d’un objet mystique. Elle l’ouvrit et sortit un papier plié, déposé dans un écrin de velours bordeaux. Elle le déplia et lut :

« Mathilde Delacour, à ce jour, vous êtes l’heureuse propriétaire de l’annexe située 12 place de la République où vous pourrez ouvrir votre pâtisserie chocolaterie ».

Émue aux larmes, elle faillit vaciller mais se surprit à sourire à ceux qui l’entouraient et qui lui offraient ce local.

— Le gâteau ! réclamèrent les convives à l’unisson.

 Mathilde remercia ses amis puis, d’un revers de la main, elle essuya les perles d’eau salée qui glissaient le long de ses joues. Elle prit le couteau et la pelle qu’on lui tendait et découpa précautionneusement la pièce montée.

 Elle avait toujours été d’une gourmandise absolue et tout en s’interrogeant à propos des cadeaux, elle n’avait pu s’empêcher de dévorer des yeux ce dessert qui l’attendait. Ses proches l’avaient choisi en fonction de son goût immodéré pour le chocolat, la ganache, les macarons, les calissons et le nougat. Ils voulaient la combler. Elle en avait besoin. Tous le savaient. Elle avait servi les autres et s’était servie, resservie, copieusement, trop peut-être. Il était cinq heures du matin quand Noé la raccompagna chez elle, dans sa grande maison vide.

— Des projets pour demain ? lui demanda-t-il.

— Pour l’instant, prendre un bon bain et dormir. Le reste, je verrai après.

 La voiture de sport l’abandonna sur le perron, fit demi-tour sur le gravier de la cour intérieure et disparut dans la nuit.

 Dix minutes plus tard, Mathilde se posta devant sa chaîne hi-fi pour la programmer. Si elle appréciait à l’excès la bonne chair, la jeune femme était aussi friande de musique. Des mélodies classiques en passant par le rock, elle aimait tout. Il était impensable pour elle d’entendre un air sans se le procurer aussitôt. Elle ne comptait plus ses soirées passées dans les auditoriums à se délecter des plus célèbres symphonies ni celles consacrées à scruter la toile pour dénicher le dernier concert des groupes qu’elle adorait. De Rome en Italie en passant par Reykjavik en Islande, Oslo en Norvège ou encore Los Angeles aux États-Unis, elle voulait s’imprégner, jusque dans ses gênes, de ces ambiances dont elle raffolait, de ces notes suaves, revigorantes et exceptionnelles qui flattaient son esprit autant que le chocolat son palais. Dans la vie, Mathilde se régalait de tout !

 Et cela se voyait. Elle avait fait installer son jacuzzi dans une pièce totalement dédiée à la détente. Sur les murs, des miroirs, témoins muets, lui donnaient l’impression qu’elle était entourée du monde qui lui manquait. Mais ce n’était pas le seul message silencieux qu’ils délivraient. Incapables de mentir, lorsqu’elle s’y reflétait, ils lui assénaient toujours le même leitmotiv : « gourmande que tu es ! Tu as encore grossi ! ».

 Ce soir-là, plus encore que les autres, ces surfaces froides et insensibles ne cessaient de lui répéter qu’elle avait trop profité de ce copieux repas comme des précédents. Ses joues chantaient sa gourmandise. Ses épaules moelleuses racontaient la richesse des entrées qu’elle avait appréciées. Sa taille lui répétait que la sauce forestière qui accompagnait la viande était une réussite tandis que ses hanches, pourvues de poignées d’amour inutilisées, fredonnaient une litanie faite de magrets de canards, de pommes de terre rissolées et de délicates bouchées au foie gras. Enfin, ses cuisses rondes grignotées par des îlots de cellulite étaient à elles seules un hommage aux métiers de bouche, à leur savoir-faire inépuisable et à leurs secrets.

 Mathilde prit un des objets qui reposait, parmi d’autres, sur les rebords du SPA et le lança violemment en direction des miroirs. Plusieurs se brisèrent, démultipliant désormais au sol sa silhouette qui s’y reflétait désespérément.

 — Je vous hais ! lança Mathilde.

 Je me hais ! pensa-t-elle, le regard mauvais.

Qu’y pouvait-elle ? À la tête de la plus prestigieuse table de la ville, elle se donnait corps et âme à ce qui se mangeait. Et ce soir-là, ses proches venaient de lui offrir une extension de son activité.

Elle avait menti en prétendant qu’elle ne pouvait se l’offrir, prétextant qu’il lui manquait toujours quelques deniers, qu’elle avait fait de mauvais placements en bourse… En fait, elle tentait de résister. Et voilà que ceux qui l’avaient toujours soutenue, lui apportaient sur un plateau l’annexe tant espérée, l’annexe tant redoutée. Ils avaient probablement emprunté pour elle. Ils voulaient la combler, lui permettre d’oublier, lui ouvrir de nouvelles perspectives…

  Plongée dans le bain chaud, dont les bulles masquaient son corps, elle s’imaginait concoctant ses plus prodigieux entremets : son 2000-feuilles souvent copié, jamais égalé, son Absolu citron meringué qui lui avait permis d’être remarquée, sa Banquise au caramel et beurre salé qui l’avait consacrée… Pour réussir, pour innover, pour créer il lui fallait impérativement être gourmande. Et elle l’était. Seul un « hélas » était venu s’ajouter, lancinant, impoli, agressif mais tu par nécessité.

 Un lit immense l’accueillit finalement au petit matin. Elle s’y réfugia, enveloppée dans son peignoir encore humide qu’elle avait refusé de quitter. Le visage poupin immergé dans son oreiller de soie, elle avait pleuré avant de sombrer dans des rêves sombres et peut-être prémonitoires. Elle se voyait à la tête de sa nouvelle enseigne « Mathilde Delacour, pâtissier-chocolatier », rivalisant avec les plus grands : Fauchon, Peltier ou Larher. En devanture, une queue sans fin de gourmands, jamais rassasiés, tenait davantage du boa constrictor. Le serpent, crocs sortis, voulait l’avaler. Puis cette vision cauchemardesque déboucha sur une nouvelle, encore plus angoissante. Les clients, qui entraient dans sa pâtisserie, étaient des gloutons qui se goinfraient de façon anarchique et n’appréciaient rien. Comme ils souffraient d’agueusie, ils saccageaient sa boutique et avant de partir, ils l’obligeaient à finir leurs restes. Aucune trace de leur passage ne devait subsister. Elle se mettait ensuite à grossir et à gonfler à tel point qu’elle était obligée de sortir. Une fois dehors, elle s’envolait, comme un ballon de baudruche rempli d’hélium et finissait par éclater.

Elle se réveilla en sueur, persuadée que ces songes étaient des présages et qu’ils contenaient implicitement des conseils avisés : elle devait maîtriser sa gourmandise ! Facile à dire mais difficile à appliquer !

A suivre…

Merci pour votre fidélité. 

Vous trouverez en page d’accueil toutes les références de mes livres que vous pouvez vous procurer en ebook ou en livre papier. 

Audrey Degal


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SEVEN SISTERS

Je vous avais promis de publier rapidement la suite de mon histoire à suspens « Paroles de pierre » mais j’ai dû m’emparer de mon clavier pour vous parler du dernier film que je suis allée voir au cinéma. Pourquoi ? Parce que je vous recommande plus que vivement d’aller le voir et que, comme il est déjà à l’affiche depuis un moment, il risque de disparaître des écrans, et vous de le rater. Ce serait vraiment dommag. ! En effet, si la critique ne lui a pas réservé un accueil des plus chaleureux, le public souvent bien plus éclairé que cette dernière, a su reconnaître dans ce thriller de science-fiction un excellent film car c’est le cas.

En résumé, je vous dirais volontiers que j’aurais aimé avoir eu cette idée et en écrire  l’histoire qui est d’une originalité folle. Le film progresse en un crescendo brillamment orchestré et joue parfois avec l’humour, souvent avec le mystère, les fausses pistes… pour atteindre un paroxysme que je n’ai pas su anticipé tant je n’ai pas vu passer les 2 heures dans mon fauteuil. Bravo à Tommy Wirkola pour tant de virtuosité.

Les acteurs, notamment l’actrice principale, Noomi Rapace campe magnifiquement bien les 7 personnages qu’elle joue et pour certains d’entre eux, je me suis demandé s’il ne s’agissait pas de quelqu’un lui ressemblant tant la différence était bluffante (différence quant à la corpulence, le maintien, l’interprétation, le jeu…). J’avais eu l’occasion de la voir jouer dans la célèbre série « Millénium », tirée du livre du même nom (mais les livres sont meilleurs, comme souvent et je vous recommande la lecture de la trilogie !). J’ai pu apprécier son jeu d’actrice car elle est juste, percutante, efficace, sensuelle… Bref elle s’adapte somptueusement aux exigences de son personnage, ce qui n’est pas donné à tous les acteurs. Belle prestation donc. Glenn Close, dans le rôle de la méchante est moins surprenante. Il est vrai que lorsqu’on l’a déjà vue dans « Liaison fatale » (si je ne me trompe pas de titre), on est un peu habitué à ce qu’elle campe ce type de personnage.

L’histoire : 

Dans un futur proche, la Terre est surpeuplée , situation qui oblige les autorités à prendre des dispositions. On autorise un seul enfant par couple. En cas de naissances multiples, les autres enfants sont placés en hibernation dans le but d’être éventuellement réveillés lorsque la vie sera plus propice. Or, une jeune femme accouche de 7 enfants, 7 filles et meurt aussitôt après, confiant sa progéniture à son père qui a anticipé ces naissances multiples en ayant recours à une clinique privée. Il souhaite garder les 7 filles et se propose de les élever. 

Bien entendu leur existence doit rester secrète. Il les éduque et puisqu’elles se ressemblent, il décide de leur octroyer un prénom correspondant aux 7 jours de la semaine. Ainsi, devenues plus grandes, lundi sortira le jour correspondant à son prénom, mardi aussi… ainsi de suite. Mais ce qui arrive à l’une d’entre elle a des répercussions sur toutes les autres. Aussi, quand l’une désobéit et se blesse, perdant un doigt, le grand-père est contraint de mutiler les 6 autres. Décidément, la vie ne leur fait pas de cadeaux !

Le temps passe, le grand-père n’est plus et les jeunes femmes travaillent dans une banque. Chaque soir, elles prennent soin de dévoiler aux autres ce qu’a été leur journée pour éviter toute erreur et palier aux difficultés liées aux multiples contrôles d’identité quotidiens. Seulement voilà : Lundi sort travailler comme d’habitude, rencontre des problèmes avec un de ses collègues au sujet d’une promotion que tous les deux convoitent et le soir-même, elle ne rentre pas chez elle. Pourquoi ? Que lui est-il arrivé ? Comment les 6 autres soeurs vont-elles procéder pour la retrouver et à quoi vont-elles se heurter ? Tout l’intérêt du film réside dans ces questions que je me garde bien d’éclaircir afin de ne pas vous priver du plaisir de voir ce film, ce bijou comme il y en a peu. 

Voilà pour cet article, je vous laisse à présent et je ne vais pas tarder à publier la suite de « Paroles de pierre ». Elle est déjà écrite mais je la corrige inlassablement. 

Pensez aussi à mes livres, notamment le dernier, un thriller policier de 384 pages que vous pouvez commander sur internet ou en librairie, « LA MURAILLE DES ÂMES« , que les lecteurs disent dévorer en à peine 2 jours tant il est prenant ! Merci de votre fidélité et de votre confiance et à très bientôt !

Audrey Degal


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PAROLES DE PIERRES

PAROLES DE PIERRES

        Je rappelle enfin la sortie de mon dernier roman, un thriller policier, LA MURAILLE DES ÂMES, Audrey Degal, que vous pouvez vous procurer partout, même à l’étanger ou en cliquant ici :                                                                                                                                Pour commander « La Muraille des âmes » CLIQUEZ ICI

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   « Tous les silences ne font pas le même bruit », Baptiste Beaulieu.

           

          Il était tôt, ce matin-là, quand un camion de chantier s’arrêta sur le parking de la toute nouvelle piscine implantée sur la ville de Brignais. Il s’agissait du centre aquatique intercommunal concernant aussi les villes de Chaponost, Millery, Montagny et Vourles, baptisé « Aquagaron ». Il avait pour vocation de créer un espace de détente privilégié.

          Ce serait un espace de détente mais pas au sens où la population l’entendait, pas au sens premier du mot, pas au sens de la quiétude. Le centre aquatique allait se révéler dans une dimension que nul n’aurait jamais imaginée.

          Deux ouvriers descendirent du véhicule et l’un d’eux commença à décharger des matériaux : sacs de ciment, parpaings, truelles… L’autre se dirigea vers le bâtiment moderne récemment inauguré mais déjà en activité. Une fois à l’intérieur, il héla un employé qui se trouvait là.

            — Bonjour ! Nous venons pour les travaux au niveau des vestiaires.

            — Bonjour ! On m’avait prévenu de votre arrivée

            — Très bien. Je vais aider mon collègue à approcher le diable. C’est assez lourd !

            — Le diable dites-vous ?

            Le visage de l’employé venait de se liquéfier.

            — Oui, le diable, répéta l’ouvrier surpris de la réaction de son interlocuteur. Enfin le diable, ce chariot à deux roues qui sert à tout, notamment à transporter les chargements très lourds sans se casser le dos. Le diable. Vous comprenez ?

            — Oui, oui, je comprends, répondit le néophyte remis de sa frayeur. Allez-y ! Je vous attends.

            L’ouvrier s’amusa intérieurement de sa réaction excessive. D’autant que l’homme parut rester absorbé dans ses réflexions.

            Il sortit finalement et fit signe au jeune homme d’avancer mais ce dernier ne bougeait pas. Il s’était assis sur le repose pied du camion. Il attendait.

            — Qu’est-ce que fait ? Tu n’as pas vu que je t’appelais. Bouge-toi ! On a du boulot !

            — Je te rappelle que je ne devais pas être là aujourd’hui. Je ne fais que remplacer Manu.

            — Je sais mais tu ne crois pas que je vais faire le travail tout seul. Remplacer Manu signifie que tu dois m’aider. Lève-toi !

            L’autre paraissait embarrassé. Il ne bougeait pas, les coudes sur les genoux, la tête baissée comme une élève puni, pris sur le fait.

            — Bonté Loris, l’heure tourne et on a d’autres chantiers. Tire le diable, je vais t’aider, fit-il repensant toujours à l’attitude surprenante de l’employé.

            — Apparemment tu n’es pas au courant !

            — Mais de quoi tu parles ?

            Le jeune homme leva les yeux vers lui et, le regard inquiet il ajouta :

            — Tu ne sais pas !

            — Je ne sais qu’une chose : tu m’énerves ! Nous devrions déjà être en train de travailler !

            — Tu n’as pas entendu parler des…

            L’employé de mairie qui s’impatientait venait de sortir du bâtiment. Il interrompit leur conversation.

            — Messieurs !

            Deux visages se tournèrent aussitôt vers lui. Alfred bascula le diable sur ses puissantes roues et commença à le pousser. Il jeta un œil noir à Loris qui comprit qu’il n’avait pas le choix. Il se redressa pour aider son collègue, contraint et forcé.

            Un instant plus tard, le réceptionniste invita les deux ouvriers à le suivre. Ils laissèrent les matériaux devant une rampe d’accès extérieure. Ils reviendraient les chercher plus tard.

            Par la grande baie vitrée qui donnait sur les bassins, les deux visiteurs purent admirer le complexe sportif. Ils étaient fascinés par l’endroit, presque envoûtés. Il était lumineux, végétalisé et particulièrement agréable. L’infrastructure était une réussite. Les eaux bleues, qui capturaient par endroits la lumière du ciel, étaient une invitation au bien-être.

          Mais pour les deux compères, la semaine de travail commençait à peine. Elle serait longue et particulièrement laborieuse.

          Ils quittèrent donc le hall d’entrée. Leur hôte les guida à l’étage inférieur, jusque devant une série de portes. Plusieurs vestiaires collectifs réservés aux clubs de natation et aux élèves des établissements scolaires environnants se succédaient. Pour les distinguer on avait octroyé à chacun des couleurs différentes, jaune, vert, bleu, qui correspondaient aux tons du totem de la ville.

            — Voilà, nous y sommes ! Quelque chose ne va pas ? ajouta-t-il remarquant que l’un d’eux semblait soucieux.

            — Non, s’empressa de rétorquer Alfred. Quelle est la porte concernée ? Ah, il nous faudra aussi une arrivée d’eau.

            — Ce n’est pas ce qui manque, ironisa l’employé, mais je vais vous indiquer un point où vous pourrez vous brancher. Tenez, regardez ! Vous voyez là-bas, derrière le poteau orange ? Eh bien vous trouverez un robinet.

            Loris, légèrement en retrait, se contentait d’écouter.

            — Je vous laisse à présent ! Appelez-moi dès que ce sera fini.

            Leur guide tourna les talons et commença à s’éloigner.

            — Attendez, vous êtes bien pressé ! Et pour la porte ? demanda Alfred.

            L’autre s’arrêta immédiatement, sans songer un instant à revenir sur ses pas. Il semblait à nouveau inquiet et sur le point de prendre la fuite. De loin, il se décida enfin à répondre :

          — La porte, oui, bien sûr ! Il s’agit de celle qui porte le numéro 7.

            Il la désigna du doigt, sans oser s’avancer.

            — On peut entrer pour voir ?

            — Voir quoi ? se durcit-il soudain. Il n’y a rien à voir.

            — Ne vous fâchez pas monsieur. C’est juste qu’avant de commencer les travaux, nous devons tout de même vérifier la stabilité de l’encadrement, du support et nous avons besoin d’accéder aux deux côtés de la cloison.

            — Oui, bien sûr, répondit l’employé toujours à bonne distance..

          — Et puis il ne faudrait pas emmurer quelqu’un là-dedans ! plaisanta Alfred afin de détendre l’atmosphère.

          À sa mine, l’ouvrier comprit que le réceptionniste n’avait pas apprécié sa remarque. L’homme croisa les bras, tapota du pied le sol carrelé et dit :

          — Est-ce que ce sera tout ? Parce que j’ai du travail moi ! Je dois remonter à l’accueil.

Sa réponse cinglante clôtura le débat.

          — Dans deux heures le mur sera terminé, affirma Alfred.

            — Bon ! À tout à l’heure !

            Il fit demi-tour, pressé de remonter. Mais arrivé au bas des marches d’escaliers, il comprit qu’il n’en avait pas fini avec les deux ouvriers.

            — Avant de vous sauver, pourriez-vous ouvrir la porte s’il vous plaît ? Elle est fermée à clé.

            L’employé de la municipalité s’immobilisa pour la seconde fois, visiblement très agacé. Il sortit un trousseau de la poche de son pantalon, passa en revue plusieurs sésames, sortit la clé concernée de l’anneau qui la retenait. Elle portait le numéro 7.

            — Vous n’avez qu’à venir la chercher. Je la laisse là, déclara-t-il avant de gravir les quelques marches à la hâte et de disparaître.

            Alfred ne comprenait pas pourquoi son interlocuteur n’avait pas rebroussé chemin pour la leur donner. La clé les attendait sur un petit rebord. Elle brillait légèrement.

            — Quel drôle d’hurluberlu ce gars ! Allez zou, va la chercher !

            Loris obtempéra et, les mains dans les poches, il revint quelques secondes après avec l’objet.

            — Ouvre !

            — Pourquoi moi ? intervint le jeune homme.

            — Écoute mon p’tit gars. On a déjà perdu suffisamment de temps alors ou tu ouvres cette porte ou je signale au patron ton refus de travailler. Choisis !

          Loris regarda la clé qui dormait dans le creux de sa main. Il fixa le petit panneau collé au beau milieu de la porte : vestiaire 7. Il considéra longuement Alfred qui s’imagina un instant qu’il allait lui dire : « C’est toi qui l’auras voulu ! ». Il inséra avec la plus grande délicatesse la clé dans la serrure et, presque solennellement, il la tourna, les yeux rivés sur chaque geste qu’il faisait.

          — Allons, dépêche-toi ! On n’a pas que ça à faire !

          Lorsqu’il entendit le petit « clic » Loris lâcha la clé et recula précipitamment de plusieurs pas sous les yeux ébahis de son collègue.

            — Voilà, c’est fait ! dit-il, en s’écartant davantage, comme si une bête sauvage allait surgir de la pièce.

            Dans son for intérieur, Loris aurait voulu détaler mais toute fuite était impossible. Alfred n’avait pas la moindre idée de la peur qu’il ressentait.

La suite de cette histoire, sous peu. 

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Bonne lecture à toutes et à tous et à très bientôt !

Audrey Degal

 


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LA GRANDE MURAILLE

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Film à grand spectacle, LA GRANDE MURAILLE, avec en acteur vedette Matt Damon, avait bien des promesses à tenir.

Alors je dirais aujourd’hui, pour l’avoir vu : promesses partiellement tenues.

L’histoire :

Deux hommes sont poursuivis dans une contrée désertique chinoise et arrivent subitement au pied d’une gigantesque muraille. Ils n’ont pas le choix et y entrent. Là, on voudrait les exécuter mais l’un d’entre eux a un objet qui intrigue les résidents de la muraille (car la muraille n’est pas un mur mais un lieu d’habitation pour les soldats). La nuit précédente, il a été attaqué par une créature étrange à laquelle il a coupé une patte. On comprend dès lors que l’objectif auquel répond cette Muraille est la protection contre les attaques des ennemis et notamment de créatures effrayantes. Lors du premier assaut de celles-ci, le héros, Matt Damon, parvient à se délivrer et, au lieu de fuir, il prête main forte aux Chinois engagés dans une lutte terrible et sans merci. La femme qui commande le bataillon de cette partie de la muraille, apprécie son art du combat. De son côté, lui est ébloui par les techniques de défense qui sont déployées et surtout par la « poudre noire » qu’il est venue chercher en Chine. Tandis que son compagnon cherche par tous les moyens à voler cette poudre et à quitter la Muraille, le héros est tiraillé entre deux pôles : cette poudre explosive et la bataille. Finalement, il choisit de rester. Grandeur d’âme du personnage principal oblige. 

Comme d’habitude, je ne vous dévoilerai pas la fin pour ne pas vous priver de l’intérêt du film. 

J’ai particulièrement aimé la Muraille (mon dernier roman LA MURAILLE DES ÂMES déroule son action là-bas mais en un autre temps, au XXe siècle. J’avais donc un regard particulier envers ce film). Ainsi filmée, elle est grandiose et spectaculaire. Spectaculaires aussi sont les attaques et plus particulièrement le système de défense chinois. Fort bien imaginé ! 

L’intrigue quant à elle est banale mais le film se laisse voir. 

La fin m’a en revanche déçue. Non qu’elle soit inintéressante mais je l’ai trouvée facile. Pour ne pas trop vous en révéler, je dirais simplement que se débarrasser de l’élément principal pour que tout cesse, j’aurais aimé quelque chose de plus déroutant, de moins convenu. Cela résonne comme du déjà vu.

En conclusion, l’intérêt de ce film réside dans ses images, dans cette muraille impressionnante, et de ce côté on ne peut pas être déçu. C’est grandiose, les images sont parfaites. 

Ce film a déjà quitté les écrans de certaines salles, mais vous pourrez le voir en DVD. Privilégiez dans ce cas un grand écran. 

*******

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Vous aimez lire, procurez-vous mes livres et notamment le dernier, un thriller policier de 384 pages, « LA MURAILLE DES ÂMES ». En librairie, même à l’étranger, donnez le titre, mon nom d’auteur, AUDREY DEGAL, éditions BoD, pour le commander en livre papier. Il est également disponible en ebook. à prix cassé pendant 4 semaines seulement. Résumé et extrait en page d’accueil du site.

 

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Merci, bonne lecture et bon films,

Le prochain article sera une nouvelle histoire. Un peu de patience !

Audrey Degal.


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PASSENGERS

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J’ai vu ce film la semaine dernière, et j’avoue que j’étais dubitative quant à la qualité de l’intrigue et à l’intérêt de cette histoire spatiale. J’avais lu, comme beaucoup d’entre nous, quelques critiques parfois peu enthousiastes pour ce nouveau film où l’on retrouve notamment l’actrice, Jennifer Lawrence que j’ai personnellement découverte dans la trilogie « Hunger Games « . Ceci m’amène à dire : ne vous fiez pas nécessairement aux critiques ! Voici pourquoi :

Je lisais qu’il s’agissait d’une aventure spatiale au cours de laquelle deux personnes se réveillent, alors que ce n’était pas prévu, à bord d’un vaisseau. Elle ne devaient être réanimées qu’une fois arrivées à destination. Hasard ? Quelle pouvait être l’autre hypothèse ? Je m’attendais donc à ce qu’une entité, une force… ait réveillé les protagonistes qui se retrouvent contraints de lutter pour leur survie.

Finalement, j’ai découvert un film bien différent et finalement passionnant. En effet, la virtuosité de ce coup de maître réside dans le crescendo incontestable qui accompagne ce film  et vous rend perplexe, curieux, à l’écoute… Ce n’est pas « La Guerre des étoiles » : pas de multiples vaisseaux, de méchants, pas de combats inter-stellaires… Rien de tout cela ! En revanche, le spectateur est immergé dans un huis-clos  d’autant plus inquiétant qu’il est vaste, car le vaisseau est aussi immense que magnifique, vaisseau lui-même perdu dans l’infini déconcertant et fascinant de l’univers.

Contrairement à ce à quoi je m’attendais et qui était annoncé, ce ne sont pas 2 passagers qui se réveillent par hasard mais 1 seul. Belle différence, signifiante de surcroît ! Eh oui, car se retrouver seul, à bord d’un vaisseau hors normes, quand les autres 5000 passagers et plus de 200 membres d’équipage dorment, avouez qu’il y a vraiment de quoi être dérouté dans un premier temps, inquiet dans un second, tenté par le suicide lié à la solitude en fin de compte. Or, c’est ce qui arrive à Jim, qui sombre peu à peu dans une détresse qu’il estime sans retour. Seul parmi nombre d’humains endormis, alors que l’ordinateur lui annonce une arrivée sur la planète prévue 90 ans plus tard, comment ne pas craquer et souhaiter mourir. Car, être seul et disposer de presque tout à bord de ce lieu étonnant, ce n’est drôle qu’un très court moment.

Mais voilà, il croise le caisson d’hibernation où dort la belle Aurora. Cas de conscience : s’il la réveille, il ne sera plus seul mais il la condamnera inéluctablement à vieillir et à mourir avant l’arrivée sur la Terre promise. S’il choisit de la laisser dormir, il ne supportera jamais cette condamnation à la solitude. Dilemme cornélien, vous en conviendrez ! Que fera-t-il ? Eh bien, je ne vous le dirai pas. 

Vous croyez détenir la solution ? Pas nécessairement, car nous croisons 4 personnages dans ce film : Jim, Aurora, Arthur et Gus. 

Le mystère ne repose pas, comme pourraient le laisser croire les critiques ou le résumé, sur l’origine du réveil de certains mais plutôt sur la façon dont l’homme peut survivre, confronté à la même perspective que ce personnage, la condamnation à la solitude. La vie est parsemée de choix qui façonnent le destin de chacun. Jim fera l’un de ces choix, Aurora en fera un autre. Lesquels ? 

La tension montre progressivement dans ce film et de très belles images de l’espace font rêver le spectateur, comme celles de rupture d’apesanteur. Et la piscine… vous voudrez forcément vous y baigner.  Pour cela, poussez la porte du cinéma le plus proche avant que le film ne disparaisse des écrans, sinon vous pourrez vous le procurer en DVD, pour passer un bon moment. Il n’a pas fait un tabac au niveau des critiques et ne restera plus très longtemps à l’affiche. Il sera vite oublié, au profit d’autres productions plus médiatisées mais pas forcément plus intéressantes. A vous de voir ! 

Passez d’agréables moments sur ce site. N’hésitez pas à commenter, à lire mes récits voire à acheter mes livres, référencés en page d’accueil. 

Songez à vous abonner et merci de votre visite.

Audrey Degal


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DONNE-MOI LA MAIN, fin

4ème partie (fin)

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Résumé des épisodes précédents : Lola est seule avec ses deux garçons depuis que son mari l’a quittée. Elle finit par rencontrer Gabriel qui se montre doux avec elle et se projette dans l’avenir. Alors qu’ils viennent de s’installer ensemble, il lui révèle la vérité : il est toujours en relation avec une autre femme, il a acheté une maison avec elle et il envisage de laisser Lola pour retourner à ses côtés. Lola s’en relèvera-t-elle ?

*

— Maman, c’est Lola.

Dans sa voix, on sent tout le poids des derniers jours passés à espérer.

— Maman, c’est fini, on se sépare, il retourne avec l’autre. Il va vivre avec elle, il veut avoir des enfants… Maman, c’est horrible ! Pourquoi est-ce qu’il m’a fait ça ? Je l’aime ! Il dit qu’il m’aime encore mais qu’il préfère retourner avec elle. C’est insupportable, je souffre. J’ai mal, maman !

Autour de Lola, tout s’écroule, tout s’effondre, l’apocalypse est de retour, tout a un goût de fin du monde, tout est amer, tout est douleur. Jamais elle ne pourra se relever. Elle est au bord du précipice, cet abîme qu’elle connaît. Gabriel vient de l’y pousser à coups de mensonges, de promesses, d’inconscience. Lola doit tout recommencer !

Grand seigneur, il l’aide à s’installer dans un petit appartement, avec les deux garçons. Il paye la caution, histoire de racheter sa conduite déplorable sans parvenir à voir que Lola est échouée, quelque part dans une vie, prisonnière d’une existence fracassée. Elle a croisé la route d’un monstre et ce monstre s’est bien amusé.

Elle se sent détruite, salie, souillée, transparente, indésirable. Et si l’abîme l’attendait. Tout dans sa vie la ramène sans cesse à ce vide. Et si c’était sa destinée. Comment croire en des lendemains meilleurs ? Comment croire qu’un autre pourrait la désirer ? Comment ne pas devenir méfiante à l’excès ?

Gabriel portait un masque. Gabriel venait de l’ôter.

*

Quatre ans plus tard.

            — Au revoir madame, à bientôt !

            Lola sort d’un laboratoire lyonnais. Ses deux garçons sont à ses côtés. Elle s’apprête à monter dans sa voiture quand un homme l’interpelle.

            — Veuillez m’excuser madame, vous partez ? Je tourne depuis 20 minutes sans parvenir à trouver une place pour me garer.

            Lola lève les yeux et répond :

            — Oui, je m’en vais !

            L’homme, arrêté en double file, sort de son véhicule, lentement. Hésitant, il s’avance vers elle.

            — Lola ? Lola, c’est toi.

            La jeune femme s’apprête à claquer les portières arrières de son véhicule. Elle vient de vérifier que les garçons ont correctement bouclé leurs ceintures de sécurité. Elle relève la tête et dévisage l’individu.

            — Gabriel ?

            — Oui, c’est moi. Tu es ravissante ! Comment vas-tu ?

            Elle aurait pu lui répondre avec la gentillesse qui la caractérisait, mais soudain, le coup de poignard qu’il lui avait asséné le dernier soir lui revient en mémoire. Toute la souffrance passée rejaillit : toutes les années de galères quand il est parti, les fins de mois difficiles le temps de réactiver les allocations supprimées lorsqu’elle était avec lui, les week-ends seule, le concert dont ils avaient réservé les places auquel elle était allée avec une amie, toute la solitude des nuits froides dans un lit vide…

            — Parce que ça t’intéresse ? fit-elle sarcastique.

            — Bien sûr, répond-t-il sûr de lui. Je suis si heureux de te retrouver !

            Lola n’a qu’une seule envie : partir et s’éloigner de lui. Pourtant, la curiosité la pousse à lui parler :

            — Elle va bien ?

            — Qui ? demande-t-il étonné.

            — Ne fais pas l’idiot, tu m’as très bien comprise. Celle pour qui tu m’as lâchement et brutalement abandonnée avec mes fils après m’avoir juré que tu m’aimais.

            Il glisse ses mains dans ses poches et baisse la tête.

            — On est séparés.

            Lola jubile. Elle sent, du plus profond d’elle-même, une douce chaleur monter et l’envahir.

            — Ah, tu l’as plaquée elle aussi, pour une autre peut-être.

            — Non, elle m’a trompé, je suis parti et après je t’ai cherché. Je suis si heureux de te revoir ! Et toi, qu’est-ce que tu fais ?

            — Eh bien, comme tu peux le voir, je m’apprête à entrer dans ma voiture, à démarrer et à partir.

            Elle lui tourne le dos pour se glisser à l’intérieur de son véhicule. À travers les vitres, les deux garçons ont reconnu Gabriel. Même si, pour les épargner, Lola ne leur a jamais dit la vérité, ils sentent qu’ils doivent se tenir à l’écart de la partie engagée sur le trottoir.

            — Mais on vient juste de se retrouver ! Dis-moi ce que tu deviens. On pourrait peut-être aller boire quelque chose ? Je ne veux pas te perdre à nouveau. Tu m’as tant manqué Lola. Si tu savais !

            Le regard de la jeune femme, éteint pendant de longues années, se pare soudain d’une nouvelle lueur. Ses yeux semblent pétiller. Ce n’est pas une discussion entre cet homme et elle, c’est un combat qui est engagé. Elle compte bien le gagner.

            — Alors écoute-moi bien : boire quelque chose avec moi, fais-le dans tes rêves, dans ton grand lit où tu resteras probablement seul pendant de très nombreuses années. Quant au fait de me perdre, mais mon pauvre Gabriel, tu m’as définitivement perdue il y a quatre ans. C’est irrévocable. Lorsque j’étais enfant, je ne croyais pas que les monstres pouvaient exister. Grâce à toi j’y crois maintenant mais l’avantage c’est que je suis prête à les affronter.

            — Mais Lola, souviens-toi, nous parlions d’avoir un enfant tous les deux ! intervient-il éberlué.

            — Justement, regarde donc où je suis garée : « Laboratoire d’Analyses Médicales ». Je viens de découvrir mes résultats. Ils sont positifs. Je vais avoir un bébé dans environ 8 mois et pour mon plus grand bonheur, il n’est pas de toi. Mon compagnon va très bien et je vais lui annoncer la nouvelle. Ce soir, lui, les garçons et moi, nous allons fêter la nouvelle. Quant à toi Gabriel je ne sais pas ce que tu deviendras et je m’en moque totalement. Tu vois, je parle comme toi à présent car j’ai beau te regarder, tu ne m’inspires que cette phrase que tu répétais sans cesse : je ne sais pas. Eh bien moi, je sais désormais où aller, qui aimer et qui m’aime. Dans ton cas, c’est désespéré !

            — Lola, tu ne peux pas me laisser ! Donne-moi la main, nous sommes faits l’un pour l’autre, je te jure que…

            Lola s’installe au volant de sa voiture, met le contact, le regarde, lui adresse un de ses plus beaux sourire et disparaît. Gabriel reste bouche bée sur le trottoir. Il vient de recevoir le coup de grâce. Il fait demi-tour pour regagner son véhicule et se garer. Mais lorsqu’il se retourne, la place qu’il convoitait est occupée.

            Il faut toujours garder un oeil derrière soi. Quelqu’un peut vouloir prendre votre place sans que vous vous en doutiez !

***

Pensez à vous abonner au site, à consulter, dans la rubrique « Accueil », mes deux livres en vente. 

Bientôt, je vous annoncerai : 1) la date de sortie de mon thriller policier ;

                                                     2) les dates du prochain salon littéraire auquel je vais participer ;

                                                     3) le résumé d’un film qui m’a passionnée, en dépit des critiques ;

                                                   4) le début d’une nouvelle histoire à suspense, qui s’inscrira davantage que « Donne-moi la main » dans la veine de ce que j’écris d’habitude : mystère, suspense et fin surprenante. 

MERCI POUR VOTRE FIDELITE

AUDREY DEGAL

 


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DONNE-MOI LA MAIN, 3e partie

Donne-moi la main, 3ème partie

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Résumé des épisodes précédents : Lola vit seule avec ses deux garçons depuis que son mari l’a quittée. Elle vient enfin de rencontrer un homme et nourrit des espoirs d’avenir avec lui. Il semble parfait. Est-il ce vraiment ce qu’il paraît être ?

Je suis désolée d’avoir mis tant de temps à publier cette suite mais la grippe m’a bien éprouvée. J’espère que de votre côté, lectrices et lecteurs, vous êtes en pleine santé.

*

            Deux mois ont passé. C’est vrai que l’argent n’est pas un problème. Il partage tout avec Lola qui doit se l’avouer : ils s’entendent vraiment bien. Il est sérieux, prévenant, gentil avec les enfants. Il les conduit à l’école quand il le peut, ils partent tous les quatre en week-end ensemble… La vie est belle ! Le soleil brille à nouveau. C’est si bon d’être à nouveau deux. Gabriel. Ce prénom résonne agréablement aux oreilles de Lola. Quand elle le prononce, il a une certaine saveur, celle des lendemains heureux.

            Lola vit toujours dans la maison qu’elle occupait avec son mari. Gabriel en a louée une six mois plus tôt, quand lui aussi s’est séparé. Ils passent des soirées chez l’un, ou chez l’autre. C’est si bon d’avoir quelqu’un à ses côtés. Et puis il le lui a dit : Je t’aime !

            Lola est heureuse. Elle rayonne. Fini de glisser, de tomber. Elle vit et il lui propose de vivre avec lui. Il faut réfléchir. C’est une décision importante. Qu’importe, il l’attendra !

Les vacances approchent et comme le temps a passé ils sont allés voir leurs parents respectifs. Ceux de Gabriel sont divorcés et Lola ne rencontre que la mère. La mère et son chat. Drôle de duo ! Elle est un peu bizarre, hypocondriaque en fait. C’est curieux, avec un fils médecin, d’autant plus qu’elle est dermatologue. Comme quoi l’inquiétude face à la santé n’épargne personne.

— Tu as enfin trouvé quelqu’un qui t’aime, dit la mère de Gabriel.

La remarque est étrange mais Lola aime Gabriel et cela se voit. Il se rendent dans les Alpes. Là, il la présente à ses amis. Eux aussi sont heureux de rencontrer celle pour qui le cœur du médecin s’enflamme. Ils l’apprécient aussitôt et trouvent qu’il a de la chance. Ils la comparent à la précédente et la trouvent mieux : plus gentille, plus attentionnée, plus stable. C’est bon signe !

Au retour de cette escapade, tous deux sont plus liés que jamais. Ils commencent alors à faire des projets. Le premier vient de lui.

— Je vais donner la dédite de mon appartement et m’installer avec toi.

Les yeux de Lola brillent. Elle accepte. Ils seront bien chez elle avec les enfants et puis outre le fait que ce sera plus simple, ils feront des économies.

Deux mois plus tard, avec l’aide des parents de la jeune femme, c’est le déménagement. Lola a fait de la place dans le garage pour caser ses meubles à lui, en attendant.

— En attendant quoi ? lui demande-t-elle.

— Tu as vécu ici avec ton ex. C’est notre chez nous provisoire. Nous allons nous trouver une location en attendant d’acheter une maison à nous. Et puis j’ai 37 ans. Un enfant de toit, après, ça me tente tu sais.

Une maison à elle, à eux ! Lola en a toujours rêvé mais cela ne s’est jamais concrétisé. Et voilà que lui y pense déjà. Un enfant, ce serait merveilleux  !Il est parfait ! C’est aussi l’impression qu’ont ses parents à qui elle l’a présenté.

— Il est gentil, doux, affectueux, il semble aimer notre fille.

— Et il a un bon métier, ajoute le père. C’est important. Manque d’argent, manque d’amour, c’est bien connu. Quelque chose semble te chagriner.

La mère de Lola semble effectivement perplexe.

— Je ne sais pas. Tout est trop beau, tout est allé vite et puis il est trop gentil, trop attentionné, trop un peu tout. Je lui cherche un défaut mais je n’en trouve pas.

— Il est peut-être parfait !

— La perfection en ce monde n’existe pas. Mais je m’inquiète peut-être à tort, ils ont l’air plutôt bien dans la maison qu’ils louent, les enfants aussi.

Un mois plus tard, Lola invite ses parents à se joindre à des collègues de travail, histoire de passer une belle journée au bord de la piscine. Gabriel s’occupe du barbecue et de ses invités. Lola l’aide et fait circuler les plats qu’ils ont préparé. Ambiance décontractée.

Dans la maison, des cartons de l’emménagement sont encore empilés et il y a du tri à faire. Comme ils ont beaucoup de matériel en double, il faudra se débarrasser d’un peu de vaisselle et de mobilier. Gabriel, qui n’est par du tout bricoleur, a quand même monté des armoires pour ranger le linge des enfants. Lola a apprécié.

Il est trois heures de l’après-midi quand la mère de Lola quitte la table et entre dans la maison. Elle a envie de s’isoler avant d’enfiler son maillot de bain pour aller se rafraîchir dans la piscine. Elle franchit le seuil et là, à la porte de la cuisine, elle trouve Lola en larmes.

— Mais que t’arrive-t-il, demande-t-elle inquiète.

— Rien !

La réponse est classique. Il est difficile de se confier. Mais finalement, à force d’insister, la mère parvient à lui faire exprimer la raison de son mal-être.

— J’ai peur, dit-elle.

— Peur de quoi ?

— Peur qu’il me quitte. Je ne m’en remettrai pas !

— Alors, fais tout pour le garder !

— Mais il y a autre chose !

— Quoi ? demande la mère.

— Il m’a appris qu’il n’avait pas rompu le PACS avec celle qu’il a quitté il y a quelques mois, qu’ils avaient acheté une maison ensemble, qu’elle n’est pas vendue et qu’il va entretenir régulièrement la propriété.

La nouvelle tombe comme un couperet. Ce que la mère de Lola craint est là : ce gars n’est pas parfait. Il cachait bien quelque chose. Elle se souvient de discussion qu’elle a eu avec lui, quand elle lui a demandé ce qu’il pensait de ceci, comment il envisageait cela. Sa réponse était souvent la même : un haussement d’épaules suivi de :

— Je ne sais pas !

Sa fâcheuse tendance à ne jamais se positionner lui revient tout à coup à l’esprit, comme celle de repousser au lendemain les choses, de n’avoir aucune opinion précise sur certains sujets. Ce gars, apparemment bien sous tous rapport, est en fait inconsistant, quelqu’un incapable de s’engager, un homme qui hésite en permanence. Elle voudrait que le temps lui donne tort, hélas, quinze jours plus tard, Lola en pleurs l’appelle :

— Maman, je crois qu’entre Gabriel et moi c’est fini !

— Mais ce n’est pas possible, vous avez emménagé ensemble il y a à peine un mois. Qu’est-ce qui te permet de dire ça ? demande la mère.

— Il dit qu’il m’aime mais qu’il ne sait plus où il en est, qu’il n’a pas ses repères dans cette nouvelle maison, qu’il est perdu dans ses idées.

— C’est normal, il faut du temps pour s’habituer à une nouvelle demeure, comme à tout changement de situation.

— Oui, mais il dit qu’il ne sait plus s’il veut rester avec moi ou s’il doit retourner avec elle, l’autre qu’il a quittée !

La mère croit défaillir. Lola a quitté son logement il y a à peine un mois et voilà qu’il lui faudrait tout recommencer. La situation, ubuesque, lui paraît impossible.

— Il veut réfléchir, continue Lola.

— Qu’il le fasse vite alors ! Tu ne vas pas rester là à attendre que monsieur ait décidé.

Pendant les jours qui suivent, Lola ne cesse de pleurer. Elle choisit de vivre momentanément chez ses parents avec ses deux fils. Rester dans cette maison, louée avec lui, est une torture. Chaque pièce, chaque meuble lui rappelle les bons moments qu’ils ont passé entre ces murs, moments éphémères.

Elle attend. Il l’appelle, la rassure parfois. Elle espère alors, certaine qu’il la choisira elle. L’autre, il l’a déjà quittée une fois. Elle le faisait souffrir et l’avait trompé, considérant que dans un couple, chacun doit être libre.

— Ne t’en fais pas Lola, il ne peut pas retourner avec elle ou alors il est fou ! Elle l’a déjà trompé une fois, elle recommencera. En plus elle ne l’aimait pas. À ce que tu dis et il ne supportait pas ses deux filles. Seul un malade retournerait entre les bras de cette prédatrice.

Lola acquiesce. Elle sait tout cela, mais l’attente est une plaie ouverte. Ses yeux bleus se baignent en permanence dans d’innombrables larmes comme une rivière que l’on ne peut assécher. Elle croit revivre le moment où son mari l’a quittée. Ce gouffre de l’existence, elle le connaît, elle y est déjà tombée. Elle glisse, elle essaye de s’accrocher mais les parois sont lisses et la chute, lente, ne peut être freinée. Elle regarde vers le haut et croit voir de la lumière. Tout n’est pas perdu. Il n’a pas encore choisi. Elle doit espérer. Elle repense aux paroles de la mère de Gabriel « Enfin quelqu’un qui t’aime ! ». Cela signifie que sa rivale ne l’a jamais aimé. Il va s’en apercevoir, il va comprendre, il va tirer un trait sur ce passé, une fois pour toutes ! Il rompra le PACS, vendra la maison et l’oubliera. C’est ce qu’il a de mieux à faire !

Il est tard, Lola est avec Gabriel, dans la maison. Ils doivent parler ! Il a réfléchi, pesé le pour et le contre. Le téléphone sonne.

Vous pourrez lire la fin de ce récit la semaine prochaine. En attendant abonnez-vous en quelques clics et n’hésitez pas à vous plonger dans mes deux livres déjà publiés disponibles ici, https://www.amazon.fr/s/ref=nb_sb_noss?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&url=search-alias%3Daps&field-keywords=audrey+degal ou sur internet ou dans n’importe quelle librairie, même à l’étranger. 

Mon 3e roman,« La Muraille des âmes », un thriller policier de 400 pages sort en février 2017. En avant première, je vous dévoilerai la couverture, je vous ferai parvenir un résumé et les premières pages. Pour bénéficier de cela il faut être abonné au site. C’est gratuit ! Allez-y. 

Audrey Degal.

 


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PREMIER CONTACT

PREMIER CONTACT

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Tout d’abord chers lecteurs et chères lectrices je n’oublie pas que vous attendez la suite de l’histoire « Donne-moi la main ». Elle va arriver. Mais avant, je me devais de vous parler de ce film PREMIER CONTACT que je viens de voir au cinéma.

Voilà je sors à peine du cinéma et j’allume mon ordinateur pour vous en parler. C’est dire si j’ai été impressionnée. Je l’ai adoré ! Et je n’étais pas la seule si je me fie aux commentaires de ceux avec lesquels je quittais la salle.

Tout d’abord, l’affiche me semble mal choisie car on a plutôt l’impression, puisque c’est un film de science fiction, que l’aventure se passe dans l’espace. Or ce n’est pas le cas. L’action se déroule sur Terre où des engins extraterrestres, que je ne vous décrirai pas pour vous laisser le plaisir d’en découvrir l’originalité, viennent de se poser… ou presque. C’est la panique !

Les unités tactiques des gouvernements contactent alors une spécialiste en langues afin de tenter de comprendre le message que ces êtres venus d’ailleurs semblent vouloir faire passer. Elles joignent aussi un scientifique avec lequel elle devra collaborer. Leur mission est extrêmement complexe et les fenêtres de contact avec ces êtres sont limitées. En d’autres points du globe terrestre d’autres analyses sont menées en parallèle mais certains états dont la Chine se sentent progressivement menacés tandis que les Etats-Unis trouvent que les spécialistes qu’elle a missionnés n’avancent pas assez vite même si la femme linguiste progresse.

Les images de l’intérieur des engins sont originales tout comme l’atmosphère qui y règne. L’idée de la langue dans laquelle les heptapodes (êtres extraterrestres) s’expriment est très intéressante et le spectateur cherche lui-même à comprendre.

Je ne peux pas vous en révéler davantage car ce serait vous révéler l’ingéniosité de la construction du film. PREMIER CONTACT est un film mystérieux, prenant du début à la fin. Un calme remarquable règne dans la salle car tout le monde est captivé, happé par l’écran et par le suspense. De plus, la musique (que je ne connais pas) est particulièrement agréable et parfaitement adaptée aux scènes, aux images, au film. On quitte la salle avec l’impression d’un excellent livre que  l’on vient de finir et que l’on regrette déjà. On flotte car on repense indubitablement à ce que l’on vient de voir car, cerise sur le gâteau -et quelle cerise !- la fin est DIVINE, BELLE, ORIGINALE, INATTENDUE, SUBLIME. Si ce film existe en livre, je cours l’acheter !

PREMIER CONTACT est donc un film que je vous recommande. PREMIER CONTACT, c’est du grand art, de quoi vous réconcilier avec le cinéma si vous étiez fâchés. Allez le voir, allez le savourer !

Comme promis, je ne tarde pas à publier la suite de « Donne-moi la main », je vous recommande bien entendu de vous procurer mes deux livres, LE LIEN et DESTINATIONS ETRANGES en cliquant notamment ici : http://www.decitre.fr/rechercher/result?q=audrey+degal ou en vous rendant dans n’importe quelle librairie. Ce sont de supers cadeaux pour Noël ou pour  le 1er de l’an. 

Bonnes fêtes à toutes et à tous, 

AUDREY DEGAL


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DONNE-MOI LA MAIN, 2ème partie

Donne-moi la main, 2ème partie

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Résumé de l’épisode précédent : Lola voit sa vie chavirer quand son mari la quitte. Elle lutte pour remonter la pente, elle se sent seule, elle souffre. Elle espère refaire sa vie et pour cela elle se dit qu’elle finira bien, elle aussi, par trouver celui qui l’attend. Viendra-t-il ? Ange ou démon ?

*

         Qu’importaient leurs prénoms : Serge, Jean, Gabriel… derrière eux se cachaient des hommes, des amants, des aventures mais pour Lola impossible d’envisager la vie avec l’un d’eux. Ils étaient trop ceci, pas assez cela. On ne s’invente pas une vie à deux.

            Il y avait eu Jim, plus sérieux que les précédents. Il avait envie de bâtir un avenir. L’espoir ! La sortie de ce tunnel trop obscur dans lequel elle avançait à tâtons. Peut-être ! Un mois, deux, quatre… Puis la désillusion. Que construire avec lui ? Il était trop terre à terre, trop à côté de ce qu’elle attendait de la vie. Il était parti, lui aussi. Tant mieux !

            Tant mieux ! Facile à dire, difficile à vivre.

            Lola replongea. Où ? Nulle part ! Tomber, descendre, tenter de se retenir à tout mais il n’y avait pas grand-chose autour d’elle. Et cette impression de glisser sans fin, sans but, sans arrêt, sans personne et toute la signification de ce mot de quatre petites lettres : « sans ». Elle se sentait s’éloigner d’une rive, seule, tandis que les autres regardaient le bateau disparaître sans s’inquiéter de savoir s’il risquait ou non de sombrer. Elle était à bord, incapable de le diriger vers la côte pourtant si proche. Si proche mais inatteignable !

            Comment en suis-je arrivée là ?

            Éternelle question mais la réponse ne tant désirée restait hors de portée. Attendre, espérer, encore et encore, encore et toujours. Elle aussi aurait sa chance un jour ! Un jour elle aussi aurait droit au bonheur et ne se contenterait pas de regarder les autres le vivre. Un jour elle rencontrerait quelqu’un qui l’aimerait à nouveau, avec qui elle partirait en vacances, avec qui elle rirait, avec qui elle passerait ses nuits, quelqu’un qui la consolerait. Quelqu’un, tout simplement. Et cette roue qui tournait mais sans elle. Elle n’en pouvait plus d’attendre et, alors qu’elle n’y croyait plus, enfin, il arriva. Il n’avait pas de cheval blanc, pas de château mais elle n’était pas une princesse. Elle voulait juste vivre une histoire d’amour.

            Elle ne savait rien de lui. Elle l’avait connu sur la toile mais il n’y avait pas exposé son visage. Était-ce de la pudeur ? Était-ce de la modestie ? Il préférait rester cacher à l’époque où tant d’autres déballent leur vie entière à la vue et au su de tous.

           Lola le repoussa dans un premier temps. Son profil l’attirait mais elle ne voulait pas d’un homme qui avançait masqué. Lui la voyait. Elle était belle, pétillante, elle le captivait. Il n’avait aucun doute : elle représentait celle qu’il cherchait. Il le lui écrivait. Lola refoula tout d’abord ses messages. Ne jamais répondre à quelqu’un qui n’affichait pas sa photo ! C’était une règle qu’elle s’était fixée, règle à laquelle elle allait déroger devant son insistance.

           Un message, deux, trois… Comment lutter devant tant d’empressement qui lui disait que quelqu’un l’attendait, que quelqu’un l’espérait. Elle résista. Ne pas céder ! Puis ce fut il lui proposa un rendez-vous, pour la convaincre. Elle s’y rendrait si elle voulait. Elle pourrait l’observer, de loin et décider de ce qu’elle ferait. Et si finalement ils étaient destinés l’un à l’autre ? Elle devait en avoir le cœur net, ce cœur à moitié amputé. Elle irait, le jour J, là où il suggérait de le rencontrer. Il s’y trouverait. Le reste dépendait d’elle.

            Une place, un homme seul qui attend, qui guette, qui semble chercher des yeux, hésite… Il correspondait exactement à la description qu’il lui avait faite. Il n’avait donc pas menti. Il était là, il l’attendait. Il était grand, mince, vêtu de façon assez sobre mais décontractée. Elle l’observa. J’ose, je n’ose pas !

            Un instant, elle voulut repartir, s’enfuir, quitter les lieux. Elle ne voulait plus souffrir. Elle n’en aurait plus la force. À quoi bon ! Comme un chômeur croit qu’il ne retrouvera jamais du travail, qu’il n’est plus à la hauteur, Lola était convaincue qu’aimer ou être aimée ce n’était pas pour elle. Elle faillit tourner les talons quand elle croisa un couple tendrement enlacé. Et si elle laissait passer sa chance, l’unique chance d’être peut-être elle aussi heureuse ? Après tout… Allez !

            Elle sortit de son recoin, traversa la place déserte et s’avança vers lui, cet homme brun qui aussitôt la reconnut. Lola faillit défaillir. Elle ne pouvait plus renoncer. Il affichait un beau sourire et lorsqu’elle fut assez prêt de lui, il lui tendit une fleur qu’il tenait à la main et qu’il lui offrit. Elle l’avait pourtant observé de loin mais elle ne l’avait pas remarquée. Il avait dû la  cacher dans son dos. Elle l’accepta, s’imprégna de son parfum et le remercia pour cette attention. Il avait ce sourire irrésistible des promesses du lendemain, cette douceur dans sa voix.  Elle n’en avait pas l’habitude. Elle fut séduite par tout cela. Elle se sentit revivre. Elle revenait dans le monde des vivants ! Il était là, devant elle, lui confiant la joie de la voir enfin. La roue avait tournée mais cette fois, Lola était montée en marche.

*

            Un restaurant sympathique, histoire de se découvrir l’un l’autre. Il confirme ce qu’elle sait déjà : il est médecin, il travaille en milieu hospitalier, ses parents sont divorcés, il a un frère à qui il la présentera plus tard, il y tient particulièrement, car il en est certain : il se sent bien avec elle. Il vit seul à quelques kilomètres à peine de chez elle. La vie est étrange : pourquoi est-ce qu’elle ne l’a jamais croisée avant ? Lola est vendeuse dans une boutique spécialisée dans les produits biologiques et lui aime tout ce qui est naturel. C’est parfait !  Ils ont ceci en commun mais aussitôt elle s’inquiète : il a un bon salaire, pas elle. Elle hésite. Elle ne pourra jamais suivre son train de vie. Elle lui en parle, il la rassure. Décidément il est prêt à tout pour la garder près de lui.

            Oui, c’est un homme qui est vraiment prêt à tout ! À tout !

A suivre…

La suite paraîtra très vite mais pour être certain de ne pas la manquer, abonnez-vous à mon site. C’est totalement gratuit !

Et si vous êtes en manque d’inspiration pour les fêtes, pensez à offrir un de mes livres. Un livre, cela fait toujours plaisir. 

DESTINATION ETRANGES est disponible ici http://www.decitre.fr/livres/destinations-etranges-9782322034383.htmlen livre papier mais vous le trouverez aussi chez Amazon  en format kindle à 5,49 euros.

LE LIEN est disponible en  cliquant ICI (Decitre, livre papier) ou chez Amazon, fnac…  en format kindle à 5,49 euros.

Merci et à bientôt pour de nouvelles histoires. 

Audrey Degal

 


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DONNE-MOI LA MAIN !

Donne-moi la main !

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         Voici un récit très différent de ce que j’écris d’habitude. Il n’en sera pas moins étonnant à la fin. Vous pourrez lire ci-dessous la 1ère partie. La suite suivra très rapidement. 

          Je profite aussi de cette publication pour vous remercier, lecteurs fidèles, qui contribuez aussi au succès de mes livres déjà disponibles. Sachez enfin que si actuellement j’alimente moins souvent ce site, c’est parce que mon prochain roman, « La Muraille des âmes » thriller policier, engloutit tout mon temps. La phase de relecture des 400 pages prend beaucoup de temps et je veux que ce livre, mon troisième soit « parfait », pour votre plus grand plaisir je l’espère. Patience donc, je l’améliore, je le relis… pour VOUS  !

*

         C’était comme si elle avait raté la première marche ! Lola s’était sentie déséquilibrée. Autour d’elle, tout se mit à vaciller. La chute était inévitable et toute tentative de s’agripper vaine. Le gouffre l’attendait !

            Elle revit – il paraît que c’est souvent le cas en ces moments-là – sa vie défiler, vite, trop vite. Un tourbillon. Que s’était-il passé pendant toutes ces années réduites à quelques secondes dans sa tête ? Son corps lourd était irrémédiablement entraîné vers l’abîme, vers le noir, vers le néant. Elle commençait à ressentir une douleur, comme un élancement dans la poitrine qui lui disait : « C’est la fin ! ». Elle avait mal, horriblement mal. Elle tombait, certaine qu’à l’arrivée elle serait en morceaux. Toutes ces parties éparses d’elle-même seraient à reconstituer. Ce ne serait pas simple. Il y en aurait de partout, à des mètres à la ronde tant elle était tombée de très haut. Encore un instant… la fin approchait… 5…4…3…2…1…

            — Lola, c’est fini. Je te quitte !

            Et il était parti, et elle s’était cassée, poupée meurtrie qui peinait à sourire désormais.

*

            Lola regardait sa montre. Elle indiquait 15h30. Elle l’avait déjà consultée 5 minutes avant mais chaque instant lui paraissait si long depuis quelques temps. Le plus souvent, une minute correspondait à une heure. C’était un combat perdu d’avance : on ne tue pas le temps !

            Heureusement, il ne pleuvait pas mais il faisait froid. Froid, pour un mois d’avril mais surtout froid dans son cœur. Elle sentait un mal y progresser insidieusement, qu’elle ne pouvait chasser. L’ennemi était en elle qui portait un nom pourtant simple : solitude. Il faut te secouer ! pensa-t-elle à défaut de trouver mieux. C’était ce que tout le monde lui répétait en boucle comme si c’était simple, comme si cela allait résoudre tous ses problèmes, comme des mots magiques susceptibles de mettre fin à la douleur. Elle remonta son col fourré, ferma la pression juste sous son joli menton et glissa les mains dans ses poches. Debout, les chevilles croisées pour mieux se refermer sur elle, comme une huître qui contient une perle bien dissimulée, elle se donnait une attitude. Il y avait bien un joyau en elle mais elle était si perdue, si étrangère à tout ce qui l’entourait qu’elle ne le voyait plus briller, croyant que son éclat s’était éteint en elle. Elle se trompait !

            Dring ! Dring ! Une sonnerie. La sortie de l’école primaire. Ses deux enfants arriveraient dans un instant et lui diraient :

            — Ҫa va maman ?

            Elle répondrait que oui, avec un sourire, par habitude. Mais elle pensait tout le contraire. Elle avait d’ailleurs fait la même réponse aux autres parents qui inlassablement lui posaient la même question :

            — Comment ça va Lola, aujourd’hui ?

            — Bien, bien ! disait-elle sans aucune conviction.

            Pas du tout en fait, pensait-elle. Que répondre d’autre sans s’apitoyer sur elle-même, sans avoir à s’étendre sur sa situation ?

            Et elle rentrait avec ses deux petits bonhommes qui lui donnaient tant de baume au cœur, à ce cœur en perdition. Elle puisait en eux la force de résister.

*

            Andrew, celui qu’elle avait épousé voilà 10 ans, était parti. Version officielle : cela n’allait plus entre eux. Autre version : il y avait tant de scénarios possibles entre l’habitude, la routine, les difficultés quotidiennes, le poids de la vie de famille… Passons !

            Lola était forte. Avait-elle le choix de ne pas l’être ? Entre abattement et espoir, entre déchirement et confiance en l’avenir, entre larmes et rires, elle se battait. Elle remonterait la pente, même si elle était tombée de haut, même si l’ascension lui semblait vertigineuse. C’était tout un rythme à retrouver, toute une vie à reconstruire, tout un univers à repenser. La roue tournerait. La roue tourne toujours. Il suffisait d’attendre et de croire que tout pouvait changer même si parfois les roues donnent le tournis.

            Et puis un jour, il y avait eu les autres, ceux qui pourraient peut-être l’aider à rassembler ses morceaux, ceux qui pouvaient combler ce vide qui la faisait trop souffrir. Ceux qui aussi parfois ne sont pas nécessairement ce qu’ils paraissent. Le diable est protéiforme !

La suite de cette histoire ne tardera pas ! Pensez à vous abonner pour ne pas la manquer.

Vous pouvez vous procurez mes livres (cliquez dans ACCUEIL), tout y est. Que vous résidiez en France ou à l’étranger, tous mes titres sont disponibles. 

Bonne lecture !

Audrey DEGAL.


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A SAVOURER SANS MODERATION !

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Aujourd’hui, chers lecteurs, j’ai choisi de vous faire goûter un délice et je me mets exceptionnellement en retrait en tant qu’auteure. En effet, je me dois de vous faire profiter de quelques bonheurs de la langue française ou de la littérature et c’est sur Jean D’Ormesson et cette perle que mon choix s’est porté. 

Bien entendu, je reviens très prochainement auprès de vous pour vous proposer de nouvelles histoires (dans une registre un peu différent, pour mieux vous étonner) mais je suis très prise par la sortie imminente de mon 3ième roman, actuellement en phase de correction avant édition. Il s’appellera finalement La Muraille des âmes. Un thriller policier de plus de 350 pages pour vous que vous reteniez votre souffle jusqu’au dernier moment.  

Si vous souffrez d’un manque de lecture, vous pouvez, en attendant vous procurer mes deux précédents livres disponibles partout (Fnac, Amazon, librairies… livre papier ou ebook) ou en cliquant  sur l’un des deux liens ci-dessous :

http://www.decitre.fr/livres/destinations-etranges-9782322034383.htmlen

OU

cliquant ICI

Bonne lecture !

AUDREY DEGAL

Que vous soyez fier comme un coq,

Fort comme un boeuf,

Têtu comme un âne,

Malin comme un singe ou simplement un chaud lapin,

Vous êtes tous, un jour ou l’autre,

Devenu chèvre pour une caille aux yeux de biche.

Vous arrivez à votre premier rendez-vous

Fier comme un paon

Et frais comme un gardon

Et là, … pas un chat !

Vous faites le pied de grue,

Vous demandant si cette bécasse vous a réellement posé un lapin.

Il y a anguille sous roche

Et pourtant le bouc émissaire qui vous a obtenu ce rancard,

La tête de linotte avec qui vous êtes copain comme cochon,

Vous l’a certifié : cette poule a du chien, une vraie panthère !

C’est sûr, vous serez un crapaud mort d’amour.

Mais tout de même, elle vous traite comme un chien.

Vous êtes prêt à gueuler comme un putois

Quand finalement la fine Mouche arrive.

Bon, vous vous dites que dix minutes de retard,

Il n’y a pas de quoi casser trois pattes à un canard.

Sauf que la fameuse souris,

Malgré son cou de cygne et sa crinière de lion

Est en fait aussi plate qu’une limande,

Myope comme une taupe,

Elle souffle comme un phoque

Et rit comme une baleine.

Une vraie peau de vache, quoi !

Et vous, vous êtes fait comme un rat.

Vous roulez des yeux de merlan frit,

Vous êtes rouge comme une écrevisse,

Mais vous restez muet comme une carpe.

Elle essaie bien de vous tirer les vers du nez,

Mais vous sautez du coq à l’âne

Et finissez par noyer le poisson.

Vous avez le cafard,

L’envie vous prend de pleurer comme un veau

Ou de verser des larmes de crocodile, c’est selon.

Vous finissez par prendre le taureau par les cornes

Et vous inventer une fièvre de cheval

Qui vous permet de filer comme un lièvre.

Ce n’est pas que vous êtes une poule mouillée,

Vous ne voulez pas être le dindon de la farce.

Vous avez beau être doux comme un agneau

Sous vos airs d’ours mal léché,

Il ne faut pas vous prendre pour un pigeon

Car vous pourriez devenir le loup dans la bergerie.

Et puis, ça aurait servi à quoi

De se regarder comme des chiens de faïence.

Après tout, revenons à nos moutons :

Vous avez maintenant une faim de loup,

L’envie de dormir comme un Loir

Et surtout vous avez d’autres chats à fouetter.

Texte de Jean d’Ormesson

 


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La Nuit des temps, Barjavel

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Il y a bien longtemps que je ne vous avais pas parlé de mes lectures. Pourtant je lis beaucoup, jamais trop mais comme j’écris parallèlement mes romans, j’ai moins de temps pour vous faire part de mes remarques.

D’accord, certains ont probablement lu ce livre au lycée… Qu’importe, moi je l’ai relu cet été et je l’ai apprécié. j’ai donc envie de vous le faire partager.

L’auteur, Barjavel, grand maître de la science fiction a su écrire, avec La Nuit des temps, un roman captivant. J’avais déjà lu de lui (il y a longtemps) Le Grand secret, dont il  ne me reste que de vagues souvenirs, un seul à vrai dire, le thème : la quête de l’immortalité (à relire donc car il m’avait passionnée).

La Nuit des temps me semble relever un autre défi, celui de l’utopie car il porte un regard critique sur notre monde à travers la découverte d’une ancienne civilisation.

L’histoire : Le 1er chapitre pose astucieusement une énigme : qui est donc celle dont il est question, connue, aimée, perdue ? On a nécessairement envie de poursuivre la lecture pour le savoir. Dans L’Antarctique, on vient de découvrir une sphère et à l’intérieur deux êtres « congelés ». Les réanimer pose problème : il ne faut pas qu’ils meurent ! On réveille la femme en premier. Elle se nomme Eléa. D’où vient-elle ? De la Terre mais elle y a vécu il y a 900 000 ans ! Elle peut alors évoquer sa civilisation, son mode de vie… Mais que s’est-il passé pour que cette civilisation ait disparu. Pourquoi  avoir choisi de faire hiberner deux spécimens ? Et qui est donc l’homme qui l’accompagne encore endormi ?  Eléa était amoureuse de Païkan. Tous deux s’adoraient. La guerre est venue bouleverser leur destinée. Il faut réveiller l’homme, Coban. Eléa dit que c’est le plus grand scientifique du peuple au sein duquel elle vivait. Il a créé l’équation de Zoran que tous les Terriens contemporains veulent décrypter et dont ils veulent s’emparer. En effet, elle est source d’énergie et permet de produire tout ce dont l’homme a besoin.  La cupidité, le vol, les mensonges jaillissent alors chez ceux qui convoitent les connaissances que pourraient apporter ces deux êtres. Il faut donc réveiller Coban afin qu’il puisse révéler ce qu’il sait. Cela ne s’avérera pas aussi simple qu’il y paraît et bien des rebondissements de l’intrigue surgissent pour entraîner le lecteur jusqu’au dénouement… surprenant !

Mon avis : oui, j’ai aimé ce livre mystérieux. On se laisse emporter pas les personnages dans leur quête. Certains passages sont néanmoins longuets mais ils se situent davantage vers la fin. De longues descriptions pourraient, à mon sens, êtres supprimées et la « course » effrénée des protagonistes serait ainsi plus intéressante d’autant que j’ai pu repérer quelques incohérences avec des personnages qui descendent alors que l’auteur fait référence à ce qu’ils voient à la surface !!! Personne n’est parfait, pas même Barjavel, ce qui rassure aussi la romancière que je suis.

Alors si vous voulez lire, n’hésitez pas, plongez-vous dans La Nuit des temps, et puis vous pouvez aussi lire mes livres Le Lien, ou Destinations étranges, suspense garanti en cliquant ci-dessous. 

http://www.decitre.fr/livres/destinations-etranges-9782322034383.html

http://www.decitre.fr/livres/le-lien-9782322012701.html?v=2

Je termine actuellement mon 3ème livre qui sortira avant NOËL 2016 : « LA MURAILLE AUX DEUX VISAGES ». 

Merci de votre fidélité et à bientôt pour lire sur ce site une toute nouvelle histoire !

Audrey Degal.


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HUNGER GAMES, la révolte

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Hunger Games, la révolte, est la dernière partie d’une histoire dont le personnage principal est une jeune femme, Katniss Everdeen. Le film est sorti en 4 épisodes au cinéma, tiré du roman de Suzanne Collins.

Je vous avoue très sincèrement ne pas avoir lu ces romans (actuellement mes lectures sont plutôt orientées vers mes élèves, avec La Princesse de Clèves, Dom Juan… Et puis une séance de cinéma, bien lové dans un fauteuil, quand on est bien fatigué en fin de semaine, j’avoue que je ne dis pas non.

Cependant, je me devais de vous faire part du navet que j’ai vu afin de vous faire économiser de l’argent. En effet si les 3 premiers épisodes brillent d’originalité et d’intérêt (il s’agit d’un monde dans lequel des privilégiés asservissent des districts, réduisant les hommes à l’esclavage. Ceux-ci sont contraints de participer, chaque année, à des jeux cruels de mise à mort et au fil des épisodes, le jeu est faussé pour faire perdre celle qui s’impose comme une figure de l’opposition, Katniss Everdeen) force est de constater que le film ne répond aucunement à ce qui est annoncé en haut de l’affiche, à savoir « Rien ne vous a préparé à ce dénouement ». En fait, rien ne vous a préparé à autant de bêtise ! Assurément le metteur en scène ou le réalisateur nous a pris pour des pigeons ou des vaches à lait (j’aime bien les animaux) et c’est réussi ! Pourquoi ? me demanderez-vous. Eh bien voici ci-dessous les raisons qui me poussent à dire que ce film est mauvais :

  • les deux derniers épisodes auraient pu être contractés en un seul ! C’est incontestable ! Seulement voilà : on ajoute des longueurs et des longueurs… et on sort deux épisodes qui traînent. Ainsi, on engrange deux fois des entrées de cinéma. Hélas le procédé est de plus en plus répandu et se focalise en général sur les derniers épisodes d’une saga. Espérons que le film AVATAR échappera à cette pitoyable règle.
  • dans l’épisode précédent, la commandante de la révolte, Paylor, invitait Katniss (le geai moqueur) à prendre la parole et la tête des révoltés dont elle est la figure emblématique. Outre le fait que le scénario insistait déjà lourdement sur cette prise de parole voilà que le dernier épisode reprend la même chose et pire, insiste encore et encore là-dessus (on ne sait jamais, peut-être que nous, spectateurs idiots, n’avions pas compris la première fois alors on remet des couches…).
  • parlons des incohérences : l’héroïne est blessée mais finalement sauve. Sauf que cela, nous l’avons déjà vu à plusieurs reprises. Elle doit affronter en compagnie de ses amis des mutants. Décidément c’est la mode mais cela fait partie tout de même des idées pauvres car quand on ne sait plus trop que mettre, ces zombies sont bien pratiques pour faire naître l’angoisse… hélas les images sont très, très très sombres et on ne voit finalement rien. Même pas peur donc ! Etait-il besoin de voir quelque chose ? Les êtres décharnés c’est d’un commun !!! Et puis curieusement le caméraman devait souffrir d’un début de maladie de parkinson puisque tout bouge sans raison. Encore une fois, la réalisation a pêché par facilité.
  • Les effets spéciaux : étant donné le prix des entrées de cinéma, on veut en avoir pour son argent. Eh bien là à part un ou deux effets, le reste est d’une platitude redoutable. Surtout ne vous endormez pas dans votre fauteuil si je n’ai pas réussi à vous dissuader d’aller voir ce… ce … film,… navet !
  • et puis il faut bien parler des idées ridicules ! La fière équipée qui part lutter contre les méchants est équipée d’un  super appareil annonçant les dangers, qui sert peu ou à rien et qui disparaît vite de l’histoire. Pourquoi ???? Katniss croise pendant de longs instants, le regard d’une enfant, avant l’assaut du capitole. On se dit que cela a de l’importance. A votre avis ? Eh bien non ! C’est juste une longueur de plus qui ne sert à rien. Pourtant il est question d’enfants plus tard et l’on se dit qu’il y a une relation avec ce que l’héroïne vient de vivre, qu’elle va utiliser l’enfant dont les parents viennent d’être tués… Non, non, et non ! Pourquoi ???  Plus tard, nous retrouvons le méchant : ridicule, stupide, idiot, de retrouver ce grand méchant Snow dans une roseraie même s’il adorait ces fleurs blanches. Il incarne le personnage noir, redoutable… et on le laisse errer dans un eden. Katnisse se retrouve quant à elle dans un beau bureau, juste après la révolte. J’ai alors pensé qu’elle rêvait et que l’assaut n’avait pas encore été donné. Je me trompais. Elle ne rêvait pas ! Que faisait-elle là, à ne rien faire justement ???? Et puis son copain vient lui parler, tenant des propos qui ne correspondent en rien l’amour qu’il lui voue. Pourquoi ??? Et j’allais oublier la petite soeur de Katniss qui se retrouve aux premiers rangs de l’assaut et même si elle est infirmière, on se demande pourquoi elle se trouve aux premières loges. Pour mourir, tout simplement, histoire de mettre un peu de pitié dans un scénario qui ne tient vraiment pas debout.
  • la fin : Katniss décoche une flèche à la commandante et non à Snow. Eh bien nous nous y attendions. Quelle originalité de les mettre exactement dans la même trajectoire de flèche ! Oui, nous avions compris que la commandante n’était qu’une pâle copie de tyran et ne cherchait qu’à assouvir ses pulsions dominatrices. Où est l’originalité ??? Cependant Katnisse devait affronter son ennemi, Snow qu’elle rêvait de tuer, au sein d’un dernier Hunger Game. Or, ce dernier jeu pourtant clairement annoncé, je le cherche encore car il n’a pas lieu, remplacé par cette exécution publique bâclée. Alors Katniss est exilée dans son district ravagé, seule. Mais franchement que fait-elle là ??? Il n’y a strictement rien autour d’elle. Alors on dépêche d’urgence son partenaire des hunger games, Peeta et voici qu’arrive la happy-end  puisque le couple conçoit deux enfants qui trottinent dans une image printanière convenue.

Je sais que l’énumération ci-dessus est quelque peu confuse mais que voulez-vous, le film l’est. Ou plutôt il n’est ni surprenant, ni intéressant, ni captivant, ni … Economisez votre argent et reportez votre choix sur un bon livre ou un autre film !

Bref, Hunger Games, la révolte, partie 2 est bien un film qui suscite la révolte mais celle des spectateurs de cinéma desquels on s’est bien moqué en produisant ce dernier épisode franchement ridicule ! Passez votre chemin !

*******

J’en profite pour souhaiter un JOYEUX NOËL à mes 399 abonnés (je n’aurai pas mon cadeau de Noël avec les 400 abonnés mais bon, je dois me résigner !). Faites-vous plaisir, profitez de la vie et revenez souvent sur mon site qui est le vôtre. « Le Royaume sans escale » va se poursuivre (guettez la publication du prochain épisode qui ne saurait tarder) et un nouvelle histoire courte va débuter. 

 


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LA DERNIERE COURSE

La Dernière course.

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            Les motos tournaient depuis des heures sur le circuit d’Australie, rebaptisé depuis longtemps Phillip Island War II. Vingt neuf pilotes s’étaient positionnés sur la grille de départ mais en piste, il n’en restait plus que douze qui se battaient encore pour le titre tant espéré de champion du monde de moto GP. Roue dans roue, les engins se défiaient, chacun voulant imposer sa loi aux autres en les dépassant, en freinant le plus tard possible avant les courbes, en se plaçant en aspiration derrière un adversaire avant de le dévorer. Les sliders, apposés aux combinaisons de cuir, frottaient le bitume au niveau des genoux. Parfois même, les coudes embrassaient l’asphalte ou les vibreurs quand ce n’était pas les casques, pour une fraction de seconde au cours de laquelle l’équilibre ne tenait qu’à un fil. L’extrémité des bottes étaient pourvues de pointes acérées et les gants cloutés.

            Parmi celles qui avaient dû rentrer aux paddocks, rares étaient les motos qui tenaient encore debout. Les carénages, les selles, portaient en eux les stigmates de cette compétition de haut niveau qui s’exprimait de façon plus acharnée que jamais. Parfois même, les machines arrivaient aux stands la tête basse, les entrailles pantelantes, presque entièrement brisées : amortisseurs détruits, échappements traînant lamentablement sur le bitume comme la traîne d’une mariée en fuite, boîtiers d’injection explosés, étriers de freins rompus tombant sur des pneus lacérés et derrière tout cela, d’épaisses traces d’huile témoignaient de batailles âprement et virilement menées.

            La course ne tarderait pas à s’achever. Au loin, on entendrait ensuite les hymnes nationaux qui résonneraient pour célébrer la victoire des trois premiers pilotes. Partout, l’effervescence serait à son comble et la police sur les dents, afin de limiter les débordements désormais coutumiers ou les règlements de compte de supporters qui s’estimeraient lésés. Il y aurait des blessés, comme à chaque fois. Il en était ainsi sur tous les continents et sur tous les circuits. Il y aurait aussi des morts, victimes collatérales auxquelles les autorités s’étaient progressivement et volontairement habituées puisque la rentabilité était devenue prodigieuse.

            – Bon Dieu, dans quel état elle est celle-là, dit le chef mécanicien de l’équipe Ducati, quelque peu consterné.

            Les mains sur les hanches, il constatait les dégâts. C’était une situation qu’il connaissait déjà puisqu’elle se répétait inlassablement de grand prix en grand prix. Mais il éprouvait de plus en plus de difficulté à l’admettre.

            – Il va nous falloir au moins deux jours de boulot ! C’est un vrai massacre !

            – Au moins deux jours, tu as raison, confirma un collègue. Regarde, même le réservoir a dégusté. Il fuit.

            – C’est fou ! Pourtant, Dovi2 n’est même pas tombé.

            – Non, mais quelle guerre il a livrée contre les deux autres pilotes.

            – Il a résisté aux assauts comme jamais. J’ai vraiment tremblé pour lui car j’ai cru, plus d’une fois, qu’il allait voir le goudron de près.

            – Oui, moi aussi. Les autres ne lui ont fait aucun cadeau !

            – Hélas, c’est comme ça maintenant, je ne m’y habitue vraiment pas. Deux pilotes dis-tu ? Il m’a semblé en compter trois contre lui par moments. Comment pouvait-il s’en sortir dans ces conditions extrêmes hein ? Vise un peu la moto. Plus rien ne tient, plus rien du tout !

            – Quand la Honda et la Yamaha l’ont encadré à droite et à gauche en le prenant en sandwich, j’ai vraiment cru qu’il allait méchamment chuter.

            – Oui, c’était vraiment chaud. Ils ne l’ont pas épargné. Mais il est comme son père ce petit. Il est capable de se faufiler dans un trou de souris et il est toujours à l’attaque. Il ne lâche rien.

            – Mais il ne gagnera pas. Il a dû rentrer. Avec une moto dans cet état, il ne pouvait pas continuer. Encore une fois ce sont les arrangements et les coalitions qui l’emporteront. Tu verras. Attendons quelques tours et je te parie que ce seront les mêmes que d’habitude qui lèveront les bras au ciel en hurlant : « J’ai gagné ! ». Tu parles de vainqueurs ! Des conspirateurs oui… Je regrette vraiment les courses d’avant. Mais que veux-tu… le nouveau règlement de la Dorna est en place et on ne peut plus rien dire.

            – Cesse de te lamenter, ça ne fait pas avancer les choses. La situation est ce qu’elle est. On n’a pas d’autre choix que de l’accepter. Au travail ! Il faut remettre la moto sur ses roues pour demain. Il y aura des essais. Quelque part on a de la chance : le pilote tient encore debout et ce n’est pas le cas dans toutes les écuries.

            L’unité médicale mobile ne désemplissait jamais. Il restait encore douze tours de piste à accomplir et l’on déplorait deux blessés légers, sept dans un état grave, un dont le pronostic vital était engagé et un mort qui avait disputé ce jour-là sa première course en moto GP. Une jeunesse fauchée ! Certes les hélicoptères avaient évacué les plus touchés vers les hôpitaux spécialisés proches mais on ne répare pas toujours les corps disloqués.

            Dans les tribunes, les spectateurs vibraient au rythme des moteurs, fixant les écrans géants visibles de toutes parts diffusant les affrontements qui se déroulaient hors de leur vue. Beaucoup applaudirent lorsque le numéro 74 sortit son bras dans le virage 9, heurtant la poignée de frein du 50 qui ne parvint pas à asseoir sa moto pour virer. La glissade inéluctable accompagnée de sa gerbe d’étincelles s’acheva contre un mur de publicité électronique vantant les propriétés exceptionnelles d’un nouveau casque proposé sur le marché. L’impact fut effroyable et ne laissa aucune chance au pilote. L’écran s’éteignit aussitôt, ne résistant pas davantage mais il serait vite réparé. Parfois dans le monde, il vaut mieux être une chose !

            Assis sur chaise qui lui était dédiée, Led comme on l’appelait, suivait la course de très près. Chaque dépassement accélérait son pouls, chaque courbe mal négociée lui faisait froncer les sourcils, chaque pilote tombé, incapable de se relever lui retournait le cœur. Deux de ses poulains, qu’il avait formés, tournaient encore sur la piste. Un autre avait été évacué suite à d’importantes blessures.

            – Alors Led, les nouvelles de Snow sont bonnes ? lui demanda un des membres de son équipe.

            Led venait d’enfoncer son téléphone portable profondément dans sa poche. Il frotta ses deux mains comme pour les réchauffer, les passa ensuite dans sa chevelure jadis blonde et frotta ses yeux clairs avant de répondre :

            – Etat stationnaire mais il n’est pas encore tiré d’affaire. Combien vont encore tomber ? Combien seront sacrifiés sur l’autel des bénéfices, de l’audimat, de la publicité, de… J’en ai assez. Ces courses ne ressemblent plus à rien !

            Il résista à l’envie de jeter son téléphone par terre. Chaque fois qu’il décrochait pour répondre à un appel, il craignait de mauvaises nouvelles. Il se leva, fit quelques pas et se plongea son regard dans le bleu de la mer impassible. Quelques mouettes planaient et il se souvint soudain de ce jour où l’une d’entre elles s’était invitée dans une course, manquant de heurter le pilote qui l’avait évitée d’un mouvement de tête. Il resta là de longues minutes à penser.

            Soudain, un son extraordinaire, pareil à celui d’une corne de brume, retentit, annonçant qu’il ne restait plus que deux tours et que les pilotes devaient rentrer aux paddocks. Il leur fallait compléter les réservoirs en essence afin que chacun pût donner le maximum dans les derniers tours de roues. Un changement de pilote était aussi possible et c’était une option que certaines équipes prenaient afin d’envoyer sur la piste un homme plus hargneux mais surtout plus frais. C’était l’ultime moment que tous attendaient, issu du nouveau règlement, celui aussi de tous les dangers.

– Eh, Led, comment m’as-tu trouvé ? questionna le Warrior qui venait de laisser sa moto entre les mains des mécaniciens. J’ai accéléré comme jamais !

– Oui, c’était très bien ! Continue ainsi.

– Tu vois, avec moi, tu mises sur l’avenir car un jour je gagnerai, j’en suis sûr, ajouta le jeune pilote pourtant exténué.

– Je n’en doute pas. Mais reste prudent. Tu ne dois pas t’emballer ! Tu n’es pas seul en piste.

– Je sais Led, je sais, mais aujourd’hui je sens que je vais gagner. Je le veux et je te promets que je vais tout donner, tout !

– Que veux-tu dire ? demanda-t-il inquiet.

Son jeune poulain vint s’accroupir auprès de lui.

– Tu vois, j’ai pensé qu’aujourd’hui, la sagesse, j’allais la ranger même si c’est ce que tu m’as appris. Tous les coups sont permis et moi, je reste toujours tranquille alors que franchement Led, je n’ai qu’une envie : dégommer, pousser tous mes adversaires,  leur couper leur trajectoire et les envoyer dans le gravier. Je veux et je vais gagner. C’est mon jour, je le sens !

– Et tu crois vraiment que cela correspond à ce que je t’ai enseigné ?

– Non, répondit le Warrior embarrassé. Mais si je ne joue pas le même jeu que les autres, jamais tu entends Led, jamais je ne remporterai un grand prix, jamais je ne serai classé en moto GP. Je dois m’aligner.

            – T’aligner ? Tu parles d’agir comme eux ?

            – Oui !

            – Et comment t’y prendras-tu ? Explique-moi !

            – Je dois moi aussi trouver des associés, comme les autres.

            – Des associés dis-tu !

            – Oui, exactement.

            – Mais tu enfourches ta moto dans dix minutes, tout au plus. Où vas-tu trouver des associés en si peu de temps ?

            – Eh bien Led, je ne te l’ai pas dit mais…

            Le jeune pilote paraissait embarrassé. Il poursuivit :

            – J’ai déjà rencontré d’autres pilotes. On en a parlé et on est tombé d’accord. Il ne reste plus qu’à concrétiser.

            Led ouvrit de grands yeux. Il s’approcha au plus près du jeune pilote et, les yeux dans les yeux lui demanda :

            – Concrétiser dis-tu ? Je t’écoute, précise un peu ta pensée. Que veut dire concrétiser Warrior ?

            – Tu le sais bien Led. Tu as déjà vu ce qui s’est passé. C’est comme ça depuis que je fais de la moto, depuis que je suis tout petit. C’est la course Led !

            – La course, répondit-il désabusé. La course ! Et tu oses appeler cela, cette boucherie une course ?

            – Je veux juste lutter à armes égales avec les autres. C’est tout ! Ce ne sera pas bien méchant, je t’assure. Avec Steve et Antonin, on veut juste entourer les vainqueurs et leur bloquer la route. A tour de rôle, on en met un en difficulté ce qui permet aux autres de passer et de gagner. Pour cette course, ils vont m’aider et à la prochaine, ce sera leur tour, etc. Tu vois, on veut juste les gêner…

            – Il vaut mieux être sourd que d’entendre cela !

            – Tu te trompes Led. En général, on dit plutôt le contraire, qu’il vaut mieux entendre ça que d’être sourd.

            – Non, tu as très bien compris et je ne me suis pas trompé. J’aurais préféré être sourd que de t’entendre, toi à qui j’ai tout appris, dire de pareilles horreurs. Mais te rends-tu compte que ce que tu suggères aura les mêmes conséquences que de pousser délibérément un pilote ou de l’empêcher de freiner ou… La vitesse Warrior, tu oublies la vitesse ! A 390 kilomètres heure, un cheveu te fait chuter, une brise de vent te déstabilise et la moindre erreur de trajectoire est souvent fatale. Combien d’hélicoptères as-tu entendu décoller aujourd’hui hein ? Jusqu’à présent il ne t’est rien arrivé parce que tu ne représentais pas un danger potentiel pour les autres et le titre, mais en t’alliant à d’autres pour gagner, tu vas devenir une cible et les cibles, ces requins font tout pour les éliminer. Je ne veux pas que tu prennes de tels risques. Réfléchis un peu. Si tu gagnes, seras-tu un meilleur pilote, le meilleur pilote ? Non ! Tu seras simplement celui que les autres auront le mieux aidé, celui qui aura sacrifié des vies, des pilotes, celui qui aura eu de la chance. Mais attention petit, la chance est éphémère, la chance tourne et demain ils t’attendront et te le feront chèrement payer.

            – Mais…

            – Arrête ! Ce n’est pas ce que je t’ai appris. Je ne t’ai pas mis un guidon entre les mains pour te voir sacrifier des vies ou la tienne. Je veux te voir piloter, progresser, que la foule t’adule, que la foule t’idolâtre, qu’elle t’attende, qu’elle penche avec toi dans chaque virage, qu’elle se propulse lors de chaque accélération comme si elle était sur ta moto vers une victoire méritée due à un pilotage de qualité et parce que le pilote est tout simplement un homme respectueux et de ce fait un pilote respecté. Et toi tu me parles de jeu de massacre, de victoire due aux alliés mais l’hymne que j’entendrais alors serait souillé. Jamais, comprends bien, jamais je ne m’y résoudrai. Une course doit être propre, honnête et toute victoire doit être méritée !

            Le jeune pilote fulminait sentant qu’avec de telles paroles la victoire qu’il espérait lui échapperait. Presque fou de rage, il vida son cœur et se mit à invectiver celui qu’il avait pourtant toujours écouté.

            – Peut-être, mais aujourd’hui je suis un pilote et je veux gagner quel que soit le prix à payer. Et puis de toute façon qu’est-ce que tu t’y connais en moto, en grands prix… Je ne t’ai jamais vu piloter, je ne t’ai jamais vu gagner ni te battre comme je le fais. Tu es ici parce que tu peux financer une écurie et développer des moteurs mais question pilotage, tu n’as rien à m’apporter Led, rien. Le fameux code du respect que tu imposes à tous les pilotes que tu as engagés ne sert qu’à les faire perdre, à me faire perdre. C’est une chimère, une utopie, un monde de courses parfait que tu as imaginé, incompatible avec la réalité. Réveille-toi Led : je suis un pilote de course et tu n’es que mon conseiller financier et moral. Tu ne parles jamais de toi parce qu’il n’y a rien à dire. Tu vis la moto à travers nous les pilotes mais le monde de la piste t’est totalement étranger ! Tous ceux de l’équipe t’obéissent au doigt et à l’œil peut-être parce qu’ils te craignent. Pour que je continue à t’écouter et à te suivre il faudrait que tu puisses m’éblouir, m’en imposer car je ne suis pas comme eux. Mais aujourd’hui, j’ai tout compris, je suis un nouvel homme et le pilote qui est en moi va gagner.

            Autour des deux hommes les mécaniciens et d’autres membres du paddock s’étaient approchés pour assister à la conversation houleuse. Devant les stands, deux lumières clignotaient, invitant les pilotes à se préparer pour disputer les deux derniers tours qui décideraient de la victoire.

            – Tu ne sais pas ce que tu racontes gamin, dit le chef mécanicien, tu…

            Un autre l’interrompit et fixant le Warrior dans les yeux il dit :

            – Tu aurais mieux fait de te taire. Décidément, tu n’as rien compris.

            – Retenez-le ! lança Led aux membres de son équipe. Il ne courra plus aujourd’hui.

            Tous avaient deviné son intention. Tous savaient qu’un jour cela se produirait. Tous lui obéirent comme un seul homme.

            Le Warrior fut aussitôt bloqué et dirigé hors des regards. Il se débattait mais on le maintenait fermement. Il criait qu’il avait une course à finir qu’on ne pouvait pas l’en empêcher mais rien n’y fit. Il fut conduit dans un des local de l’équipe où on l’installa devant un écran.

            – Maintenant petit tais-toi, arrête de bouger et regarde. Tu vas prendre la première et vraie leçon de pilotage de ta vie.

            La corne de brume qui faisait office de sonnerie retentit à nouveau faisant davantage penser à un lâcher de lions dans une arène qu’à une compétition réputée. Les combinaisons de cuir ajustées, les fermetures en D des casques parfaitement bouclées, les pilotes se dirigèrent vers les engins qui déjà vrombissaient. On aurait dit qu’une horde aussi puissante que sauvage allait être lâchée. Chacun se plaça sur la grille de départ pour les ultimes tours qui pouvaient tout changer.

            Posté devant son écran, le Warrior attendait. Le grand prix se jouerait sans lui. A sa place il vit un pilote avancer, doté d’une combinaison bleue et jaune. Au sommet de son casque, on pouvait voir la peinture d’une sorte de personnage caricaturé qui riait. L’homme se posta aux côtés de sa machine. Il semblait prier. Dovi2 le regarda. Il avait compris que le Warrior était forfait, remplacé par ce pilote. Led enfourcha l’engin et, comme les autres, parcourut le tour de chauffe. Sa conduite était souple, féline, racée. Il se positionna ensuite à la dernière place d’où il s’élancerait. Sa main droite balaya sa combinaison devant, derrière, comme des gestes rituels à accomplir peut-être gages de vélocité puis il s’accrocha aux poignées, le regard fixé au loin, sur la ligne d’horizon de la piste. Juste au-dessus de sa selle, sur le cuir, on pouvait voir lire trois lettres : LED. Le feu rouge clignotait, annonçant le départ imminent puis il passa subitement au vert. Les motos bondirent. L’assaut était donné.

            Il ne fallut à Led que quelques secondes pour absorber, avec une facilité déconcertante, cinq pilotes médusés qui restèrent dans son sillage alors qu’il attaquait. Ne faisant qu’un avec son engin, il se jouait des virages et, empoignant plus tardivement les freins que les autres, ils les dépassaient. Piqués au vif, deux pilotes tentèrent une manœuvre folle pour le faire chuter. Les motos se touchaient. Leur but, le diriger vers les graviers. Led devait absolument se dégager. Il freina alors brusquement, tandis que son poursuivant, décontenancé par son geste perdit l’avant et vola dans les airs tel un soleil sur le point de se coucher. Son autre adversaire en profita pour se placer devant afin de gêner sa progression. Mais Led comprit tout de suite qu’il attendait la remontée d’un allié lequel, s’il touchait sa roue arrière, le déstabiliserait.  Sans pouvoir le constater, il sentait déjà l’autre qui approchait. Leurs pneus risquaient bientôt de se toucher. Contre toute attente, il accéléra, accomplit avec une maîtrise incroyable un évitement et la moto, en équilibre sur la roue arrière, se propulsa en avant dépassant celui qui tentait de le freiner. La rencontre imprévue dess deux acolytes puis leur chute fut inévitable. Pris à leur propre piège, ils se relevèrent indemnes mais les motos refusèrent de redémarrer. Dans les tribunes on parlait :

            – Mais qui est ce pilote ?

            – Il est incroyable ! Il conduit avec une précision inouïe !

            – C’est un pilotage de toute beauté !

            – Oui, je n’ai jamais rien vu de tel.

            – Toi non, moi si ! Mais c’était voilà bien des années, quand les courses de moto consistaient encore à faire preuve d’adresse, de tactique de pilotage, d’observation.

            – C’est superbe et ça devait être passionnant !

            – Oh oui, bien mieux que cette foire d’empoigne grotesque à laquelle nous assistons à présent et qui consiste à s’écharper.

            – Tu connais ce pilote ?

            – Oui, c’est Led ! Un des meilleurs pilotes que la terre ait jamais porté.

            – Led ? Led ! ce nom ne me dit rien.

            Et sur la piste, Led remontait. Devant lui, il ne restait que deux pilotes qui ne laisseraient rien passer. Leurs alliés étaient trop loin derrière ou avaient chuté. Les trois hommes étaient seuls et devaient livrer bataille pour l’emporter. Les derniers virages du dernier tour décideraient de l’attribution du titre.

            Warrior, médusé, avait presque collé son nez à l’écran. Devant ses yeux, celui qu’il venait de rejeter, à qui il avait voulu donner une leçon lui démontrait un savoir-faire inégalé. Pendant les quelques secondes de fin de course, il vit ce pilote, telle une divinité, balancer son engin, accélérer, freiner… en un mot piloter. Il comprit qu’au jeu des alliances afin de gagner les pilotes avaient perdu en dextérité et que la finesse de la conduite avait progressivement disparu, remplacée par les bousculades, les pneus lacérés au couteau, les coups de bottes ou de casques. La moto GP était devenu un spectacle rentable navrant, honteux mais plébiscité.

            – Mais bon Dieu, qui est Led ? Dites-le moi les gars, demanda Warrior à ceux qui le laissèrent désormais se déplacer à sa guise.

            Il empoigna l’écran à deux mains comme pour s’assurer de ce qu’il voyait : Led, unanimement ovationné, qui franchit le premier la ligne d’arrivée.

            – Comment, toi le grand pilote, tu ne sais même pas qui il est ? se moqua un membre de l’équipe.

            Warrior sortit du local comme si on l’avait chassé. Aux avants-postes du paddock, là où stationnaient les trois premières motos de la course, il attendit Led. Sa moto était arrêtée, à la place d’honneur mais Led demeurait invisible.

            – Où est Led ? demanda-t-il à ceux qui l’entouraient.

            – Ah, ce pilote ! Il est parti, par là je crois. Il n’a même pas voulu parler. De toute façon il devra revenir pour recevoir son prix.

            Warrior regagna son stand. Led s’y trouvait. Il tenait un petit chiffon et frottait son casque non pas pour le nettoyer mais comme s’il pactisait avec.

            – Mais que fais-tu ? Tu as gagné. Tu es le vainqueur. Ils t’attendent pour le prix. Tu dois…

            – Vas-y à ma place ! Tu as disputé toutes les courses précédentes en appliquant ce que je t’ai enseigné : le respect. Je ne veux pas de ce titre et si aujourd’hui tu as compris ce que je t’expliquais alors c’est toi qui l’a amplement mérité ! Va petit, monte sur le podium et sois fier d’une bataille juste, d’un pilotage affûté et du partage de la piste avec tous tes équipiers. La moto est un univers à part que pendant longtemps d’autres sports ont envié. Il faut renouer avec les valeurs d’antan. Il faut retrouver le sens de la course en moto GP.

            – Mais qui es-tu Led ? Je te connais depuis des années, sans te connaître.

– Reçois ton prix, je te le dirai après !.

            Le Warrior se plia aux photos, aux publicités mais lors des interviews il tint un discours auquel personne ne s’attendait. D’un ton solennel, il nomma un après l’autre le nom des pilotes qui étaient tombés, encore pleurés par leurs familles. Nul n’osa interrompre sa litanie pourtant justifiée. Il expliqua ensuite que ce qu’il avait vu sur la piste l’avait changé, que ceux qui se croyaient pilotes ne l’étaient pas en réalité, réduits à l’état de combattants agressifs, violents, dénués de pitié, que tous avaient reçu une leçon, battus loyalement par l’habileté d’un ancien pilote jadis vénéré. Une journaliste l’interrompit :

            – Et ce pilote, Warrior, vous le connaissez ?

            – Je crois que nous le connaissons tous et je viens seulement de me rappeler de ce que mon père me racontait, de cette année 2015 et des dernières compétitions du moto GP au cours desquelles notre avenir s’est joué. Les instances sportives de l’époque, sensibles à l’audience qui avait grimpé du fait de la bataille injustifiée opposant deux pilotes, décidèrent de modifier le règlement. C’est ainsi que les coups furent autorisés, voire conseillés, les alliances pour gagner encouragées et même sponsorisées. Le vainqueur du GP de l’époque fut hué tandis que celui, qui l’avait semble-t-il aidé, fut conspué. Le titre échappa cette année-là à celui qui l’avait mérité et le moto GP devint ce que tous vous connaissez, cette course qui n’est plus qu’un appel au meurtre ! J’ai honte de ce qu’est devenu ce sport et j’annonce aujourd’hui que je ne courrai plus jamais comme avant. Je veux redevenir un pilote digne de ce nom. Je ne suis plus le Warrior !

            Le jeune homme voulut se retirer mais on l’interpella :

            – Le nom de ce pilote majestueux d’aujourd’hui s’il vous plaît.

            – Je l’ai toujours appelé Led sans savoir véritablement comment il s’appelait.

            Alors un journaliste de presse désormais retiré de la profession se leva, s’approcha du micro et dit :

            – A l’époque je le connaissais. Led pour Le Doctor. c’était le numéro 46. Je viens juste de le comprendre. C’est une belle leçon qu’il nous a donné. Il vient de redonner au moto GP ses lettres de noblesses !

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Raoul de Cambrai, suite et fin

RAOUL DE CAMBRAI, suite et fin

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Chers lecteurs,

Il y a longtemps que certains d’entre vous attendaient la fin de ce récit du Moyen Age. La voici !

Pour ceux qui préfèrent mes  histoires à suspense, rassurez-vous, cette semaine vous lirez la suite du « Royaume sans escale », une nouvelle histoire courte, vous découvrirez le concours (livre à la clé)… donc 5 (ou plus) bonnes raisons de revenir me rendre visite sur ce site et de vous y inscrire.

Bonne lecture !

Bernier, adoubé chevalier par Raoul qui est mort a épousé Béatrice qu’il voit peu. Il est l’un des rares à faire preuve de sentiments dans cette geste et l’on est bien loin de ce qu’on appelle au Moyen Age la fin amor, c’est à dire un amour teinté de courtoisie. Les femmes des chansons de geste, vous l’aurez compris, ne représente pas grand chose. Leurs époux, leurs fils… sont si prodigieux dans les batailles notamment qu’elles s’effacent totalement à leurs côtés comme dans la narration sauf quand elles sont reines ou qu’elles sont à l’origines de malédictions comme dame Aalais dont je vous ai parlé bien avant. 

Bernier part au combat et affronte un Turc, un véritable démon « un malfé » dit le texte du Moyen Age. L’homme est redoutable, grand, puissant. Rien de surprenant à ce que les récits de l’époque parlent de Sarrasins, de païens… quand on sait l’importance que l’on accordait à la religion ! Il n’y a rien de surprenant non plus à ce que ce soit le chrétien qui gagne le combat. Il tranche la tête de son adversaire et l’amène au roi Corsuble qui dit :

CCXCVIII

« Crestiens, biaxamis, 

par Mah[omet], a gret m’avés servit. 

Se or voloies demorer avuec mi

tout mon roiaume te partirai par mi »

Vous aurez compris que le roi Corsuble se propose de partager son royaume avec Bernier victorieux car ce passage, bien qu’en ancien français, est assez clair. Mais Bernier, le seul sentimental (mais pas toujours) de cette geste, veut retrouver son épouse et il préfère rentrer. Il finit par la retrouver, non sans mal car la dame est la prisonnière d’un certain Herchambaut. Une ruse à l’occasion d’un bain dans une fontaine va leur permettre de s’enfuir car Herchambaut nu ne peut les suivre. (La fontaine est vertueuse, miraculeuse et ceux qui s’y baignent luttent contre l’impuissance ou les femmes deviennent fertiles). Scène rare que la laisse CCCXVIII où un homme est nu dans une fontaine. La dame veut que Bernier en profite et lui coupe la tête mais en agissant ainsi il serait déshonoré. Tous deux s’en vont donc tandis que l’autre est littéralement enragé. Bernier et Béatrice recherchent ensuite leur premier fils, Julien, disparu et à l’occasion de leurs retrouvailles après l’épisode de la fontaine, ils conçoivent une deuxième enfant : Henri.

En cherchant Julien, Bernier retourne auprès du roi Corsuble et doit se battre avec un certain Corsabré qui n’est autre que son fils. Il ne le sait pas.

« Li uns est pere et li autres est fis » précise le texte.

Mais Bernier croit que Corsabré est un païen recherché pour avoir tué le frère du roi Corsuble. Lors du combat, Julien (Corsabré est fait prisonnier). Julien est condamné à mort.

CCCXXIX

« Fai me une forche sor cel tertre lever,

ce pautonnier maintenant me pendès »

Ce qui signifie que Julien doit être pendu. Mais autour des hommes certains sont frappés de la ressemblance entre Julien et Bernier. Alors, miraculeusement, Bernier reconnaît soudain son fils.

Les retrouvailles sont émouvantes et tous deux rentrent à Saint-Gilles. Julien sera le digne héritier de celui-ci. Bernier pardonne finalement à Guerri toutes ses actions contre lui et ils décident de partir en pèlerinage à Saint-Jacques. Mais intérieurement, Guerri est  partagé. Il veut retrouver la paix auprès de Bernier mais il songe au fait qu’il est aussi celui qui a tué son neveu. Voici ce que dit le texte :

CCCXXXVIII

Gerri ot duel, ce saichiés vos de fi,

por la parole qu’ot de B[ernier] oït

qui li mentoit la mort de ces amis.

Tros qu’a une iaue chevauchiere[n] ainsis ;

lors chevax boivent qui enn ont grant desir.

Li duels ne pot forsdel viellart issir,

max esperis dedens son cors se mist :

ill a sa main a son estrivier mis,

tout bellement son estrier despendi,

parmi le chief B[erneçon] en feri,

le tes li brise et l[a] char li ronpi,

enmi la place la cervelle en chaï.

En résumé : Guerri est profondément accablé. Il songe aux morts, à ses proches. Ils chevauchent tous deux vers une rivière où leurs chevaux boivent. Le vieillard ne pouvant oublier sa douleur, il sort doucement son étrier et frappe Bernier à la tête. Il lui fend le crâne et la cervelle de sa victime tombe dans l’eau.

Guerri s’enfuit ensuite. Et Bernier ???? Il n’est pas mort (vous voyez qu’ils sont forts ces chevaliers du Moyen Age) et dans ses derniers instants, il pardonne le geste terrible de Guerri avant que son âme ne s’envole au paradis (après la cérémonie des brins d’herbe). Béatrice pleure Bernier et les fils de celui-ci veulent bien évidemment le venger. Ils incendient Arras. La citadelle est assiégée et l’on apprend, à la fin de la chanson de geste, alors que la nuit tombe que Guerri quitte la citadelle à cheval et s’exile. Henri, le second fils de Bernier reçoit la citadelle  d’Arras et en devient le seigneur.

« D’or an avant faut la chançon ici :

beneois soit cis qui la vos a dit

et vos  ausis qui l’avé ci oït. »

Traduction :

La chanson s’arrête ici : béni soit celui qui vous la chanta et vous aussi, qui l’avez écoutée.

On voit dans ces dernières phrases que l’histoire que je viens de vous conter et de résumer (car elle comporte 8542 vers) était chantée sur les places, dans les châteaux… puisque le gens ne savaient pas lire. L’oralité était primordiale. Le jongleur qui raconte ces exploits (qui les chante) se devait de remercier ses auditeurs et de les bénir en ces temps si croyants.

Voilà chers lecteurs contemporains du XXI ème siècle. J’espères vous avoir fait découvrir la réalité des écrits du Moyen Age et vous avoir sensibilisé à ces oeuvres riches, exceptionnelles et surprenantes qui n’ont rien à envier à notre littérature fantastique.

La prochaine oeuvre du Moyen Age que je vous ferai découvrir sera « Perceval, le nice (ce qui signifie le sot, le benêt), de Chrétien de Troyes. Je ne la présenterais pas comme je l’ai fait pour « Raoul de cambrai ». Je l’analyserai afin de vous faire découvrir toute sa saveur et sa spécificité car, chers lecteurs elle est l’ancêtre des romans que vous lisez !

La semaine prochaine :

  • le concours dont je vous ai parlé sera lancé (un livre à gagner) alors revenez souvent sur le site pour ne pas le manquer ;
  • vous découvrirez la suite du « Royaume sans escale » ;
  • et, semaine suivante je vous immergerez dans une toute nouvelle histoire.

Alors merci de vous abonner, de partager et de parler de ce site autour de vous comme tant l’ont déjà fait, que je ne remercierai jamais assez.

Bonne lecture, bonnes soirées, bonnes journées… au plaisir immense de vous retrouver !

Votre auteure : Aurey Degal

 


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DESTINATIONS ETRANGES

Cet article a vocation de vous signaler la sortie de mon nouveau livre :

DESTINATIONS ETRANGES

aux édition BOD

En voici la couverture 

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Comme toujours, le mystère est au rendez-vous ! Laissez-vous surprendre !

Voici un lien pour commander le livre. Cliquez ci-dessous

http://www.decitre.fr/livres/destinations-etranges-9782322034383.html

Vous pouvez aussi le commander dans toutes les librairies (il existe en livre papier ou en ebook).

Il s’agit d’un recueil de nouvelles. Vous avez pu en lire certaines sur ce site mais beaucoup de lecteurs ont exprimé le souhait d’avoir ces récits sous la forme d’un livre. C’est chose faite ! Vous pourrez aussi découvrir des histoires inédites qui n’apparaîtront jamais sur ce site. Parmi celles-ci : « Le Terminal », « L’Orée des mondes », « Le Maître des rivages », nouvelles assez longues (40 pages pour la dernière par exemple). 

Voici la quatrième de couverture et un extrait :

Quatrième de couverture :

Il n’est pas toujours nécessaire d’aller loin pour voyager ! Les frissons sont parfois à votre porte. Partir au bout du monde, ou choisir de ne pas vous éloigner, il y a des destinations qui échappent à tout contrôle. Vous ne maîtrisez ni le départ, ni l’arrivée. Tout devient alors étrange, quand ce n’est pas le voyage lui-même. Les histoires de ce recueil vous emportent là où vous ne pensiez pas aller : une montagne, un lac, une maison… Est-ce bien ce que vous croyez ? Destinations étranges, un livre à ne pas en croire vos yeux !

Dans ce nouveau livre, Audrey Degal dynamisme l’écriture et emporte le lecteur de pages en pages vers des destinations plus étranges les unes que les autres. Chaque histoire est à savourer, chaque récit est plus surprenant que le dernier…

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Extrait : 

Qui suis-je ?

Quel jour est-ce ?

Où vais-je ?

L’ailleurs n’apporte pas toujours la réponse.

L’OREE DES MONDES

 

CHAPITRE 1, Un monde sans faim

J’aurais tant aimé dormir plus longtemps, murmura Thibault en se réveillant comme chaque matin, travée 3797, allée 148, couloir 11, chambre 12, lit 3A.

La musique douce et mélodieuse venait de retentir, une fois de plus, tirant chacun d’un sommeil profond. Quelques instants plus tard, une voix féminine bienveillante déversa un flot de paroles, comme d’habitude. Elle remerciait les membres de la communauté pour leur contribution, les invitait à s’habiller rapidement et à aller se restaurer dès qu’on les inviterait à le faire. Les portes des chambres allaient bientôt s’ouvrir. Il faudrait sortir. Nul ne pouvait rester. C’était ainsi.

– Allez, lève-toi. Qu’est-ce que tu as à fixer le plafond comme cela ? On dirait que tu viens de faire une découverte. Rien n’a changé depuis hier et ce sera la même chose demain et tous les jours de notre vie…

– Tais-toi donc ! Tu n’en as pas assez de recommencer encore et encore la même journée, le même travail… Tu ne te poses jamais de questions ?

– Et lesquelles devrais-je me poser ? Je suis heureux. Tout va bien, cela me suffit.

– Je ne sais pas moi, mais tu ne t’es jamais demandé ce que nous faisions ici, pourquoi nos journées se répétaient inlassablement, qui nous nourrit, qui nettoie nos chambres et l’étage, qui…

– …Je ne sais pas. En revanche ce que je sais, c’est que nous allons être en retard si tu continues, rétorqua Luc tout en sortant son linge d’une armoire.

– Et cette voix. Qui se cache derrière elle, d’où vient-elle ? Tous les matins elle nous balance le même message, elle nous rassure, nous réconforte et nous dit gentiment d’obéir sans traîner. Je ne le supporte plus. Tous ces matins identiques, toutes ces journées semblables, toutes ces têtes baissées qui obéissent sans savoir… je n’en peux plus !

______________

Je travaille actuellement sur un troisième livre tiré de « Un Repas au coin du feu » dont vous avez pu lire une histoire abrégée sur ce site. Ce roman portera un autre nom et bien plus de rebondissements que dans l’histoire que vous avez pu découvrir. 

J’ai déjà bien avancé mon quatrième roman dont je tais encore le titre pour l’instant. Les personnages principaux sont une homme et une femme. Le décor : le Verdon. Leur rencontre va faire basculer leurs vies et tout leur échappe ensuite… 

Je dispose de 5 autres idées de romans tous très différents. Offrez-moi du temps pour que je puisse les écrire au plus vite !

Quant aux histoires que je mets à votre disposition sur ce site ou que je garde au chaud pour un prochain recueil de nouvelles,  elles sont au nombre de 63 à ce jour. Vous voyez, je ne suis pas en manque d’idées. Et vous en découvrirez de nouvelles progressivement. 

Bonne lecture à toutes et à tous, partageons ensemble ces moments privilégiés au cours desquels votre lecture rencontre mon écriture pour une fusion extraordinaire, pour une complicité magique ! 

Votre auteure,

Audrey Degal.


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Le Royaume sans escale, 2ème partie

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Le Royaume sans escale, 2ème partie

            La mer, si calme jusque-là, avait désormais son mot à dire et le bateau tanguait si bien qu’il devenait difficile de se tenir sur les ponts. Comme s’ils étaient ivres, les matelots progressaient de biais tentant de s’accrocher à tout ce qui était à leur portée. Les treize gabiers avaient reçu l’ordre d’affaler les voiles qui faseillaient au vent du nord et battaient avec force, mues par de gigantesques mains invisibles mais puissantes. Il ne pleuvait pas mais les hommes étaient trempés jusqu’aux os, fouettés par d’innombrables gerbes d’eau salée.

            – Le Hennec, tire plus fort à droite, hurlait le maître des gabiers qui tentait de coordonner les gestes des marins.

            Deux matelots tentaient de dégager une voilure coincée, en vain. La scène ressemblait à un combat et la lourde toile entravait les jambes des hommes qui tombaient, glissaient sur le pont et revenaient tant bien que mal pour accomplir leur tâche.

            – Le hauban est bloqué, maître gabier. Inutile de tirer. On ne le dégagera pas ! Il ne…

            Il n’avait pas fini sa phrase qu’une vague, plus haute que les autres, le balaya tel un brin de paille et le jeta contre un mât. L’homme tituba en se relevant. Sa tête avait heurté deux ou trois obstacles, lors de sa glissade incontrôlée. Le maître gabier se lança à son tour à l’assaut pour aider ses hommes.

            – Il faut monter, nous n’avons pas le choix. Nous devons dégager la voile et vite l’affaler. Si la mer se déchaîne encore ainsi que le vent, avec cette voile qui bat, nous ne pourrons plus diriger le navire. Qui se dévoue ?

            Sans donner de réponse, Le Hennec, connu pour sa bravoure et son courage, commença à escalader le grand mât, un couteau coincé entre les dents. Les autres le regardaient, perplexes. Il était agile mais lourd. Les éléments semblaient vouloir empêcher sa progression et il reçut des dizaines de gifles monstrueuses d’eau salée. Il résista et quand il arriva enfin au sommet, d’une main, il s’agrippa et de l’autre il commença à tailler dans l’épaisse toile qui figeait tout le gréement. Avec le vent, elle s’était entortillée autour de celui-ci et, trempée, il était impossible de la défaire tant le nœud qui s’était formé était serré. Tout à coup, libérée, la voile tomba lourdement sur le pont. Aussitôt les deux matelots restés au pied du mât s’en emparèrent et la roulèrent pour l’attacher. La tempête gagnait en intensité. La houle martelait la coque du navire voulant le prendre d’assaut. Le bruit était infernal. Le vent sifflait rageusement, la mer vociférait d’obscures paroles.

            – Le Hennec, redescends maintenant, c’est bon ! Bravo !

            Les flots impétueux engloutirent ces paroles.

            – Il a été courageux, maître, fit remarquer l’autre en achevant son nœud de cabestan qui lui permettait de se tenir de l’autre main.

           – Oui, très courageux et habile. Fais deux demi-clés sur le dormant de l’amarre sinon le nœud va se défaire. Les nœuds de cabestan ont souvent tendance à se desserrer.

           – Oui maître ! Obéit immédiatement le gabier discipliné.

         – Voilà ! La voile est bien attachée, dit le maître calfat à son matelot. Rentrons à l’abri. C’est terminé.

            Le marin ne demanda pas son reste. Il leva le menton en direction du grand mât. Plus personne ne s’y trouvait.

            – Le Hennec maître, où est Le Hennec ?

            On l’appela. On le chercha. Il ne reparut jamais. Une lame plus véloce que les autres était venue le cueillir quand il redescendait. Trente-et-un hommes manquaient désormais à l’appel.

*

            – Je vous écoute Sillace. Qu’ont donné vos investigations ? Où sont les trente hommes d’équipages qui n’ont pas répondu à l’appel ce matin ?

            – Il n’y a pas un seul recoin du navire qui n’ait été inspecté. Nous avons procédé méthodiquement, ouvrant toutes les cachettes les plus improbables. Nous avons ouvert les tonneaux de poudre, de farine… Bref, le bateau a été passé au peigne fin mais il n’y a aucune trace des hommes que nous recherchons. Dans les hamacs où ils ont passé leur dernière nuit, les couvertures sont encore tirées, toutes de la même façon, comme s’ils dormaient dessous. Leurs quelques affaires sont aussi en place. On dirait qu’ils se sont évanouis.

            – Je n’ai jamais entendu une chose pareille ! rétorqua le commandant. J’ai confiance en vous Sillace mais j’avoue que c’est extraordinaire !

            Loutail, fixait le lieutenant d’un air dubitatif. Il ajouta :

            – Êtes-vous certain de n’avoir rien oublié ? Ne nous cachez-vous pas quelque chose ?

            – Je vous assure que non. Cependant lors de nos recherches…

            On l’interrompit.

            – Entrez, s’exclama Jim alors qu’on frappait à sa porte. Maître gabier, que vous arrive-t-il ? Faites vite nous avons une urgence à traiter.

            Encore dégoulinant d’eau de mer, le visage baissé, pressant entre ses doigts un chapeau tout aussi trempé, l’homme déclara :

            – Mon commandant, on a fait tout ce qu’on a pu pour détacher la voile qui s’était coincée autour du mât principal. C’est Le Hennec qui s’en est chargé mais en redescendant il est tombé à la mer et quand elle est aussi déchaînée, vous savez comme moi qu’il n’y a rien à faire. Je suis désolé mon commandant. Un homme de moins chez les gabiers.

            Jim frappa violemment du poing la table de bois et pria l’homme de se retirer.

            – Décidément, il semble que la chance ne soit pas de notre côté. Loutail, voyez l’aumônier pour rendre hommage à ce gabier.

            Le commandant en second sortit aussitôt.

            – Sillace vous aviez autre chose à ajouter avant l’arrivée du maître gabier.

           – Oui Jim. Je n’ai trouvé aucun des hommes mais j’ai débusqué autre chose : un passager clandestin.

            – Un passager clandestin ! Étrange traversée que celle-ci. Dites-m’en plus.

           – Eh bien, il se cachait parmi les soldats de la garnison. Ce qui a attiré mon attention, c’est qu’il se comportait étrangement et se tenait un peu trop à part. Les autres commençaient d’ailleurs à le chahuter. Nous avons fait aligner tous les soldats et nous les avons comptés, deux fois. Résultat : 131 soldats au lieu de 130 initialement embarqués. Et comme nous avons procédé ainsi pour tous les corps, les canonniers, les calfats, les hommes de bord, les charpentiers, les novices… Nous sommes certains que cet individu est de trop à bord. J’ai ordonné de l’arrêter. Il a alors tenté de fuir mais il a aussitôt été rattrapé. Et puis où pouvait-il espérer aller ? On ne s’enfuit pas d’un navire !

            – Les trente hommes qui manquaient ce matin tendent à prouver le contraire, coupa Jim perplexe. Et où est ce clandestin pour l’instant ?

        – Je l’ai fait placer dans la cale, à l’isolement. C’est un jeune, il n’a pas l’air récalcitrant. Si vous voulez le voir et l’interroger…

            – Pas pour le moment ! J’ai du travail. Avec cette tempête et les deux ou trois avaries déclarées, je dois modifier notre route pour espérer un temps plus clément en navigant au sud. En revanche, veillez à ce que les canons malmenés par le tangage du navire soient à nouveau fixés solidement. Ils pourraient écraser des hommes en bougeant et endommager la coque. Voyez aussi les autres lieutenants afin qu’ils fassent le point sur les vivres. Certaines pourraient avoir pris l’eau. Tout pourrit si vite quand l’humidité s’infiltre et avec cette tempête l’eau a dû pénétrer un peu partout ! Faites écoper ! Il faut être vigilant.

            – L’aumônier dira une bénédiction demain matin pour le marin tombé à la mer, déclara Loutail en revenant. J’ai aussi appris qu’il y avait un passager clandestin. Voulez-vous que je m’en charge ?

            – Non ! Remettons-nous au travail. Il faut tirer des bords en direction du sud où nous trouverons des vents plus favorables. J’espère que cette tempête ne s’éternisera pas trop.

            – Je l’espère aussi.

*

            La nuit suivante fut plus calme mais sur le bâtiment, on ne dormait guère. On réparait ce qui s’était cassé, on consolidait, on assemblait les voilures déchirées… Un rythme de cinq quarts avait été établi. Certains dormaient, quelques-uns travaillaient, d’autres médisaient :

            – Commandant Jim ou pas, elle n’est pas normale cette traversée. D’abord, des matelots qui disparaissent, la tempête qui fauche un homme, un clandestin caché parmi nous, les canons qui se sont détachés, cinq mille litres d’eau fichus et les salaisons qui baignent dans l’eau salée.

            – Je suis de ton avis. Il y a un mauvais œil qui est monté sur le Royal-Louis.

            – Bah, la tempête s’est calmée.

            – Allons, marins ! Cessez de parler et faites votre travail. Finissez votre quart et vous irez vous coucher, ordonna leur chef.

            Les matelots baissèrent les yeux et se turent. Ils n’en pensaient pas moins.

*

            – Sillace au rapport Jim !

            Il était cinq heures du matin. La nuit, comme la précédente, avait été calme. Le lieutenant attendait que le commandant le priât de parler. Ce dernier, assis dans un fauteuil, un verre à la main, referma le livre qu’il venait de consulter. Il n’avait pas vraiment dormi.

            – Avez-vous fait votre tournée mon ami ?

            – Tournée faite Jim.

            – Et ? Vous me semblez sur la retenue.

            – Effectivement ! C’est que… c’est que…

            – Dites, je vous prie, s’impatienta-t-il. Mais ne me dites pas que…

            – … Si mon commandant ! ne put-il s’empêcher de déclarer.

            – Il manque des hommes ? Il manque des hommes, reprit-il involontairement en écho. Disparus ? Comment ? Combien ? Lesquels ?

            – Treize sont portés manquants. Deux gabiers, six novices, trois voiliers et deux soldats.

            Jim ferma fortement les paupières pour accuser le coup que cette déclaration venait de lui porter.

           – Je n’ai pas dormi cette nuit. Je suis monté prendre l’air et je suis resté là, à arpenter les trois ponts et tout le navire des heures durant. Je n’ai rien vu d’étrange, pas d’activité si ce n’est celle des gardes. Mon Dieu, treize hommes ne s’envolent pas sans bruit. C’est impossible !

           – Je le sais mon commandant… Jim, mais comme hier nous avons déjà vérifié, fouillé, compté et recompté l’équipage. Le nombre reste toujours le même : nous avons perdu 43 hommes en deux nuits. Et…

            Sillace se tut un instant.

            – Et quoi ?

            – Les hommes parlent de traversée du malheur… le ton monte.

         – Certes mais après tout c’est bien normal. N’oublions pas aussi que nous avons un passager de plus : le clandestin. Allons lui rendre visite.

            Les deux hommes, accompagnés de Loutail, descendirent à fond de cale. Celui-ci tenait une lanterne dont les verres étaient brisés. La flamme vacillait. De la proue à la poupe, le Royal-Louis avait été compartimenté et il regorgeait de victuailles. Quatre petites pièces étroites, sombres et humides étaient restées dégagées pour accueillir les matelots devenus rebelles à l’autorité après des mois de navigation éprouvante. Dans une de ces cellules, le clandestin attendait. Il était couché à même le bois froid quand il entendit des pas s’approcher ainsi que des voix. Il se redressa, s’assit et entoura ses jambes repliées de ses bras. Aucun gardien ne surveillait les lieux. Un cliquetis, une clé qui se glisse dans une serrure, une rotation de plusieurs crans et un filet de lumière qui pénètre le premier dans la geôle exiguë. Le clandestin, habitué à l’obscurité, leva son bras devant son visage pour ne pas être ébloui. Un broc d’eau en terre reposait à côté de lui et une assiette dans laquelle on devinait encore des restes de repas. Jim, toujours bienveillant, humaniste avant l’heure lui dit :

            – J’espère qu’on vous a bien traité, jeune marin.

            L’autre, le visage enfoui entre les genoux ne répondit rien.

            – Vous taire ne vous avancera pas. La traversée sera longue. Il va falloir tout nous dire et nous révéler le pourquoi de votre présence sur mon navire. On ne vous fera aucun mal. Vous serez bien traité si vous nous révélez votre identité. Qu’êtes-vous venu faire parmi les soldats de la garnison ?

            L’inconnu se taisait toujours. Sillace sollicita la permission d’intervenir.

          


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Le Royaume sans escale

LE ROYAUME SANS ESCALE

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            Le commandant Jim connaissait le bateau comme sa poche. Il avait traversé tant de fois les océans à bord du Royal-Louis.

Il avait été engagé comme petit mousse à l’âge de huit ans sur un premier navire. On lui avait fait faire la cuisine et nettoyer les ponts. Il en avait passé des heures à frotter le bois, à quatre pattes, avec sa brosse et son seau. Il avait fait toutes les corvées, sans rechigner. Mais il était curieux et ambitieux. Il observait, il surprenait, il apprenait !

            Rapidement, on s’était rendu compte qu’il y avait chez ce jeune un certain potentiel à exploiter. Beaucoup se servaient de lui, d’autres plus généreux, comprirent qu’il serait un jour un grand marin.

            Le Royal-Louis, vaisseau de premier rang d’une capacité de 2400 tonneaux avec ses trois ponts et un équipage de 800 hommes, allait bientôt prendre la mer pour un voyage de deux mois. Sa Majesté en avait décidé ainsi. Mais il voguerait bien plus longtemps, ce qu’ignorait Jim comme le roi. Chaque gueule de ses 80 canons de bronze était prête à défier le monde. Il était richement décoré et sa devise, « Je suis l’unique dessus l’onde, et mon Roy l’est dans le monde », disait combien il est redoutable et admiré. Rodolphe Gédéon l’avait construit, le capitaine Jim le commandait.

            Du quai, ce dernier contrôlait scrupuleusement tout ce qui montait à bord. Rien ne devait manquer. On embarquait 210 000 litres d’eau, 101 000 litres de vin, 1450 litres d’eau-de-vie et de vinaigre pour lutter contre l’eau qui ne manquerait pas de croupir, 54 tonnes de biscuits de mer qui formaient la base de l’alimentation des marins, 56 tonnes de farine, 18 tonnes de salaison, de fèves et de fayots, 3 tonnes de sel pour conserver les aliments, 5 tonnes de riz. Et puis il veillait sur l’état des animaux qui montaient docilement à bord : poules, canards, pigeons, moutons, oies, cochons, bœufs. Les caisses d’armement étaient aussi scrupuleusement inspectées de la poudre en passant par les boulets de canon, la mitraille ou les mousquetons.

            Le ventre du Royal-Louis était aussi plein qu’un ogre repu. Mais il ne sommeillait pas. Mille petites mains s’activaient pour vérifier une dernière fois les voiles, les boussoles, les compas, les sextans, le calfatage de la coque… Il était impensable de laisser quoi que ce fût au hasard. Le grand large ne pardonne rien aux oublieux !

            Le lendemain matin, tous embarqueraient : les lieutenants, les enseignes, l’aumônier,les maîtres canonniers, les maîtres calfat et les hommes de bord composés de gabiers, de matelots et de novices que le commandant Jim prendrait sous son aile bienveillante en songeant que lui aussi l’avait été.

            Ce n’était pas sa dernière traversée. Il y en aurait beaucoup d’autres. Mais ce serait une traversée singulière, une traversée que personne n’aurait osé imaginer, une traversée placée sous le sceau du roi certes comme sous celui de la peur embusquée là où personne ne l’imaginait.

*

 

            Le navire quitta le port de Saintonge et gagna rapidement le large. Les marins venaient de laisser leurs familles. Rares étaient ceux qui les reverraient. La mer était calme, trop peut-être ! Les côtes canadiennes ne seraient en vue que dans quelques mois.

            – J’ai entendu dire que la traversée de l’Atlantique Nord en direction du Canada était extrêmement difficile ! dit un lieutenant au commandant Jim alors que le rivage s’éloignait.

            – C’est vrai mais toute traversée réserve son lot de difficultés qu’il faut affronter. Nous n’avons pas le choix. Les Hollandais, fins navigateurs, disaient : « mieux vaut être sur la lande avec un vieux chariot que sur mer dans un navire neuf ». Quand tu comprends ce que cette phrase signifie, tu te demandes d’abord ce que tu fais sur ce navire. Ensuite, tu te dis que, de toute façon tu n’as pas choisi alors tu apprends à prier car c’est la seule chose qui te reste !

            – Prier, oui, j’ai souvent prié en mer, confirma le lieutenant, le regard perdu dans les vagues.

            – Ne vous inquiétez pas Sillace, Dieu veille sur nos âmes.

            – Je ne suis pas inquiet enfin pas quand je suis sur un de vos navires, commandant. On dit que vous êtes le meilleur et que vous connaissez tous les dangers.

            Jim s’amusa de cette remarque.

            – Qui peut s’enorgueillir de connaître tous les dangers ? Personne mon brave ! Cependant, j’ai tellement voyagé, j’ai affronté tant de tempêtes que je crois être plus chez moi en mer que sur la terre ferme. Et puis j’ai survécu à deux naufrages alors que les navires étaient commandés par des fous qui se croyaient plus forts que la nature. Je crois que c’est là qu’est le secret : il faut faire avec la mer et non lutter contre elle sinon, elle gagne toujours.

            Il passa une main dans sa barbe grisonnante qui lui donnait un air de vieux loup des mers que ses hommes adoraient.

            – Combien de petits mousses exactement ont embarqué ?

            – 65 mon commandant !

            – Veillez à ce qu’ils soient bien traités. Je ne veux pas que les matelots ou les soldats de la garnison les malmènent. Faites-le savoir aux membres de l’état-major et que chacun sache qu’il y aura des sanctions si ces gamins sont importunés.

            – Ce sera fait mon commandant !

            – Appellez-moi Jim ! Quand on est sur le même rafiot et que l’on affronte les mêmes dangers, j’aime que mes hommes m’appellent par mon prénom. Laissez le « commandant » pour les prétentieux !

            – Bien mon comm… euh, Jim !

            – Voilà, c’est mieux !

            Le soleil déclinait sur une ligne d’horizon qui s’agitait en permanence. L’obscurité s’emparait progressivement de la coque du navire dévorant les ponts sur lesquels des soldats montaient la garde. Les rares lampes à huile qu’ils étaient chargés de surveiller se livraient à des jeux d’ombres et de lumières comme si les âmes des marins morts au large erraient d’un mât à l’autre. Le mal de mer s’était aussi invité à bord et les malades se disputaient le pont avec ceux qui étaient chargés de le nettoyer aussitôt. Des matelots en profitaient pour railler ceux dont les estomacs appelaient au secours, disant qu’ils étaient des marins d’eau douce. Les autres, en piètre état, n’osaient contester.

            Après le repas quatre lieutenants ainsi que des enseignes arpentèrent le navire jusqu’aux cales pour inspecter le bâtiment et tout vérifier. Rien ne les alerta. Dans les logements prévus pour hommes de bord, la promiscuité régnait. Il n’y avait pas un seul hamac vide. Certains marins dormaient, d’autres jouaient. Le plus souvent, on tuait le temps à bord. La mer resta d’huile une bonne partie de la nuit et au petit matin elle commença à s’agiter.

*

 

            Le commandant Jim avait bien dormi. Il monta sur le pont principal à cinq heures du matin. L’iode le revigorait toujours et il aimait s’en imprégner. Comme à chaque traversée, un des cinq lieutenants vint faire son premier rapport de la journée.

            – Lieutenant Brodet bonjour. Avez-vous passé une agréable nuit ? demanda Jim à celui qui venait de le saluer.

            – Oui mon commandant mais le lieutenant Sillace nous a dit que nous pouvions vous appeler Jim. Autorisation mon commandant ?

            – Faites Brodet ! Votre rapport, j’écoute !

            – Rien à signaler Jim. Nous maintenons toujours notre cap et attendons vos ordres. La nuit a été calme. Les hommes sont moins malades ce matin, le moral est bon.

            – C’est toujours ainsi au début des traversées. L’équipage s’habitue progressivement au roulis. Dans deux ou trois jours, tout ira encore mieux.

            – J’en suis ravi, répondit Brodet.

            – Ne criez pas victoire trop vite mon jeune ami. Si la mer est dangereuse, l’ennui l’est aussi, tout autant que l’eau des tonneaux qui commencera à croupir ou des maladies qui viendront se déclarer. Voilà ce que nous devrons affronter. Entre le scorbut, le typhus, la dysenterie, le froid et l’humidité nous aurons de quoi faire ! Notre répit n’est que d’une quinzaine de jours. Sachez en profiter !

            – Je n’ai pas votre expérience mais je retiens ce que vous venez de me dire et j’en ferai part aux membres de l’état-major. Cependant, Jim notre voyage est assez court et je crois que les esprits n’auront pas trop le temps de s’échauffer. Quant à l’eau et aux vivres, nos marins ont de l’expérience et savent ce qu’il en est !

            – Bien analysé lieutenant. Que le ciel vous entende ! fit le commandant en levant les bras vers les cieux.

            Comme un vent doux et favorable se leva, Jim ordonna de déployer largement les voiles. On courut sur les ponts pour procéder à ces manœuvres et quelques minutes plus tard, le Royal-Louis fendait l’eau. On aurait dit que rien ne pourrait l’arrêter. Il avalait les milles nautiques à une vitesse déconcertante. Seuls les nuages dans le ciel semblaient se mouvoir avec la même aisance.

            Dans sa cabine, Jim et Loutail, le commandant en second, avaient déployé une carte. Ils mesuraient la latitude, la longitude et traçaient des lignes et d’autres, parallèles, autant de routes à envisager selon les conditions météorologiques. Ils entouraient les points à éviter.

            – Munissez-vous du sextant Loutail. Nous allons monter sur le pont pour faire les relevés.

            – Bien !

            On frappa à la porte.

            – Commandant, Jim ?

            – Oui, que désirez-vous ?

            – Je dois vous voir commandant ? Nous avons un problème ! Puis-je entrer ?

            – Entrez, répondit Jim et continuant de regarder ses cartes.

            Il reposa sa plume à côté de l’encrier.

– C’est encore vous Sillace qui venez me rencontrer ! Mais où sont donc mes autres lieutenants de vaisseau ? Que vous arrive-t-il ? Brodet a fait son rapport ce matin et il ne m’a rien signalé !

– Effectivement Jim. Nous ne l’avons remarqué qu’après, quand les maîtres ont voulu rassembler les hommes.

– Eh bien, qu’est-il arrivé ?

– Ils étaient agités, ils parlaient, à ce que m’ont rapporté leurs maîtres.

            – Je ne vois pas ce qu’il y a de gênant à cela ?

            – Ils s’interrogeaient.

            – À quel sujet ? demanda Jim en reprenant sa plume et en la plongeant dans l’encre afin de modifier un tracé.

            – À propos d’hommes qui manquaient à l’appel. Ils ne se sont pas rassemblés sur l’ordre de leurs maîtres.

            – Sillace vous les connaissez ! Certains sont peut-être encore malades et en train de vomir quelque part, d’autres ne se sont pas levés, voilà tout. Secouez-les !

            – Nous avons pensé à tout cela mais c’est autre chose qui nous a interpellés !

            – Quoi donc ? Ce ne sont pas cinq ou six hommes qui tirent au flanc de bon matin qui doivent nous alarmer ! tenta de rassurer le commandant.

            – Il ne s’agit pas de cinq ou six hommes, Jim. Trente hommes d’équipage manquent à l’appel !

            Surpris, Jim laissa échapper sa plume qui, en tombant, souilla aussitôt le bois.

            – Trente dites-vous ? Mais où diable sont-ils cachés. Je n’apprécie pas que dès le premier jour des matelots dérogent aux règles du commandant. Faites-les chercher !

            – C’est déjà fait Jim. Nous avons fouillé tout le bâtiment et …

            – Et ?… attendit le commandant accroché aux paroles de son lieutenant.

            – Et nous ne les avons pas trouvés. Tout y est pourtant passé : des cuisines, aux latrines, jusqu’au fond de cale. Il n’y a aucune trace d’eux. Et nous ne savons plus où chercher.

            – Eh bien, prenez davantage d’hommes et recommencez. Les marins ne s’envolent pas ainsi ou alors ils sont tombés à l’eau mais cela ne se produit qu’en pleine tempête, ce qui n’était pas le cas cette nuit. Nous ne sommes tout de même pas dans un cas de suicide collectif ! J’ai déjà vu des marins mettre fin à leurs jours en sautant par-dessus bord mais c’était après des mois de navigation et alors que la nourriture comme l’eau commençaient à manquer. Cherchez-les. Ils doivent être quelque part !

            – À vos ordres, Jim !

            Sillace se retira. Il dirigea lui-même les recherches, accompagné de marins et de soldats qui remuèrent chaque tonneau, chaque baril, chaque caisse… Ils n’oublièrent aucun recoin mais ils fouillèrent le bateau en vain.

            Trente matelots s’étaient évaporés. Trente ! C’était un nombre inconcevable. Cependant, Sillace ne se présenta pas les mains vides auprès de Jim. S’il n’avait pas trouvé les marins, il lui ramenait autre chose, autre chose qui allait faire jaser et susciter la méfiance de tous les membres d’équipage ! La traversée ne faisait que commencer !

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Comment j’écris mes histoires ?

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Tout d’abord, voici mon lieu de travail. Pour une fois, il n’est pas trop encombré !

C’est sur ce clavier que je saisis mes textes : romans  et histoires destinés au site. J’ai la chance de travailler devant la fenêtre ouverte que vous voyez derrière  et je vois des arbres, des fleurs… Tout m’inspire !

Comment me viennent les idées de mes histoires ? 

Je dirais qu’elles arrivent de toutes parts. Où que je sois, tout m’interpelle, tout est prétexte à histoire. Une anecdote, un objet, une situation… et me voici partie dans un univers imaginaire où, intellectuellement je brode et déjà des personnages prennent vie. Rapidement j’entrevois une fin. On m’offre un cadeau bien emballé et, alors que je suis en train de l’ouvrir, mon esprit est ailleurs, à bâtir tout un univers autour du contenu que je ne connais pas encore, que j’imagine, suspect, dangereux, important pour ma destinée… Bien entendu, il n’en est rien mais souvent j’ai là, matière à écrire.

D’autres fois c’est quand je m’endors. Je réfléchis, je « pars », ailleurs, je créé ce qui n’existe pas… Bien souvent, je dois me relever pour noter mon idée car au matin, pftt… tout s’est envolé. Dans les salles d’attente, dans ma voiture, au guidon de ma moto, quand je marche dans la rue, sous la douche… TOUT peut potentiellement devenir une histoire !

Mon mari a aussi beaucoup d’imagination et parfois, souvent devrais-je dire, il me dit : « Tiens, j’ai une idée d’histoire ! ». Et il me la raconte. Si elle m’inspire je prends sinon je grimace. En général, les idées que je retiens sont, une fois que j’en ai fait des histoires, bien différentes de ce qu’il imaginait au départ mais c’est ainsi. Je dilate ses récits, j’ajoute ma touche… et lui-même est surpris du résultat final.

Comment me viennent les idées de mes romans ?

C’est un peu pareil  à part que je m’aperçois que le thème va me permettre de créer des digressions, des parallèles, des rebondissements… et que le tout ne peut développer toute sa saveur en quelques pages seulement. Des idées de romans, déjà organisées sur papier, j’en ai plusieurs et je me fais plaisir rien qu’à l’idée de les écrire. Ah si j’avais le temps ! Le temps est ce qui me manque le plus. Si j’en avais davantage, si je n’avais pas l’obligation de me rendre au travail je crois que j’écrirais facilement au moins un roman par an. Mais voilà !…

Quelques exemples :

Prenons l’histoire de la nouvelle intitulée « L’Ascension », qui était sur le site et qui a disparu depuis. Eh bien, j’étais en train de lire un livre quand je me suis dit que ce pourrait être une histoire que je lisais à une personne, laquelle serait dans l’impossibilité de le faire. Il me restait à trouver quelle histoire serait racontée. Comme j’adore la montagne et que les plus hauts sommets me font rêver, j’ai décidé que ce serait une ascension, au bout du monde.

Autre exemple, celui de mon roman, LE LIEN. Sur nombre de maisons ardéchoises de vieux clous rouillés sont figés sur les façades, parfois à l’intérieur. Je m »imaaginais les enlever, je me demandais pourquoi on ne les enlevait pas et je me disais, s’agissant de vielles demeures, que peut-être, derrière se cachait quelque trésor. Trésor m’a fait penser à caisse, caisse à cercueil, cercueil à mort et voilà,  j’avais trouvé le thème de mon histoire, de cette sorte de malédiction. Comme de surcroît, avec la crise on parle sans cesse de privilégiés, d’hommes politiques malhonnêtes et de petites gens qui peinent à vivre, j’ai puisé dans ce vivier pour donner corps à des personnages totalement opposés, ce qui fait que c’est au lecteur de trouver ce qui les relie. D’où le titre : LE LIEN. Quant à Shaïma, cette jeune femme magnifique aux yeux d’ambre, son prénom et sa beauté m’ont été inspirés par une élève si belle que je lui disais toujours : « Si un jour tu hésites pour faire un métier, pense aux agences de top modèles », car je vous assure qu’elle était belle à vous subjuguer. Aujourd’hui, Shaïma n’est pas top modèle et je crois que ma suggestion, elle l’a oubliée.  

Voilà chers lecteurs et chères lectrices. Il me tenait à coeur de vous dire ceci. Et je terminerai par ces remarques qui caractérisent ce que j’écris :

 – le suspense, le mystère et une pointe de fantastique et une fin détonante… toujours.

 – quant à la crainte de la page blanche, je n’ai jamais su ce que c’était ! Car la seule chose qui nuit à mon écriture c’est LE TEMPS comme je l’ai dit plus haut  et des idées d’histoires sous forme de notes j’en ai des centaines. Bientôt je vous dévoilerai le début d’une nouvelle histoire inédite. Il vous suffit de patienter !

Bonne journée, excellentes lectures et n’hésitez pas à laisser un petit commentaire. 


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« Central Park » Guillaume Musso

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Alors que son dernier roman vient de sortir, j’ose vous parler de l’avant dernier. Oui, parce que c’est celui que je viens de finir. Et oui c’est encore Musso ! 

Voyez-vous ses intrigues sont prenantes et je me suis dit « j’en lis encore un ». Et puis, je l’envie, ce monsieur. Non parce qu’il sait écrire, ce qui est un fait, mais parce qu’il est connu et reconnu… Patience Audrey me dis-je, patience !…

Donc Central Park est un roman de 383 pages (mais comparé à mon roman Le Lien) le nombre de pages est identique (c’est une question de police de caractères et de mise en page). Force est de constater que l’on ne s’ennuie pas.

Dès le début de l’intrigue on se demande : « Mais comment sont-ils arrivés là ? ». La quatrième de couverture nous l’annonce pourtant mais il est vrai que deux individus, reliés l’un à l’autre, qui ne savent pas ce qu’ils font enchaînés en ce lieu, qui ont de surcroît des traces de sang sur leurs vêtements et des chiffres gravés à même la peau sur l’avant bras, c’est surprenant ! Et l’on se pique au jeu de piste que mène l’héroïne, officier de police.

Les analepses rhétoriques (retours en arrière) sont les bienvenues pour expliquer le passé de celle que nous prenons en affection, Alice. Les pointes de mystère sont aussi présentes avec le second personnage, Gabriel, flou, énigmatique, menteur, dont on ne sait si c’est pour la bonne cause ou pour mieux faire tomber Alice dans un piège qui semble l’attendre à chaque chapitre. 

Pour couronner le tout, un tueur en série vient jeter le trouble sur nos certitudes et l’on en vient à soupçonner un peu tout le monde : le père d’Alice, son coéquipier de toujours Seymour… Bravo Musso, c’est bien pensé !

L’intrigue emporte donc le lecteur sans aucune difficulté. Au fil des pages vous n’aurez de cesse que de finir le roman pour connaître la vérité, fort bien ficelée par Guillaume Musso, je dois dire. L’enquête est minutieuse, haletante, progressive. 

La seule – petite – ombre au tableau réside dans les pages qui précèdent le dénouement qui, s’il est d’une logique implacable, teintée de surcroît d’émotion, m’a quelque peu déçue. En effet, c’est à mon sens, un voile triste, presque sordide que Musso jette sur son histoire, à la manière de son premier roman Et Après. Le lecteur espère, espère encore et toujours mais… l’inespéré ne se produit pas.  Mais cela ne tient qu’à moi. J’aurais préféré une fin plus positive, moins dramatique… Je pense d’ailleurs que Musso l’a ressenti ainsi puisqu’il a ajouté un dernier chapitre, lequel atténue le sentiment négatif que j’éprouvais. 

En conséquence, je vous recommande la lecture de ce roman Central Park. Vous ne regretterez pas de vous y plonger et vous passerez d’agréables moments. 

N’oubliez pas que lire des livres délivre ! Alors lisez Musso ou mes histoires ou mon roman et le recueil de nouvelles que je m’apprête, sous peu, à publier ! 

Bonne lecture !


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L’Invasion

la vague

Derrière une vague se cache parfois une menace… mais parfois pas ! 

*

« Le lecteur qui s’engage ici tourne les pages d’un monde fictif ». Audrey Degal.

*

« L’Invasion » texte intégral.

– Il faut alerter le Préfet ! … Immédiatement que diable. Remuez-vous !

– Mais chef  vous croyez vraiment que…

– … Je n’ai pas pour habitude de répéter mes ordres. Si vous ne décrochez pas le téléphone et si vous ne me mettez pas en relation avec la préfecture dans les secondes qui suivent, je vous promets que dès demain vous allez vous retrouver à la circulation. 

Le lieutenant obtempéra sur le champ et il composa le numéro demandé. On le mit en attente. Il s’y attendait. Assis à un bureau ses doigts martelaient la surface de bois verni. Son supérieur fixait quant à lui un écran et scrutait des données chiffrées. Il s’entretenait avec d’autres qui affichaient aussi des regards inquiets. De temps à autre, il se retournait vers son subalterne lui faisant comprendre qu’il s’impatientait. Celui-ci répondait :

– On m’a mis en attente monsieur !

L’autre reprenait alors sa discussion avec les membres de la salle de contrôle :

– Je n’ai jamais été confronté à cela et pourtant j’en ai vu des vertes et des pas mûres depuis le début de ma carrière.

– Effectivement ! C’est bizarre.

– Comment est-ce que ça a commencé ?

 – Ce matin tout allait bien et tout à coup on a commencé à apercevoir des petits points sur les écrans de contrôle et le phénomène s’est progressivement accentué…

– C’est une sorte d’invasion !

– Oui, c’est ça ou alors une vague, une véritable déferlante…

*

Dans les stands du salon de la moto on faisait briller les chromes des motos. Chez Harley Davidson les lumières des néons se reflétaient sur les surfaces métalliques et il aurait presque fallu porter des lunettes de soleil pour ne pas être ébloui. Honda, Kawasaki, Suzuki, KTM, Moto Guzzi, Yamaha, Aprilia, Ducati, Triumph… toutes les marques étaient représentées. 

Je crois que ça va être un beau salon cette année, remarqua un des organisateurs.

En effet et l’exposition de motos anciennes devrait avoir un beau succès.

– Oui, comme les spectacles prévus aussi. 

– Qu’est-ce qu’il y a au programme cette année ?

On a une spéciale enduro avec une piste semée d’embûches dessinée par Jean Luc Fouchet. 150 pilotes s’y produiront. Il y a aussi une exposition Sand Raider qui concilie moto et aventure berbère, l’exposition custom, café racer et des photos avec un concours à la clé. 

– Excellent tout ça. Je crois effectivement que ça va être une réussite et puis c’est le premier rendez-vous motard de la saison après l’hiver. Les bécanes sont souvent restées au garage.

– Oui ! L’Afdm est également présente ainsi que quelques clubs de moto. C’est un beau salon.

*

Le rendez-vous avait été fixé : 10 heures devant chez Thibaut et Raphaël. Les copains attendaient ce moment-là depuis longtemps. 

Laurent arriva le premier au guidon de sa bandit 650 qu’il avait achetée d’occasion, faute de moyens. Dans un vrombissement grave et agréable, le carénage de la VFR 800 de Martine pointa son nez. Un instant plus tard, on comptait devant la maison une douzaine de motos : une Ducati monster 821, une Honda 600 cbr, une Yamaha 1300 midnightstar, une  Diavel, une Hayabusa… Un café était prêt à être servi quand d’autres bruits de moteurs annoncèrent les retardataires. 

Ces retrouvailles étaient toujours une joie et puis chacun savait que, la belle saison arrivant, ils allaient bientôt programmer quelques virées comme chaque année. Ils faisaient partie d’un club moto, géré par la belle Isabelle, devenue pilote tardivement mais qui désormais n’avait pas froid aux yeux au guidon de sa machine. Elle  le gérait de main de maître et proposait de magnifiques sorties dans le Verdon, dans le Massif central, en Dordogne… au cours desquelles les amis se retrouvaient et passaient des journées et des soirées inoubliables. A travers cette même passion, la moto, tous avaient le sentiment d’appartenir à une famille où régnait la solidarité.

Bon, c’est pas tout, dit Hervé en reposant sa tasse. Si on y allait !

Autour d’un petit déjeuner, ils avaient évoqué bien des souvenirs : la glissade de Martine sur une plaque d’égout, Jacques  Jacques qui avait perdu les clés de la moto de sa femme Brigitte et qui avait dû retourner chercher un double chez eux, ce qui avait retardé le groupe certes mais avait permis aux autres de passer un bon moment autour d’une table, au soleil, dans le Beaujolais. Le groupe avait vécu tant d’anecdotes, heureusement jamais fatales.

Allez, Hervé a raison. Il est temps de décoller et puis il va y avoir un monde fou aux guichets si l’on tarde trop. En selle ! 

Les pilotes, tous équipés de cuir des épaules aux pieds, mirent en marche les motos et heureux de rouler ensemble, ils prirent la direction du salon de la moto de Lyon. 

Au-dessus des casques, les nuages s’amoncelaient, menaçants. La météo n’avait pourtant rien annoncé de tel. Quelques minutes plus tard, les visières se maculaient des premières gouttes de pluie. 

*

« Caché dans l’entrebâillement d’une porte cochère, l’impitoyable tireur attendait. L’Impitoyable. Il aimait ce surnom que lui avait donné la presse alors que la police ne parvenait pas à l’arrêter. Pourtant il avait déjà un palmarès exceptionnel de victimes et ce soir, il y en aurait une de plus au tableau de ses trophées. L’oeil aux aguets, accoutumé à l’obscurité, il entendit soudain des pas. On approchait. Peut-être était-ce sa victime ! Afin d’être prêt à toute éventualité, il épaula son fusil et visa l’angle d’où surgirait probablement sa  cible. Il restait calme afin d’ajuster son tir. Soudain il ressentit une violente douleur au mollet. De douleur il lâcha aussitôt son arme. 

– Sale bête ! Dégage…

Un roquet teigneux, sorti de nulle part, venait de lui planter ses crocs. L’animal détala sous l’impact du coup de pied qu’il reçut. Devant la porte cochère, la victime tant attendue passa.  L’Impitoyable la dévora du regard et se jeta sur son fusil qui gisait au sol. A ce moment-là… »

– Alors lieutenant, cette communication avec le Préfet, c’est pour aujourd’hui ou pour demain ?

Capitaine, je suis sincèrement désolé mais j’ai eu une secrétaire qui m’a mis en attente et ça dure… 

Et il reprit :

– Allo… allo… mademoiselle… allo… mademoiselle…

Soudain, à bout de patience il hurla :

-MADEMOISELLE, ALLO !

A l’autre bout du fil, la secrétaire du Préfet entendit des sons émanant du combiné qu’elle avait simplement posé sur son bureau afin de pouvoir finir la lecture du passage du polar qu’elle avait commencé. Elle ne voulait pas le  lâcher au moment crucial et elle avait donc mis son interlocuteur en attente. Elle râla intérieurement, contrainte de reprendre l’appareil au moment où l’histoire devenait palpitante.

– Ici le secrétariat du bureau du Préfet. Vous désirez ?

– Enfin… Mademoiselle, cela fait environ 30 minutes que vous me faites attendre et c’est…

– Mais je ne vous permets pas de me parler ainsi monsieur. J’avais des urgences à traiter et je ne pouvais pas faire autrement que de vous faire attendre. 

Au centre de police, le capitaine s’empara alors du combiné.

– Mademoiselle, ici le capitaine de police Georges Refucha. Comme vous l’a rappelé le lieutenant, nous attendons depuis trop longtemps une communication avec le Préfet et si vous ne me mettez pas en relation avec lui immédiatement je vous assure que je débarque dans vos locaux pour savoir pourquoi il nous a fallu attendre aussi longtemps. La situation est urgente, très urgente ! J’ai une invasion à traiter. J’ai bien dit une invasion !

Tout de suite Capitaine, fit la jeune femme qui comprit qu’elle avait exagéré et qu’elle risquait d’en subir les conséquences. 

Pendant ce temps, elle avait pris soin de déposer son roman dans un tiroir de son bureau qu’elle avait refermé. Deux seconde plus tard le Capitaine s’entretenait enfin avec le Préfet auquel il présenta la situation. Il développa ensuite :

– Nous avons une urgence car ceci ne s’est jamais produit à aussi grande échelle.

– Vous voulez donc dire qu’il y a déjà eu des précédents !

– Oui mais pas comme cela. Sur les écrans  de contrôle ça arrive de toutes parts et nous voyons tous ici d’innombrables points colorés.

Je ne comprends pas capitaine. Où est le danger ? 

– Le danger réside dans le nombre inhabituel. Les points observés évoluent d’ordinaire de façon aléatoire, désorganisée. Par ailleurs s’ils sont souvent nombreux  on parvient toujours à les comptabiliser. Or c’est impossible aujourd’hui. Nous assistons à un afflux extrêmement massif. Des masses rouges sont formées, des masses vertes fluorescentes, d’autres argentées… C’est impressionnant et cela prend tant d’ampleur que nous allons très vite être envahis voire débordés. Le risque est majeur monsieur Le Préfet et à l’heure qu’il est nous ne contrôlons plus du tout la situation. Je le répète il s’agit d’une véritable invasion.

Une invasion dites-vous ? Que voulez-vous  alors ?

– Des forces de police supplémentaires à dépêcher immédiatement sur place sinon je ne répondrai plus de rien.

– Y a-t-il déjà des incidents ?

– Nous en avons  observé en effet. 

– Et comment ?

– Nous voyons clairement les masses colorées se déplacer et converger vers le même centre ce qui représente un danger potentiel vous en conviendrez. Ce ne sont pas des centaines mais des milliers de points colorés qui s’affichent sur les ordinateurs et la tendance s’amplifie d’heure en heure. De plus par moments, on voit des points disparaître subitement et ce qu’il y a de pire c’est que cela va aussi en s’accroissant. 

Précisez !

– Au début de notre observation du phénomène les masses étaient parfaitement formées. Puis elles ont muté, comme si on avait fait une coupe dans leurs extrémités. Au début un ou deux points s’effaçaient mais maintenant ils s’effacent pas dizaines, subitement.

– Par dizaines dites-vous ?

– Absolument. Par exemple depuis le début de notre conversation pas moins de 120 points colorés ont disparu et dans un moment je crains qu’il n’y en ait 150. Si je puis me permettre monsieur le Préfet nous perdons un temps précieux à parler. Il faut agir au plus vite car en plus il pleut !

Capitaine, je ne vois pas en quoi la pluie risque d’avoir des conséquences néfastes sur ce phénomène ?

Vous vous trompez ! La pluie va considérablement aggraver la situation.

– Soit ! Je vous envoie des forces supplémentaires et j’attends ensuite que vous me rédigiez un rapport sur l’origine de ce phénomène inexpliqué.

Sauf votre respect monsieur Le Préfet, ce phénomène est exceptionnel mais pas inexpliqué et seuls ceux qui ne connaissent pas le monde des deux roues ne comprennent pas ce qui se passe. 

– Cessez vos allusions et venez-en aux faits ! Je ne comprends rien à votre imbroglio de points colorés, de pluie, d’invasion, de disparition de points sur vos écrans, de phénomène de masse… Il va falloir m’éclairer parce que je commence à en avoir assez. Dites-moi clairement où se situe le danger ?

Le danger est pour la population des motards monsieur Le Préfet !

Ils ont deux roues, un guidon, des routes, un permis de conduire, une signalisation à respecter… et le plus souvent ils se mettent en danger eux-mêmes. Pourquoi les différencier des autres usagers ? Pourquoi les privilégier ?

Il s’avère que je suis aussi motard et que je suis à même de mieux comprendre la situation. Pendant deux jours c’est le salon de la moto et du beau temps était annoncé, ce qui explique qu’ils soient si nombreux de sortie. Les motards se déplacent généralement en bandes, en groupe et ils ont choisi cette année de s’assembler aussi par marques : rouge pour Ducati, vert pour Kawasaki, couleur chrome pour les Harley… C’est l’origine des masses colorées et chaque point est un motard, une individualité mais surtout un être humain. Et cet être humain est en danger car la pluie abondante qui tombe rend la chaussée particulièrement glissante car proche du salon il y a de nombreuses portions faites de pavés. De plus, les effectifs de police et de gendarmerie qui sont déjà sur place précisent que les motards sont victimes de glissades mais aussi du non respect du code de la route par certains automobilistes : clignotants oubliés, rétroviseurs non contrôlés, distances de sécurité non respectées… la liste est très longue. Ce soir ce sera une hécatombe ! 

– Mais pourquoi roulent-ils en masse. C’est interdit ! Le code doit être appliqué ! Sanctionnez-les !

– Ils roulent groupés parce qu’ils n’ont pas le choix. Ils sont trop nombreux et s’ils respectaient scrupuleusement de code de la route en roulant les uns derrière les autres, tous les accès au salon et à la banlieue de l’agglomération  seraient paralysés. Alors là oui nous aurions un épineux problème de circulation à régler.

Je vous autorise donc à verbaliser, à faire des contrôles. Allez-y !

– Je l’entends bien ainsi monsieur Le Préfet mais aujourd’hui ma cible sera l’automobiliste. Le non respect des distances de sécurité si banal ne les exposant qu’à des risques matériels, ils s’en moquent. Le motard lui, en cas de collision risque d’être projeté et c’est sa vie qui est en péril. Pour l’oubli des clignotants c’est pareil. Deux carrosseries froissées ne sont rien à côté d’un pilote fauché qui risque de glisser sous une autre voiture… Vous voyez monsieur Le Préfet, les coupes dont je parlais correspondent à des motards fauchés dans le flot de circulation. Cela ne peut durer. Il faut arrêter le massacre et mieux encore il faudrait enseigner aux candidats au permis de voiture les difficultés auxquelles sont confrontés les deux roues et les risques qu’ils encourent. Car il faut bien l’avouer les automobilistes méconnaissent tout cela et s’ils sont parfois fautifs, ils le sont aussi par manque de sensibilisation !

– Je ne voyais pas ça ainsi mais à bien y réfléchir vous n’avez pas tort. Les forces de police volant aujourd’hui au service de la sécurité des plus vulnérables, des deux roues, j’aime l’idée et médiatiquement parlant c’est original…

*

Hervé, Martine, Laurent, Brigitte, Jean-Jacques et les autres membres du club de moto arrivèrent sans encombres au salon où ils passèrent une belle journée. Ils remarquèrent sur le bord de la chaussée des forces de police dépêchées en nombre qui, pour une fois, n’étaient pas là pour les verbaliser mais pour veiller à leur sécurité, scrutant dans les habitacles les automobilistes afin que ceux-ci respectent les règles les plus élémentaires de la conduite.

*

En quittant son travail ce jour-là, la secrétaire du préfet monta dans sa Nissan. En chemin son téléphone sonna. Son sac à mains était posé à côté d’elle. Elle en extirpa le portable pour prendre l’appel. Aucune vie n’était pourtant en danger. Elle n’était pas urgentiste, elle n’était pas pompier…Pourtant elle répondit. Son mari lui demandait d’acheter du pain. Il avait oublié de le faire. Sa demande ? Une baguette bien dorée, une si  précieuse baguette…

Une baguette pour une vie. Y avait-elle pensé ? Probablement  car on nous répète qu’au volant le téléphone est un danger. Mais confortablement assise dans le siège de sa voiture elle ne put résister à l’envie de décrocher. Etait-il si important de répondre pour échanger de ridicules banalités ?  Les accidents sont pour les autres et puis elle estime qu’elle est prudente ! En face Vincent, un motard, un jeune père et Cécile, une automobiliste. Involontairement la secrétaire fit une embardée, franchissant la chaussée. Vincent l’évita de justesse. Il eut très peur et resterait moralement marqué. Le véhicule de Cécile vint s’encastrer dans un poteau. Pour tous les deux, ce jour-là  fut un jour de chance.  Ils ne surent jamais qu’ils avaient failli perdre la vie pour un peu d’eau et un peu de farine, le tout bien cuit ! 

FIN

A bientôt pour de nouvelles histoires inédites. A partager bien sûr !

Bonne route et V.


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Moyen Age, Raoul de Cambrai suite

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Résumé : Raoul est mort, maudit par sa mère, dame Aalais qui voit en Gautier son second fils. Ce dernier est un chevalier exceptionnel empreint lui aussi du furor guerrier. Le clan voue toujours une haine atavique envers Bernier tenu responsable de tous les malheurs. Aussi Gautier défie-t-il Bernier au combat.

Outre les insultes qui fusent lors du combat « Cuivers bastars »(« gredin de bâtard »), « Fix a putain » (« fils de pute »), lance Gautier. Pui il le frappe avec une telle force qu’il lui tranche l’oreille : « l’orelle emporte, dont trop l’a empirié ». 

Bernier saigne abondamment. Il est mutilé. Gautier l’attaque de nouveau et le trouvère enrichit le texte de précisions propres à impressionner l’auditoire ( c’est-à-dire ceux qui au Moyen Age s’entendent raconter cette histoire) : CCXXXIV « desor l’espaule li fist la char trenchier, desi a l’os li fist le branc fichier » « fist le sanc raier »ce que signifie que Gautier tranche la chair de Bernier de l’épaule jusqu’à l’os et que le sang gicle ». Imaginez un instant à quel point les auditeurs étaient fascinés par tant de violence, de sang et d’ardeur au combat.

Le roi intervient alors et ordonne que l’on sépare les deux chevaliers. Ils sont presque mourants mais comme il s’agit d’hommes exceptionnels, ils supportent leurs blessures et ils se relèveront. Le roi en est heureux et il réclame la paix. Dame Aalais n’accepte pas cette décision royale et elle n’hésite pas à injurier le roi :

CCXXXVII

« Fui de ci, rois, tu aies encombrier !

 Tu ne deüses pas regne justicier !

Se jefuse hom, ains le sollelg couchier

Te mosteroie a l’espee d’acier

Q’a tort ies rois, bien le pues afichier,

celui laises a ta table mengier

Qi ton neveu fist les menbres trenchier. »

ce qui signifie:

« Va-t-en d’ici, mauvais roi et que Dieu te blâme car tu n’es pas digne de régner. Si j’étais un homme, je te montrerai à l’aide de cette épée d’acier et avant le coucher du soleil, que tu n’es pas un souverain de droit divin, que tu te vantes alors que tu autorises celui qui a maltraité ton neveu à manger à ta table ! »

Bernier, pourtant blessé, se livre alors à un jeu presque théâtral puiqu’il se lève, implore dame Aalais, vient baiser ses mains, se jette au sol les bras en croix pour montrer sa piété… Tout ceci pour demander et obtenir la paix. Mais Guerri ne peut accepter cette paix. A bien y songer les chevaliers du Moyen Age n’existent que pour faire la guerre. C’est leur profession. Aussi Guerri ne voulant pas renoncer, il est menacé de malédiction par un abbé présent. « ja la vostre arme n’avera paradis » ce qui veut dire : « jamais votre âme n’ira au paradis ! ». Les hommes du Moyen Age craignent les malédictions. Guerri se ravise.

De là à croire que la guerre va s’arrêter… Non. Contre toute attente, les deux clans, celui de Bernier et celui de Gautier s’associent pour partir en guerre contre le roi cette fois. Ils estiment qu’il agit en traître. Les ennemis deviennent des alliés. Ils montent sur Paris qui est incendié.

Bernier rencontre ensuite dame Béatrice, fille de Guerri. Après bien des hésitations, il accepte de l’épouser ce qui scelle la réconciliation des deux clans. Le texte l’exprime : « car par aus fu la grant guere finee » « car grâce à eux la terrible guerre prit fin ».

Lors d’un combat, Bernier tue Giboin du Mans, ennemi de Raoul. Ainsi la mort de Raoul est enfin vengée et Bernier, en pacificateur qu’il est s’efforce de convaincre chacun de rétablir la paix. Tous acceptent et l’union de Bernier et de Béatrice va pouvoir être célébrée. Oui mais…

C’est sans compter le fait que le roi a placé des espions un peu partout. Il fait enlever Beatrice juste après le mariage, au cours d’une embuscade. Celle-ci se plaint dans une laisse qui évoque la cort amor (l’amour courtois cher au Moyen Age). Elle dit (je résume ici ses paroles de la laisse 273 :

 » Fourrures, je ne veux plus vous porter puisque j’ai perdu le meilleur jeune chevalier de ce monde. Seigneur Bernier vous êtes digne de louanges. Vous étiez courtois et avisé, généreux même. Nos amours ont si peu duré. Que Dieu me le ramène ! »

Elle s’évanouit de douleur mais le roi ne veut pas céder. Il menace même de la livrer à ses écuyers. La reine vient à son secours mais Béatrice reste prisonnière. 

Bernier tend alors une embuscade et libère Beatrice. Le roi s’enfuit, preuve de sa lâcheté. Mais le roi est sauf. Un paix d’apparence va à nouveau être scellée. Puis Bernier part en pèlerinage à Saint Gilles (ermite du VIIIe siècle et port d’embarcation pour les croisades). Là, Bernier est enlevé par les païens tandis que le roi Louis profite de son absence et veut donner Béatrice en mariage à un autre chevalier. (laisse 286).

A suivre et bientôt la fin !

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Lois Lowry, » Le Passeur » (The Giver)

Comment ne pas vous parler aujourd’hui du « Passeur » puisqu’il le film est actuellement sur les écrans de cinéma sous le titre « The Giver » ? 

C’est un livre que j’ai lu il y a longtemps car il est sorti en 1993. Je m’y suis plongée à l’époque par curiosité puis j’ai décidé de le faire lire voire étudier à mes élèves qui l’ont toujours apprécié. Roman d’adolescence certes mais tout aussi divertissant pour les adultes. C’est une oeuvre qui se lit très facilement. 

Quelle n’a pas été ma surprise lorsque j’ai vu qu’on la sortait en version cinématographique. Ni une ni deux, je suis allée la voir au cinéma et mon mari qui avait aimé la lecture du roman m’a accompagnée. 

Bon, ce ne sera pas une surprise si je vous dis que le film « The Giver » est moins intéressant, bien moins intéressant que le livre et qu’il présente bien des différences. Il se laisse voir mais sans plus, manquant de profondeur, empruntant des « déjà vus » – vous repenserez au film beaucoup plus captivant « Divergente » – et puis la fin, cette fin, bâclée, et sans commune mesure avec celle du roman qui laisse une porte ouverte et des doutes. Dans le film « The Giver », le héros parvient à rompre l’isolement de la société dans laquelle il vit en franchissant une « barrière » immatérielle ». On se demande bien comment cela est possible même dans un récit de fiction. C’est un peu trop facile et tout s’arrête par enchantement !!!! Du coup on s’approche du film pour public  jeune alors qu’il semble s’adresser à un public plus mûr. Cherchez la contradiction ! Et je ne m’attarderai pas sur les autres sentiers simplistes empruntés par le film. S’il est à l’affiche, je doute qu’il y reste longtemps…

Le roman quant à lui, pose un problème et invite le lecteur à y réfléchir même si le thème a depuis inspiré bien d’autres romanciers ou d’autres metteurs en scène. Est-il concevable de priver les hommes de leur libre arbitre, de leurs désirs, de les empêcher de percevoir la réalité des choses pour atteindre ce qui ressemble à la paix ? Vous voyez sans doute qu’en écrivant ceci je m’approche encore une fois du film « Divergente » (et je me demande s’il ne serait pas intéressant de créer dans ce blog une page « cinéma » puisque littérature et cinéma sont souvent très proches, la première inspirant souvent le second. Dites-moi dans un commentaire ce que vous en pensez SVP).

L’histoire :

Jonas, le héros, doit assister à la cérémonie en vue d’une attribution de fonction comme tous ceux de son âge dont ses amis. En effet, observés depuis leur plus jeune âge, on détermine pour ces adolescents leur devenir en leur disant quel métier ils exerceront. Chacun se voir attribuer son rôle sauf Jonas voué à devenir « le passeur », mission obscure pour tous ! Il prend contact avec l’ancien passeur qu’il remplacera dans ses fonctions. Il peut désormais se soustraire à certaines obligations, lesquelles s’appliquent pourtant à tout  individu dans son monde. Il pourra mentir et ne devra plus avoir recours à l’injection qui empêche de voir les couleurs et annihile les sentiments. Ainsi, il tombe amoureux de son amie d’enfance, l’invitant à faire de même, et comprend que l’élargissement dont tout le monde parle comme d’un moment de bonheur est finalement une exécution légale. Aussi lorsque le bébé que sa famille a recueilli, Gabriel, doit être élargi parce qu’il n’entre pas dans les normes, Jonas se rebelle (On songe à nouveau à « Divergente », puisque l’héroïne n’a le profil pour aucune faction  et qu’elle va se révolter). De plus la mission de Jonas en tant que passeur est de détenir la mémoire : mémoire d’un passé heureux certes mais aussi celle des guerres et des atrocités dont les hommes sont capables. Bien entendu, il fait le lien avec l’élargissement et comprend que le monde aseptisé dans lequel il vit ne vaut pas mieux que l’ancien. Problème, lui et l’ancien passeur (de mémoire) sont les seuls à le savoir. De fait les dirigeants finissent par voir en eux des ennemis (c’est encore le cas de « Divergente »). Jonas doit sauver Gabriel, celle qu’il aime et ouvrir les yeux à tous les autres. Or ceci dans le roman se passe de façon logique, progressive, c’est une entreprise difficile dont toutes les étapes et leurs embûches sont racontées alors que dans le film « The Giver » tout est trop rapide, inconsistant et finalement bien insipide !

A vous de voir si j’ose dire mais selon moi le livre si « Le Passeur » mérite le détour, pour « The Giver », passez (jeu de mots décidément) votre chemin ! Et n’oubliez pas que je sollicite votre avis pour une rubrique cinéma tout en vous invitant à vous inscrire sur mon blog, à partager, et à « liker ». Merci à vous. 


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Raoul de Cambrai suite (Moyen Age)

Guerri, l’oncle de Raoul, est fou de colère. Il voit en Bernier un « bastars », un bâtard et lui voue une haine féroce. Il entre à nouveau dans le combat prêt à répandre la terreur parmi ses adversaires. Dans la laisse suivante, le trouvère se plaît à mêler le beau et l’horreur en ces termes :

CLXIII

G[ueris] lait corre le destrier de randon,

brandist la hanste, destort le confanon,

et va ferir dant Herber d’Irençon

c’est l’uns des freres, oncles fu B[erneçon].

Grant colp li done sor l’escu au lion

q’i[l] li trancha son ermin peliçon,

demi le foie et demi le poumon :

l’une moitié en chaï el sablon,

l’autre moitiés demora sor l’arçon

mort le trebuche del destrier d’Aragon.

Ce qui signifie :

163

Guerri galope à bride abattue et brandit la hampe de sa lance. Il déploie son gonfanon et frappe Herbert d’Hirson, oncle du jeune Bernier et l’un de ses quatre frères. Il lui assène un coup d’épée si violent sur l’écu orné d’un lion qu’il déchire sa pelisse d’hermine et lui arrache la moitié du foie et la moitié du poumon. Une moitié tombe dans la poussière et l’autre reste sur l’arçon. Le chevalier tombe mort de son destrier d’Aragon.

L’hermine, si précieuse, si belle, douce aussi, qui témoigne de la richesse de celui qui la porte, contraste effectivement avec la description mortifère du jongleur qui parle de foie et de poumon. Les gens du Moyen Age sont fascinés par ces récits qui s’arrêtent tant sur ce qu’ils ne possèdent pas que sur les batailles enragées et l’intérieur des corps car au Moyen Age, l’intérieur des corps relève d’un grand mystère.

Finalement, Guerri doit s’enfuir car ses adversaires, nombreux, ont décidé de l’anéantir puisqu’il fait des ravages parmi les leurs. Il déclare toutefois à Bernier :

« Ja n’avrai goie tant con tu soies vis ! »

qui veut dire :

Je ne serai pas  heureux tant que tu vivras! »

Guerri quitte le champ de bataille accompagné de quarante hommes. Il se retourne avant de quitter les lieux :

« Il esgarda contreval [l]a vaucele,

voit tant vasal traïnant la boeele

toz li plus cointe de rien ne se revele ;

et G[[ueris] pleure, sa main a sa maisele.

R[aoul] en porte, dont li diex renovele.

ce qui signifie :

Il regarda le fond du vallon et vit de nombreux combattants dont les viscères se répandaient. Personne  même parmi ceux d’ordinaire joyeux ne se réjouissait. Guerri, le menton dans sa main, se mit à pleurer. Il emporta ensuite le corps de Raoul et éclata à nouveau en sanglots.

Mettre le menton dans sa main est l’attitude caractéristique de ceux qui sont en proie à la douleur morale, à la perte d’un proche au Moyen Age et, si vous êtes attentifs à certaines tapisseries moyenâgeuses  lorsque vous visitez des musées au des châteaux féodaux, vous retrouverez ces représentations du déchirement intérieur des hommes et non d’un réflexion.

En découvrant son fils mort, dame Aalais regrette bien entendu la malédiction qu’elle avait proférée envers lui mais il est trop tard. Sa plainte occupe des laisses 174 à 180. Elle y déclare son amour pour cet enfant et, comme de coutume au Moyen Age pour exprimer au mieux la douleur, elle s’évanouit à maintes reprises, comme d’autres d’ailleurs. Le trouvère décrit le corps de Raoul ensanglanté, la plaie béante…

Raoul avait lui-même un neveu, Gautier. Aussitôt les obsèques passés, il n’a qu’une idée : venger la mort de son oncle Raoul. La guerre suspendue jusqu’alors reprend, longue, habituelle. Mais Gautier n’est pas encore chevalier. il doit être adoubé. Tout le faste relatif à cette cérémonie jaillit dès la laisse suivante :

CLXXXV

Dame A[alais] corut apariller

chemise et braies et esperons d’or mier,

et riche ermine de paile de qartier.

Les riches armes porterent au mostier ;

la mese escoute[nt] del esvesqe Renier,

 puis aparellent Gautelet le legier?

G[ueris] li sainst le branc forbi d’acier

qi fu R[aoul] le noble guerrier.

Ce qui signifie :

Dame Aalais prépara à la hâte chemise et braies, éperons d’or pur ainsi qu’un manteau de soie écartelé et fourré d’hermine. On apporta de belles armes à l’église et on entendit la messe que chantait l’évêque Renier. Gautier, ce jeune homme ardent, fut ensuite adoubé. Guerri le ceignit par l’épée d’acier poli, celle même qui avait appartenu à Raoul le valeureux guerrier.

Ainsi, à travers Gautier, Aalais voit un nouveau fils qui prendra la place de celui qui l’a trop tôt quittée.

Gautier, chevalier, aux côtés de Guerri, va à son tour réunir des milliers d’hommes pour partir encore une fois à la guerre contre Bernier et tous ceux qui lui sont liés. Le feu de la guerre est rallumé.

La suite prochainement


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Raymond Khoury, « Le Dernier templier »

Raymond Khoury, Le Dernier templier.

Je conseille vivement la lecture de ce roman captivant. Pas une ligne ne vous laissera indifférent. Cette lecture est un pur régal !

Certes, il a été adapté au cinéma et encore assez récemment une chaîne de télévision française a diffusé « Le Dernier templier »  que je me suis empressée de regarder, déjà passionnée par le roman.

Film sympathique mais décevant – c’est si souvent le cas ! – car il y manque des aventures et trop de scènes aux décors splendides imaginés par Raymond Khoury se passent dans des lieux plus faciles à filmer et moins coûteux pour le tournage. Quel dommage ! Mais venons-en à l’histoire.

Dès les premières pages vous êtes happés par la narration et pour cause : En plein New York et au grand jour, des cavaliers revêtus tels des templiers surgissent et sèment la terreur dans un musée alors qu’il y a foule. Ils cherchent quelque chose. Dès lors le lecteur s’interroge et veut connaître la suite. L’héroïne, Tess doit se cacher pour leur échapper. Une enquête suit qui va entraîner un agent du FBI et Tess à l’autre bout du monde sur les traces des Croisés. Le Vatican, menacé envoie lui aussi ses hommes. Les intentions de ces derniers ne sont pas toujours louables. Une histoire d’amour se mêle à l’affaire, douce et savamment distillée par l’auteur.

Ainsi, à travers se roman, vous partirez bien loin de vos horizons quotidiens (quoi de mieux pour se délasser – lire aussi mes histoires peut-être !!! -), vous naviguerez sur les mers, débarquerez en des contrées inconnues, fuirez face à la menace, plongerez dans un lac perdu au milieu de nulle part (scène palpitante pourtant supprimée dans le film) pour espérer découvrir ce que vous êtes venu chercher… Le récit fait aussi la part belle à deux temps narratifs : l’un se déroulant à  l’époque actuelle, l’autre en 1200, ce qui ne manquera pas de plaire à toutes celles et ceux qui adorent, comme moi, cette époque, le Moyen Age, les chevaliers, les combats, la chrétienté… Bien entendu les deux époques ont un lien entre elles et peu à peu le lecteur comprend que ce qui s’est passé voilà des siècles est en relation avec la quête des héros. De complots en enquêtes et en rebondissements, vous ne verrez pas le temps passer.

Alors, si vous voulez passer un agréable moment de lecture, si vous souhaitez une évasion totale, si vous avez envie d’oublier vos problèmes ou tout simplement si vous avez envie de lire, n’hésitez pas et, outre mes histoires, lisez ce roman de Raymond Khoury, Le Dernier templier (traduit de l’anglais). Vous le trouverez facilement en éditions « pocket », isbn 978-2-266-17154-0.


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Raoul de Cambrai suite

Raoul est sans pitié même devant les adversaires qui lui demandent la « merci » ce qui signifie qu’ils font appel à sa clémence et attendent son pardon. Mais le furor guerrier est le plus fort et le sang doit couler ce qui correspond à la fascination des auditeurs du Moyen Age auxquels ces histoires donnent à « voir » par l’intermédiaire de la narration.

Puis vient l’affrontement entre Bernier et Raoul. Le combat engagé est féroce et le jongleur se plaît à préciser que Bernier ne doit la vie qu’à Dieu lequel sait que qu’il est dans son bon droit puisque Raoul a fait brûler sa mère. La « main » de Dieu est essentielle au Moyen Age et le perdant est toujours considéré comme celui qui a des torts. L’on considère en cette époque très croyante que Dieu n’aurait jamais permis que le fautif puisse sortir vivant d’un duel judiciaire ou d’un combat de guerre.

CLIV

Et B[ernier] fait son tor par maltalent

Et fier[t] R[aoul] parmi l’eleme luisant

qe flor et pieres en va jus craventant –

trenche la coife del bon hauberc tenant,

en la cervele li fait couler le brant.

Ce qui signifie :

Bernier fit face et frappa un coup qui transperça le heaume brillant de Raoul et fit sauter les fleurs ornementales et les pierres précieuses – il déchira la coiffe de son haubert et l’épée pénétra jusqu’au cerveau.

Raoul vient d’être frappé à mort. Il tombe de son destrier tandis que ses adversaires, les fils d’Herbert expriment leur joie de le voir ainsi. Raoul tente de se relever et toute l’admiration du narrateur se trouve dans les vers suivants qui précisent :

CLV

Par grant vertu trait l’espee d’acier:

qi li veïst amon son branc drecier

Ce qui signifie :

(Raoul)  tira son épée du fourreau avec ardeur – vous auriez dû le voir brandir son épée en l’air !

Assurément chacun admire ce geste de courage de Raoul et les auditeurs du Moyen Age sont stupéfaits de constater combien les chevaliers font preuve de  ténacité et de résistance à la douleur. Ils sont bien sûr magnifiés. Par ailleurs, la violence évoquée est toujours mise en parallèle avec la richesse qui apparaît avec l’évocation des pierres précieuses qui volent lorsque les épées s’abattent sur les armures. Comment ne pas être admiratif devant tant de contrastes, tant de pugnacité, tant de courage ? Le registre pathétique opère alors sa délicieuse alchimie en ce que Bernier se met à pleurer un ami, Raoul, qui a fait de lui un chevalier. Aussi lorsque  les autres réclament que l’on frappe à nouveau Raoul, Bernier vante ses mérites et refuse d’accéder à leur demande. Ernaut se charge alors de la mise à mort :

CLVI

la maistre piere en fist just trebuchier,

trenche la coife de son hauberc doublier,

en la cervele li fist le branc baignier.

Ne li fu sez, ains prist le branc d’acier,

dedens le cors li a fait tout plungier.

Traduction :

Il fit sauter la plus grosse des pierres puis déchira la coiffe de son haubert épais et double. Il lui plongea l’épée dans le cerveau ce qui ne lui suffit pas puisqu’il la retira pour la plonger à travers son corps.

heaume

Puis vient cette phrase : « L’arme s’en part del gentil chevalier ; Damerdiex l’ait, se on l’en doit proier » ce qui signifie : que l’âme du noble chevalier s’envola. Que Dieu la reçoive, voici notre prière.

A ce stade du récit, la guerre pourrait cesser mais il n’en est rien car cette fois c’est Guerri, l’oncle de Raoul qui, fou de rage va vouloir venger la mort de son neveu. Il se rend auprès du corps de Raoul et s’évanouit. Non pas qu’il soit faible mais au Moyen Age, l’évanouissement témoigne de l’amour porté et de la douleur lorsqu’un être cher est emporté. Aussi s’évanouit-on fréquemment, hommes ou femmes. L’évanouissement est l’expression de la peine.

Bien entendu le jongleur se complaît à raconter que Guerri voit la cervelle de Raoul répandue sur ses yeux ce qui le fait enrager. Il demande une trêve, le temps que son neveu soit mis en terre.

Sur le champ de bataille, alors que Guerri vient chercher le corps de Raoul, il voit un autre corps, celui du chevalier Jehan que Raoul a tué. Or, ce guerrier était réputé  pour être le plus grand du royaume de France. Il voit là l’occasion de rendre hommage à Raoul et d’apporter la preuve irréfutable que Raoul était le plus puissant des chevaliers. Aussi je vous livre ce moment d’une rareté exceptionnelle si représentatif de la notion de courage au Moyen Age :

CLX

andeus les oevre a l’espee trenchant,

les cuers en traist, si con trovons lisant.

Sor un ecu a fin or reluisant

les a couchiés por veoir lor samblant :

l’uns fu petiz, ausi con d’un effant ;

et li R[aoul], ce sevent li quqant,

fu asez graindres, por le mien esciant,

qe d’un torel.

[…]

G[ueris] le vit – de duel va larmoiant ;

ces chevaliers en apele plorant.

Traduction :

Guerri leur ouvrit le corps à tous deux avec son épée et il leur ôta le coeur comme le précise le texte. Il dépose ensuite les deux coeurs sur un écu en or magnifique et les examine : l’un était petit comme celui d’un enfant, l’autre était bien plus gros, comme chacun le sait,  que celui d’un taureau. Voyant cela, Guerri éclata en sanglots et en pleurs appela ses chevaliers.

Au Moyen Age le coeur est le siège du courage plus que des émotions. Ainsi, en constant que Raoul, plus petit de taille que Jehan, a un coeur bien plus gros. Il apporte donc la preuve que son neveu, mort au combat, était un chevalier au courage exceptionnel. L’assemblée se lamente et les larmes montrent combien la perte de Raoul est terrible. Guerri ne voudra qu’une chose, se venger.

Si l’oeuvre s’appelle « Raoul de Cambrai », force est de constater qu’ à la laisse 161, le héros éponyme est mort. Il va dès lors céder la place à Bernier dont le jongleur va vanter les exploits.

A bientôt pour découvrir la suite de cette histoire purement médiévale et si palpitante.