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Abbaye de Valmagne et mon roman « Le Manuscrit venu d’ailleurs »

Bonjour à toutes et à tous ,

Je ne devais pas produire de nouvel article avant janvier 2023, le temps de m’installer dans ma nouvelle demeure dans le sud mais aujourd’hui je fais une entorse à cette règle pour une bonne raison.

En effet, samedi 19 novembre 2022, j’ai visité la magnifique abbaye de Valmagne et, je dois bien avouer qu’en me promenant dans cet édifice du XIIe siècle, j’ai eu le sentiment très étrange de retrouver les personnages de mon roman « Le Manuscrit venu d’ailleurs » et de me retrouver mes propres pages, de parcourir les lieux inquiétants dans lesquels j’avais moi-même plongé les protagonistes de mon roman. Bien sûr, celles et ceux qui ont déjà lu ce roman (et je vous en remercie) savent que la partie consacrée à l’abbaye n’occupe qu’une place restreinte de mon récit qui se déroule à notre époque et en d’autres lieux. Mais je me devais, après cette visite de Valmagne, de vous faire ressentir et « visiter » ce qui ressemble fort au décor que j’ai planté et imaginé pour écrire « Le Manuscrit venu d’ailleurs ». J’ai donc accompagné cet article d’extraits de mon roman qui coïncident avec ma visite et les photos ci-dessous.

Bonne promenade !

Tout d’abord, remarquez la verticalité de l’abbaye dont la salle principale, l’ancienne église en fait, (voir première image de cet article) vaste, large et profonde n’a rien à envier à Notre-Dame de Paris car elle ne lui est inférieure que de 10 mètres. Remarquez aussi les hauts murs extérieurs que l’on retrouve dans mon roman que je cite au moment ou Jonathan Gentil approche de l’abbaye de Saint Ambroisius :

« Il se retrouva à l’orée d’une clairière. Au milieu de celle-ci, un immense bâtiment gris particulièrement austère dominait, érigé là depuis des siècles. La nuit sans lune, qui baignait maintenant les alentours, ne parvenait pas à dessiner les contours du bâtiment. Le silence s’était aussi emparé des lieux. Même les oiseaux semblaient intimidés. Ils avaient cessé de chanter.

Jonathan progressa dans le noir vers la masse sombre qui grossissait au fur et à mesure qu’il avançait. Où était l’entrée de la bâtisse ? Il pensait l’avoir repérée de loin, juste à la sortie du bois, comme il croyait avoir entrevu une immense porte. Mais plus il approchait, moins il en était sûr. Peut-être avait-il dévié de son cap. Peut-être qu’il ne s’agissait que de murs en ruine plus ou moins noirs. Peut-être que l’entrée se trouvait de l’autre côté…

Il comprit tout le sens de l’expression « se trouver au pied du mur » lorsque ses mains heurtèrent une paroi en pierre extrêmement froide. Il savait pertinemment que celle-ci courait de part et d’autre sur des centaines de mètres. Il avait évalué la hauteur considérable des murs devant lesquels il se trouvait. Franchir l’obstacle en passant par-dessus était impossible. Il n’avait pas d’autre alternative que d’avancer à tâtons pour suivre cette sorte de barrière défensive. »

Plus loin, Jonathan pénètre dans l’abbaye. Il découvre une fontaine, on le fait attendre proche du cloître (qui signifie à l’origine « clôture ») et vous remarquerez la similitude entre le passage de mon roman et les photos prises ce week-end que vous trouvez insérées dans cet article. Ci-après un autre passage de mon roman :

« À peine eut-il franchi le seuil qu’il entendit la porte se refermer derrière lui. Le moine donna deux tours de clé et poussa deux énormes verrous. Jonathan se sentit pris dans un piège.

Sans un mot, son guide s’éloigna. Le jeune chercheur dut lui emboîter rapidement le pas pour ne pas rester seul, égaré dans cette enceinte lugubre. Ainsi, l’un derrière l’autre, ils traversèrent une grande cour sombre surplombée de murs élancés apparemment dépourvus de fenêtres. L’endroit n’était pas rassurant. Au centre, une masse se détachait. Il s’agissait probablement d’une fontaine comme le gargouillis de l’eau qui s’en échappait pouvait le laisser supposer.

Quelques instants plus tard, ils pénétrèrent dans la bâtisse principale. On le pria de s’asseoir sur un long banc en bois brut patiné, plaqué contre la pierre noircie par le temps. C’était le seul mobilier de cette pièce froide. À ce moment-là, Jonathan comprit qu’il était vraiment seul, loin de la civilisation, à la merci de ses hôtes. Trop heureux, il n’avait pris aucune précaution avant de partir et personne ne savait où il était allé. Il avait conscience qu’il se trouvait dans la situation exacte qui fait trembler les lecteurs de romans policiers, quand un témoin suit une piste dangereuse en oubliant de dire où il s’est rendu. On le découvre généralement mort, quelques pages plus loin, assassiné et son corps abandonné au milieu de nulle part où personne ne le retrouve jamais. Cette seule idée lui glaça le sang. Personne ne s’inquièterait de sa disparition avant longtemps. En temps normal, l’atmosphère glauque des lieux et l’accueil glacial de son hôte l’auraient poussé à rebrousser chemin sans demander son reste. Mais il n’avait pas fait tant d’efforts pour renoncer si près du but. »

Il est vrai que l’abbaye de Valmagne est impressionnante et comme mon personnage se rend de nuit dans le monastère du roman lequel est situé loin de tout, il est très inquiet et se sent même en danger. D’ailleurs ce qui se passe au sein du monastère ne le rassure pas puisqu’il y a des gardes, qu’un moine disparaît et qu’il existe des salles cachées. Il aperçoit cependant une fontaine, que vous voyez aussi sur une photo. Les moines de Valmagne s’y lavaient les mains pour les purifier, avant de se rendre au réfectoire. Sauf erreur de ma part, il ne subsiste en France que deux abbayes qui possèdent encore leur fontaine, dont Valmagne.

La petite pièce que vous voyez ensuite en photo, pourvue d’un bureau et de deux chaises est la sacristie. Elle comporte une archivolte romane ornée d’une frise en dents de scie. Elle servait souvent de chapelle au prieur. Elle pourrait tout à fait correspondre, dans « Le Manuscrit venu d’ailleurs » à l’endroit où Jonathan rencontre le prieur, homme intimidant, voire inquiétant, doté d’un personnalité hors du commun.

« — Monsieur Jonathan Gentil, je suppose ! Asseyez-vous, fit le religieux présent dans la pièce, sur un ton étonnamment calme. Nous vous attendions plus tôt !

L’homme était installé à son bureau placé au beau milieu de la pièce et n’avait pas encore levé les yeux. Il finissait d’écrire.

Il s’agissait d’un individu âgé dont la tonsure dessinait une couronne blanche sur le pourtour de son crâne. Sa main droite tremblotait mais lorsqu’il redressa la tête, il plongea son regard bleu perçant dans celui de Jonathan. Il semblait lire en lui à livre ouvert.

— Comme vous l’avez peut-être deviné, je suis le prieur de cette abbaye.

Il marqua une pause, délaissa la feuille qu’il tenait entre ses doigts flétris par l’âge et reprit :

— Jeune homme, j’ai accédé à votre demande à titre tout à fait exceptionnel, car j’ai été sensible à votre motivation, à votre persévérance et bien sûr à vos diplômes d’archéologie et de littérature médiévale. Vous êtes une des rares personnes que j’autorise à franchir ces murs et vous comprendrez qu’il vous faudra obligatoirement respecter nos règles de vie même si elles vous paraissent parfois contraignantes et moyenâgeuses. Tout d’abord, la journée commence le matin généralement à 4 heures par la prière et s’achève le soir, à 22 heures, de la même façon. Le reste du temps, chacun vaque à ses activités. Vous prendrez vos repas avec les moines, dans la salle à manger, et une cellule vous sera assignée que vous ne devrez pas quitter sans notre autorisation. Pour tous vos déplacements au sein de l’abbaye, qui est immense, vous serez accompagné du frère que l’on va vous présenter. Bien entendu, il vous faudra faire preuve de la plus grande discrétion quant à l’existence de notre monastère et de ce que vous allez y découvrir. Sachez que je ne tolérerai aucune entorse à nos usages sans quoi vous seriez aussitôt reconduit hors de nos murs, sans possibilité d’y revenir jamais ! J’espère que vous avez bien compris.

Les propos du prieur résonnaient comme un avertissement. Jonathan avala bruyamment sa salive puis resta sans voix, décontenancé par cette entrée en matière abrupte à laquelle il ne s’attendait pas. Elle ne détonnait pas avec l’atmosphère austère de l’abbaye. »

Les trois dernières photos de ce diaporama vous permettent par ailleurs de découvrir d’autres salles, d’autres lieux importants dans une abbaye. La première est probablement la plus belle, particulièrement bien conservée et j’imagine volontiers mes personnages, Annabelle, Jonathan, Raphaël, le prieur ou le frère Guillaume s’y rendre. Il s’agit de la salle capitulaire, laquelle était le lieu où se réunissaient les moines. On y lisait un chapitre de la Règle et les moines « battaient leurs coulpes » (ce qui signifie qu’ils révélaient aux autres les pêchés qu’ils avaient commis, la coulpe étant la poitrine. On retrouve cette expression dans bien des chansons de geste (une est à votre disposition en cliquant dans le « Menu » puis « Littérature médiévale »)). L’avant dernière photo, plus petite, représente un endroit plus qu’un lieu. Celui-ci s’appelle l’armarium, sorte de petite bibliothèque puisque les moines déposaient leurs livres de prières lorsqu’ils quittaient l’église, dans ce renfoncement creusé dans la pierre. Dans la dernière photo, je me trouve dans une des quatre parties du cloître où je me suis plu à imaginer les moines contraints au silence parcourir ces allées entourées de murs. Bien entendu, je n’ai pu m’empêcher d’établir un lien avec mon roman.

« Jonathan aurait voulu apprécier un peu plus longtemps ce moment de quiétude matinal mais Frère Bastien commençait à s’impatienter et le lui faisait sentir. Il n’y avait plus personne dans la salle. Ils débarrassèrent rapidement, se levèrent et quittèrent le réfectoire.

            — Qu’avez-vous prévu au programme ce matin ? demanda l’étudiant impatient. J’espère que je pourrai enfin accéder à la grande bibliothèque ! C’est essentiel pour mes recherches.

            La question était claire mais le moine se contenta de répondre de façon toujours aussi laconique :

            — Suivez-moi !

            Ils empruntèrent à nouveau un dédale de couloirs avant de déboucher sur un cloître dont les dimensions étaient proportionnelles à l’immensité de l’abbaye. Il était entouré de hautes colonnes remarquablement ouvragées qui soutenaient un toit destiné à abriter une coursive. Celle-ci courait en hauteur sur tout le pourtour d’un jardin carré lui-même entrecoupé de chemins étroits, pavés. À chaque intersection, des statues blanchâtres, vierges, saints, martyrs, semblaient veiller sur ce lieu. Une atmosphère de recueillement régnait, propice à la méditation. Jonathan ressentit à ce moment-là un léger frisson. Heureusement, la nature omniprésente lui permit de reprendre rapidement le dessus. Des arbres aux essences variées, sur lesquels des feuilles récalcitrantes résistaient encore aux assauts de la saison, l’agrémentaient. Ils montaient en flèche vers le ciel comme s’ils voulaient escalader les murs en quête d’un peu de lumière ou bien s’évader. L’atmosphère pesante de ces lieux semblait les incommoder eux aussi.

Jonathan, qui s’était largement documenté avant de venir, devina qu’il venait de pénétrer dans le Saint des Saints, partie habituellement réservée au prieur et aux copistes, comme c’était le cas dans la plupart des monastères. La bibliothèque principale et il l’espérait le scriptorium étaient sans doute proches. Il sentit son pouls accélérer. Il allait peut-être bientôt admirer ce pour quoi il s’était tant battu ces dernières années, à coups d’arguments, d’attestations, de courriers, ce pourquoi il luttait contre la peur qu’il ressentait dans cette abbaye, convaincu d’être à un tournant important de sa vie.

Il pensait qu’ils allaient descendre mais au contraire, ils gravirent quelques marches pour parvenir de l’autre côté du péristyle où le moine bifurqua brusquement à droite comme s’il venait de prendre une décision hâtive. Ils se retrouvèrent dans une salle intermédiaire relativement petite, au mobilier restreint. Là, frère Bastien discuta un instant avec un moine installé derrière un pupitre. Il était plongé dans la lecture d’un manuscrit qui, à première vue, et à lui seul, aurait récompensé n’importe quel chercheur en visite à l’abbaye mais pas Jonathan. Ce dernier entendit qu’on prononçait son nom. Après un temps de réflexion qui parut durer longtemps, le moine lui décocha un regard méfiant et griffonna à la va-vite quelque chose sur un calepin. Il plongea ensuite une main dans un tiroir, en sortit une clé digne d’une nouvelle des Contes de la crypte et se leva pour ouvrir une porte dérobée située juste derrière lui, porte que l’étudiant n’avait pas remarquée. Elle était aussi grise que les murs de la pièce et se confondait avec eux. L’homme n’attendit pas davantage pour retourner s’asseoir. Il semblait déjà les avoir oubliés.        

     Le guide poussa lentement la porte qui s’écarta dans un grincement tel que Jonathan associa le bruit à l’ouverture d’un sarcophage. Il était toujours aussi désireux de découvrir les trésors de cette abbaye mais ce n’était pas sans crainte. Il se demandait si sa soif de connaissances n’allait pas l’emmener dans un endroit interdit au commun des mortels duquel il ne reviendrait jamais. Au-delà, le noir absolu régnait en maître et un courant d’air frais provenant des profondeurs de la Terre, remonta, tourbillonna autour de lui, l’enveloppa tel un drap mortuaire, pour finalement le glacer. Le jeune homme s’efforçait, tant bien que mal, de masquer la frayeur qu’il éprouvait à l’idée de descendre dans cet abîme. »

Voilà, chères lectrices et chers lecteurs, je ne vous ai présenté que quelques salles de l’abbaye de Valmagne et à peine quelques pages de mon roman « Le Manuscrit venu d’ailleurs » qui ne se limite pas à l’évocation du prieuré. Ce lieu est envoûtant, comme mon roman. Cependant, d’autres lieux, d’autres personnages peuplent mes pages mais je ne pouvais pas vous les présenter ici car ils sont moins en relation avec ma visite. Si vous voulez en savoir davantage, je vous invite vivement à vous procurer mon roman, à vous glisser entre les pages et à mener l’enquête (car il s’agit bien d’une enquête à suspense). Je vous rappelle qu’il est disponible en livre papier ou en ebook sur commande chez tous les libraires ou sur internet (comme tous mes romans).

Si vous voulez dynamiser vous aussi ce site d’auteur, rappelez-vous que s’abonner augmente le référencement du site sur Google, ce qui est essentiel, que les auteurs n’existent que s’ils sont lus et pour cela il faut bien que les passionnés achètent leurs romans, n’est-ce pas ! Un roman s’offre aussi pour Noël et vous avez le choix parmi les 5 romans que j’ai déjà publiés (voir « Polars, thrillers, romans » dans le menu.)

A bientôt pour de nouvelles histoires, pour l’évocation de livres que j’ai lus (et j’en ai lu beaucoup, certains m’ont plu et d’autres déplu), pour évoquer mon prochain roman etc.

Portez-vous bien !

Audrey Degal

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Raoul de Cambrai, suite et fin

RAOUL DE CAMBRAI, suite et fin

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Chers lecteurs,

Il y a longtemps que certains d’entre vous attendaient la fin de ce récit du Moyen Age. La voici !

Pour ceux qui préfèrent mes  histoires à suspense, rassurez-vous, cette semaine vous lirez la suite du « Royaume sans escale », une nouvelle histoire courte, vous découvrirez le concours (livre à la clé)… donc 5 (ou plus) bonnes raisons de revenir me rendre visite sur ce site et de vous y inscrire.

Bonne lecture !

Bernier, adoubé chevalier par Raoul qui est mort a épousé Béatrice qu’il voit peu. Il est l’un des rares à faire preuve de sentiments dans cette geste et l’on est bien loin de ce qu’on appelle au Moyen Age la fin amor, c’est à dire un amour teinté de courtoisie. Les femmes des chansons de geste, vous l’aurez compris, ne représente pas grand chose. Leurs époux, leurs fils… sont si prodigieux dans les batailles notamment qu’elles s’effacent totalement à leurs côtés comme dans la narration sauf quand elles sont reines ou qu’elles sont à l’origines de malédictions comme dame Aalais dont je vous ai parlé bien avant. 

Bernier part au combat et affronte un Turc, un véritable démon « un malfé » dit le texte du Moyen Age. L’homme est redoutable, grand, puissant. Rien de surprenant à ce que les récits de l’époque parlent de Sarrasins, de païens… quand on sait l’importance que l’on accordait à la religion ! Il n’y a rien de surprenant non plus à ce que ce soit le chrétien qui gagne le combat. Il tranche la tête de son adversaire et l’amène au roi Corsuble qui dit :

CCXCVIII

« Crestiens, biaxamis, 

par Mah[omet], a gret m’avés servit. 

Se or voloies demorer avuec mi

tout mon roiaume te partirai par mi »

Vous aurez compris que le roi Corsuble se propose de partager son royaume avec Bernier victorieux car ce passage, bien qu’en ancien français, est assez clair. Mais Bernier, le seul sentimental (mais pas toujours) de cette geste, veut retrouver son épouse et il préfère rentrer. Il finit par la retrouver, non sans mal car la dame est la prisonnière d’un certain Herchambaut. Une ruse à l’occasion d’un bain dans une fontaine va leur permettre de s’enfuir car Herchambaut nu ne peut les suivre. (La fontaine est vertueuse, miraculeuse et ceux qui s’y baignent luttent contre l’impuissance ou les femmes deviennent fertiles). Scène rare que la laisse CCCXVIII où un homme est nu dans une fontaine. La dame veut que Bernier en profite et lui coupe la tête mais en agissant ainsi il serait déshonoré. Tous deux s’en vont donc tandis que l’autre est littéralement enragé. Bernier et Béatrice recherchent ensuite leur premier fils, Julien, disparu et à l’occasion de leurs retrouvailles après l’épisode de la fontaine, ils conçoivent une deuxième enfant : Henri.

En cherchant Julien, Bernier retourne auprès du roi Corsuble et doit se battre avec un certain Corsabré qui n’est autre que son fils. Il ne le sait pas.

« Li uns est pere et li autres est fis » précise le texte.

Mais Bernier croit que Corsabré est un païen recherché pour avoir tué le frère du roi Corsuble. Lors du combat, Julien (Corsabré est fait prisonnier). Julien est condamné à mort.

CCCXXIX

« Fai me une forche sor cel tertre lever,

ce pautonnier maintenant me pendès »

Ce qui signifie que Julien doit être pendu. Mais autour des hommes certains sont frappés de la ressemblance entre Julien et Bernier. Alors, miraculeusement, Bernier reconnaît soudain son fils.

Les retrouvailles sont émouvantes et tous deux rentrent à Saint-Gilles. Julien sera le digne héritier de celui-ci. Bernier pardonne finalement à Guerri toutes ses actions contre lui et ils décident de partir en pèlerinage à Saint-Jacques. Mais intérieurement, Guerri est  partagé. Il veut retrouver la paix auprès de Bernier mais il songe au fait qu’il est aussi celui qui a tué son neveu. Voici ce que dit le texte :

CCCXXXVIII

Gerri ot duel, ce saichiés vos de fi,

por la parole qu’ot de B[ernier] oït

qui li mentoit la mort de ces amis.

Tros qu’a une iaue chevauchiere[n] ainsis ;

lors chevax boivent qui enn ont grant desir.

Li duels ne pot forsdel viellart issir,

max esperis dedens son cors se mist :

ill a sa main a son estrivier mis,

tout bellement son estrier despendi,

parmi le chief B[erneçon] en feri,

le tes li brise et l[a] char li ronpi,

enmi la place la cervelle en chaï.

En résumé : Guerri est profondément accablé. Il songe aux morts, à ses proches. Ils chevauchent tous deux vers une rivière où leurs chevaux boivent. Le vieillard ne pouvant oublier sa douleur, il sort doucement son étrier et frappe Bernier à la tête. Il lui fend le crâne et la cervelle de sa victime tombe dans l’eau.

Guerri s’enfuit ensuite. Et Bernier ???? Il n’est pas mort (vous voyez qu’ils sont forts ces chevaliers du Moyen Age) et dans ses derniers instants, il pardonne le geste terrible de Guerri avant que son âme ne s’envole au paradis (après la cérémonie des brins d’herbe). Béatrice pleure Bernier et les fils de celui-ci veulent bien évidemment le venger. Ils incendient Arras. La citadelle est assiégée et l’on apprend, à la fin de la chanson de geste, alors que la nuit tombe que Guerri quitte la citadelle à cheval et s’exile. Henri, le second fils de Bernier reçoit la citadelle  d’Arras et en devient le seigneur.

« D’or an avant faut la chançon ici :

beneois soit cis qui la vos a dit

et vos  ausis qui l’avé ci oït. »

Traduction :

La chanson s’arrête ici : béni soit celui qui vous la chanta et vous aussi, qui l’avez écoutée.

On voit dans ces dernières phrases que l’histoire que je viens de vous conter et de résumer (car elle comporte 8542 vers) était chantée sur les places, dans les châteaux… puisque le gens ne savaient pas lire. L’oralité était primordiale. Le jongleur qui raconte ces exploits (qui les chante) se devait de remercier ses auditeurs et de les bénir en ces temps si croyants.

Voilà chers lecteurs contemporains du XXI ème siècle. J’espères vous avoir fait découvrir la réalité des écrits du Moyen Age et vous avoir sensibilisé à ces oeuvres riches, exceptionnelles et surprenantes qui n’ont rien à envier à notre littérature fantastique.

La prochaine oeuvre du Moyen Age que je vous ferai découvrir sera « Perceval, le nice (ce qui signifie le sot, le benêt), de Chrétien de Troyes. Je ne la présenterais pas comme je l’ai fait pour « Raoul de cambrai ». Je l’analyserai afin de vous faire découvrir toute sa saveur et sa spécificité car, chers lecteurs elle est l’ancêtre des romans que vous lisez !

La semaine prochaine :

  • le concours dont je vous ai parlé sera lancé (un livre à gagner) alors revenez souvent sur le site pour ne pas le manquer ;
  • vous découvrirez la suite du « Royaume sans escale » ;
  • et, semaine suivante je vous immergerez dans une toute nouvelle histoire.

Alors merci de vous abonner, de partager et de parler de ce site autour de vous comme tant l’ont déjà fait, que je ne remercierai jamais assez.

Bonne lecture, bonnes soirées, bonnes journées… au plaisir immense de vous retrouver !

Votre auteure : Aurey Degal