Des histoires pour vous

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L’ENVIE, SUITE ET FIN

Résumé de l’épisode précédent : deux femmes, Bénédicte et Maryline, sont amies mais la première même si elle est jolie souffre de la comparaison avec la seconde qui excelle dans tous les domaines et la surpasse. Bénédicte aimerait vivre la vie de Maryline. Autour d’un verre elle suggère cette idée ridicule à son amie qui rit mais accepte de prendre sa place. Après tout, c’est impossible. Elles se séparent mais lorsque Bénédicte regagne sa voiture, elle fait un malaise et s’effondre sur le trottoir. 

Un passant accourt et m’aide à me relever.

— Ça va mademoiselle ?

Il sort un mouchoir pour éponger mon front ensanglanté. Comme je suis faible, il propose de me conduire aux urgences ou de me ramener chez moi. Je choisis de lui donner mon adresse. J’espère que je n’aurais pas à le regretter car après tout je ne connais pas cet homme.

Il me demande le code de l’alarme et nous entrons dans mon appartement. Il m’installe sur mon canapé, délicatement, cale un coussin sous ma tête, puis il s’éclipse, comme s’il était chez lui. J’entends la porte du réfrigérateur se refermer et il reparaît, deux verres de jus d’orange frais à la main. Je le remercie et j’en profite pour le regarder. Il est plutôt pas mal.

— Un antalgique peut-être ? propose-t-il.

— Dans l’armoire de la salle de bains.

Quand il revient, il me tend un comprimé de doliprane avant de me prodiguer des soins.

— Ce n’est rien ! dit-il. Comment vous sentez-vous ?

— Ça va, je me remets. Mais vous vous y connaissez ?

— Je suis médecin.

— Ah, je ne pouvais pas mieux tomber.

— Si on peut dire, mais je n’ai rien fait. Le cuir chevelu saigne facilement. N’importe qui aurait pu vous soigner. Vous avez toujours mal à la tête ?

— Non, plus vraiment. Mais j’abuse de votre gentillesse. Vous êtes peut-être pressé !

— Non, répond-il, en plongeant dans mes yeux un regard puissant qui en dit long. Je peux rester si vous voulez !

Au petit matin, pendant qu’il dort encore, je m’enroule dans un drap de bain en sortant de la douche. Mon crâne est encore douloureux et je n’ai pas les idées très claires. Tout me semble étrange. Pendant que nous faisions l’amour tout à l’heure, j’avais l’impression de flotter, de ne pas reconnaître mon lit ni ma chambre mais j’ai été secouée. D’un revers de la main, j’essuie la buée accumulée sur le miroir. Et là, je me regarde comme jamais je ne l’ai fait. J’oriente mon image vers la gauche, vers la droite comme pour vérifier… Mais je n’en ai pas besoin, Nolan qui vient de se lever pour me rejoindre exprime ce qui s’est passé mieux que moi à ma place :

— Bonjour Maryline. Ça a l’air d’aller mieux ce matin.

Eros en personne est appuyé nu contre le chambranle de la porte. Il admire mon corps alors que la serviette qui m’entourait vient de glisser au sol. Il s’approche, se plaque contre moi et m’enlace. Nos visages se frôlent dans le miroir avant que nos corps ne recommencent à s’aimer. Alors qu’il est en moi, mon esprit s’échappe, appelé par une obsession merveilleuse, inimaginable qui pourtant me paraît bien réelle : je suis devenue elle, je l’ai remplacée.

Il me laisse son adresse, son numéro de téléphone et prend le mien. Il me rappellera, c’est certain.

Un café chaud en main, de ma fenêtre, je le regarde s’éloigner. Il m’envoie déjà un SMS : « je n’ai jamais vu une femme si belle. Je crois que je t’aime ! »

Je ne rêve pas. Il fait gris dehors mais ma vie est ensoleillée. Je suis devenue Maryline, je suis chez elle, je m’y sens comme chez moi. Tout semble vrai !

Mon téléphone vibre. Je décroche. C’est elle.

— Je croyais que c’était impossible ! Qu’est-ce qui s’est passé ?

— Tu regrettes ? Tu es déçue ?

— Non, je suis plutôt perdue. Je suis toi, je suis chez toi, je ne sais pas comment j’y suis arrivée mais je me sens bien. Pour le reste, je n’y comprends rien.

— Moi non plus mais c’est arrivé.

— Et toi, qu’est-ce que ça te fait d’être Maryline ?

— Comme toi, je suis bien, je dirais même extrêmement bien et surtout heureuse.

— Parce que tu ne l’étais pas avant ?

— Si, mais moins.

— Moi, être Bénédicte, ça me convient. Je me sens plus forte, épanouie ! Mais tu crois que ça va durer ?

— Franchement, j’en sais rien. Mais c’est toi-même qui a suggéré hier que ce soit définitif.

— C’est vrai. Bon, je te laisse. Je vais me plonger dans tes dossiers. Enfin dans mes dossiers. On se rappelle !

J’aurais dû me demander pourquoi elle cet échange lui convenait mais je ne l’ai pas fait. J’aurais dû trouver étrange qu’elle soit heureuse d’être moi alors que je l’ai toujours enviée mais je n’y ai pas songé. Je suis retournée dans la salle de bains pour m’enivrer de mon image, de ce corps sublime. Comment aurais-je pu deviner ce que cachait la face polie du miroir ?

*

            Seule l’issue de la vie est incertaine. J’ai revu Nolan et me suis nourrie de bonheur le lendemain et les jours suivants. J’ai vécu un rêve, éveillée. Les week-ends improvisés à la montagne, les périples à moto, l’aventure sur son voilier, seule avec lui, et plus que tout l’intensité d’être aimée.

Lorsque je plaide dans des affaires délicates, je suis d’une redoutable efficacité. Tout me paraît plus clair qu’avant, je vais à l’essentiel, on me réclame, on me paye cher, je gagne mes procès. Je suis celle que j’ai toujours voulu être.

Je rencontre parfois Bénédicte étrangement heureuse dans une vie sympathique mais plus simple. Comment ne regrette-t-elle pas ce qu’elle était ? Puis nos rendez-vous se font plus rares jusqu’au jour où…

Un taxi me mène à la clinique car je ne me sens pas très bien. Cela fait des semaines que je suis fatiguée. J’ai l’estomac en vrac, des nausées. J’ai peur. Et si tout s’arrêtait… Si je redevenais celle que j’étais que je finalement je détestais. Je perdrais Nolan…

Je paye la course, je claque la portière, les doubles portes automatiques s’ouvrent devant moi, m’avalent.

La secrétaire me reconnaît. Elle prévient aussitôt Nolan qui termine sa consultation avant de m’examiner.

— Tu es peut-être enceinte ! Calme-toi !

— J’ai fait trois tests de grossesse. Tous négatifs !

Il me fait un prélèvement de sang pour en avoir le cœur net. Nous attendons. Négatif !

— Qu’est-ce que j’ai ?

— Il faut approfondir !

Une IRM, un scanner, de nouvelles analyses et son diagnostic tombe, inimaginable, comme le couperet d’une guillotine : cancer, métastases, plus que quelques mois à vivre.

Il pleure ! Je m’effondre ! Il n’y a rien à tenter.

*

            Je suis assise à une table en terrasse, rue de la Longe, au café Fred. Le soleil brille comme jamais. Je l’attends. Je la vois arriver. Bizarre, elle est vêtue du petit tailleur Chanel que je portais ce fameux jour, quand je lui ai parlé de l’échange. Tous les regards sont braqués sur moi. Je suis très pâle mais si belle. À croire que la maladie m’a momentanément sublimée. Elle ne s’assoit même pas, m’embrasse froidement.

— Qu’est-ce que tu veux ? attaque-t-elle.

— Je veux redevenir Bénédicte !

— Pourquoi ?

— Je crois que tu le sais !

— On ne peut pas faire marche arrière, dit-elle froidement.

Comme j’ai été bête !

— Tu le savais, tu aurais dû me le dire, j’aurais pu me soigner, j’aurais pu…

Elle m’interrompt :

— Rappelle-toi : je t’ai dit qu’on perd parfois au change. Maintenant, oublie-moi !

Elle tourne les talons, s’éloigne et me raye déjà de sa vie. Elle m’efface encore une fois.

Jusqu’aux derniers moments, Nolan me comble. Je m’éteins doucement. La vie me quitte.

*

            Quelqu’un me secoue légèrement l’épaule. Je suis assise à une table au café Fred, rue de la Longe.

— Bénédicte ! C’est moi, Maryline. Tu es sûre que ça va ? me dit-elle, penchée au-dessus de mon visage.

— Oh oui, ça va très bien. J’étais simplement perdue dans mes pensées ! En t’attendant j’imaginais des tas de choses.

— Et à quoi pensais-tu pour être si absorbée ?

— À rien et je ne veux pas parler de mon absence.

— OK. Pour savoir ce qui t’est arrivé il faudrait donc qu’on échange nos vies et que…

Je l’interromps comme apeurée :

— Non, surtout pas ! Restons-nous-mêmes !

 

FIN

Mon 4e roman, LE MANUSCRIT VENU D’AILLEURS sort enfin. Oui, j’ai tardé mais les bonnes choses se font généralement attendre, n’est-ce pas. Il est entre les mains de l’éditeurs qui finalise. je ne manquerai pas de vous indiquer sa date de disponibilité chez les libraires mais le référencement sur les plateformes de vente prend parfois du temps. Un peu de patience encore. 

Rappel : les titres et résumés de mes 3 premiers livres, LE LIEN, DESTINATIONS  ETRANGES, LA MURAILLE DES ÂMES, se trouvent en page d’accueil ou dans « mes thrillers publiés ». N’hésitez pas à vous les procurer en les commandant en librairie. Vous ne serez pas déçus, le suspense y règne en maître !

Prochain article : un film que j’ai adoré et un livre pas mal du tout ! Soyez au rendez-vous et partagez cet article. Vous pouvez cliquer sur « j’aime », laisser un commentaire, en parler à vos amis. Le bouche à oreille, c’est vous ! Mon succès dépend de vous et je vous en remercie. 

AUDREY DEGAL

 

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LA DEMOISELLE INACHEVEE, suite et fin

Résumé de l’épisode précédent : C’est l’anniversaire de Mathilde et ses amis lui offrent l’annexe immobilière qu’elle voulait acheter pour ouvrir sa pâtisserie chocolaterie. Mathilde a réussi dans la vie et elle se double d’une bonne vivante qui aime bien manger. Mais elle est seule, dans sa grande propriété et si elle le cache aux autres, elle souffre intérieurement d’un mal qui la ronge : elle se déteste. Elle déteste ses rondeurs, son corps qui s’est alourdi au fil des années car elle ne parvient pas à se maîtriser : elle aime les bonnes tables et ne se prive de rien. Ce goût irrépressible pour la nourriture la poursuit même dans ses rêves où elle se voit éclater à cause de ses excès. Sourire à la vie devient très difficile pour elle désormais !

          Un klaxon de type italien résonna à deux reprises, réveillant Mathilde en sursaut. La Cucaracha annonçait Denis et ses plaisanteries. Il était 15 heures. Il coupa l’alarme de la grande bâtisse qui s’activait automatiquement chaque nuit. Il ouvrit avec sa clé et entra comme s’il était chez lui. Mathilde l’adorait : gentil, toujours là quand il fallait, doué et réputé en cuisine, l’ami parfait !

            — Encore au lit ! Allez, debout. On a une dure journée.

            Mathilde, couchée à plat ventre, saisit l’oreiller et le rabattit sur sa tête tandis que le visiteur ouvrait les rideaux de taffetas et qu’un soleil sans-gêne pénétrait dans la pièce.

            — Oh non, protesta la jeune femme aux paroles étouffées par le matelas. Pas déjà !

            Denis repéra des traces et des résidus de maquillage dans les plis de l’oreiller.

            — Tu as encore pleuré !

            — Ne m’embête pas avec ça ! C’est mon problème !

            — Je refuse que tu te laisses aller. Tu ne peux rien changer à ce qui s’est passé. Tu dois tourner la page et aller de l’avant, Mathilde. À quoi bon te torturer ?

            Toujours cachée par le coussin, elle l’écoutait mais refusait de répondre. Il reprit :

            — Tu es la meilleure pâtissière qui soit, ta notoriété monte en flèche et ta réputation commence à te précéder. Pourquoi cherches-tu encore à te punir face au succès.

            Il la connaissait parfaitement et savait comment elle réagirait. Elle émergea, le teint brouillé, pour lui dire :

            — Je n’arrive plus à me maîtriser. J’avale tout ce qui me tombe sous la main et dans mon métier, c’est pire encore ! La nourriture m’entoure : les épices, les fumets, le thym, la coriandre, le gibier. Entre le piquant et l’acidité, mes papilles ne balancent pas, elles prennent tout. Les fromages m’appellent, les fruits, les lasagnes au safran, les tiramisus à la pistache, les vins, les champagnes… Je ne peux plus résister.

            Il s’approcha pour la consoler. Il plaqua la longue chevelure emmêlée de Mathilde contre lui et se mit à la caresser.

            — Ne pleure pas. Je suis là, avec toi. Je sais que ce que tu traverses est difficile et je ne t’abandonnerai jamais. Personne n’aurait imaginé ce qui t’est arrivé il y a huit mois, quand tes…

            Mathilde posa sa main sur la bouche de Denis pour l’empêcher de parler.

            — Tais-toi ! Je ne veux pas en entendre davantage. Cela me fait souffrir et tu le sais. Mais regarde-moi, Denis ! Je ne suis plus moi-même. Je suis devenue un monstre de gourmandise qui ne sait même plus ce que signifie déguster ou apprécier.

            — Chut, intervint-il avec douceur. Écoute-moi ! Tu vas te reconstruire mais il faut du temps et de la patience pour cela. Tous tes amis sont là pour toi. Nous ne te laisserons pas tomber, Mathilde. Tu détestes les miroirs, couvre-les au lieu de les briser. N’ajoute pas du malheur au malheur ! Tu as besoin d’aide. Je vais t’aider !

*

            — Bonjour mademoiselle Delacour. Avez-vous passé une bonne nuit ? demanda l’infirmier.

            — Où suis-je ? interrogea-t-elle en se redressant sur un lit étroit aux draps blancs immaculés.

            — Je crois qu’il va falloir réduire les somnifères que vous prenez ! Vous avez toujours du mal à émerger, le matin.

          — Des somnifères ? Mais de quoi parlez-vous ? Et qu’est-ce que j’ai au bras ?

          L’infirmier la fixa de ses yeux noirs. Il émanait de sa personne autant de charisme que de douceur.

            — Une perfusion, depuis votre arrivée, ajouta-t-il. Mais comme vous allez mieux je suis venu l’enlever.

            — Une perfusion, pourquoi ? Où sont mes amis ? Où est Denis ?

            — Vous ne vous en souvenez pas ?

            — Non. Je suis totalement perdue. Que se passe-t-il ?

            Le soignant se posa un instant au bord du lit. Il prit la main de Mathilde dans la sienne et commença à lui expliquer :

            — Voilà. Depuis la mort de vos parents, dans un accident de voiture, vous avez déclenché une forme d’amnésie partielle et heureusement momentanée ainsi qu’un trouble prononcé de l’alimentation.

            — Ҫa, je le sais. Je ne cesse de manger, ironisa-t-elle tandis qu’elle se rappelait l’accident qui l’avait traumatisée.

            — Ne m’interrompez pas, s’il vous plaît. Vous allez comprendre.

            Et il poursuivit :

          — Contrairement à ce que vous croyez, vous n’êtes pas devenue boulimique et la gourmandise vous écoeure particulièrement. Vous la fuyez.

            — Qu’est-ce que vous me chantez-là ?

            — Vos amis ont craint pour votre santé car suite au traumatisme subi, vous êtes devenue anorexique. Regardez vos bras !

            — Justement, ils sont bien potelés !

            — C’est un des problèmes de cette maladie. Vous vous voyez ronde alors que votre maigreur vous met en danger. Vous avez l’impression d’être inachevée !

            — Mais…

            — …laissez-moi finir ! Dans ce centre spécialisé, vous ne rencontrerez aucun de vos proches avant d’être rétablie. Cela fait partie du protocole et c’est un gage de réussite. Or, depuis votre admission, vous avez repris du poids, six kilos. C’est considérable et bon signe !

            Mathilde ouvrit de grands yeux et resta bouche bée. Elle aurait voulu crier, protester, nier ce que cet homme venait de lui dire mais en regardant à nouveau son corps, elle finit par voir qu’elle était maigre. Une autre version d’elle non pas ronde mais longiligne !

            — Et la pâtisserie chocolaterie que mes amis m’ont offerte, je l’ai aussi inventée ?

            — Oui, vous avez été admise peu après l’accident et chaque nuit vous faites le même rêve que vous me racontez : une soirée d’anniversaire bien arrosée, plaisanta l’infirmier. Bon et maintenant, qu’est-ce que je vous sers ?

            — Je crois que j’ai faim. J’aimerais bien tirer un trait sur le passé et créer  un dessert qui me ressemblerait.

            —Très bien et comment appellerez-vous cette création ?

            — La demoiselle inachevée !

FIN.

En ce début 2018, faites- moi aussi un  petit plaisir, votre bonne action de tout début d’année : pensez à vous abonner à ce site puisque vous l’appréciez. Vous ne recevrez aucune publicité, je vous l’assure ! Faites le connaître autour de vous, faites aussi connaître mes romans. Vous êtes ma meilleure publicité. Je compte sur vous comme vous comptez sur moi pour vous écrire encore de nouvelles histoires gratuites. Encore une fois bonne année !

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DONNE-MOI LA MAIN, fin

4ème partie (fin)

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Résumé des épisodes précédents : Lola est seule avec ses deux garçons depuis que son mari l’a quittée. Elle finit par rencontrer Gabriel qui se montre doux avec elle et se projette dans l’avenir. Alors qu’ils viennent de s’installer ensemble, il lui révèle la vérité : il est toujours en relation avec une autre femme, il a acheté une maison avec elle et il envisage de laisser Lola pour retourner à ses côtés. Lola s’en relèvera-t-elle ?

*

— Maman, c’est Lola.

Dans sa voix, on sent tout le poids des derniers jours passés à espérer.

— Maman, c’est fini, on se sépare, il retourne avec l’autre. Il va vivre avec elle, il veut avoir des enfants… Maman, c’est horrible ! Pourquoi est-ce qu’il m’a fait ça ? Je l’aime ! Il dit qu’il m’aime encore mais qu’il préfère retourner avec elle. C’est insupportable, je souffre. J’ai mal, maman !

Autour de Lola, tout s’écroule, tout s’effondre, l’apocalypse est de retour, tout a un goût de fin du monde, tout est amer, tout est douleur. Jamais elle ne pourra se relever. Elle est au bord du précipice, cet abîme qu’elle connaît. Gabriel vient de l’y pousser à coups de mensonges, de promesses, d’inconscience. Lola doit tout recommencer !

Grand seigneur, il l’aide à s’installer dans un petit appartement, avec les deux garçons. Il paye la caution, histoire de racheter sa conduite déplorable sans parvenir à voir que Lola est échouée, quelque part dans une vie, prisonnière d’une existence fracassée. Elle a croisé la route d’un monstre et ce monstre s’est bien amusé.

Elle se sent détruite, salie, souillée, transparente, indésirable. Et si l’abîme l’attendait. Tout dans sa vie la ramène sans cesse à ce vide. Et si c’était sa destinée. Comment croire en des lendemains meilleurs ? Comment croire qu’un autre pourrait la désirer ? Comment ne pas devenir méfiante à l’excès ?

Gabriel portait un masque. Gabriel venait de l’ôter.

*

Quatre ans plus tard.

            — Au revoir madame, à bientôt !

            Lola sort d’un laboratoire lyonnais. Ses deux garçons sont à ses côtés. Elle s’apprête à monter dans sa voiture quand un homme l’interpelle.

            — Veuillez m’excuser madame, vous partez ? Je tourne depuis 20 minutes sans parvenir à trouver une place pour me garer.

            Lola lève les yeux et répond :

            — Oui, je m’en vais !

            L’homme, arrêté en double file, sort de son véhicule, lentement. Hésitant, il s’avance vers elle.

            — Lola ? Lola, c’est toi.

            La jeune femme s’apprête à claquer les portières arrières de son véhicule. Elle vient de vérifier que les garçons ont correctement bouclé leurs ceintures de sécurité. Elle relève la tête et dévisage l’individu.

            — Gabriel ?

            — Oui, c’est moi. Tu es ravissante ! Comment vas-tu ?

            Elle aurait pu lui répondre avec la gentillesse qui la caractérisait, mais soudain, le coup de poignard qu’il lui avait asséné le dernier soir lui revient en mémoire. Toute la souffrance passée rejaillit : toutes les années de galères quand il est parti, les fins de mois difficiles le temps de réactiver les allocations supprimées lorsqu’elle était avec lui, les week-ends seule, le concert dont ils avaient réservé les places auquel elle était allée avec une amie, toute la solitude des nuits froides dans un lit vide…

            — Parce que ça t’intéresse ? fit-elle sarcastique.

            — Bien sûr, répond-t-il sûr de lui. Je suis si heureux de te retrouver !

            Lola n’a qu’une seule envie : partir et s’éloigner de lui. Pourtant, la curiosité la pousse à lui parler :

            — Elle va bien ?

            — Qui ? demande-t-il étonné.

            — Ne fais pas l’idiot, tu m’as très bien comprise. Celle pour qui tu m’as lâchement et brutalement abandonnée avec mes fils après m’avoir juré que tu m’aimais.

            Il glisse ses mains dans ses poches et baisse la tête.

            — On est séparés.

            Lola jubile. Elle sent, du plus profond d’elle-même, une douce chaleur monter et l’envahir.

            — Ah, tu l’as plaquée elle aussi, pour une autre peut-être.

            — Non, elle m’a trompé, je suis parti et après je t’ai cherché. Je suis si heureux de te revoir ! Et toi, qu’est-ce que tu fais ?

            — Eh bien, comme tu peux le voir, je m’apprête à entrer dans ma voiture, à démarrer et à partir.

            Elle lui tourne le dos pour se glisser à l’intérieur de son véhicule. À travers les vitres, les deux garçons ont reconnu Gabriel. Même si, pour les épargner, Lola ne leur a jamais dit la vérité, ils sentent qu’ils doivent se tenir à l’écart de la partie engagée sur le trottoir.

            — Mais on vient juste de se retrouver ! Dis-moi ce que tu deviens. On pourrait peut-être aller boire quelque chose ? Je ne veux pas te perdre à nouveau. Tu m’as tant manqué Lola. Si tu savais !

            Le regard de la jeune femme, éteint pendant de longues années, se pare soudain d’une nouvelle lueur. Ses yeux semblent pétiller. Ce n’est pas une discussion entre cet homme et elle, c’est un combat qui est engagé. Elle compte bien le gagner.

            — Alors écoute-moi bien : boire quelque chose avec moi, fais-le dans tes rêves, dans ton grand lit où tu resteras probablement seul pendant de très nombreuses années. Quant au fait de me perdre, mais mon pauvre Gabriel, tu m’as définitivement perdue il y a quatre ans. C’est irrévocable. Lorsque j’étais enfant, je ne croyais pas que les monstres pouvaient exister. Grâce à toi j’y crois maintenant mais l’avantage c’est que je suis prête à les affronter.

            — Mais Lola, souviens-toi, nous parlions d’avoir un enfant tous les deux ! intervient-il éberlué.

            — Justement, regarde donc où je suis garée : « Laboratoire d’Analyses Médicales ». Je viens de découvrir mes résultats. Ils sont positifs. Je vais avoir un bébé dans environ 8 mois et pour mon plus grand bonheur, il n’est pas de toi. Mon compagnon va très bien et je vais lui annoncer la nouvelle. Ce soir, lui, les garçons et moi, nous allons fêter la nouvelle. Quant à toi Gabriel je ne sais pas ce que tu deviendras et je m’en moque totalement. Tu vois, je parle comme toi à présent car j’ai beau te regarder, tu ne m’inspires que cette phrase que tu répétais sans cesse : je ne sais pas. Eh bien moi, je sais désormais où aller, qui aimer et qui m’aime. Dans ton cas, c’est désespéré !

            — Lola, tu ne peux pas me laisser ! Donne-moi la main, nous sommes faits l’un pour l’autre, je te jure que…

            Lola s’installe au volant de sa voiture, met le contact, le regarde, lui adresse un de ses plus beaux sourire et disparaît. Gabriel reste bouche bée sur le trottoir. Il vient de recevoir le coup de grâce. Il fait demi-tour pour regagner son véhicule et se garer. Mais lorsqu’il se retourne, la place qu’il convoitait est occupée.

            Il faut toujours garder un oeil derrière soi. Quelqu’un peut vouloir prendre votre place sans que vous vous en doutiez !

***

Pensez à vous abonner au site, à consulter, dans la rubrique « Accueil », mes deux livres en vente. 

Bientôt, je vous annoncerai : 1) la date de sortie de mon thriller policier ;

                                                     2) les dates du prochain salon littéraire auquel je vais participer ;

                                                     3) le résumé d’un film qui m’a passionnée, en dépit des critiques ;

                                                   4) le début d’une nouvelle histoire à suspense, qui s’inscrira davantage que « Donne-moi la main » dans la veine de ce que j’écris d’habitude : mystère, suspense et fin surprenante. 

MERCI POUR VOTRE FIDELITE

AUDREY DEGAL

 


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JOYEUX NOËL A TOUS !

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J’écris des histoires pour vous mais je désire aussi entretenir un lien privilégié avec TOUS mes lecteurs où qu’ils soient  et je sais que vous me lisez partout dans le monde.

Je veux donc, à travers cet article, vous souhaiter un JOYEUX NOËL à toutes et à tous et vous remercier pour ces deux ans de lecture que nous partageons.

Très chaleureusement,

Audrey Degal.


8 Commentaires

Comment j’écris mes histoires ?

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Tout d’abord, voici mon lieu de travail. Pour une fois, il n’est pas trop encombré !

C’est sur ce clavier que je saisis mes textes : romans  et histoires destinés au site. J’ai la chance de travailler devant la fenêtre ouverte que vous voyez derrière  et je vois des arbres, des fleurs… Tout m’inspire !

Comment me viennent les idées de mes histoires ? 

Je dirais qu’elles arrivent de toutes parts. Où que je sois, tout m’interpelle, tout est prétexte à histoire. Une anecdote, un objet, une situation… et me voici partie dans un univers imaginaire où, intellectuellement je brode et déjà des personnages prennent vie. Rapidement j’entrevois une fin. On m’offre un cadeau bien emballé et, alors que je suis en train de l’ouvrir, mon esprit est ailleurs, à bâtir tout un univers autour du contenu que je ne connais pas encore, que j’imagine, suspect, dangereux, important pour ma destinée… Bien entendu, il n’en est rien mais souvent j’ai là, matière à écrire.

D’autres fois c’est quand je m’endors. Je réfléchis, je « pars », ailleurs, je créé ce qui n’existe pas… Bien souvent, je dois me relever pour noter mon idée car au matin, pftt… tout s’est envolé. Dans les salles d’attente, dans ma voiture, au guidon de ma moto, quand je marche dans la rue, sous la douche… TOUT peut potentiellement devenir une histoire !

Mon mari a aussi beaucoup d’imagination et parfois, souvent devrais-je dire, il me dit : « Tiens, j’ai une idée d’histoire ! ». Et il me la raconte. Si elle m’inspire je prends sinon je grimace. En général, les idées que je retiens sont, une fois que j’en ai fait des histoires, bien différentes de ce qu’il imaginait au départ mais c’est ainsi. Je dilate ses récits, j’ajoute ma touche… et lui-même est surpris du résultat final.

Comment me viennent les idées de mes romans ?

C’est un peu pareil  à part que je m’aperçois que le thème va me permettre de créer des digressions, des parallèles, des rebondissements… et que le tout ne peut développer toute sa saveur en quelques pages seulement. Des idées de romans, déjà organisées sur papier, j’en ai plusieurs et je me fais plaisir rien qu’à l’idée de les écrire. Ah si j’avais le temps ! Le temps est ce qui me manque le plus. Si j’en avais davantage, si je n’avais pas l’obligation de me rendre au travail je crois que j’écrirais facilement au moins un roman par an. Mais voilà !…

Quelques exemples :

Prenons l’histoire de la nouvelle intitulée « L’Ascension », qui était sur le site et qui a disparu depuis. Eh bien, j’étais en train de lire un livre quand je me suis dit que ce pourrait être une histoire que je lisais à une personne, laquelle serait dans l’impossibilité de le faire. Il me restait à trouver quelle histoire serait racontée. Comme j’adore la montagne et que les plus hauts sommets me font rêver, j’ai décidé que ce serait une ascension, au bout du monde.

Autre exemple, celui de mon roman, LE LIEN. Sur nombre de maisons ardéchoises de vieux clous rouillés sont figés sur les façades, parfois à l’intérieur. Je m »imaaginais les enlever, je me demandais pourquoi on ne les enlevait pas et je me disais, s’agissant de vielles demeures, que peut-être, derrière se cachait quelque trésor. Trésor m’a fait penser à caisse, caisse à cercueil, cercueil à mort et voilà,  j’avais trouvé le thème de mon histoire, de cette sorte de malédiction. Comme de surcroît, avec la crise on parle sans cesse de privilégiés, d’hommes politiques malhonnêtes et de petites gens qui peinent à vivre, j’ai puisé dans ce vivier pour donner corps à des personnages totalement opposés, ce qui fait que c’est au lecteur de trouver ce qui les relie. D’où le titre : LE LIEN. Quant à Shaïma, cette jeune femme magnifique aux yeux d’ambre, son prénom et sa beauté m’ont été inspirés par une élève si belle que je lui disais toujours : « Si un jour tu hésites pour faire un métier, pense aux agences de top modèles », car je vous assure qu’elle était belle à vous subjuguer. Aujourd’hui, Shaïma n’est pas top modèle et je crois que ma suggestion, elle l’a oubliée.  

Voilà chers lecteurs et chères lectrices. Il me tenait à coeur de vous dire ceci. Et je terminerai par ces remarques qui caractérisent ce que j’écris :

 – le suspense, le mystère et une pointe de fantastique et une fin détonante… toujours.

 – quant à la crainte de la page blanche, je n’ai jamais su ce que c’était ! Car la seule chose qui nuit à mon écriture c’est LE TEMPS comme je l’ai dit plus haut  et des idées d’histoires sous forme de notes j’en ai des centaines. Bientôt je vous dévoilerai le début d’une nouvelle histoire inédite. Il vous suffit de patienter !

Bonne journée, excellentes lectures et n’hésitez pas à laisser un petit commentaire. 


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13 à table ! Les Restos du coeur

J’en ai entendu parler. C’était pour la bonne cause… je j’ai acheté :
« 13 à table », Les restaurants du coeur

Comment, quand on aime lire, ne pas joindre l’acte d’achat à l’agréable ? Avec 13 à table », pour chaque livre acheté trois repas seront distribués. J’aime l’idée. Je vous invite donc si vous ne l’avez pas encore acheté à vite rectifier cette erreur ! Ne nous montrons pas égoïstes surtout à l’approche des fêtes. Etre heureux c’est aussi vouloir aider les autres. Quoi ? Vous murmurez ? Il me semble vous entendre dire : « Je vais l’acheter » ou « Plus tard » ou « Il faut que j’y pense »…
Non, non, on ne remet pas au lendemain ce que l’on peut faire aujourd’hui c’est-à-dire que l’on ne rentre pas chez soi sans avoir fait la démarche d’acheter ce petit livre (5 modestes euros) même s’il faut faire un détour. Et puis dites-vous qu’ensuite, une fois cette bonne action accomplie, vous serez content, voire fier…
Je vous disais donc que j’ai acheté « 13 à table », ce recueil de nouvelles. Il faut dire que des pointures de l’écriture se sont mises au travail pour réaliser ce livre. Je n’en citerai que quelques-unes : Musso (je vous ai déjà parlé de lui), Levy, Bourdin, De Rosnay… Etant donné le titre, j’imagine que chaque auteur a écrit une nouvelle relative à un repas et que chacun l’a rédigé à sa sauce, si j’ose dire. Et bien non ! Il n’est pas toujours question de repas.
Donc je prends mon livre, je tire mon voltaire, je cale un coussin dans le creux de mes lombaires et je tourne les premières pages, prête pour le décollage. Sauf que je n’ai pas encore décollé.
La raison ! Je commence par lire le début (je ne suis pas une originale vous direz-vous) avec l’histoire de Françoise Bourdin « Olympe et Tatan ». Je trouve le titre ringard mais après tout il se cache peut-être quelque saveur là-dedans. Un repas de Noël, une invitation, les vieux griefs que tous se vouent dans une famille qui font surface, l’hypocrisie est de la partie et tout ce beau monde se sépare. Fin du récit. Bon, rien d’exceptionnel. Je ne ressens pas le plaisir de la lecture. Qu’à cela ne tienne : un recueil de nouvelles permet une lecture dans le désordre aussi je me propulse à la page 147 pour lire la nouvelle de Musso « Fantôme ». Le titre suscite d’emblée ma curiosité. Premières pages : ça commence pas mal : une femme qui apprend deux bonnes et une mauvaise nouvelle. Elle enquête car elle a rencontré un fantôme. Je suis emportée par le récit, je lis, j’avance. Tiens, me dis-je soudain en jetant un oeil sur les pages 174 et 175 qui se font face, l’histoire s’achève dans quelques lignes. Mais comment tout ceci peut-il être bouclé si vite ? Comment l’énigme va-t-elle être résolue ? Seul un maître dans l’art décrire peut, en quelques paragraphes, mener l’intrigue à son terme de façon exceptionnelle. Hélas, trois fois hélas. L’exceptionnel ne plane pas en cette fin de « Fantôme » et je suis restée sur ma faim, face à un sentiment d’inachevé, de bâclé, de récit écrit à la « je m’en débarrasse ». Quelle déception ! Je me retranche alors chez Lévy que je n’apprécie pas toujours mais bon. Certains de ses romans m’ont permis de m’évader. Le titre « Dissemblance », présente une histoire essentiellement dialoguée. Le thème de la discussion ? Devinez ! La dissemblance de deux êtres et le pourquoi de leurs différences. Sauf que (encore une fois) la deuxième page lue on a compris où l’on allait arriver et force est de constater que je ne me suis pas trompée. Décevant ! Inintéressant !
Alors direz-vous et les autres histoires ? Je dois les lire mais je me demande si ce ne seront pas simplement des lignes juxtaposées, sans réel intérêt narratif.
La critique est aisée, l’art est difficile, c’est vrai et vous pouvez me trouver bien présomptueuse d’oser tirer sur ces auteurs rompus au « best seller ». Peut-être mais il me semble que soit j’en demande trop et l’essentiel est de faire des bénéfices pour les restos du coeur, ce qui est tout à fait louable, soit ils se moquaient du récit et de la qualité de leurs intrigues qui de ce fait est passée à la trappe. Après tout, ils n’en tiraient pas de bénéfice. Sont-ils excusables pour autant ? Je vous laisse le soin de trouver votre réponse à cette question.

Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Je vous demande malgré tout d’acheter ce livre « 13 à table » car tous les goûts étant dans la nature, peut-être aimerez-vous ! Mais plus loin que ces histoires ce sont les repas qu’il faut voir à l’horizon car ne pas manger ou mal manger quand en plus il fait froid c’est tout simplement atroce et l’indifférence ne doit pas animer les hommes du XXIème siècle que nous sommes.

Je terminerai cet article en disant simplement qu’il m’aurait bien plu, à moi, d’offrir un récit concocté pour l’occasion au profit des Restos du coeur et d’apparaître dans « 13 à table ». Mais on ne m’a rien demandé, logique, je ne suis personne. Décidément, les voies de l’édition sont impénétrables !


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Lois Lowry, » Le Passeur » (The Giver)

Comment ne pas vous parler aujourd’hui du « Passeur » puisqu’il le film est actuellement sur les écrans de cinéma sous le titre « The Giver » ? 

C’est un livre que j’ai lu il y a longtemps car il est sorti en 1993. Je m’y suis plongée à l’époque par curiosité puis j’ai décidé de le faire lire voire étudier à mes élèves qui l’ont toujours apprécié. Roman d’adolescence certes mais tout aussi divertissant pour les adultes. C’est une oeuvre qui se lit très facilement. 

Quelle n’a pas été ma surprise lorsque j’ai vu qu’on la sortait en version cinématographique. Ni une ni deux, je suis allée la voir au cinéma et mon mari qui avait aimé la lecture du roman m’a accompagnée. 

Bon, ce ne sera pas une surprise si je vous dis que le film « The Giver » est moins intéressant, bien moins intéressant que le livre et qu’il présente bien des différences. Il se laisse voir mais sans plus, manquant de profondeur, empruntant des « déjà vus » – vous repenserez au film beaucoup plus captivant « Divergente » – et puis la fin, cette fin, bâclée, et sans commune mesure avec celle du roman qui laisse une porte ouverte et des doutes. Dans le film « The Giver », le héros parvient à rompre l’isolement de la société dans laquelle il vit en franchissant une « barrière » immatérielle ». On se demande bien comment cela est possible même dans un récit de fiction. C’est un peu trop facile et tout s’arrête par enchantement !!!! Du coup on s’approche du film pour public  jeune alors qu’il semble s’adresser à un public plus mûr. Cherchez la contradiction ! Et je ne m’attarderai pas sur les autres sentiers simplistes empruntés par le film. S’il est à l’affiche, je doute qu’il y reste longtemps…

Le roman quant à lui, pose un problème et invite le lecteur à y réfléchir même si le thème a depuis inspiré bien d’autres romanciers ou d’autres metteurs en scène. Est-il concevable de priver les hommes de leur libre arbitre, de leurs désirs, de les empêcher de percevoir la réalité des choses pour atteindre ce qui ressemble à la paix ? Vous voyez sans doute qu’en écrivant ceci je m’approche encore une fois du film « Divergente » (et je me demande s’il ne serait pas intéressant de créer dans ce blog une page « cinéma » puisque littérature et cinéma sont souvent très proches, la première inspirant souvent le second. Dites-moi dans un commentaire ce que vous en pensez SVP).

L’histoire :

Jonas, le héros, doit assister à la cérémonie en vue d’une attribution de fonction comme tous ceux de son âge dont ses amis. En effet, observés depuis leur plus jeune âge, on détermine pour ces adolescents leur devenir en leur disant quel métier ils exerceront. Chacun se voir attribuer son rôle sauf Jonas voué à devenir « le passeur », mission obscure pour tous ! Il prend contact avec l’ancien passeur qu’il remplacera dans ses fonctions. Il peut désormais se soustraire à certaines obligations, lesquelles s’appliquent pourtant à tout  individu dans son monde. Il pourra mentir et ne devra plus avoir recours à l’injection qui empêche de voir les couleurs et annihile les sentiments. Ainsi, il tombe amoureux de son amie d’enfance, l’invitant à faire de même, et comprend que l’élargissement dont tout le monde parle comme d’un moment de bonheur est finalement une exécution légale. Aussi lorsque le bébé que sa famille a recueilli, Gabriel, doit être élargi parce qu’il n’entre pas dans les normes, Jonas se rebelle (On songe à nouveau à « Divergente », puisque l’héroïne n’a le profil pour aucune faction  et qu’elle va se révolter). De plus la mission de Jonas en tant que passeur est de détenir la mémoire : mémoire d’un passé heureux certes mais aussi celle des guerres et des atrocités dont les hommes sont capables. Bien entendu, il fait le lien avec l’élargissement et comprend que le monde aseptisé dans lequel il vit ne vaut pas mieux que l’ancien. Problème, lui et l’ancien passeur (de mémoire) sont les seuls à le savoir. De fait les dirigeants finissent par voir en eux des ennemis (c’est encore le cas de « Divergente »). Jonas doit sauver Gabriel, celle qu’il aime et ouvrir les yeux à tous les autres. Or ceci dans le roman se passe de façon logique, progressive, c’est une entreprise difficile dont toutes les étapes et leurs embûches sont racontées alors que dans le film « The Giver » tout est trop rapide, inconsistant et finalement bien insipide !

A vous de voir si j’ose dire mais selon moi le livre si « Le Passeur » mérite le détour, pour « The Giver », passez (jeu de mots décidément) votre chemin ! Et n’oubliez pas que je sollicite votre avis pour une rubrique cinéma tout en vous invitant à vous inscrire sur mon blog, à partager, et à « liker ». Merci à vous. 


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Raoul de Cambrai suite (Moyen Age)

Guerri, l’oncle de Raoul, est fou de colère. Il voit en Bernier un « bastars », un bâtard et lui voue une haine féroce. Il entre à nouveau dans le combat prêt à répandre la terreur parmi ses adversaires. Dans la laisse suivante, le trouvère se plaît à mêler le beau et l’horreur en ces termes :

CLXIII

G[ueris] lait corre le destrier de randon,

brandist la hanste, destort le confanon,

et va ferir dant Herber d’Irençon

c’est l’uns des freres, oncles fu B[erneçon].

Grant colp li done sor l’escu au lion

q’i[l] li trancha son ermin peliçon,

demi le foie et demi le poumon :

l’une moitié en chaï el sablon,

l’autre moitiés demora sor l’arçon

mort le trebuche del destrier d’Aragon.

Ce qui signifie :

163

Guerri galope à bride abattue et brandit la hampe de sa lance. Il déploie son gonfanon et frappe Herbert d’Hirson, oncle du jeune Bernier et l’un de ses quatre frères. Il lui assène un coup d’épée si violent sur l’écu orné d’un lion qu’il déchire sa pelisse d’hermine et lui arrache la moitié du foie et la moitié du poumon. Une moitié tombe dans la poussière et l’autre reste sur l’arçon. Le chevalier tombe mort de son destrier d’Aragon.

L’hermine, si précieuse, si belle, douce aussi, qui témoigne de la richesse de celui qui la porte, contraste effectivement avec la description mortifère du jongleur qui parle de foie et de poumon. Les gens du Moyen Age sont fascinés par ces récits qui s’arrêtent tant sur ce qu’ils ne possèdent pas que sur les batailles enragées et l’intérieur des corps car au Moyen Age, l’intérieur des corps relève d’un grand mystère.

Finalement, Guerri doit s’enfuir car ses adversaires, nombreux, ont décidé de l’anéantir puisqu’il fait des ravages parmi les leurs. Il déclare toutefois à Bernier :

« Ja n’avrai goie tant con tu soies vis ! »

qui veut dire :

Je ne serai pas  heureux tant que tu vivras! »

Guerri quitte le champ de bataille accompagné de quarante hommes. Il se retourne avant de quitter les lieux :

« Il esgarda contreval [l]a vaucele,

voit tant vasal traïnant la boeele

toz li plus cointe de rien ne se revele ;

et G[[ueris] pleure, sa main a sa maisele.

R[aoul] en porte, dont li diex renovele.

ce qui signifie :

Il regarda le fond du vallon et vit de nombreux combattants dont les viscères se répandaient. Personne  même parmi ceux d’ordinaire joyeux ne se réjouissait. Guerri, le menton dans sa main, se mit à pleurer. Il emporta ensuite le corps de Raoul et éclata à nouveau en sanglots.

Mettre le menton dans sa main est l’attitude caractéristique de ceux qui sont en proie à la douleur morale, à la perte d’un proche au Moyen Age et, si vous êtes attentifs à certaines tapisseries moyenâgeuses  lorsque vous visitez des musées au des châteaux féodaux, vous retrouverez ces représentations du déchirement intérieur des hommes et non d’un réflexion.

En découvrant son fils mort, dame Aalais regrette bien entendu la malédiction qu’elle avait proférée envers lui mais il est trop tard. Sa plainte occupe des laisses 174 à 180. Elle y déclare son amour pour cet enfant et, comme de coutume au Moyen Age pour exprimer au mieux la douleur, elle s’évanouit à maintes reprises, comme d’autres d’ailleurs. Le trouvère décrit le corps de Raoul ensanglanté, la plaie béante…

Raoul avait lui-même un neveu, Gautier. Aussitôt les obsèques passés, il n’a qu’une idée : venger la mort de son oncle Raoul. La guerre suspendue jusqu’alors reprend, longue, habituelle. Mais Gautier n’est pas encore chevalier. il doit être adoubé. Tout le faste relatif à cette cérémonie jaillit dès la laisse suivante :

CLXXXV

Dame A[alais] corut apariller

chemise et braies et esperons d’or mier,

et riche ermine de paile de qartier.

Les riches armes porterent au mostier ;

la mese escoute[nt] del esvesqe Renier,

 puis aparellent Gautelet le legier?

G[ueris] li sainst le branc forbi d’acier

qi fu R[aoul] le noble guerrier.

Ce qui signifie :

Dame Aalais prépara à la hâte chemise et braies, éperons d’or pur ainsi qu’un manteau de soie écartelé et fourré d’hermine. On apporta de belles armes à l’église et on entendit la messe que chantait l’évêque Renier. Gautier, ce jeune homme ardent, fut ensuite adoubé. Guerri le ceignit par l’épée d’acier poli, celle même qui avait appartenu à Raoul le valeureux guerrier.

Ainsi, à travers Gautier, Aalais voit un nouveau fils qui prendra la place de celui qui l’a trop tôt quittée.

Gautier, chevalier, aux côtés de Guerri, va à son tour réunir des milliers d’hommes pour partir encore une fois à la guerre contre Bernier et tous ceux qui lui sont liés. Le feu de la guerre est rallumé.

La suite prochainement


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Pierre Bordage, « Ceux qui osent »

PIERRE BORDAGE, « CEUX QUI OSENT »

Voici la dernière partie des aventures de Jean et de Clara.

La guerre, qui  menaçait le pays d’Arcanecout (pays libre et idéal) où s’étaient réfugiés les héros en compagnie de leurs amis, Elan Gris, Elmana et Nadia, est déclarée.  La liberté est à nouveau menacée. Jean et Elan Gris partent au combat, les femmes restent et tentent de survivre. Les vivres manquent et le gouvernement n’a pas  vraiment conscience de ce qu’endure la population affamée, menacée par des bandes peu scrupuleuses. Sur le front, la situation n’est pas meilleure pour Jean et Elan Gris, confrontés à un commandement peu efficace. De plus, l’ennemi est redoutablement armé et les rangs de son armée ne cessent de grossir.  L’issue de la bataille semble une évidence mais personne ne renonce, prêt à lutter pour cette liberté qui leur est chère. Clara, quant à elle, redouble d’ingéniosité pour subsister. Fine observatrice, elle s’aperçoit que leur adversaire est bien plus proche qu’il n’y paraît, menaçant même de les attaquer grâce à un sous-marin qui frôle leurs côtes. Elle tente d’alerter les autorités, en vain.

Clara, comme Jean, pourtant à deux endroits fort éloignés, seront retenus prisonniers et le lecteur craint bien évidemment pour leur vie. Survivront-ils à cette guerre ? Parviendront-ils à se retrouver ? L’issue du roman donne la réponse.

Des trois tomes de ce roman, c’est le deuxième, « Ceux qui rêvent », qui m’a le moins plu. Ce dernier, « Ceux qui osent » est bien plus captivant, comme l’était le premier. Grâce à sa structure puisqu’il s’agit d’un récit épistolier (par lettres). Nous lisons la correspondance échangée entre Jean et Clara qui s’aiment plus que tout et désirent se retrouver. Bien entendu, nous lisons ces lettres en alternance ce qui permet à Pierre Bordage d’assurer ainsi le suspense car lorsqu’une lettre s’achève sur un problème, il faut attendre quelques pages avant d’en connaître la suite, voire l’issue. Cela change aussi des deux premiers romans. Les rebondissements sont nombreux et l’ensemble fort logique dans le déroulement de l’intrigue.

J’espère donc vous avoir convaincu(s) de lire cette trilogie, plaisante, facile à lire, distrayante, qui permet aussi une réflexion sur les comportements humains de décideurs contemporains.

 

 


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Guillaume Musso

Je le sens, je le sais, je vais m’attirer des foudres avec cet article. Sans mauvais jeu de mot j’ai envie de dire « Et après » (c’est justement le titre du premier roman que j’ai lu de cet auteur) !

Musso est très critiqué, très envié, très productif et je renouvelle mon « et après » ?

Le premier roman que j’ai pu lire de Guillaume Musso « Et après » (bon, ça va vous suivez bien), m’a intriguée. Le suspense qui m’est cher était au rendez-vous et je l’avoue, parvenue au milieu du roman j’ai eu envie d’aller lire la fin, trop impatiente de savoir ce qu’il allait advenir des protagonistes de cette histoire. J’ai succombé à mon envie et j’ai lu le dénouement avant, ce qui ne m’a pas empêchée de reprendre ma lecture et de finir le roman. Belle histoire dirai-je, que cet amour déchiré parce que dans le couple dont il est question l’un a, sans le savoir, la capacité de connaître le devenir de ceux qu’il rencontre. Je vous conseille cette lecture, source d’évasion, de rêves  et de larmes pour les plus sensibles. Le film tiré du roman est quant à lui un peu pâle, comme c’est souvent le cas d’ailleurs, mais il se laisse voir, gommant ici et là les reliefs de l’histoire.

Alors pourquoi certains attaquent-ils Guillaume Musso ? Je répondrai dans le désordre :

–  Jalousie. Alors qu’eux-mêmes écrivent sans parvenir à percer. C’est difficile à admettre mais doit-on pour cela rejeter l’écriture des autres ? Pas en ce qui me concerne. Il publie, il a du succès, tant mieux pour lui. Il le mérite puisqu’il suscite les passions.

– Qualité de l’écriture. Il est vrai que l’écriture est relativement simple, pauvre en figures de style (je parle là en professionnelle),… lieux communs…. C’est vrai MAIS au nom de quoi peut-on dire que ses romans sont mauvais ou pauvres ou insignifiants parce qu’ils ne relèvent pas d’une écriture universitaire dotée d’envolées lyriques ou qu’ils boudent la rhétorique cicéronienne ? Ce qu’écrit Guillaume Musso plaît et ce sont ses lecteurs qui, en lisant ses livres dès leur sortie, laquelle est toujours attendue avec impatience, qui en sont la plus belle preuve. Au nom de quoi quelques prétendus érudits ou critiques littéraires s’arrogeraient-ils le droit de jeter ses romans dans la fange quand la population exprime le plaisir qu’elle a a lire ses histoires ? On a le droit d’aimer, de ne pas aimer tel ou tel roman mais pas celui de salir parce que l’on juge l’écriture facile. Qu’est-ce qu’une belle écriture finalement (prochain sujet du bac de philo ???).

– Pas d’engouement pour ses histoires. Soit, il ne faut pas insister dans ce cas et lire autre chose. Certains aiment, d’autres pas et personne ne détient la science exacte de l’écriture. L’alchimie qui fait que tout le monde aime n’existe pas ou s’appelle la tyrannie.

En préparant l’agrégation j’ai dû lire « Les mémoires du Cardinal de Retz » et bien d’autres oeuvres et en les lisant je me disais que puisqu’on me demandait de les travailler, elles seraient susceptibles d’être présentées à des élèves dans les classes et donc que certains avaient jugé de leur qualité… Au secours, au secours, je ne veux pas être lapidée par mes élèves !  Comment leur faire aimer la littérature en leur proposant des oeuvres dignes d’oraisons funèbres, qui tiennent peut-être stylistiquement la route mais qui donnent aussi la nausée (non, pas celle de Sartre !).Je me suis moi-même ennuyée à la lecture de ce supplice et je devrais faire aimer ce livre aux élèves quand j’ai eu envie de le jeter.  Une belle écriture est-elle nécessairement une bonne écriture ?  Je ne nie pas que l’on puisse aimer les mémoires dont je viens de parler et qui ne sont qu’un exemple parmi tant d’autres mais il est encore heureux que « tous les goûts soient dans la nature » et que, par conséquent, l’on puisse détester sans dire pour autant que c’est mauvais.

Je reviens donc aux oeuvres de Guillaume Musso. Vous avez aimé ses premiers romans, vous apprécierez les autres. Certes ils ont des points communs mais vous vous laisserez emporter de la même façon à chaque fois. Vous n’aimez pas Musso, c’est votre droit, vous avez tant d’autres auteurs à votre disposition pour vous satisfaire. Mais ne crachez pas dans la soupe. Il est si facile de cracher dans la soupe des autres quand soi-même on ne se dévoile pas ! Combien de livres ou de films ont été hués par la critique alors qu’ils ont passionné des générations. Il faut laisser au lecteur son plaisir de lire, quelle que soit la source de ce plaisir et quand bien même celui-ci ne repose que sur l’intrigue que certains pourraient trouver convenue.

Vous souhaitez lire des livres de Guillaume Musso, voici quelques titres. Puisez et rêvez :

« Et après », Un couple désormais séparé. Lui rencontre un individu étrange qui va lui apprendre ce qu’il est vraiment et pourquoi il n’est pas mort étant enfant. Il va faire une découverte surprenante et tenter de déjouer la mort qui s’est immiscée dans sa vie . Celle qu’il aime toujours en dépend.

« Sauve-moi », Deux êtres seuls se rencontrent et s’aiment mais elle doit partir. Son avion explose…

 » Que serais-je sans toi »,  Une jeune femme, son père et un amour pour un voleur, une course poursuite.

« Je reviens te chercher », « Parce que je t’aime », « La fille de papier ». Il doit y avoir d’autres titres mais j’ai prêté tant de livres qu’il m’en manque je crois !

Je ne les résume pas tous de crainte de m’égarer car, si je les ai tous lus, il y a longtemps et j’ai oublié certains aspects de l’histoire. Que cela me serve de leçon, d’habitude je fais des synthèses écrites de mes lectures et dans ce cas, probablement emportée par les récits palpitants, je ne l’ai pas fait. Il me semble qu’il me manque un titre notamment, et il s’agit pourtant de l’histoire qui m’a le plus plu. Un homme rencontre son double, le prend pour un fou quand celui-ci le met en garde. Je retrouverai le titre pour vous l’indiquer.

Je n’ai pas lu le dernier Musso « Central Park ». La quatrième de couverture pique ma curiosité. Ce sera une de mes prochaines lectures, je vous en parlerai, c’est promis !

Bonne lecture à vous et n’oubliez  pas non plus de lire mes histoires… juste pour VOUS !

 

 


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Traduction du texte en ancien français

Voici la traduction de la laisse 49 (on appelle laisse(s) les « strophes » qui correspondent à des passages de l’histoire racontée). Elle est suivie d’un résumé de l’histoire de « Raoul de Cambrai » et d’explications.

Bonne lecture !

49

 

« Raoul mon cher fils, dit la belle dame Aalais. je t’ai nourri de mon lait. Pourquoi laisses-tu ainsi la douleur entrer au plus profond de ma poitrine ? Celui qui te donna Péronne et Péronelle, Ham et Roie et la ville de Nesle t’a condamné mon fils à mourir très bientôt. Pour lutter contre de tels adversaires, il faut avoir un harnais, une selle magnifique et d’excellents compagnons. En ce qui me concerne, je préférerais plutôt n’être qu’une servante ou bien une nonne dans une chapelle que de te voir partir. Toute ma terre sera la proie des flammes.  »

Raoul prit son menton dans sa main ( ce geste est important au Moyen Age, comme le précise Ph. Ménard, médiéviste. Il signifie que l’individu souffre, qu’il est tourmenté.). Il jura devant Dieu qui naquit de la Vierge que pour tout l’or de Tulède, il ne renoncerait pas au don qu’on lui a fait. Avant ce renoncement il fera sortir les viscères et répandra maintes cervelles.

 

Résumé rapide de « Raoul de Cambrai », chanson de geste anonyme du Moyen Age.

Le père de Raoul meurt alors que son fils est un enfant. Le roi Louis accorde  les fiefs du défunt à Giboin du Mans à condition que ce dernier ne déshérite pas Raoul de ses terres lorsqu’il sera grand. Les barons protestent mais le roi ne revient pas sur sa parole. L’oncle de Raoul, Guerri élève désormais l’enfant aux côtés de dame Aalais, sa mère.

Raoul,  devient un chevalier particulièrement fort au combat grâce à l’enseignement de son oncle Guerri. Il se lie d’amitié pour un jeune homme, Bernier. Le roi Louis adoube Raoul et ce dernier fait de même pour Bernier qui devient son vassal. Cependant, Guerri se rend chez le roi afin de réclamer les terres de Raoul jadis cédées à Giboin qui ne veut plus les rendre. Louis refuse de les restituer à Raoul. Il va donc les réclamer en personne au roi en ces termes :

XXXIII

« Drois empereres, par le cors saint Amant,

servi vos ai par mes armes portant ;

ne m’en donnastes le montant d’un bezant.

Viax de ma terre car me rendez le gant,

si con la tint mes pere(s) au cors vaillant. »

Traduction :

33

« Mon juste roi, sur les reliques de saint Amand, j’ai mis mes armes à votre service mais pour me récompenser vous ne m’avez même pas donné la valeur d’un besant. Rendez-moi au moins par le don de votre gant, la terre que mon vaillant père possédait. »

 

Reprise du résumé :

Le roi refuse de restituer les terres à Raoul. Guerri, qui est présent, interpelle le roi qui refuse toujours de se rétracter. Guerri menace alors Giboin de reprendre les terres de son neveu par les armes. Le roi promet alors que Raoul reprendra ses domaines à la mort du premier comte entre Loire et Rhin. Le calme revient. Mais quelques temps plus tard, Raoul apprend la mort du comte Herbert. Il monte donc à Paris accompagné de puissants chevaliers, ses garants,  pour exiger le don royal promis. Le roi refuse car le comte avait quatre fils qu’il ne veut pas déshériter. Il renie en cela sa promesse. Les chevaliers rappellent le roi à son engagement. Il finit par céder. Bernier intervient alors auprès de Raoul pour lui signifier qu’il commet une injustice, qu’il ne peut pas accepter ces terres du roi en les prenant aux quatre fils du comte Herbert. Raoul ne veut rien entendre. Il retrouve sa mère qui craint alors qu’une guerre n’éclate entre son fils et ceux du comte Herbert (voir la laisse 49 que je vous ai traduite plus haut). Elle le conseille :

LIV

« Biax fix R[aous], un consel vos reqier,

q’a fis H[erbert] vos faites apaisier

et de la guere acorder et paier.

Laisse lor terr[e], il t’en aront plus chier,

si t’aideront t’autre gu[e]re a bailler

et le Mancel del païs a chacier. »

Traduction :

54

Mon fils, écoute mon conseil. Fais la paix avec les fils d’Herbert, accepte un accord et une compensation pour éviter la guerre. En renonçant à leur fief, ils auront plus d’amitié pour toi et ils t’aideront à chasser Giboin du Mans de tes terres. C’est cette guerre que tu dois mener.

 

Reprise du résumé.

Comme souvent dans les chansons de geste,  le calme de l’un, ici la mère, s’oppose à une colère immense de l’autre, là Raoul. II rejette les conseils de dame Aalais qui finit par lui dire ces paroles lourdes de sens en ce qu’elle sont une malédiction :

LIV

 » Cil Damerdiex qi tout a jugier

ne t’en remaint sain ne sauf ne entier ! »

par cel maldit ot il tel destorbier,

con vos orez, de la teste trenchier !

Traduction :

54

« Que le Seigneur Dieu qui nous juge ne te ramène pas auprès de moi sain et sauf ni entier ! » Cette malédiction lui porta malheur, comme vous allez l’entendre. Raoul eut la tête tranchée.

 

Commentaire :

J’espère qu’à ce stade du résumé et des traductions vous commencez, chers lecteurs, à cerner l’intérêt de ces histoires médiévales et plus particulièrement de ces chansons de geste (je vous expliquerai pourquoi on les appelle chansons de geste une autre fois).

Ces histoires sont fantastiques, empreintes d’une violence exacerbée et hyperbolique qui a probablement inspiré les romans et le cinéma actuels. Les malédictions, les injustices fusent et parfois le merveilleux pénètre leurs textes. Ces histoires regorgent d’action si chère aux lecteurs contemporains.

Vous l’avez compris la guerre va avoir lieu entre Raoul et les fils du comte Herbert et bien d’autres combats encore. Peut-être êtes-vous étonnés d’avoir lu  « comme vous allez l’entendre » dans la traduction juste au-dessus. En effet, n’oubliez pas que les gens, au Moyen Age, ne savent pas lire pour la plupart. Ces récits leur sont alors dits, récités en place publique et ils les écoutent. Ils ont besoin d’être émerveillés, surpris. On leur annonce alors ce qui va se passer (Raoul eut la tête tranchée), même si l’histoire n’évolue pas vraiment ainsi. Ils viendront dès lors, plus tard, écouter la suite du récit pour savoir ce que devient Raoul et comment il perd la vie.

 

Vous aussi, chers lecteurs, je vous raconte la suite très prochainement, en espérant vous avoir intéressés et vous avoir fait découvrir l’univers littéraire médiéval tel qu’il est vraiment alors que les festivals, les manifestations estivales déforment souvent ce Moyen Age pourtant naturellement si passionnant.

 

 


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Le Moyen Age

INTRODUCTION.

Au cœur de ce Moyen Age que nous imaginons volontiers sordide, sale et violent, il peut être surprenant de constater que la pensée médiévale était en quête d’une expression de la beauté, beauté dont témoignent puissamment ces monuments qui ont su traverser le temps : les églises. L’architecture comme les sculptures sont le reflet d’un désir ardent d’édification et de représentation du beau. Le vitrail dont nous admirons encore aujourd’hui la richesse, outre le détail artistique, n’a de cesse que de s’emparer de la lumière afin de la décliner en de subtiles couleurs qui soulignent l’amour intense du Moyen Age pour la beauté et la lumière, les deux étant souvent intimement liées.
Si l’architecture romane puis gothique évoquent fréquemment la beauté, celle-ci occupe de surcroît une place prépondérante dans la littérature médiévale et vient contredire à nouveau la pensée contemporaine qui se complaît à croire que le Moyen Age était noir, triste et laid. Sans doute exagérons-nous lorsque nous tentons d’imaginer cette période de notre histoire. Le mystère et la méconnaissance qui l’entourent facilitent nos débordements imaginaires. Sans doute aussi les artistes et les poètes médiévaux sombraient-ils aisément dans l’emphase afin d’offrir aux passants ou aux auditeurs de chansons de geste un moment de contemplation, un moment de fascination bien loin du quotidien de l’homme médiéval. Donc, en dépit d’apparences trompeuses, force est de constater que le Moyen Age s’est remarquablement efforcé de rendre un hommage à la beauté.
Bien entendu, la laideur est le corrélat évident de cette beauté et il est fort difficile d’explorer le beau sans parler du laid. Le beau médiéval est associé à l’harmonie, le laid se conçoit comme la négation du beau : est laid ce qui n’est pas beau ! Aussi les gargouilles, incarnations de pierre repoussantes, l’attestent, qui jouissent d’une place privilégiée sur les façades des édifices. Elles semblent prêtes à fondre sur le passant qui de ce fait médite.

La Littérature médiévale et plus précisément les chansons de geste des XIIème et XIIIème siècles dont je vais vous parler s’est bien sûr emparée de ces notions de beau et de laid, les déclinant au cœur d’une intrigue volontiers bercée par une violence fantastique que peu connaissent et que je me propose de vous faire découvrir.

Aussi, dans un premier temps, il me semble nécessaire, cher lecteur, de vous laisser tâtonner un peu avec cette langue du Moyen Age appelée dans ce cas l’ancien français. Comme vous pourrez le constater, elle n’a rien à voir avec ce que « Jacquouille La Fripouille » exprime dans la célèbre comédie « Les Visiteurs ». Je vous laisse lire ce qui suit et tenter de comprendre le passage dont je vous proposerai très rapidement une traduction. Pour vous aider, n’oubliez pas que le Moyen Age est tourné vers Dieu, vers ses rois et que la violence y est omniprésente.
Bonne lecture !

DECOUVERTES DU FRANCAIS DU MOYEN AGE :

XLIX

« Biax fix R[aous], dist A[alais]la bele,
je te norri del lait de ma mamele.
Por qoi me fais dolor soz ma forcele ?
Qi te dona Perone et Peronle
et Ham et Roie et le borc de Neele
revesti toi, biaux fix, de mort novele.
Molt doit avoir riche lorain et cele
et bon barnaige qi vers tel gente revele.
De moi le sai, miex vosisse este ancele,
nonne velee dedens une chapele.
Toute ma terre iert mise en estencele.  »
R[aous] tenoit sa main a sa maissele,
et jure Dieu qi fu nez de pucele
q’il nel lairoit por tout l’or de Tudele.
Ains q’il ne [l] lait en iert traite boele
et de maint chief espandue cervele.

Extrait de « Raoul de Cambrai »


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Connaître l’auteur

Bonjour,

Des lecteurs ont exprimé le désir d’en savoir plus sur l’auteur. Soit, je vais me dévoiler… un peu.

Comme Obélix, je suis tombée fort jeune dans le monde de la littérature. A 12 ans j’écrivais mon premier roman non publié : « Patricia et les fantômes de la trappe secrète ». C’est drôle de voir comment j’écrivais (au véritable sens du terme) à l’époque. Bien sûr je lisais « Alice » et je m’évadais avec elle ! Mais j’avoue que le premier livre qui m’a marquée et dont je me souviens encore est « OUI OUI ». Magique ! Quelles images, quelles couleurs pour mon univers d’enfant que je trouvais triste et terne !

Je ne vais pas entrer dans les détails ou évoquer toutes les étapesde ma vie mais aujourd’hui je suis enseignante en littérature française (vous voyez, rien d’original) et je suis titulaire d’un Doctorat de littérature médiévale française. J’aime mon métier et les élèves pourtant difficiles qui me sont confiés me le rendent bien. Je crois que je réussis à leur faire aimer (pas à tous, je n’ai pas de baguette magique !) la langue française, le lecture et que je leur fais comprendre que c’est une façon extrêmement riche de s’évader librement.

Je suis déjà l’auteur de publications papier dans mon domaine de spécialité : la littérature médiévale et plus particulièrement les chansons de geste (ce qui signifie récit d’exploits, l’ancêtre du roman en somme) des XIIème et XIIIème siècles. J’évoquerai ces publications ultérieurement pour ceux qui voudraient les consulter.

Voilà pour le moment ! J’en ai assez dit! Je vous parlerai donc de mes passions et de bien d’autres choses plus tard.

Audrey.