RAOUL DE CAMBRAI, suite et fin
Chers lecteurs,
Il y a longtemps que certains d’entre vous attendaient la fin de ce récit du Moyen Age. La voici !
Pour ceux qui préfèrent mes histoires à suspense, rassurez-vous, cette semaine vous lirez la suite du « Royaume sans escale », une nouvelle histoire courte, vous découvrirez le concours (livre à la clé)… donc 5 (ou plus) bonnes raisons de revenir me rendre visite sur ce site et de vous y inscrire.
Bonne lecture !
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Bernier, adoubé chevalier par Raoul qui est mort a épousé Béatrice qu’il voit peu. Il est l’un des rares à faire preuve de sentiments dans cette geste et l’on est bien loin de ce qu’on appelle au Moyen Age la fin amor, c’est à dire un amour teinté de courtoisie. Les femmes des chansons de geste, vous l’aurez compris, ne représente pas grand chose. Leurs époux, leurs fils… sont si prodigieux dans les batailles notamment qu’elles s’effacent totalement à leurs côtés comme dans la narration sauf quand elles sont reines ou qu’elles sont à l’origines de malédictions comme dame Aalais dont je vous ai parlé bien avant.
Bernier part au combat et affronte un Turc, un véritable démon « un malfé » dit le texte du Moyen Age. L’homme est redoutable, grand, puissant. Rien de surprenant à ce que les récits de l’époque parlent de Sarrasins, de païens… quand on sait l’importance que l’on accordait à la religion ! Il n’y a rien de surprenant non plus à ce que ce soit le chrétien qui gagne le combat. Il tranche la tête de son adversaire et l’amène au roi Corsuble qui dit :
CCXCVIII
« Crestiens, biaxamis,
par Mah[omet], a gret m’avés servit.
Se or voloies demorer avuec mi
tout mon roiaume te partirai par mi »
Vous aurez compris que le roi Corsuble se propose de partager son royaume avec Bernier victorieux car ce passage, bien qu’en ancien français, est assez clair. Mais Bernier, le seul sentimental (mais pas toujours) de cette geste, veut retrouver son épouse et il préfère rentrer. Il finit par la retrouver, non sans mal car la dame est la prisonnière d’un certain Herchambaut. Une ruse à l’occasion d’un bain dans une fontaine va leur permettre de s’enfuir car Herchambaut nu ne peut les suivre. (La fontaine est vertueuse, miraculeuse et ceux qui s’y baignent luttent contre l’impuissance ou les femmes deviennent fertiles). Scène rare que la laisse CCCXVIII où un homme est nu dans une fontaine. La dame veut que Bernier en profite et lui coupe la tête mais en agissant ainsi il serait déshonoré. Tous deux s’en vont donc tandis que l’autre est littéralement enragé. Bernier et Béatrice recherchent ensuite leur premier fils, Julien, disparu et à l’occasion de leurs retrouvailles après l’épisode de la fontaine, ils conçoivent une deuxième enfant : Henri.
En cherchant Julien, Bernier retourne auprès du roi Corsuble et doit se battre avec un certain Corsabré qui n’est autre que son fils. Il ne le sait pas.
« Li uns est pere et li autres est fis » précise le texte.
Mais Bernier croit que Corsabré est un païen recherché pour avoir tué le frère du roi Corsuble. Lors du combat, Julien (Corsabré est fait prisonnier). Julien est condamné à mort.
CCCXXIX
« Fai me une forche sor cel tertre lever,
ce pautonnier maintenant me pendès »
Ce qui signifie que Julien doit être pendu. Mais autour des hommes certains sont frappés de la ressemblance entre Julien et Bernier. Alors, miraculeusement, Bernier reconnaît soudain son fils.
Les retrouvailles sont émouvantes et tous deux rentrent à Saint-Gilles. Julien sera le digne héritier de celui-ci. Bernier pardonne finalement à Guerri toutes ses actions contre lui et ils décident de partir en pèlerinage à Saint-Jacques. Mais intérieurement, Guerri est partagé. Il veut retrouver la paix auprès de Bernier mais il songe au fait qu’il est aussi celui qui a tué son neveu. Voici ce que dit le texte :
CCCXXXVIII
Gerri ot duel, ce saichiés vos de fi,
por la parole qu’ot de B[ernier] oït
qui li mentoit la mort de ces amis.
Tros qu’a une iaue chevauchiere[n] ainsis ;
lors chevax boivent qui enn ont grant desir.
Li duels ne pot forsdel viellart issir,
max esperis dedens son cors se mist :
ill a sa main a son estrivier mis,
tout bellement son estrier despendi,
parmi le chief B[erneçon] en feri,
le tes li brise et l[a] char li ronpi,
enmi la place la cervelle en chaï.
En résumé : Guerri est profondément accablé. Il songe aux morts, à ses proches. Ils chevauchent tous deux vers une rivière où leurs chevaux boivent. Le vieillard ne pouvant oublier sa douleur, il sort doucement son étrier et frappe Bernier à la tête. Il lui fend le crâne et la cervelle de sa victime tombe dans l’eau.
Guerri s’enfuit ensuite. Et Bernier ???? Il n’est pas mort (vous voyez qu’ils sont forts ces chevaliers du Moyen Age) et dans ses derniers instants, il pardonne le geste terrible de Guerri avant que son âme ne s’envole au paradis (après la cérémonie des brins d’herbe). Béatrice pleure Bernier et les fils de celui-ci veulent bien évidemment le venger. Ils incendient Arras. La citadelle est assiégée et l’on apprend, à la fin de la chanson de geste, alors que la nuit tombe que Guerri quitte la citadelle à cheval et s’exile. Henri, le second fils de Bernier reçoit la citadelle d’Arras et en devient le seigneur.
« D’or an avant faut la chançon ici :
beneois soit cis qui la vos a dit
et vos ausis qui l’avé ci oït. »
Traduction :
La chanson s’arrête ici : béni soit celui qui vous la chanta et vous aussi, qui l’avez écoutée.
On voit dans ces dernières phrases que l’histoire que je viens de vous conter et de résumer (car elle comporte 8542 vers) était chantée sur les places, dans les châteaux… puisque le gens ne savaient pas lire. L’oralité était primordiale. Le jongleur qui raconte ces exploits (qui les chante) se devait de remercier ses auditeurs et de les bénir en ces temps si croyants.
Voilà chers lecteurs contemporains du XXI ème siècle. J’espères vous avoir fait découvrir la réalité des écrits du Moyen Age et vous avoir sensibilisé à ces oeuvres riches, exceptionnelles et surprenantes qui n’ont rien à envier à notre littérature fantastique.
La prochaine oeuvre du Moyen Age que je vous ferai découvrir sera « Perceval, le nice (ce qui signifie le sot, le benêt), de Chrétien de Troyes. Je ne la présenterais pas comme je l’ai fait pour « Raoul de cambrai ». Je l’analyserai afin de vous faire découvrir toute sa saveur et sa spécificité car, chers lecteurs elle est l’ancêtre des romans que vous lisez !
La semaine prochaine :
- le concours dont je vous ai parlé sera lancé (un livre à gagner) alors revenez souvent sur le site pour ne pas le manquer ;
- vous découvrirez la suite du « Royaume sans escale » ;
- et, semaine suivante je vous immergerez dans une toute nouvelle histoire.
Alors merci de vous abonner, de partager et de parler de ce site autour de vous comme tant l’ont déjà fait, que je ne remercierai jamais assez.
Bonne lecture, bonnes soirées, bonnes journées… au plaisir immense de vous retrouver !
Votre auteure : Aurey Degal