Des histoires pour vous

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OUTLANDER, Le Chardon et le Tartan, Diana Gabaldon

C’est étrange la façon que l’on a d’entrer dans un livre ! 

Une amie lit ce roman et m’en parle. Mieux, elle me le prête. Je le commence mais dès le début j’ai du mal à adhérer au récit : une jeune femme mariée,  infirmière sur les champs de bataille lors de la seconde guerre mondiale, mène une vie sans histoire. L’auteure évoque son quotidien, son couple… Je n’étais pas passionnée car j’aime « accrocher » à un livre dès le début et je trouvais que la « substantifique moëlle », comme disait Rabelais, tardait à se mettre en place.

J’ai donc laissé tomber ce roman pendant 2 ans, oui, 2 ans. Puis, à l’occasion de vacances, je me suis dit : pourquoi ne pas retenter la lecture ? Je ne le reprends, pas depuis le début, de crainte d’être à nouveau ennuyée. J’ouvre le roman là où je m’étais arrêtée, un peu perdue, et pour cause, 2 ans d’interruption, c’est long ! … et j’arrive au moment, LE moment, celui qu’il me fallait franchir avant d’abandonner le roman, lorsqu’au cours d’une promenade, elle est brusquement propulsée au XVIIe siècle en passant auprès d’un menhir écossais. 

A partir de ce moment-là j’ai dévoré les 850 pages en peu de temps. Claire, le personnage principal, se retrouve au beau milieu d’un champ de bataille mais d’un autre temps. Introduite dans un château – mais après bien des péripéties que je vous raconterai pas ici pour ne par gâcher votre plaisir de lire – elle doit composer avec les usages de l’époque, l’ignorance, les superstitions, les croyances, l’absence de médicaments… Elle est intelligente, subtile et elle comprend vite comment elle doit s’y prendre pour éviter le pire. Elle rencontre un ancêtre de son époux du XXe siècle, le croit bon car il ressemble trait pour trait à son mari mais il se révèle son pire ennemi, veut sa perte et lui fera courir des dangers insoupçonnés. 

Pour échapper à la menace qui pèse sur elle, elle fait confiance à Jamie, cet écossais guerrier qui la déconcerte et qu’elle surprend par son comportement et ses propos parfois étranges. Lui aussi est menacé et son passé n’est pas simple. 

Les Highlands sont le décor de ce roman finalement captivant sur lequel je n’aurais pas parié au début. Que de rebondissements ! La lecture est facile (il s’agit d’une traduction (elle comporte quelques erreurs (rares)) et même s’il y a parfois des longueurs dans le récit le lecteur avisé en viendra facilement à bout. Il existe d’autres suites à ce roman, parues en d’autres tomes tout aussi volumineux. Si le coeur vous en dit, allez-y !

Sachez que Netflix a produit l’oeuvre en série que j’ai aussi visionnée. Comme toujours, le passage à l’écran écrase le roman, certains passages ont disparu mais l’ensemble reste appréciable. Je vous recommande toutefois la lecture, plus riche !

Donc, si vous cherchez un peu de lecture, plongez-vous dans ce roman, Outlander, tome 1  » Le chardon et le tartan » vous ne devriez pas être déçus. 

Bonne continuation à toutes et à tous. Encore merci pour votre fidélité à mon site, pour vos partages et à celles et ceux qui recommandent aussi la lecture de mes romans dont vous trouverez des extraits en page d’accueil ou dans le Menu puis « Polars, thrillers, romans ».

N’hésitez pas à mettre un commentaire sur sur ce site, un « j’aime », je vous répondrai. Ceci qui permet à d’autres lecteurs de découvrir mon site.

Bientôt vous pourrez découvrir la fin de l’histoire à suspense « Paraître ou disparaître ». Vous pouvez aussi vous plonger dans mes romans (voir « Menu » puis cliquez dans « Polars, Thrillers, romans »), tous disponibles sur internet ou votre libraire en ebook ou livre papier). En attendant, bonnes lectures à toutes et à tous !

AUDREY DEGAL

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PARAÎTRE OU DISPARAÎTRE (suite 4)

Chères lectrices et chers lecteurs,

Voici le quatrième épisode de votre histoire à suspense « Paraître ou disparaître ».

Merci à toutes et à tous de partager cet article (notamment sur les groupes de lecture de Facebook, Instagram, Twitter…) pour en faire profiter d’autres lecteurs et faites fonctionner le « bouche à oreille » qui généralement marche pas mal du tout !

Un commentaire de votre part, un « J’aime » font toujours plaisir à l’auteure, un abonnement au site plus encore d’autant que cela ne vous engage en rien. En effet, il est triste de voir que certains lisent régulièrement sur mon site, voire reviennent tous les jours, profitent de mes écrits, de mon travail mais ne s’investissent pas en retour, retranchés derrière l’anonymat confortable des réseaux sociaux, surtout que s’abonner ou mettre un commentaire, ce n’est vraiment pas grand chose.

La fin de cette histoire à suspense paraîtra très prochainement mais avant je publierai un autre article concernant mes conseils de lecture car je dévore les romans.

Passez une bonne journée, une bonne semaine et à très bientôt !

Résumé de l’épisode précédent :

La police n’a rien trouvé d’anormal chez Éthan, resté enfermé dans la buanderie pendant leur visite. L’inconnu a répondu à leurs questions et une fois seul a libéré Éthan éberlué de se trouver en face de son double. Ce dernier prend sa place au travail si bien que le jeune trader peut profiter de ses journées et s’offrir tout ce qu’il n’avait pas le temps de faire ou d’acheter auparavant. Il baigne dans le bonheur.

La vie était belle pour Éthan qui s’habituait à l’oisiveté. Mais un soir, en rentrant d’une partie de squash dont il était devenu adepte, il fut étonné de ne pas trouver le repas prêt, comme c’était le cas tous les jours. Certes, il avait remarqué que la prestation de l’autre baissait en qualité depuis quelque temps. Les plats surgelés micro-ondables avaient peu à peu remplacé les dîners mitonnés et le petit déjeuner était désormais privé de jus de fruits frais, de viennoiseries chaudes, supplantés par des boissons aux couleurs alléchantes mais au goût insipide et par de simples biscottes.

Il était minuit trente quand son double rentra, le visage défait, les traits tirés. Il jeta ses affaires sur un fauteuil du salon et s’affala sur le lit où Éthan lisait. Quelque chose clochait.

            — Éthan, il faut qu’on parle !

            — Je t’écoute.

             Comme il ne décollait pas les yeux de son roman, l’autre s’énerva, lui arracha le livre des mains et monta d’un ton :

            — Je te parle. La semaine prochaine, tu reprends le boulot. Il faut que tu me remplaces. Je suis fatigué.

            — Si tu ne rentrais pas tous les soirs aussi tard.

            — Je fais ce que je veux. Si tu crois que c’est simple de se lever tôt pour préparer les repas de monsieur qui devient de plus en plus exigent d’ailleurs. Sans parler du linge, des courses… J’en ai assez d’autant qu’il y a trop de pression au boulot. On m’en demande plus, toujours plus !

            — C’était déjà comme ça avant !

            — Non, c’est devenu pire. Tu ne peux pas imaginer. Et puis tu as bien profité ces derniers temps : un voyage par ci, le ski, la mer, l’avion, la moto… J’ai besoin d’un break moi aussi.

— Impossible, la semaine prochaine je pars au Cap Vert. J’ai déjà réservé l’avion et l’hôtel. Il n’a jamais été question que je renonce ou que je reprenne le travail, selon notre accord ! Tu n’as qu’à…

            À ces mots, l’autre pivota brusquement et chevaucha le corps d’Éthan étendu sur le dos, les yeux rivés au plafond comme s’il y voyait le ciel bleu de ses prochaines destinations de voyage. Il l’immobilisa, bras coincés le long du buste à l’aide de ses jambes et il enserra sa gorge de ses deux mains aussi puissantes que des tenailles.

            — Regarde-moi bien et ouvre grand tes deux oreilles. D’abord, on n’a jamais passé d’accord. Je suis venu t’aider, c’est tout. Mais maintenant, c’est fini. Fini, tu entends !

            Sous lui, le jeune homme suffoquait, le visage rougi, les yeux exorbités. Il commençait à manquer d’air et redoublait d’efforts pour rester en vie. Puis l’autre relâcha légèrement son étreinte, même s’il renonçait encore à libérer sa proie. Son regard sanguin exprimait toujours une colère redoutable.

            — Pour le cas où tu n’aurais pas compris, je te répète que la semaine prochaine tu vas au taf à ma place. Ne t’avise pas de contester ou de te défausser. C’est clair ?

            Aucun son compréhensible n’émanait de la bouche d’Éthan mais les traces rouges qu’il garderait sur son cou pendant plusieurs jours s’occuperaient de lui rappeler qu’il n’avait pas le choix. Il se demandait pourquoi ce changement brusque et cette réaction violente et il cherchait dans son comportement ce qui avait pu causer ce retournement de situation qu’il redoutait depuis le début de leur cohabitation. Il se garda de poser la moindre question, trop occupé à retrouver sa respiration et craignant le courroux de son double. Par précaution, il décida de passer la nuit sur le canapé, loin de son agresseur qui prit la direction de la banque au petit matin en laissant derrière lui l’appartement dans un désordre inhabituel. Le réfrigérateur était presque vide et lorsqu’Éthan se leva, il dut se préparer lui-même un café qu’il avala difficilement tant son cou était tuméfié.

            Trop inquiet, il ne se rendit pas sur le green ce matin-là alors qu’il en avait pris l’habitude. Il consulta en ligne son compte en banque qui avait fructifié mais ne présentait pas d’anomalie, vérifia à deux reprises que la porte était bien verrouillée puis il se mit à fouiller l’appartement à la recherche de son arme, un pistolet acquis sous le manteau deux ans auparavant sur les conseils d’un collègue agressé en pleine nuit par deux voyous. La dégradation de la sécurité n’était pas un vain mot et Éthan ne voulait pas le vérifier à ses dépens.

            — Où sont les balles ? dit-il tout haut.

            Précautionneux, il avait pris soin de les ranger séparément. Il eut beau tout retourner, elles restaient introuvables. Il devrait en acheter.

            Il songea qu’il aurait dû prendre des cours de self-défense pour se prémunir contre le danger d’autant qu’il aurait eu le temps de s’impliquer et d’apprendre les rudiments. C’était trop tard à présent. Trop perturbé pour entreprendre quoi que ce soit ou pour sortir, il se contenta de téléphoner pour annuler son voyage, après quoi, il erra chez lui, échafaudant des stratagèmes pour palier à tous les cas de figures qui pourraient se présenter quand l’autre rentrerait et il redoutait ce moment.

            Fébrile, il passa le reste de sa journée dans le canapé où il finit par plonger dans des micro-sommeils peuplés de rêves sombres dans lesquels il essayait d’utiliser son pistolet sans jamais y parvenir. L’arme qui reposait sur ses cuisses glissa doucement à plusieurs reprises et il la rattrapait à chaque fois, recollant ainsi à la réalité ou du moins à ce qu’il croyait être la réalité.

            Le cliquetis d’une serrure qu’on ouvre le réveilla définitivement. C’était d’ailleurs pour cette raison qu’il avait tout fermé, sûr que ce bruit l’alerterait. Il ouvrit les yeux, se redressa, attendant l’autre de pied ferme. Quand l’intrus pénétra dans l’appartement, Éthan ne lui décrocha pas le moindre mot.

            — Salut, dit simplement l’arrivant.

            Il se dirigea vers la cuisine, remplit la bouilloire d’eau, la mit à chauffer et revint quelques instants après auprès d’Éthan en lui tendant une tasse de thé fumante.

— Attention, c’est chaud.

Éthan en perdit son latin. Il eut un geste brusque comme s’il se cabrait et en se levant il propulsa le darjeeling sur le carrelage ainsi que son arme. Le liquide brûlant évita de justesse le serveur. En heurtant le sol l’arme quant à elle émit un son métallique qui glaça le sang d’Éthan involontairement désarmé.

            — Qu’est-ce qu’il te prend ? C’est pas malin ! Tu aurais pu m’ébouillanter. Moi qui voulais te faire plaisir, c’est raté !

            L’autre semblait ne pas avoir remarqué l’arme.

            Éthan bondit alors, s’empara du révolver et le pointa sur sa cible.

            — Ne bouge pas ou je tire ! menaça-t-il, masquant difficilement le trouble qui l’agitait.

            Sa main tremblait.

            — Arrête Éthan, pose cette arme, tu sais comme moi qu’elle n’est pas chargée ! Il y a longtemps qu’on a perdu les balles. Range-la et cesse de t’exciter !

            L’intrus s’absenta quelques secondes et revint auprès de lui pour éponger le thé renversé. Ils se regardèrent droit dans les yeux, longuement.

            Éthan s’étonnait de le voir si tranquille et si gentil. Pourquoi changeait-il d’attitude ? Il avait imaginé tous les scénarios mais pas ce changement radical.

            — Je sais, c’est bizarre et tu ne comprends pas ce qui se passe moi non plus d’ailleurs ! Je suis désolé pour hier. J’étais fatigué. Excuse-moi !

            Tout en parlant, il rassemblait les morceaux de la tasse brisée dans une pelle pour les jeter.

            — Veux-tu que je te prépare une autre tasse ? demanda-t-il de façon extrêmement affable.

            Cette voix si douce et maintenant ce visage apaisé. Quel jeu jouait-il ? Voulait-il pousser Éthan à bout ? C’était une possibilité.

            — Sinon, si ça t’intéresse, au travail tout était ok et notre portefeuille d’actions se porte comme un charme. J’ai fait des placements et des investissements qui se sont avérés très rentables. Tu as raison : fais-toi plaisir, fais-nous plaisir, pars au Cap vert.

            Mais Éthan ne semblait pas avoir entendu.

            — Comment es-tu entré ?

            — Avec ma clé pardi ! Quelle drôle de question.

            — Quelle clé ?

            — Réfléchis : tu en as une donc moi aussi. Depuis le temps, tu devrais déjà le savoir.

            — Mais de quoi tu parles ?

            — Enfin Éthan, ça fait des mois qu’on fonctionne ainsi. Tu as oublié ? Tu m’inquiètes.

            Éthan commençait à douter. Si l’autre lui parlait maintenant de façon sympathique il fallait se méfier.

            — Et tu sors ce soir ?

            — Non, je préfère rester avec toi. On passe trop peu de temps ensemble.

            Éthan ne savait plus qui était la personne qu’il avait en face de lui. Pouvait-il lui faire confiance ?

            — Dans ce cas, jure-moi de ne plus m’agresser comme hier.

            — Je te l’ai déjà dit, je suis vraiment désolé. Ça ne se reproduira plus. Oublie ce qui s’est passé !

            Puis il changea de sujet.

            — Ce n’est pas tout mais le temps passe à une de ces vitesses ! Il est plus de vingt heures. Allume la télé, moi je m’occupe du dîner. Des lasagnes ça te tente ? J’ai acheté tous les ingrédients.

            L’autre redevenait à nouveau serviable et Éthan le regardait s’agiter tandis qu’il restait inerte, privé de toute énergie, perdu.

Il le regardait. Il se sentait chez lui alors que ce n’était pas son appartement.

Il le regardait s’occuper de tout.

Il se regardait lui.

Il se voyait vivre, marcher, parler.

Il n’était plus unique, il était deux.

            La tête basse comme si on l’avait grondé, il ouvrit le réfrigérateur que l’autre avait partiellement garni.

            Tout en préparant le repas, son double continuait de lui parler.

            — Tu travaillais trop, ça ne pouvait plus durer. Tu aurais fini par y laisser ta peau ou par avoir un accident cardiaque ou quelque chose comme ça ! Depuis que nous sommes deux, tu te sens mieux, reconnais-le.

            Il fallait bien admettre que l’autre avait raison. Depuis qu’il travaillait dans cette banque, Éthan avait dû faire ses preuves et se battre chaque jour pour être le meilleur puis le meilleur parmi les meilleurs. C’était une véritable guerre qu’il devait livrer pour se maintenir au top. Interdiction de faillir, impossible de ne pas atteindre les objectifs mensuellement fixés par la direction. Chimérique de croire qu’il pouvait tout faire en 35 heures par semaine car il en faisait le double. Hors de question d’être malade ou seulement fatigué. Impensable de rencontrer des problèmes familiaux et donc fonder une famille était inimaginable. Le paraître était aussi surveillé de près. Chacun devait soigner son apparence en toutes circonstances. Aucun écart n’était toléré : costume, cravate exigés… Jamais Éthan ne s’était rendu compte qu’à ce jeu pervers et dangereux il se dépossédait progressivement de son identité et que fondu dans une masse où tous finissaient par se ressembler, il disparaissait progressivement.

— Mets la table s’il te plaît. On gagnera du temps. Dans une demi-heure ce sera prêt. Ça sent bon hein !

            Éthan attrapa deux assiettes, deux verres, les couverts et les disposa sur les deux sets qui patientaient. Il ouvrit une bouteille de vin pour accompagner le repas, en versa un peu dans son verre et le sentit avant de le goûter

            — Bonne idée ce vin, fit l’autre.

Éthan tira ensuite une chaise et s’installa en attendant d’être servi.

            — Ah, je vois que tu recommences à m’accepter, à t’accepter devrais-je dire ! On forme un beau couple en somme !

            Tel un miroir ésotérique, quand Éthan regardait l’étranger, il se voyait. L’autre était lui. Lui était cet autre, à ceci près que son double débordait de vitalité, de force et prenait les décisions tandis que lui semblait subir la situation et être asthénique. Lequel des deux était le vrai Éthan ? Ils étaient parfaitement identiques : dans leur façon de s’exprimer, de se mouvoir, de réagir. Les deux pouvaient-ils continuer à coexister ?

            — Ça va être prêt. On commence par une petite salade.

            Éthan posa sa serviette sur ses genoux et soudain une question jaillit de sa bouche.

            — Comment es-tu arrivé là ?

            L’étranger interrompit ce qu’il faisait et réfléchit un instant.

            — J’aimerais bien te répondre mais je ne sais pas trop comment ça s’est produit. Je me souviens que je dormais et que je t’ai senti remuer à côté de moi, dans le lit.

            — Mais avant ça où étais-tu ? Tu étais bien quelque part !

            — J’ai envie de te dire oui mais je n’ai aucune réponse et j’ai les mêmes souvenirs que toi. La veille, j’étais au bureau, croulant comme toi sous les dossiers. Marine, du service de comptabilité est passée me voir avant de partir. Plus tard j’ai quitté l’agence, j’ai attrapé le métro à la volée et en descendant du TER, je suis rentré à la maison. Il n’y a pas à tortiller, je ne sais pas comment j’ai atterri là. D’ailleurs, puisque nous sommes les mêmes, je te retourne la question. Est-ce que ce n’est pas toi qui as fait irruption dans ma vie ?

            — Non, non ! Je suis Éthan !

            — Mais moi aussi ! Inutile de te torturer, pensons à autre chose. J’ai remplacé le réveil que tu as cassé. J’en ai acheté un tout neuf, encore mieux que le dernier.

            — Arrête. Ne change pas de sujet ! Pourquoi es-tu là ?

            — Comme je suis toi, il m’est impossible de répondre mais j’ai juste une petite idée.

            — Ah, dis-moi !

— Regarde-toi, tu devenais une loque, tu étais épuisé, tu avais un teint de déterré. À part ton travail, tu ne faisais rien d’autre. Moi, au contraire, j’ai une pêche d’enfer enfin jusqu’à ces derniers jours. Personne ne peut tenir ce rythme de fou et être privé de vie personnelle, personne ! Je crois qu’un ange a eu pitié de toi et m’a envoyé ou l’inverse : il a eu pitié de moi et t’a envoyé. Franchement, je ne sais plus qui est qui aujourd’hui. Maintenant que nous sommes deux, nous pouvons nous répartir les tâches. Moi non plus je ne peux pas tenir éternellement. On doit permuter !

Éthan l’écoutait, plus inquiet que dubitatif et s’il trouvait la situation toujours aussi étrange, il commençait à se sentir dépossédé de son être. Il était le véritable Éthan, il en était sûr et l’autre n’était qu’une doublure. Pas question de lui céder sa place. Il devrait disparaître de sa vie à un moment ou à un autre. La violence dont il avait fait preuve la veille quand il avait tenté de l’étrangler le conforta dans sa méfiance et ses certitudes d’être le modèle original, authentique, unique. Il avait souvent imaginé être deux : l’un qui aurait travaillé pendant que l’autre pourrait se prélasser, s’amuser ou dormir à loisir mais jamais il n’aurait imaginé que cela se produirait.

Après le repas, ils se détendirent face à une série policière diffusée à la télé puis gagnèrent ensemble la salle de bains. Là, face au miroir, Éthan se figea et s’obligea aussitôt à prendre un air plus décontracté afin que l’autre ne voie pas qu’il était profondément troublé. Que leurs reflets soient absolument identiques, il le savait mais que l’étranger affiche les mêmes traces d’étranglement au niveau du cou n’avait aucun sens puisqu’à aucun moment Éthan n’avait tenté de l’étouffer ou du moins il ne s’en souvenait pas. Quelque chose clochait.

— Donc demain c’est moi qui vais travailler. Tu prendras le relais la semaine prochaine.

La tête sur l’oreiller, le jeune homme se contenta de répondre à la proposition de son squatteur.

— OK !

Il ne savait pas comment l’autre avait surgi dans sa vie et il ignorait pourquoi il avait ces marques terribles au cou.

Éthan supposa qu’il devait tremper dans des affaires louches, qu’il s’était battu avec un individu peu scrupuleux, qu’il était victime d’un chantage ou d’un règlement de comptes… Que lui était-il arrivé pour qu’il porte les mêmes traces que lui ? Elles n’étaient pas apparues par enchantement, cela ne leur était jamais arrivé. Une blessure chez l’un ne déclenchait pas la même chez l’autre. Ils ne l’avaient jamais observé depuis qu’ils se côtoyaient. Il y avait donc une explication différente mais Éthan n’osa pas demander laquelle.

Il se positionna dans le lit dos à l’autre, en chien de fusil et échafauda mille et une interprétation possible, à tel point qu’il ne trouva pas le sommeil, convaincu qu’une menace dont il ignorait l’origine planait sur sa tête, sur leurs têtes.

AUDREY DEGAL

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PARAÎTRE OU DISPARAÎTRE (suite 2)

 Résumé de l’épisode précédent : 

Éthan qui a trouvé un étranger endormi chez lui, dans son lit, s’est d’abord réfugié dans un placard avant d’appeler la police. L’inconnu, toujours paisible, ne s’alarme pas de la réaction du jeune homme terrorisé et violent. Ce dernier rétablit l’électricité et s’introduit dans la buanderie en attendant l’intervention des forces de l’ordre. Mais la poignée casse, le condamnant à rester enfermé, incapable de répondre à l’agent qui sonne à l’interphone. Il entend du bruit. L’intrus s’est réveillé et répond aux sollicitations des policiers.

Bonne lecture et laissez-moi un petit commentaire, ça fait toujours plaisir !

— Oui, c’est bien moi ! Qu’est-ce que c’est ? …. La police !… Qu’est-ce qui se passe ?… Moi ?… Non, je ne vous ai pas appelés… Un intrus, chez moi, c’est une plaisanterie !… Excusez-moi, mais je vous assure qu’il n’y a personne d’autre que moi ici, je suis un peu surpris d’être dérangé en plein milieu de la nuit !

            L’inconnu semblait agacé et mal réveillé.

            — OK, OK, continua-t-il alors que les policiers insistaient, je comprends, vous devez vérifier. Je vous ouvre…. Troisième étage, porte gauche.

            Il actionna le déverrouillage de l’allée comme s’il était vraiment chez lui.

            Quelques instants plus tard, un policier toqua à la porte de façon discrète pour ne pas ameuter le voisinage.

            — Pouvons-nous entrer ?

            — Je vous en prie mais je vous assure que tout va bien.

            La porte d’entrée venait de se plaquer contre celle de la buanderie dont elle masquait désormais l’accès. Toujours retranché, Éthan venait de comprendre que si les agents ne la refermaient pas derrière eux, ils ne le découvriraient pas dans sa planque d’autant que l’inconnu venait de ramasser la poignée et le carré qu’il avait trouvés par terre.

            Éthan se rapprocha de la porte, posa une main sur le bois et prit une inspiration, prêt à appeler pour signaler sa présence.

            Il essaya mais aucun son ne sortait de sa bouche sans qu’il sût pourquoi. Quelque chose le dérangeait dans cette situation improbable. Il était en quelque sorte bloqué, entravé dans sa volonté par des forces contradictoires qui le dépassaient et son corps ne lui obéissait plus.

            C’était plus fort que lui, il n’arrivait pas à agir.  Était-ce l’émotion, l’excès de peur, la fatigue ? Il ne parvenait pas à comprendre pourquoi il restait muet alors que tout le poussait à sortir de ce guêpier. Il dut se concentrer pour pouvoir lever la main mais ses doigts se contentèrent seulement d’effleurer la porte, tout doucement. Il renonçait malgré lui.

La situation aurait pu être angoissante ou cocasse mais elle n’était ni l’un ni l’autre. Elle le troublait et plus encore la voix de l’intrus. Elle lui était familière, si familière : les intonations, les expressions, le ton… De plus, il connaissait l’appartement et s’y déplaçait apparemment sans hésiter. Peut-être s’agissait-il d’un voisin qui occupait le même logement, juste au-dessus ou juste au-dessous de lui et qui avait échafaudé un plan pour le piéger et lui faire avouer son code de carte bancaire. Mais il aurait déjà agi au lieu de se contenter de se coucher dans le même lit que lui. Il dut l’admettre : les intentions de l’intrus étaient différentes.

Il aurait payé cher pour connaître le fin mot de tout ceci mais même son compte en banque garni ne pouvait lui offrir cette délivrance. Il enragea tout à coup, comme un volcan éteint depuis des siècles et désormais au bord de l’implosion. Ses nerfs lâchaient. Il leva brusquement un poing fermé, prêt à marteler la porte de rage et d’accablement mêlés. Son geste s’arrêta là, en l’air, poing retenu par une main invisible ou une volonté extérieure qui prenait l’ascendant sur ses propres décisions. Son bras refusait de lui obéir. Il dut bien l’admettre : il était prisonnier de la buanderie, de lui-même et de ce squatteur. Alors il prêta l’oreille pour saisir la conversation qui se déroulait sans lui.

            — Oui, je vous dis que je dormais. Je ne sais pas qui vous a appelés. Vous pouvez regarder dans toutes les pièces, je n’ai rien à cacher !

            Les policiers, deux probablement, avancèrent dans le couloir. Éthan entendit les portes s’ouvrir et se refermer, des pas, des paroles entrecoupées de moments de silence.

            — Je travaille au Lcl, répondit l’inconnu à la demande des agents.

            — Lcl ?

— Oui, le Crédit Lyonnais.

— OK ! Avez-vous remarqué quelque chose d’anormal ces jours-ci ?

— Non !

Les questions-réponses fusèrent pendant un bon moment. De toute évidence les policiers ne se contentaient pas d’inspecter visuellement tout l’appartement. L’intrus les suivaient pas à pas, les bras croisés, tapotant parfois du pied par terre pour leur faire comprendre qu’il s’impatientait.

            — Écoutez messieurs, je vous remercie d’être passés mais, comme vous pouvez le constater, il n’y a rien d’anormal et je ne cours aucun risque chez moi. Je commence tôt tout à l’heure, je suis encore fatigué et je voudrais bien me recoucher.

            — Bon, OK, je ne vois rien. Nous allons vous laisser. Mais s’il y a quoi que ce soit, n’hésitez pas, appelez !

            — Je n’y manquerai pas. Merci d’être intervenus.

            Et il les guida vers la sortie de l’appartement dont la porte était restée grande ouverte durant l’intervention après quoi il tourna la clé dans la serrure pour bien refermer derrière eux.

            En descendant les escaliers les deux agents, un jeune qui débutait dans le métier et l’autre la cinquantaine, restaient dubitatifs.

            — C’est bizarre tout de même !

            — Oh, tu sais, j’en ai tellement vu et entendu dans ma carrière que plus rien ne me surprend.

            — Ouais !

            — Si ça se trouve, il nous a bien appelés, pour un pari avec des copains ou parce que c’est un angoissé qui s’affole au moindre bruit nocturne ou… Ne cherche pas à comprendre. Un chat a peut-être fait tomber un pot de fleurs sur un balcon ou des voisins se sont disputés un peu trop fort… qu’est-ce que j’en sais, moi. La nuit, les gens ont peur, c’est tout. Allez, on a fait notre travail et tu as bien vu, rien ne clochait.

            Le jeune opinait de la tête à chaque supposition de son supérieur qui ajouta :

            — Parfois, il ne faut pas prendre à la légère les appels à l’aide. On ne sait jamais ! Pense à ce qui arrive à Jodie Foster, tu sais, dans le film Panic room. Tu n’étais peut-être pas né mais elle ouvre la porte aux forces de l’ordre et elle leur dit qu’il s’agit d’une erreur. Elle est souriante, sûre d’elle et plaisante aussi. Pourtant, des malfrats sont entrés dans sa maison et la menacent vraiment. Mais comme ils sont juste à côté, elle ne peut rien dire. C’est violent comme film. Enfin tu vois ce que je veux dire !

            — Oui. C’est pas facile de savoir qui dit la vérité.

            — C’est tout le problème de notre métier !

            La Dacia Duster où ils prirent place démarra et ils regagnèrent le poste où ils étaient de garde toute la nuit.

            L’appartement d’Éthan avait retrouvé son calme et un silence oppressant s’était emparé des lieux. Où était passé l’inconnu ? Que faisait-il ? Pour Éthan les secondes, les minutes semblaient s’éterniser. Que se passait-il de l’autre côté de la porte, dans le couloir. Tel un aveugle il guettait le moindre son dans l’espoir de percevoir quelque chose. Il tentait de contrôler sa respiration tout en espérant que l’autre l’oublierait, retournerait se coucher et mieux encore quitterait l’appartement.

            Soudain un bruit métallique creva l’atmosphère cotonneuse dans laquelle il se sentait à l’abri. Le carré métallique venait de retrouver sa place ainsi que la poignée et la porte s’ouvrit. L’étranger se dressait au beau milieu de l’encadrement, solidement campé sur ses jambes.

            — Qu’est-ce que tu fous enfermé là-dedans, Éthan ? Heureusement que je suis là ! Tu as l’air frigorifié. Enfile donc le peignoir qui traîne sur le sèche-linge et sors de là. On va se recoucher, je suis crevé !

            Tel un petit garçon bien obéissant, Éthan suivit scrupuleusement aux conseils que l’autre lui donnait. Il était incapable de réfléchir, incapable de rétorquer, incapable de questionner, incapable de comprendre.

            Il secoua légèrement la tête comme si ce mouvement pouvait lui permettre de remettre ses idées en place.  Ses gestes étaient lents, hésitants, mal assurés. Les pans de son peignoir mal ajustés pendaient inégalement et sa ceinture approximativement nouée menaçait de se défaire. Il devait reprendre ses esprits. Il tourna les yeux vers l’autre qui l’attendait patiemment et se plongea intensément dans son regard.

            C’est à ce moment précis qu’enfin il comprit.

Il comprit pourquoi il connaissait cette voix.

            Il comprit qu’il avait déjà rencontré cet étranger.

            Il savait tout de lui à commencer par son nom.

            Comment n’avait-il pas pensé à lui dès le début ?

            C’était inouï mais si évident !

            Sans un mot, résigné et vaincu avant même d’avoir livré bataille, il dépassa l’autre, heurtant son épaule sur son passage, se dirigea tout droit vers la chambre tel un automate, s’allongea sur un bord du lit, se couvrit, éteignit la lumière mais garda les yeux grands ouverts, luttant pour vaincre l’épuisement et ne pas dormir. Mais le sommeil finit par le terrasser.

            L’autre, étendu juste à côté, ne tarda pas à ronfler, insouciant et serein.

*

            La sonnerie du réveil-matin, détruit la veille, ne tira pas Éthan de ses rêves agités. En revanche, une agréable et inhabituelle odeur de café chaud et de tartines grillées s’invita jusque dans la chambre et vint délicatement taquiner ses narines. Malgré toute cette douceur, il se redressa brutalement. La réalité venait de le rattraper et les événements de la nuit lui revinrent pleinement en mémoire.

Il repoussa les draps qui s’étaient emmêlés autour de ses chevilles et les entravaient et, à pas de loup, s’avança vers la cuisine pour pouvoir observer ce que l’autre faisait. Avec un naturel déstabilisant, l’intrus sifflotait un air bien connu et, sans aucune gêne, ouvrait les placards ou le frigo pour dresser la table d’un petit-déjeuner copieux, que d’habitude, Éthan trop pressé ne prenait jamais.

— Arrête de faire l’idiot, dit-il alors qu’il avait senti sa présence. Regarde, je t’ai pressé deux oranges. Viens, approche et installe-toi.

Éthan ne parvenait pas à répondre quoi que ce fût. Il avait l’impression d’être tombé au fond d’un puits, d’avoir passé la nuit dans une eau putride et d’avoir tenté vainement de gravir les parois abruptes qui auraient déchiré ses doigts et usé ses ongles. Mais ses papilles sollicitées par les senteurs qui émanaient de la table lui disaient au contraire qu’il était un roi et que quelqu’un veillait à son bien-être.

            — Fais comme chez toi !

            Éthan réagit à cette remarque en sursautant.

— Relaxe, mec, je te taquine. Tu as les nerfs à fleur de peau ! C’est dingue !

            Éthan se contentait de suivre les moindres gestes de l’étranger, ses déplacements et de l’écouter.

— Assieds-toi et déguste. Prends le temps pour une fois, fais-toi plaisir !

L’inconnu donnait le sentiment d’être très à l’aise. Il lui parlait comme si c’était naturel et qu’il avait l’habitude de converser avec lui.

Entre les toasts briochés dorés, le café impeccablement dosé et goûteux, le jus de fruit savoureux, Éthan finit par se laisser aller jusqu’à se sentir plus détendu. Après tout, il était certain que l’autre ne lui voulait aucun mal.

— Ne bouge pas ! fit l’étranger.

Il s’éclipsa dans la chambre et réapparut quelques minutes plus tard, vêtu du costume préféré d’Éthan qui lui allait comme un gant.

— Je te laisse, je vais bosser ! Profite de ta journée.           

Éthan parvint enfin à articuler :

— Mais… mais … où allez- v…

Il rectifia :

— Où vas-tu ?

            — Au bureau, au LCL pardi ! Toi, tu te reposes. À ce soir !

            La porte d’entrée qui claque, le moteur d’une voiture que l’on démarre dans la rue, la sienne, et un départ sur les chapeaux de roue. L’étranger avait filé.

Le retour au silence le plus complet et la solitude achevèrent de déconcerter Éthan dont les mâchoires devenues immobiles ne parvenaient plus à venir à bout du pain au chocolat dans lequel il avait croqué.

            — C’est une histoire de fous, dit-il tout haut.

            Il parcourut du regard son appartement, s’arrêta sur l’heure affichée à l’écran de la télé muette. Hébété, désorienté, il ne savait que faire.

            Il décida d’attendre une heure au terme de laquelle il appellerait le boulot pour dire qu’il se sentait mal et n’irait pas travailler. Après tout, on ne pouvait pas lui reprocher cette petite entorse alors qu’il n’était jamais absent.

            — Lcl bonjour ! Que puis-je pour vous ?

— Allo, oui…bonjour… !

            Tout à coup, il hésita. Était-ce la bonne stratégie que de mentir ? Qu’avait-il à perdre ? Cette journée lui serait salutaire. Il avait tant besoin de se reposer, de couper avec cette vie trépidante qu’il s’imposait depuis trop longtemps. Mais sans qu’il le veuille vraiment, un autre mensonge s’invita dans la conversation.

            — Je me présente, monsieur Lantignac à l’appareil. Je suis le directeur de la société Intratech gérée par monsieur Boccello Éthan. Pourrais-je lui parler ?

            On allait bien sûr lui répondre qu’Éthan Boccello n’était pas encore arrivé mais on ne lui dirait pas qu’il était encore attablé devant son petit-déjeuner. Contre toute attente, la réponse fut différente de ce qu’il avait imaginé.

            — Oui, bien entendu. Il vient juste d’arriver. Ne quittez pas monsieur Lantignac, je vous le passe tout de suite !

            Éthan voulut se raviser et dire qu’il le rappellerait plus tard mais la communication avait déjà basculé et, à l’autre bout du fil il l’entendit, lui, l’étranger.

            — Éthan, c’est toi. C’est sympa d’appeler.

            — Comment… ?

            — Ne te fais pas de soucis, je gère. Je connais ton boulot aussi bien que toi. Ne t’inquiète pas ! Qu’est-ce que tu voulais me dire ?

            Éthan avait raccroché et il jeta le téléphone devant lui comme s’il lui brûlait la main.

            La situation lui paraissait si irréelle qu’il crut un instant qu’il avait sombré dans la folie. Peut-être qu’il se trouvait coincé dans la quatrième dimension. Peut-être que ses amis allaient sonner à la porte, accompagnés d’un caméraman et d’un producteur de télévision. Peut-être qu’un burn-out produisait ce type d’hallucinations. Peut-être que…

C’était pourtant la vérité.

C’était inexplicable mais un autre Éthan, en tous points conforme à lui, l’avait remplacé.

Il tourna en rond chez lui, se mit à lire, reposa aussitôt son livre, retourna se coucher sans conviction, se releva, alluma la télé sans la regarder, surfa sur internet sans idée précise, essaya d’appeler un ami avant de raccrocher… Déboussolé était le terme qui lui correspondait. Il avait tout son temps mais ne savait qu’en faire comme quelqu’un qui deviendrait subitement riche et ne saurait comment dépenser sa fortune. Puis, tout s’éclaira. À quoi bon chercher à comprendre ? À quoi bon lutter ? Il était libre et il pouvait donc profiter de sa journée. L’autre venait de lui offrir l’occasion de disparaître des radars pour faire ce que bon lui semblait. Les apparences étaient sauves : à la banque l’autre le remplaçait.

*

            Oui, totalement libre !

            Le trader du LCL avait virtuellement largué les amarres, brisé ses chaînes et il se sentit pousser des ailes.

            Pour la première fois depuis cinq longues années, au cours desquelles il avait dû faire ses preuves, écrasant de redoutables jeunes loups comme lui désireux de franchir les obstacles les premiers, il flânait.

            Il se rendit d’abord au musée des arts contemporains, erra dans les galeries, s’attarda devant les œuvres des plus grands artistes avant de sortir pour déjeuner chez un chef étoilé. Là, il ne se refusa rien. L’argent accumulé est fait pour être dépensé, se disait-il et ses comptes étaient bien garnis. Il suivit le conseil du sommelier et commanda un Saint-Émilion Grand Cru Château Angélus de 2018 qui s’accordait avec le menu choisi : coquilles Saint Jacques grillées, truffes Mélanosporum, bar à la vapeur, légumes glacés et foie gras, pigeon farci en cocotte sauce Salmis et Butternut rôtis, fromages de France et poire aux amandes et chocolat Valrhôna. La présentation était exquise et son palais flatté. L’après-midi, il s’accorda un plaisir qu’il reportait sans cesse : une séance au cinéma. Il essaya ensuite nombre de costumes avant d’opter pour la confection sur mesure. Il se promena le long des quais du Rhône et, comme le soleil déclinait il songea à rentrer.

            Sur le trottoir, mains enfoncées dans les poches de son manteau, il stoppa net. Et si l’autre revenait ! C’était un risque à prendre et de toute façon il n’avait pas le choix. Il gérerait la situation qui se présenterait.

            Il songea un instant qu’il pourrait se barricader dans son appartement et lui faire comprendre qu’il devait partir. Mais après tout, cette journée inespérée avait été profitable voire très agréable et il se sentait régénéré. Peut-être que ce remplaçant inespéré lui permettrait encore de se détendre en se rendant à sa place au travail. Il devait en profiter.

Il divaguait une fois de plus, son esprit faisait le grand écart, accaparé par des hypothèses antinomiques. Soudain, un postulat surprenant surgit, auquel il ne s’attendait pas : et si ce double ne rentrait pas, s’il disparaissait et que cette journée n’était qu’un aperçu voué à ne pas être reconduit. Cette pensée démente signifiait-elle qu’il voulait que l’autre reste ?

Il n’avait pas franchi le seuil de l’appartement qu’une senteur de cuisine épicée l’invita à entrer. Épicurien dans l’âme il adorait bien manger.

— Salut ! La journée s’est bien passée, s’enquit l’intrus.

Il était là, de retour.

            — Oui, très bien !

            Éthan réussissait enfin à lui parler.

            — Super, c’était l’objectif. Regarde, je t’ai préparé un tajine de poulet mais je ne dîne pas avec toi. Je file.

            — Tu files, et tu vas où ?

            — Je sors m’aérer un peu. Ta vie est rude et monotone. J’ai besoin de souffler. Ne m’attends pas, je dîne dehors et je risque de rentrer tard. Fais ce que tu veux de ton côté !

            — Et demain ?

            — Demain, je vais bosser à ta place, évidemment !

— Évidemment, répéta Éthan décontenancé.

L’inconnu doublé du cuistot ôta son tablier de cuisine sous lequel il était déjà apprêté pour sortir. Il attrapa sa pochette et ses clés au vol et avant de s’échapper adressa un petit signe de la main à son double.

— À plus !

Éthan aurait pu et aurait dû s’interroger davantage tant la situation était étrange. Il aurait pu et aurait dû poser les questions qui lui brûlaient les lèvres mais il préféra se raviser. Il craignait les réponses que l’autre pourrait lui apporter et il préférait profiter de cette aubaine, cette liberté soudaine, ces loisirs dont il avait oublié l’importance. Ce seul mot, « loisirs » avait disparu de son vocabulaire. Il s’attabla, dégusta le plat que l’autre lui avait préparé, geeka pendant des heures sur internet, visionna une série Netflix qu’il voulait voir depuis des lustres et après un bain, se rendit chez un concessionnaire Ducati encore ouvert pour s’acheter la moto dont il avait toujours rêvé. Puis il rentra, heureux, et il alla se coucher.

Pour la première fois, il n’avala aucun somnifère et dormit d’un sommeil aussi paisible que réparateur.

Le lendemain, l’autre se leva bien avant lui et, comme la veille, il lui concocta les repas de la journée avant de s’éclipser pour prendre sa place au travail.

Au fil des mois, Éthan avait pris de l’assurance et devenait hédoniste. Il alternait les journées consacrées au sport, aux parties de golf, il s’était inscrit dans un club pour passer le brevet de pilote dont il rêvait depuis l’enfance et il songeait déjà à s’offrir un jet privé léger. Il disposait des fonds nécessaires, il lui suffirait de faire un petit crédit pour compléter le financement. Pourquoi se priver ? L’autre se démenait au travail et les primes tombaient régulièrement. Au guidon de sa moto, il parcourait la France et n’avait pas pu résister à découvrir le Portugal, poussant le trajet jusqu’à l’Algarve. Il se prenait parfois pour Tom Cruise dans « Top Gun » et quand il roulait, il se moquait des limitations de vitesse. L’autre s’occuperait de les endosser.

*

Le rythme adopté par le couple était bien rodé : Le clone, cet autre lui-même qui n’était plus un inconnu, se rendait quotidiennement à la banque, enchaînait à sa place les heures de travail, les appels téléphoniques, les dossiers vertigineux, les déplacements d’affaires et le soir ou le week-end Éthan l’abandonnait pour sortir, aller au ski ou partir en voyage. Il ne s’absentait jamais plus de deux ou trois jours, soucieux que son double reprenne bien le boulot où il excellait. Éthan ne manquait pas non plus de surveiller son remplaçant car pour pouvoir continuer à profiter encore longtemps de la situation il fallait que tout fonctionne. Finalement, à part dormir dans le même lit, les deux hommes se voyaient peu et Éthan dévorait la vie, insouciant des lendemains.

Mais le bonheur est chose fragile, chacun le sait, et sans prévenir il peut s’éclipser. Les hommes s’habituent si facilement à être heureux ! Trop sans doute !

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Merci à toutes et à tous et à bientôt pour découvrir la suite !

AUDREY DEGAL


2 Commentaires

DOMINIQUE

Bonjour à toutes et à tous,

Avant de vous offrir la suite de l’histoire « Paraître ou disparaître » dont deux épisodes sont actuellement en ligne, je voulais moi aussi, à ma façon marquer la JOURNEE DE LA FEMME et quoi de mieux qu’une histoire ! Je vous la livre ici en intégralité et j’espère que vous aurez du plaisir à la lire. Elle est tirée de mon recueil de nouvelles « DESTINATIONS ETRANGES » (cliquez dans « MENU » pour découvrir le livre, sa 4e de couverture et des extraits). Je vous laisse la savourer jusqu’à la dernière ligne et je vous donne rendez-vous très rapidement pour lire la suite de l’histoire à suspense « Paraître ou disparaître ».

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Tout est gratuit et vous ne recevrez pas de publicité, juste un message lorsqu’ je publie une nouvelle histoire et un lien sur lequel cliquer pour y accéder rapidement. S’abonner est, pour les lecteurs de ce site, une façon de remercier l’auteure que je suis, de l’encourager, de la soutenir

Je vous souhaite une agréable lecture et une excellente semaine !

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Partir, oui vouloir partir…

…mais ne pouvoir aller nulle part !

DOMINIQUE

Il fallait bien sortir ! Oui mais ce n’était pas toujours si simple ! La vie n’est pas si simple  !

Du placard du couloir de son appartement, au cinquième étage, Dominique sortit des chaussures et une veste. Il faisait un peu frais ce matin-là, même si plus tard dans la journée le soleil réchaufferait largement l’atmosphère. Ce serait une belle journée de septembre. Une belle journée, oui, mais pour qui ? Pas pour Dominique, assurément !

Un tour de clé dans la serrure et déjà ses sens en éveil balayaient son environnement. Écouter tout d’abord pour savoir si quelqu’un montait ou descendait les étages dans la cage d’escaliers. Mais il n’y avait personne, pas plus que dans l’ascenseur immobilisé. Voir ensuite, s’assurer que la lumière traquait les moindres recoins. On ne sait jamais ! Quelque malfaiteur pourrait bien se dissimuler quelque part, n’importe où, prêt à bousculer sa victime, à voler son argent et à la maltraiter pour lui faire avouer les codes nécessaires afin d’utiliser les cartes de crédit. Il pourrait aussi en vouloir à sa personne et cela était pour Dominique le pire des cauchemars. Un tour d’horizon : il n’y avait pas âme qui vive sur le palier. Sentir aussi, car la fiabilité de l’odorat est souvent déconsidérée alors qu’un parfum s’exprime, plus qu’on ne le pense, indiquant qu’un individu est passé, il y a quelques instants. Mais Dominique ne humait que sa propre odeur. C’était épuisant de devoir toujours être ainsi, en alerte. C’était cependant son quotidien.

Alors Dominique dévala les escaliers, rapidement, flottant presque sur chaque marche. Il était déjà 7 heures et il ne fallait pas être en retard. Surtout pas ! Les gongs de la lourde porte de l’allée qui menait dans la rue n’avaient pas été lubrifiés. Un grincement désagréable résonna donc, qui alerta les passants quand Dominique surgit de l’immeuble. Tous se retournèrent. Les mains profondément enfoncées dans les poches de son pantalon, il fallait avancer jusqu’à l’arrêt de bus sans prêter la moindre attention aux mille yeux braqués, inquisiteurs. 5 minutes de marche, ce n’était pas le bout du monde après tout ! Oui et non, tout dépend où est le bout du monde. Pour Dominique, c’était loin et il fallait se frayer un passage en enfer. On l’observait. Pire, on lui parlait :

— Salut toi !

Dominique ne répondait pas. Il était impensable de répondre.

— Je te parle !

Détourner la tête, garder les yeux baissés – le goudron, c’est si beau ! du moins faut-il s’en convaincre, faute de mieux – faire comme si l’on n’avait rien entendu, faire comme si ce n’était pas important. Bref faire semblant. Mieux encore, rêver que l’on peut partir. S’imaginer des destinations lointaines. Fuir le poids du quotidien. S’évader ! Mentalement, c’était sa bouée de sauvetage, le rivage auquel il fallait s’accrocher désespérément pour ne pas sombrer.

Dominique se rappelait le lycée. On lui avait enseigné le théâtre et les masques portés par les personnages qui eux aussi faisaient semblant, faisaient comme si. Le héros le plus émouvant en la matière était bien Cyrano, amoureux fou de Roxane, qui faisait semblant de ne point l’aimer et qui écrivait, écrivait inlassablement des lettres d’amour qu’il signait du prénom de son rival, Christian. Jamais il ne fut démasqué. Seule l’imminence de sa mort avait révélé son vrai visage. Dominique s’en inspirait, ne laissant jamais rien filtrer, refoulant ses émotions, ses envies de rébellion qui grandissaient chaque jour et qui menaçaient d’exploser. Sa vie était si belle avant. Elle était faite de liberté de penser, d’agir, de plaisanter…

Outre la marche à pied, il y avait une autre épreuve, redoutable : l’attente du bus. Il n’était jamais à l’heure et il fallait patienter parfois fort longtemps, immobile. Pour certains, cela signifiait que l’on désirait se joindre à eux sans oser le dire. C’est extraordinaire de voir comme des individus prennent leurs idées pour des réalités, plus encore pour des réalités partagées, se persuadant qu’ils sont irrésistibles. Tout l’art consiste justement à leur résister sans s’attirer leurs foudres.

— Tu viens, je te paye un verre !

Pas de réponse.

— Après on peut passer un bon moment tous les deux !

Toujours pas de réponse.

Enfin, la délivrance : l’arrivée du bus. Dominique gravit les quelques marches et avança dans l’allée centrale. Comme d’habitude, il y avait un monde fou. C’était l’heure de pointe. Serrés comme des sardines dans une conserve trop étroite, les passagers devaient se supporter et tout supporter : odeurs de transpiration, parfum aspergé de mauvaise qualité, haleine fétide, gaz intestinaux largués en dépit du respect d’autrui… Tout cela était difficile à accepter et pourtant ce n’était rien à côté des mains baladeuses qui se promenaient sur les fesses arrondies et cherchaient même à fureter devant les jambes. Dominique se contentait de se retourner pour montrer sa désapprobation mais il était impossible d’identifier les passagers irrespectueux. Et puis il en était ainsi chaque jour. Cela devenait normal pour tout le monde. Il était strictement interdit de crier au scandale sous peine de se voir accuser de provocation, de port d’une tenue indécente… D’ailleurs, la publicité, les journaux et les politiciens se rendaient complices de cet état de soumission. Les premiers affichaient quotidiennement le sexe faible dans des tenues qui n’en étaient pas, dans des attitudes inconcevables, contribuant à ce qu’il soit perçu comme un vulgaire produit de consommation courante, comme une marchandise. Il n’était pas étonnant que même les enfants soient parvenus à se convaincre qu’il s’agissait d’une vérité. Les derniers parce que cela rendait le commerce florissant mais aussi parce qu’ils se réfugiaient derrière la thèse de l’évolution des mœurs, arguant que ce n’était pas grave et qu’il ne fallait pas accorder d’importance à cela. Après tout cela ne provoquait pas la mort… alors !…

Place de la République. 7 heures 20. Dominique devait descendre. Enfin, il lui serait possible de respirer et de bouger. Il faudrait marcher vite jusqu’au bureau.

7 heures 35.

— Dominique, dans le bureau du chef du personnel, on vous attend. Vite !

Serait-ce enfin la bonne nouvelle tant attendue ? Un poste s’était libéré et Dominique avait les compétences requises. Ils étaient deux en fait à briguer cette promotion.

Dominique frappa à la porte.

— C’est vous enfin ! Avant de vous asseoir, préparez-moi donc un café.

Il ne fallait surtout pas espérer un « s’il vous plaît ». Cinq minutes plus tard, ce supérieur hiérarchique despotique regardait Dominique entrer, les yeux rivés sur ses formes généreuses. Comment ne pas se sentir déshabillé ? En plus, il fallait feindre la joie d’être regardé, prendre cet effeuillage virtuel pour un compliment. Dominique s’efforça donc de sourire et posa le café sur le bureau.

— J’apprécie particulièrement votre travail. Vous êtes une personne efficace et dévouée. Chacun dit de vous que l’on peut compter sur votre sérieux et votre réactivité. C’est exceptionnel et nous sommes ravis de pouvoir vous compter parmi les membres de notre personnel.  Cependant…

Voilà ! Après les compliments, il venait de prononcer le mot qui blessait assurément. Il y aurait nécessairement un obstacle à sa promotion.

— Cependant – et croyez bien que la décision a été prise après mûre réflexion – le poste que vous briguiez ne vous sera pas confié. En effet, nous avons finalement choisi mademoiselle Noëlle Meredit dont le profil et l’expérience cadraient davantage. Vous ne déméritez pas pour autant et vous pourrez bien sûr renouveler votre candidature ultérieurement…

— « Après mûre réflexion », se moqua Dominique par la pensée. Et il faudrait que j’avale cela ? Je n’avais aucune chance. Je suis bête, mais pourquoi avoir postulé ? C’était perdu d’avance. « Renouvelez votre candidature ultérieurement »… je ne suis pas si stupide. C’est du temps perdu.

— Vous pouvez vous retirer !

Dominique n’afficha pas son dépit mais son cœur se serrait. Il était si bon le temps où tout était possible, le temps où on lui aurait confié ce poste, le temps où  sortir à n’importe quelle heure ne choquait pas, le temps où… À quoi bon ressasser tout cela, ce temps était bel et bien révolu. L’année 2025 qui s’achèverait dans deux mois serait la plus noire que Dominique ait connue mais 2026 arriverait avec son lot de surprises. Dominique n’avait pas l’ombre d’une idée de ce qui se tramait…

La journée fut terne, comme toutes les autres journées passées au travail. Dominique se levait de temps en temps et quittait son bureau pour se rendre dans la salle de reprographie. Évidemment, comme d’habitude on parlait sur son passage, on plaisantait. Comment nier que ses formes plantureuses étaient convoitées ? Mais Dominique traversait cet espace sans rien dire, regroupant les photocopies à faire pour éviter de répéter ce supplice.

Au réfectoire, lors de la pause-déjeuner, ce n’était guère mieux. Dominique aimait manger d’autant que le sport lui permettait d’éliminer aussitôt. Malgré cela, il lui fallait supporter les :

— Attention, tu vas grossir !…

ou

— C’est pas bon pour la ligne !

Un mètre soixante-treize pour soixante-deux kilos, il n’y avait pourtant rien à redire. Bon, toutes les journées ont une fin et celle-ci approchait enfin.

Dominique rentra à la maison. La fatigue avait fait son œuvre et ses traits étaient creusés. Le trajet de retour fut comme d’habitude aussi pénible que celui de l’aller mais enfin, il faudrait profiter de la soirée pour se détendre.

Dominique inséra sa clé dans la serrure et poussa la porte.

— C’est toi Dominique ?

— Oui, c’est moi !  Les enfants ont été sages ?

— Oui… enfin… je crois. Je ne les ai pas vus depuis un moment. Ils doivent être dans leur chambre.

— Comment ça tu ne les as pas vus ? Et les devoirs alors ? 

— Les devoirs… tu sais bien que ce n’est pas mon truc les devoirs, ils ne m’écoutent pas et en plus il y a une émission intéressante à la télévision. Viens voir !

— Zut ! Fichue soirée ! murmura Dominique.

18 heures 30. Dominique déposa quelques paquets sur la table de la cuisine. À l’intérieur  : une laitue bien pommée, des filets de flétan, deux citrons verts et quatre flans au caramel. La voix de Claude monta de la pièce d’à côté. Dominique jeta un œil et n’aperçut qu’une télécommande flotter dans l’air du salon. Une main l’actionnait avec vivacité.

— Qu’est-ce qu’on mange ce soir ?

— Salade, poisson, reste de légumes d’hier et flans au caramel. Mais tu sais…

— … J’espère qu’on mange vite, j’ai une faim de loup !

— Je te disais, ou plutôt j’essayais de te dire que je devais d’abord m’occuper des devoirs des enfants et qu’ensuite je préparerai le repas. Je n’ai pas quatre mains et tu devras attendre.

— Dépêche-toi alors !

— Au fait, j’ai dû payer les courses avec des espèces, ma carte bleue ne fonctionnait pas. Elle affichait « accès refusé ». D’ailleurs, il n’y avait pas que moi qui avais ce problème…

— Oui, c’est normal !

— C’est normal ?

— Je t’expliquerai… mais laisse-moi, je veux suivre le reportage. Ils ne vont pas le repasser pour moi !

20 heures, les devoirs étaient faits, les leçons apprises. Il fallait encore doucher les enfants et préparer le dîner.

— Quand est-ce qu’on mange ? demanda Claude. Je trouve que ça traîne !

— Tu es à la maison depuis plus longtemps que moi. Tu aurais pu m’aider ! Nous serions à table à l’heure qu’il est et…

L’atmosphère se tendit.

— Ne me parle pas sur ce ton ! coupa Claude. Les tâches domestiques c’est ta partie, pas la mienne. Moi je m’occupe du reste.

— Et c’est quoi le reste ?

— Tu sais bien, je ne vais pas t’apprendre le fonctionnement du monde. Moi, je suis doué en mathématiques, en physique…

— Justement à propos de mathématiques, c’était le devoir de Julie. Tu aurais pu…

— … non, les devoirs, je ne les ferai jamais faire ! Et puis tu t’occupes bien mieux des enfants que moi. Un point c’est tout !

Deux heures plus tard, Dominique débarrassait la table. Ses paupières étaient lourdes. La machine à laver le linge chargée, il fallait songer à s’offrir un moment de détente avant de dormir et que ne recommence une nouvelle journée de travail. Dans le salon, un fauteuil lui tendait enfin les bras !

— Ta journée s’est bien passée ?

— Non, pas vraiment. Je n’ai pas obtenu le poste que je demandais. Tu t’en souviens ?

— Oui, je me rappelle, tu m’en avais parlé.

— Et tu trouves ça normal ?

— Non, bien sûr, mais… en même temps, il fallait justifier de diplômes conséquents que tu n’avais peut-être pas !

— C’est toujours pareil ! Si, je les avais ces diplômes vois-tu, mais la direction a choisi mademoiselle Meredit.

— Une autre fois, tu auras peut-être plus de chance. Il ne faut jamais se décourager.

— C’est facile à dire quand on est dans ton cas.

— Que veux-tu dire ?

Dominique explosa.

— Tu le sais bien et tu t’en accommodes. Toutes les portes sont toujours fermées pour le sexe faible et cela va en empirant. Regarde, j’aime la moto, comme toi, j’aime être sur la selle mais quand j’ai voulu postuler au permis, le gouvernement venait d’en interdire l’accès. « Cela témoigne de trop de caractère et d’une indépendance incompatible » avec le sexe. Voilà ce qu’on m’a répondu. Et puis regarde tous les stéréotypes qu’il faut supporter et avec lesquels tu es toi aussi d’accord : on s’occupe mieux des enfants, du ménage, on n’est pas doué en maths… même les discours scientifiques s’emparent de ces stupidités pour bien établir la distinction entre sexe fort et sexe faible. Mais la vie devient étouffante, ce n’est plus supportable, c’est un retour en arrière inconcevable mais accepté parce qu’il permet l’économie de la réflexion. Même les enfants sont formatés dès l’école : qui tient le balai sur les images de leurs livres, qui fait les courses, qui dirige les entreprises, qui obéit toujours ?…

Claude regardait Dominique qui parlait en faisant de grands gestes et en tournant dans le salon comme un félin enfermé.

— Et la liberté dans tout ça hein ? Elle est foulée aux pieds ! Tiens regarde la revue littéraire que tu as dans les mains : encore un prix décerné et à qui est-il décerné, hein ? À Terry Chapdow ! Et cela ne te surprend pas, bien sûr que non, tout le monde en a tellement l’habitude. On nous  colle des étiquettes dès la naissance ! C’est une sorte de formatage social mais surtout d’interdits pour les uns et de privilèges pour les autres, le tout sous couvert des lois.

— Calme-toi ! On va t’entendre !

— Et alors, on va m’arrêter et me jeter en prison pour infraction à la loi ? Qu’on m’arrête  ! J’en ai assez de cette chape de plomb, des écarts salariaux, des tâches domestiques oui, des tâches domestiques car nous travaillons tous les deux mais quand je rentre, il faut que je fasse tout pendant que tu te reposes. Et moi dans tout cela ? Quand est-ce que je souffle ? J’existe pourtant, moi aussi je ressens la fatigue en fin de journée…

— Ne crie pas si fort. Je te comprends tu sais !

— Faux, tu ne comprends rien du tout et tu profites du système parce que c’est mieux pour toi aussi. Qui s’est insurgé quand la loi de 2020 a été votée qui nous interdisait de disposer librement de notre salaire ? Personne ou plutôt si, certains, vite emprisonnés ! Qui a osé protester en 2021 alors qu’il a été décidé de nous interdire d’adhérer à un syndicat sans autorisation ? Qui a hurlé au printemps 2021, quand a été supprimée la loi de 1945 qui affirmait la notion de « travail égal, salaire égal » ? Qui s’est insurgé en 2022, lorsque l’on nous a imposé de justifier d’une autorisation du partenaire pour obtenir un travail ? Et la pire de toute, hein la pire qui fait de nous des objets, promulguée en septembre 2025, voilà à peine deux pauvres petits mois, qui empêche de porter plainte pour harcèlement sexuel. Le harcèlement n’existe plus, comme par magie ! Tout de monde est devenu beau et gentil avec nous. Et pourtant je le subis, moi, le harcèlement sexuel : le matin en attendant le bus, puis à l’intérieur, au travail… Mais ça, ce n’est pas important, c’est devenu la norme. Mon Dieu mais que vont-ils encore inventer, quelle sera la prochaine loi qui…

— …Justement. Je voulais te parler de ta carte bleue. Elle n’a pas fonctionné tout à l’heure parce que le gouvernement vient de décider que vous ne pourriez plus être titulaires d’un compte bancaire et donc d’un tel moyen de paiement.

Dominique s’effondra sur un fauteuil, sans énergie, les yeux hagards. Claude renchérit :

— Personne ne doit être choqué par cette décision. C’est un moyen de vous protéger contre les achats compulsifs dont les scientifiques affirment qu’ils…

— …Tais-toi Claude ! Je t’en supplie, tais-toi ! Je ne peux plus rien entendre ce soir !

Telle une ombre, Dominique gagna sa chambre à coucher et s’allongea sous les couvertures chaudes, espérant trouver le sommeil. Toute cette vie ne pouvait être qu’un abominable cauchemar et le réveil réparerait la situation en rétablissant la réalité. Chacun retrouverait alors sa véritable place et le monde, celui d’avant, reprendrait ses droits, son fonctionnement, son ronronnement si bien rodé. Tant de livres, tant d’histoires, commençaient ainsi, par une vie impossible dont le héros ne voyait pas la fin et puis soudain, il se réveillait et retrouvait sa douce existence, avec ses privilèges, quand bien même ceux-ci privaient d’autres êtres de liberté. Mais Dominique ne ferma pas l’œil de la nuit et Claude, qui dormait à ses côtés du sommeil du juste, lui rappelait qu’au matin sa sombre vie se poursuivrait. Le mythe de Sisyphe était à l’œuvre. Sa vie ressemblait à une peine injuste à laquelle les Dieux auraient condamné sa personne en raison de son sexe.

*

Le réveil sonna. Dominique ne déjeuna pas.

Il fallait bien sortir ! Oui mais ce n’était pas toujours si simple ! La vie n’est pas si simple  !

Du placard du couloir de son appartement, au cinquième étage, Dominique sortit des bottes et un imperméable. Il pleuvait ce matin-là. Le soleil ne montrerait pas son nez de la journée. Il ne réchaufferait pas l’atmosphère gonflée d’humidité. Ce serait une journée de septembre identique à toutes les autres journées sordides. Ce serait une belle journée pour les autres, les privilégiés.

Ce matin-là, la radio avait annoncé de nouvelles mesures gouvernementales qui seraient adoptées dès janvier 2026. Parmi celles-ci les écarts salariaux entre les hommes et les femmes seraient rétablis et les postes à responsabilités exclusivement réservés au sexe fort. Le droit de vote, quelle que soit l’élection, serait aussi retiré pour préserver la fragilité morale des individus préalablement concernés. L’accès aux études supérieures serait aussi très encadré et les filières scientifiques, les métiers de la magistrature… seraient exclusivement réservés aux femmes. Enfin, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen serait corrigée et s’appellerait désormais la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne. Il y serait spécifié que des preuves scientifiques, nombreuses, étaient venues confirmer le fait que la Femme était supérieure à l’homme et que…

*

Février 2026. Le réveil sonna. Dominique se leva, comme tous les matins. La veille, il s’était occupé des enfants et du repassage du linge.

Il déjeuna puis se rendit dans la salle de bains. Il rasa les quelques poils du menton qui se disputaient un emplacement et rendaient son visage disgracieux. Le port de la barbe était devenu obligatoire. Elle devait être convenablement taillée chez tous les hommes. Ainsi, on les repérait mieux ! Avant de quitter la maison, il découvrit une liste sur le petit meuble en bois de l’entrée. Claude, sa femme, y avait écrit quelques achats qu’il devrait faire le soir, avant de rentrer car elle avait envie d’un bon repas bien mitonné. Claude avait pris soin de lui laisser aussi trois billets afin qu’il puisse régler la note.

Dans l’ascenseur, la voisine lui pinça les fesses. Dominique ne fut délivré que par l’arrivée de la cabine au rez-de-chaussée.

La rue, ces regards de désir portés sur lui, le bus, comme toujours bondé, et dans sa main, le petit mot de Claude qu’il avait froissé mais gardé. Une pensée : le lendemain, le surlendemain… Tout serait toujours pareil. Depuis cette guerre mondiale qui avait provoqué la mort de millions d’hommes, depuis l’arrivée au pouvoir de la dictatrice et de toutes les autres dans tant de pays, depuis la nomination de gouvernements constitués de femmes ministres, la revanche, comme elles disaient, se répandait plus vite qu’une pandémie. Les hommes, trop minoritaires, n’avaient plus leur mot à dire. Les femmes dirigeaient le monde politique, le monde religieux et renversaient des siècles d’oppression et d’esclavage.

Une avenue, un pont, un arrêt de bus sur le pont. Des portes qui s’ouvrirent et dans sa main le petit mot qui disait combien sa soumission à Claude était grande. Il y aurait d’autres matins, d’autres mots, d’autres ordres, d’autres obligations… Dominique sentit un crayon oublié dans la poche de son imperméable. Il le sortit et griffonna le papier.

Alors que le chauffeur allait refermer les portes, Dominique bouscula ceux qui le gênaient. Il sauta sur le trottoir. La pluie ruisselait. En moins de deux minutes, il fut trempé. Une voiture s’arrêta à sa hauteur :

— Hé, mon mignon, tu veux que je te dépose quelque part ? Tu es déjà tout mouillé ! Allez quoi !…

Dominique enjamba la barrière et se jeta dans les flots tumultueux sans aucune hésitation. Il disparut en quelques secondes. Il n’y aurait plus de lendemain car pour lui, il l’avait compris, il n’y aurait jamais d’échappatoire, jamais de destination lointaine, jamais de destin. Sur le goudron, un papier mouillé sur lequel on pouvait encore lire :

« Fais les courses. Surtout a… du fromage à raclette et la charcuterie. Je veux du…

……………………………………………………..

Je rentrerai tard ce s… car je sors avec des amies. Prépare le re… pour 21 heures

et puis fais-toi beau ! »

et la réponse qu’il avait eu le temps de griffonner avant de partir :

PLUS JAMAIS !

AUDREY DEGAL


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PARAÎTRE OU DISPARAÎTRE (suite 1)

Chers lecteurs et chères lectrices,

Voici la suite de l’histoire « Paraître ou disparaître ». Le prochain épisode sera publié rapidement afin que vous n’attendiez pas trop longtemps.

Merci à celles et ceux qui se sont déplacés samedi 4/3/2023 lors du salon du livre de Sigean afin d’acheter mon dernier livre « Paroles de pierres » que j’ai pu leur dédicacer et qui en ont profité pour me dire aussi combien ils ont (je vous cite) « trouvé passionnants » « La Muraille des âmes » et « Le Manuscrit venu d’ailleurs ». Votre confiance, votre enthousiasme, votre déplacement pour me rencontrer m’a vraiment touchée.

A celles et ceux qui n’osent pas encore se procurer les romans d’une auteure non médiatisée, je vous invite à lire les commentaires des lecteurs, sur ce site, pour comprendre que vous adorerez me lire.

Agréable lecture !

Résumé épisode précédent :

Éthan est cadre dans une banque. Il voue sa vie au travail si bien qu’il n’a aucune vie personnelle. Il vit seul et toutes ses journées se ressemblent. La compétition entre collègues est rude et pour rester au top, il travaille de façon acharnée. Une nuit, alors qu’il est dans son lit, il sent quelque chose bouger à côté. Effrayé, il pense à se défendre et à ce moment il comprend qu’il s’agit d’un homme allongé, qui dort. Il s’empare d’une lampe, prêt à la jeter sur l’inconnu.

            La lampe alla se fracasser de l’autre côté du lit. Il avait manqué sa cible.

            — Non mais ça va pas ! T’es devenu fou ou quoi.

            L’inconnu se rebellait mais ne semblait ni être inquiet ni vouloir partir. Éthan saisit alors le radio-réveil qu’il avait repéré grâce aux chiffres fluorescents.

            — Foutez le camp ou j’appelle la police !

            Mais où avait-il posé son smartphone ? Dans l’affolement il n’arrivait plus à rassembler ses esprits ou à réfléchir. À court d’idées, il lança l’appareil qui pesait son poids en essayant cette fois de viser vers les oreillers pour atteindre sa cible.

            Le radio-réveil vola dans l’air avant d’atteindre la forme qui dormait dans le lit puis de rebondir pour finir pulvérisé sur le parquet.

            — Putain, t’es dingue. Tu m’as fait mal. Viens te recoucher, on s’occupera de tes conneries demain.

            Éthan se sentait alternativement fébrile, hésitant, paniqué, effrayé ou indécis face à cette situation incompréhensible.

            Comme ses yeux commençaient à s’habituer à l’obscurité, il finit par discerner une vague silhouette couchée en chien de fusil. Il la regarda, inquiet, perplexe et surtout désemparé d’autant que l’individu restait indifférent aux menaces. Son calme l’impressionnait.

            — Allez, recouche-toi Éthan, le pria-t-il sur un ton étonnamment tranquille, et puis remets la couverture en place. Il ne fait pas chaud !

            Ce n’était pas un rêve. Tout était bien réel et il faisait effectivement frais dans la chambre. D’ailleurs, Éthan commençait à grelotter. Pris d’une sensation de vertige, il crut vaciller. Ses jambes se dérobaient sous lui et il se retint de justesse au rebord de son lit pour ne pas tomber. Il prit plusieurs grandes inspirations pour recouvrer ses esprits et ses forces.

            — Il faut dormir, couche-toi, répéta l’étranger en tapotant les draps du plat de la main comme on appelle un animal auprès de soi.

Cette voix, cette façon de parler, Éthan les connaissait.

            Ce squatteur nocturne le connaissait, lui, puisqu’il l’appelait par son prénom. Par contre, Éthan ne parvenait pas à l’identifier. Qui donc était couché, là, dans son lit ? La question tournait en boucle dans sa tête.

            Comme le dormeur ne semblait pas vouloir déguerpir, le jeune homme quitta la chambre à pas de velours puis, une fois à la porte il la referma derrière lui et se précipita pour tenter d’appeler les secours. L’autre restait apparemment imperturbable. Rien ne semblait le déranger ou l’alarmer.

            Dans sa hâte, il renversa une bouteille de bière qui traînait depuis des jours, par terre, à côté du canapé. Sa hanche rencontra le coin de la table de la cuisine et son petit orteil droit heurta douloureusement le pied d’une chaise, lui arrachant de la peau, de la chair et un gémissement qu’il étouffa aussitôt.

            — Mais bonté, où est ce foutu téléphone ?

            Tel un aveugle, il avançait dans son appartement, les mains en avant, épousant le dessus de tous les meubles. Arrivé devant la télé murale, il sentit enfin sous ses doigts un objet rectangulaire, plat, fin et froid qu’il reconnut sans hésitation. Il tapota deux fois sur l’écran qui s’éclaira enfin. Quelques instants plus tard, il était en contact avec la police et après des explications confuses, son interlocuteur le rassura.

            — Surtout ne tentez rien. Je vous envoie quelqu’un au plus vite.

— Venez vite, c’est peut-être un détraqué !

— Nous allons vérifier mais en attendant, n’intervenez pas, restez calme ! On arrive.

            Pendant ce temps, l’inconnu aucunement perturbé s’était à nouveau assoupi.

            Alors qu’il raccrochait, Éthan consulta l’heure sur l’écran de son smartphone : 5 H 15.

            — C’est un cauchemar. Je vais forcément me réveiller.

            Il ferma les yeux, très fort, contracta tous les muscles de son visage et serra les poings comme si cette intense concentration pouvait lui permettre de retrouver immédiatement sa vie normale.

            En attendant et malgré l’étrangeté de la situation, il était moins tendu. Après tout l’inconnu n’était pas agressif. Peut-être s’agissait-il d’un voisin qui avait perdu la raison ou s’était trompé de palier et d’appartement et qui se croyait vraiment chez lui. Mais dans ce cas comment était-il entré ? Il pouvait aussi s’agir d’un malade qui avait fait une fixation sur lui, l’avait suivi jusque à son domicile et avait pénétré dans l’appartement sans qu’il s’en aperçoive. Pourtant Éthan ne se rappelait pas avoir laissé sa porte ouverte ne serait-ce qu’un instant. Cette hypothèse ne tenait pas la route ! Mais s’il échafaudait des théories aussi fumeuses  les unes que les autres, celle d’un pervers extrêmement sûr de lui s’imposa tout à coup. Dans ce cas, il serait la prochaine victime d’un sérial killer qui s’amusait avec lui avant de lui infliger les pires supplices. À cette idée, tout son corps se crispa, son cœur se mit à marteler sa poitrine tandis que des bouffées de chaleur et une sensation d’étouffement montaient risquant de le submerger s’il ne se ressaisissait pas rapidement. Tel un automate, il se dirigea vers le couloir et se réfugia dans un placard, loin de sa chambre. Jamais il n’aurait imaginé qu’il s’y cacherait et que ce lieu constituerait un refuge contre la menace. Il resta là, immobile, comme paralysé, coincé entre un balai, un aspirateur et une barre de penderie chargée de vêtements qui, pour l’occasion, faisait office de boucliers dérisoires. Si on lui avait dit, quelques jours plus tôt, qu’il serait en planque là-dedans, comme un voleur, il aurait ri, aurait plaisanté et n’en aurait pas cru un mot. Pourtant, il s’était bien enfermé volontairement dans ce placard, prisonnier de sa peur. Seul dans le noir, il se sentait impuissant et se demandait quand tout cela allait finir. Il s’efforça de rester silencieux et il attendit. Que faire d’autre ? La police finirait bien par arriver même si les minutes qui s’écoulaient lui semblaient durer des heures.

Alors qu’il prêtait attention au moindre petit bruit, des problèmes auxquels il n’avait pas pensé lui traversèrent l’esprit. La sonnerie, l’électricité  !…

            — Merde, jura-t-il tant cela le contrariait.

            Il venait de comprendre qu’il n’entendrait pas le bip de l’interphone puisque le courant était coupé. Il devait sortir du placard.

            Au moment de choisir son appartement, il avait opté pour un endroit spacieux. Après tout, il avait les moyens ! Mais aujourd’hui, il n’y voyait que des inconvénients. Le disjoncteur se trouvait à l’opposé du placard où il se trouvait, à l’autre extrémité du couloir.

            Sa pomme d’Adam fit un aller-retour bruyant lorsqu’il déglutit tout en faisant glisser la porte coulissante. Personne ! Décidément, l’autre dormait d’un sommeil paisible ! Il alluma son téléphone qui lui procura une douce lumière bleutée, suffisante pour se repérer. Au fur et à mesure, ses pas le rapprochaient de la chambre et il percevait de façon distincte une respiration lente et sereine. L’intrus dormait maintenant à poings fermés.

Parvenu proche de la porte d’entrée, il repéra le tableau électrique sur sa droite. Il ouvrit doucement la petite porte métallique qui le masquait mais hésita à pousser sur le bouton du disjoncteur. Et si une lumière éblouissante jaillissait dans la chambre et qu’elle réveillait l’inconnu ! C’était malheureusement un risque à prendre mais il était presque certain d’avoir tout éteint avant d’aller se coucher.

            Sous ses pieds nus, le sol était froid et ses pantoufles comme son peignoir lui manquèrent plus que jamais ! Il déposa son téléphone à même le sol pour frotter ses mains glacées l’une contre l’autre et se réchauffer. Puis, dans un élan éphémère de courage, il leva le bouton du disjoncteur avec le sentiment d’avoir pris une décision hors du commun comme s’il actionnait celui de la bombe atomique. Un léger « clac » retentit mais aucune lumière ne s’éclaira, ce qui lui arracha un soupir de soulagement.

            Pour ne pas avoir à retraverser le couloir et risquer de faire du bruit, il décida d’oublier son premier refuge, le placard qui l’avait accueilli, d’autant que la buanderie située juste derrière lui pouvait lui offrir un abri sommaire mais surtout moins étroit. Il y dégoterait bien des vêtements dans le sèche-linge pour se mettre quelque chose sur le dos.

            Toujours avec d’infinies précautions, il pénétra dans la pièce et alors qu’il allait refermer la porte après son passage, celle-ci lui échappa, claqua tandis qu’il resta avec la poignée orpheline dans une main. L’autre partie ainsi que le carré tombèrent à l’extérieur, dans le couloir, sur le carrelage dans un bruit métallique retentissant.

            — Merde ! jura-t-il. C’est pas vrai !

Depuis des semaines il se promettait de réparer la poignée récalcitrante mais il reportait sans cesse l’intervention. Cette nuit-là, il subissait les conséquences de son laxisme, désormais prisonnier de la buanderie, téléphone à l’extérieur.

Il pestait intérieurement, s’en voulait, se maudissait et piaffait de colère contre lui-même mais rien n’améliorait sa situation, bien au contraire.

            Une sonnerie retentit, qui le tira de cet énervement sans fin. Un dring, deux dring , trois dring . L’interphone ! La police ! Enfin elle arrivait ! À ce moment-là, une envie irrépressible de frapper sur n’importe quoi le saisit pour évacuer le trop-plein de tensions. Il venait de prendre conscience de l’absurdité de la situation et du fait qu’il ne pouvait ni répondre ni ouvrir à ses sauveurs.

            — Mais bon Dieu, tout se ligue contre moi ! s’agaça-t-il.

            Il chercha autour de lui un moyen de débloquer la porte. Il essaya d’abord d’introduire un stylo dans le trou prévu pour le carré et ainsi le faire tourner. Crac ! Sous la pression le plastique trop fragile se brisa et se répandit en miettes au sol. Il utilisa d’autres objets inadaptés, en vain. La porte restait close et lui enfermé.

Dehors, les policiers s’impatientaient et s’appesantissaient sur le bouton de l’interphone. Éthan se résigna et se contenta de tendre l’oreille mais seul le silence lui répondait.

Soudain, interpellé par un bruit de pas, il recula légèrement, baissa la tête et aperçut un rai de lumière jaillir. Le bas de la porte venait de s’’éclairer. Quelqu’un marchait dans le couloir en traînant les pieds. L’intrus s’était réveillé.

Il prit encore un peu de recul comme pour se protéger d’une intrusion violente puis il entendit parler. L’inconnu venait de décrocher le combiné.

La suite paraîtra très prochainement. En attendant invitez vos amis à lire sur ce site, voire à s’abonner pour ne manquer aucune publication.

A très bientôt,

AUDREY DEGAL


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Abbaye de Valmagne et mon roman « Le Manuscrit venu d’ailleurs »

Bonjour à toutes et à tous ,

Je ne devais pas produire de nouvel article avant janvier 2023, le temps de m’installer dans ma nouvelle demeure dans le sud mais aujourd’hui je fais une entorse à cette règle pour une bonne raison.

En effet, samedi 19 novembre 2022, j’ai visité la magnifique abbaye de Valmagne et, je dois bien avouer qu’en me promenant dans cet édifice du XIIe siècle, j’ai eu le sentiment très étrange de retrouver les personnages de mon roman « Le Manuscrit venu d’ailleurs » et de me retrouver mes propres pages, de parcourir les lieux inquiétants dans lesquels j’avais moi-même plongé les protagonistes de mon roman. Bien sûr, celles et ceux qui ont déjà lu ce roman (et je vous en remercie) savent que la partie consacrée à l’abbaye n’occupe qu’une place restreinte de mon récit qui se déroule à notre époque et en d’autres lieux. Mais je me devais, après cette visite de Valmagne, de vous faire ressentir et « visiter » ce qui ressemble fort au décor que j’ai planté et imaginé pour écrire « Le Manuscrit venu d’ailleurs ». J’ai donc accompagné cet article d’extraits de mon roman qui coïncident avec ma visite et les photos ci-dessous.

Bonne promenade !

Tout d’abord, remarquez la verticalité de l’abbaye dont la salle principale, l’ancienne église en fait, (voir première image de cet article) vaste, large et profonde n’a rien à envier à Notre-Dame de Paris car elle ne lui est inférieure que de 10 mètres. Remarquez aussi les hauts murs extérieurs que l’on retrouve dans mon roman que je cite au moment ou Jonathan Gentil approche de l’abbaye de Saint Ambroisius :

« Il se retrouva à l’orée d’une clairière. Au milieu de celle-ci, un immense bâtiment gris particulièrement austère dominait, érigé là depuis des siècles. La nuit sans lune, qui baignait maintenant les alentours, ne parvenait pas à dessiner les contours du bâtiment. Le silence s’était aussi emparé des lieux. Même les oiseaux semblaient intimidés. Ils avaient cessé de chanter.

Jonathan progressa dans le noir vers la masse sombre qui grossissait au fur et à mesure qu’il avançait. Où était l’entrée de la bâtisse ? Il pensait l’avoir repérée de loin, juste à la sortie du bois, comme il croyait avoir entrevu une immense porte. Mais plus il approchait, moins il en était sûr. Peut-être avait-il dévié de son cap. Peut-être qu’il ne s’agissait que de murs en ruine plus ou moins noirs. Peut-être que l’entrée se trouvait de l’autre côté…

Il comprit tout le sens de l’expression « se trouver au pied du mur » lorsque ses mains heurtèrent une paroi en pierre extrêmement froide. Il savait pertinemment que celle-ci courait de part et d’autre sur des centaines de mètres. Il avait évalué la hauteur considérable des murs devant lesquels il se trouvait. Franchir l’obstacle en passant par-dessus était impossible. Il n’avait pas d’autre alternative que d’avancer à tâtons pour suivre cette sorte de barrière défensive. »

Plus loin, Jonathan pénètre dans l’abbaye. Il découvre une fontaine, on le fait attendre proche du cloître (qui signifie à l’origine « clôture ») et vous remarquerez la similitude entre le passage de mon roman et les photos prises ce week-end que vous trouvez insérées dans cet article. Ci-après un autre passage de mon roman :

« À peine eut-il franchi le seuil qu’il entendit la porte se refermer derrière lui. Le moine donna deux tours de clé et poussa deux énormes verrous. Jonathan se sentit pris dans un piège.

Sans un mot, son guide s’éloigna. Le jeune chercheur dut lui emboîter rapidement le pas pour ne pas rester seul, égaré dans cette enceinte lugubre. Ainsi, l’un derrière l’autre, ils traversèrent une grande cour sombre surplombée de murs élancés apparemment dépourvus de fenêtres. L’endroit n’était pas rassurant. Au centre, une masse se détachait. Il s’agissait probablement d’une fontaine comme le gargouillis de l’eau qui s’en échappait pouvait le laisser supposer.

Quelques instants plus tard, ils pénétrèrent dans la bâtisse principale. On le pria de s’asseoir sur un long banc en bois brut patiné, plaqué contre la pierre noircie par le temps. C’était le seul mobilier de cette pièce froide. À ce moment-là, Jonathan comprit qu’il était vraiment seul, loin de la civilisation, à la merci de ses hôtes. Trop heureux, il n’avait pris aucune précaution avant de partir et personne ne savait où il était allé. Il avait conscience qu’il se trouvait dans la situation exacte qui fait trembler les lecteurs de romans policiers, quand un témoin suit une piste dangereuse en oubliant de dire où il s’est rendu. On le découvre généralement mort, quelques pages plus loin, assassiné et son corps abandonné au milieu de nulle part où personne ne le retrouve jamais. Cette seule idée lui glaça le sang. Personne ne s’inquièterait de sa disparition avant longtemps. En temps normal, l’atmosphère glauque des lieux et l’accueil glacial de son hôte l’auraient poussé à rebrousser chemin sans demander son reste. Mais il n’avait pas fait tant d’efforts pour renoncer si près du but. »

Il est vrai que l’abbaye de Valmagne est impressionnante et comme mon personnage se rend de nuit dans le monastère du roman lequel est situé loin de tout, il est très inquiet et se sent même en danger. D’ailleurs ce qui se passe au sein du monastère ne le rassure pas puisqu’il y a des gardes, qu’un moine disparaît et qu’il existe des salles cachées. Il aperçoit cependant une fontaine, que vous voyez aussi sur une photo. Les moines de Valmagne s’y lavaient les mains pour les purifier, avant de se rendre au réfectoire. Sauf erreur de ma part, il ne subsiste en France que deux abbayes qui possèdent encore leur fontaine, dont Valmagne.

La petite pièce que vous voyez ensuite en photo, pourvue d’un bureau et de deux chaises est la sacristie. Elle comporte une archivolte romane ornée d’une frise en dents de scie. Elle servait souvent de chapelle au prieur. Elle pourrait tout à fait correspondre, dans « Le Manuscrit venu d’ailleurs » à l’endroit où Jonathan rencontre le prieur, homme intimidant, voire inquiétant, doté d’un personnalité hors du commun.

« — Monsieur Jonathan Gentil, je suppose ! Asseyez-vous, fit le religieux présent dans la pièce, sur un ton étonnamment calme. Nous vous attendions plus tôt !

L’homme était installé à son bureau placé au beau milieu de la pièce et n’avait pas encore levé les yeux. Il finissait d’écrire.

Il s’agissait d’un individu âgé dont la tonsure dessinait une couronne blanche sur le pourtour de son crâne. Sa main droite tremblotait mais lorsqu’il redressa la tête, il plongea son regard bleu perçant dans celui de Jonathan. Il semblait lire en lui à livre ouvert.

— Comme vous l’avez peut-être deviné, je suis le prieur de cette abbaye.

Il marqua une pause, délaissa la feuille qu’il tenait entre ses doigts flétris par l’âge et reprit :

— Jeune homme, j’ai accédé à votre demande à titre tout à fait exceptionnel, car j’ai été sensible à votre motivation, à votre persévérance et bien sûr à vos diplômes d’archéologie et de littérature médiévale. Vous êtes une des rares personnes que j’autorise à franchir ces murs et vous comprendrez qu’il vous faudra obligatoirement respecter nos règles de vie même si elles vous paraissent parfois contraignantes et moyenâgeuses. Tout d’abord, la journée commence le matin généralement à 4 heures par la prière et s’achève le soir, à 22 heures, de la même façon. Le reste du temps, chacun vaque à ses activités. Vous prendrez vos repas avec les moines, dans la salle à manger, et une cellule vous sera assignée que vous ne devrez pas quitter sans notre autorisation. Pour tous vos déplacements au sein de l’abbaye, qui est immense, vous serez accompagné du frère que l’on va vous présenter. Bien entendu, il vous faudra faire preuve de la plus grande discrétion quant à l’existence de notre monastère et de ce que vous allez y découvrir. Sachez que je ne tolérerai aucune entorse à nos usages sans quoi vous seriez aussitôt reconduit hors de nos murs, sans possibilité d’y revenir jamais ! J’espère que vous avez bien compris.

Les propos du prieur résonnaient comme un avertissement. Jonathan avala bruyamment sa salive puis resta sans voix, décontenancé par cette entrée en matière abrupte à laquelle il ne s’attendait pas. Elle ne détonnait pas avec l’atmosphère austère de l’abbaye. »

Les trois dernières photos de ce diaporama vous permettent par ailleurs de découvrir d’autres salles, d’autres lieux importants dans une abbaye. La première est probablement la plus belle, particulièrement bien conservée et j’imagine volontiers mes personnages, Annabelle, Jonathan, Raphaël, le prieur ou le frère Guillaume s’y rendre. Il s’agit de la salle capitulaire, laquelle était le lieu où se réunissaient les moines. On y lisait un chapitre de la Règle et les moines « battaient leurs coulpes » (ce qui signifie qu’ils révélaient aux autres les pêchés qu’ils avaient commis, la coulpe étant la poitrine. On retrouve cette expression dans bien des chansons de geste (une est à votre disposition en cliquant dans le « Menu » puis « Littérature médiévale »)). L’avant dernière photo, plus petite, représente un endroit plus qu’un lieu. Celui-ci s’appelle l’armarium, sorte de petite bibliothèque puisque les moines déposaient leurs livres de prières lorsqu’ils quittaient l’église, dans ce renfoncement creusé dans la pierre. Dans la dernière photo, je me trouve dans une des quatre parties du cloître où je me suis plu à imaginer les moines contraints au silence parcourir ces allées entourées de murs. Bien entendu, je n’ai pu m’empêcher d’établir un lien avec mon roman.

« Jonathan aurait voulu apprécier un peu plus longtemps ce moment de quiétude matinal mais Frère Bastien commençait à s’impatienter et le lui faisait sentir. Il n’y avait plus personne dans la salle. Ils débarrassèrent rapidement, se levèrent et quittèrent le réfectoire.

            — Qu’avez-vous prévu au programme ce matin ? demanda l’étudiant impatient. J’espère que je pourrai enfin accéder à la grande bibliothèque ! C’est essentiel pour mes recherches.

            La question était claire mais le moine se contenta de répondre de façon toujours aussi laconique :

            — Suivez-moi !

            Ils empruntèrent à nouveau un dédale de couloirs avant de déboucher sur un cloître dont les dimensions étaient proportionnelles à l’immensité de l’abbaye. Il était entouré de hautes colonnes remarquablement ouvragées qui soutenaient un toit destiné à abriter une coursive. Celle-ci courait en hauteur sur tout le pourtour d’un jardin carré lui-même entrecoupé de chemins étroits, pavés. À chaque intersection, des statues blanchâtres, vierges, saints, martyrs, semblaient veiller sur ce lieu. Une atmosphère de recueillement régnait, propice à la méditation. Jonathan ressentit à ce moment-là un léger frisson. Heureusement, la nature omniprésente lui permit de reprendre rapidement le dessus. Des arbres aux essences variées, sur lesquels des feuilles récalcitrantes résistaient encore aux assauts de la saison, l’agrémentaient. Ils montaient en flèche vers le ciel comme s’ils voulaient escalader les murs en quête d’un peu de lumière ou bien s’évader. L’atmosphère pesante de ces lieux semblait les incommoder eux aussi.

Jonathan, qui s’était largement documenté avant de venir, devina qu’il venait de pénétrer dans le Saint des Saints, partie habituellement réservée au prieur et aux copistes, comme c’était le cas dans la plupart des monastères. La bibliothèque principale et il l’espérait le scriptorium étaient sans doute proches. Il sentit son pouls accélérer. Il allait peut-être bientôt admirer ce pour quoi il s’était tant battu ces dernières années, à coups d’arguments, d’attestations, de courriers, ce pourquoi il luttait contre la peur qu’il ressentait dans cette abbaye, convaincu d’être à un tournant important de sa vie.

Il pensait qu’ils allaient descendre mais au contraire, ils gravirent quelques marches pour parvenir de l’autre côté du péristyle où le moine bifurqua brusquement à droite comme s’il venait de prendre une décision hâtive. Ils se retrouvèrent dans une salle intermédiaire relativement petite, au mobilier restreint. Là, frère Bastien discuta un instant avec un moine installé derrière un pupitre. Il était plongé dans la lecture d’un manuscrit qui, à première vue, et à lui seul, aurait récompensé n’importe quel chercheur en visite à l’abbaye mais pas Jonathan. Ce dernier entendit qu’on prononçait son nom. Après un temps de réflexion qui parut durer longtemps, le moine lui décocha un regard méfiant et griffonna à la va-vite quelque chose sur un calepin. Il plongea ensuite une main dans un tiroir, en sortit une clé digne d’une nouvelle des Contes de la crypte et se leva pour ouvrir une porte dérobée située juste derrière lui, porte que l’étudiant n’avait pas remarquée. Elle était aussi grise que les murs de la pièce et se confondait avec eux. L’homme n’attendit pas davantage pour retourner s’asseoir. Il semblait déjà les avoir oubliés.        

     Le guide poussa lentement la porte qui s’écarta dans un grincement tel que Jonathan associa le bruit à l’ouverture d’un sarcophage. Il était toujours aussi désireux de découvrir les trésors de cette abbaye mais ce n’était pas sans crainte. Il se demandait si sa soif de connaissances n’allait pas l’emmener dans un endroit interdit au commun des mortels duquel il ne reviendrait jamais. Au-delà, le noir absolu régnait en maître et un courant d’air frais provenant des profondeurs de la Terre, remonta, tourbillonna autour de lui, l’enveloppa tel un drap mortuaire, pour finalement le glacer. Le jeune homme s’efforçait, tant bien que mal, de masquer la frayeur qu’il éprouvait à l’idée de descendre dans cet abîme. »

Voilà, chères lectrices et chers lecteurs, je ne vous ai présenté que quelques salles de l’abbaye de Valmagne et à peine quelques pages de mon roman « Le Manuscrit venu d’ailleurs » qui ne se limite pas à l’évocation du prieuré. Ce lieu est envoûtant, comme mon roman. Cependant, d’autres lieux, d’autres personnages peuplent mes pages mais je ne pouvais pas vous les présenter ici car ils sont moins en relation avec ma visite. Si vous voulez en savoir davantage, je vous invite vivement à vous procurer mon roman, à vous glisser entre les pages et à mener l’enquête (car il s’agit bien d’une enquête à suspense). Je vous rappelle qu’il est disponible en livre papier ou en ebook sur commande chez tous les libraires ou sur internet (comme tous mes romans).

Si vous voulez dynamiser vous aussi ce site d’auteur, rappelez-vous que s’abonner augmente le référencement du site sur Google, ce qui est essentiel, que les auteurs n’existent que s’ils sont lus et pour cela il faut bien que les passionnés achètent leurs romans, n’est-ce pas ! Un roman s’offre aussi pour Noël et vous avez le choix parmi les 5 romans que j’ai déjà publiés (voir « Polars, thrillers, romans » dans le menu.)

A bientôt pour de nouvelles histoires, pour l’évocation de livres que j’ai lus (et j’en ai lu beaucoup, certains m’ont plu et d’autres déplu), pour évoquer mon prochain roman etc.

Portez-vous bien !

Audrey Degal


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LE CERCLE, Minier

Bonsoir à toutes et à tous, 

J’ai beaucoup lu, j’ai énormément lu pendant le confinement mais j’ai aussi eu un travail colossal pour adapter ma pédagogie à mes élèves alors qu’ils n’étaient plus face à moi. Alors, je n’ai pas pris et pas eu le temps de vous livrer mes impressions de lectures. Je me rattrape un peu aujourd’hui. 

L’un des derniers romans parcourus est « Ne le dis à personne », d’Harlan Coben, sur lequel je ne m’étendrai pas. J’ai eu du mal en entrer dans le livre (beaucoup de personnages, impression de confusion…) même si le mystère perce rapidement les premières pages. Peut-être ai-je eu cette impression parce qu’il s’agit d’une traduction. Je ne sais pas. Au bout d’un moment, poussée par l’irrésistible désir de savoir qui et pourquoi autour d’un mystère bien imaginé, je me suis laissée prendre par l’intrigue . Je n’ai pas accroché à tous les chapitres mais j’ai éprouvé l’impérieuse curiosité de découvrir la fin, laquelle est séduisante même si je me doutais que le dénouement serait celui-ci. 

Ensuite, j’ai lu « Le Cercle » de Bernard Minier. Le premier chapitre ouvre la porte à bien des questions qui vous poussent dans la lecture, même si à la fin je n’ai pas vraiment compris pourquoi l’auteur a placé cette digression initiale, certes en lien avec l’intrigue principale et alléchante en termes d’interrogations, mais que j’ai trouvée un peu artificielle. Ceci mis à part, le roman m’a accaparée, le suspense et l’enquête sont savamment distillés et l’on suit Servaz, le policier, pas à pas, en lecteurs passionnés. C’est le premier roman que je lisais de Minier, j’ai ensuite acheté tous les autres pour les lire aussi, tant j’ai été séduite par des récits bien conçus, aiguisés, affutés, riches en rebondissements. Certes, en tant que professeure de lettres je reste perplexe quant à l’emploi fréquent de subordonnées dépourvues de propositions principales pour les emmener, mais si c’est le choix de l’auteur qui y voit une autre façon de s’exprimer et de dynamiser son texte, pourquoi pas ! Peut-être est-ce aussi dû à des choix éditoriaux et dans ce cas, c’est dommage pour la langue française.

Le crime initial qui lance l’histoire est divinement imaginé et le lecteur s’interroge quant à la mise en scène macabre qu’il découvre (corps retrouvé dans une baignoire, ligoté avec une lampe dans la bouche). Original et en aucun cas gratuit de la part de Bernard Minier puisque lorsque l’explication surgit, elle est d’une logique implacable. La progression de l’intrigue vous emporte irrésistiblement, vous fait douter et vous dirige vers une fin dense et prodigieuse. 

Je ne vous raconterai pas l’histoire, vous trouverez des résumés de partout sur le net. En revanche, je vous livre ici mon avis, mes impressions, lesquelles vous guideront peut-être pour choisir vos prochaines lectures. 

En définitive, j’ai apprécié la plume de l’auteur et le récit vraiment palpitant, si bien que je lis en ce moment, du même auteur « Glacé ». 

Sinon, si vous êtes en manque d’inspiration dans le choix de vos lectures, songez à mes 4 romans déjà publiés (voir en page d’accueil ou cliquez dans l’onglet « mes romans ») d’autant que le 5e sort d’ici fin décembre. Je n’ai pas la chance d’être une auteure célèbre mais songez que plus de 800 personnes me suivent et que mes romans n’en sont pas moins intéressants que ceux des célébrités. Ils ne bénéficient tout simplement pas de la visibilité médiatique des auteurs connus. 

Rendez-vous très bientôt pour la suite de l’histoire « PIRE QUE LA MORT ! » 

Merci de votre fidélité, bonnes lectures, 

AUDREY DEGAL


6 Commentaires

L’OREE DES MONDES (histoire intégrale)

BONJOUR, 

Dans le cadre du confinement, et pour vous permettre de lire, de sous distraire en des moments si particuliers, je vous offre un des récits à suspense que j’ai extrait de mon 2ème livre publié « Destinations étranges » pages 109 à 151. J’espère que cette histoire d’environ 50 pages vous plaira (même si on ne peut pas plaire à tout le monde).

Bien sûr cette lecture est gratuite mais, comme moi aussi j’ai besoin d’être encouragée, je vous remercie :

  • de partager ce lien (Facebook, Twitter, Instagram…)
  • de cliquer sur « J’aime »
  • éventuellement de vous abonner à mon blog
  • ou encore du découvrir ma chaîne Youtube (Audre Degal) et de vous y abonner aussi.
  • Il n’y a rien d’obligatoire bien sûr mais si cela vous plaît je pourrais alors renouveler cette expérience et publier plus tard, sur ce blog, d’autres histoires. Merci de ne pas vous contenter seulement de lire. Un petit message à l’auteure, fait toujours plaisir. 

Bonne lecture et bon courage pour ce Confinement Littéraire !

Amitiés, 

Audrey Degal

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Qui suis-je ?

Quel jour est-ce ?

Où vais-je ?

L’ailleurs n’apporte pas toujours la réponse.

 

L’OREE DES MONDES

 

CHAPITRE 1, Un monde sans faim

– J’aurais tant aimé dormir plus longtemps, murmura Thibault en se réveillant comme chaque matin, travée 3797, allée 148, couloir 11, chambre 12, lit 3A.

La musique douce et mélodieuse venait de retentir, une fois de plus, tirant chacun d’un sommeil profond. Quelques instants plus tard, une voix féminine bienveillante déversa un flot de paroles, comme d’habitude. Elle remerciait les membres de la communauté pour leur contribution, les invitait à s’habiller rapidement et à aller se restaurer dès qu’on les inviterait à le faire. Les portes des chambres allaient bientôt s’ouvrir. Il faudrait sortir. Nul ne pouvait rester. C’était ainsi.

– Allez, lève-toi. Qu’est-ce que tu as à fixer le plafond comme cela ? On dirait que tu viens de faire une découverte. Rien n’a changé depuis hier et ce sera la même chose demain et tous les jours de notre vie…

– Tais-toi donc ! Tu n’en as pas assez de recommencer encore et encore la même journée, le même travail… Tu ne te poses jamais de questions ?

– Et lesquelles devrais-je me poser ? Je suis heureux. Tout va bien, cela me suffit.

– Je ne sais pas moi, mais tu ne t’es jamais demandé ce que nous faisions ici, pourquoi nos journées se répétaient inlassablement, qui nous nourrit, qui nettoie nos chambres et l’étage, qui…

– …Je ne sais pas. En revanche ce que je sais, c’est que nous allons être en retard si tu continues, rétorqua Luc tout en sortant son linge d’une armoire.

– Et cette voix. Qui se cache derrière elle, d’où vient-elle ? Tous les matins elle nous balance le même message, elle nous rassure, nous réconforte et nous dit gentiment d’obéir sans traîner. Je ne le supporte plus. Tous ces matins identiques, toutes ces journées semblables, toutes ces têtes baissées qui obéissent sans savoir… je n’en peux plus !

– Non mais tu t’es entendu parler aujourd’hui ? Qu’est-ce qui t’arrive ? Nous vivons ainsi depuis toujours. C’est notre vie, c’est notre foyer ici, nous devons faire notre travail pour le bien de tous et le nôtre. C’est notre mission et…

– Et cela te suffit ! Nous faisons notre travail pour le bien de qui exactement ? Peux-tu répondre ? Où va notre production ? Qui produit pour nous ? Vraiment je ne comprends pas notre monde.

– Ouvre les yeux ! Nous y sommes bien. Nous n’avons aucun souci, aucun problème alimentaire, aucun…

– … aucune envie de partir… C’est ce que tu allais dire. Justement si tu n’as jamais songé à quitter cet endroit, à aller ailleurs, moi si !

– Et que comptes-tu faire ? Où veux-tu aller ? On ne sait même pas ce qu’il y a autour de nous, de notre immeuble cité.

– L’idée de t’enfuir ne t’a jamais traversé l’esprit ?

– Jamais, affirma Luc en regardant son camarade droit dans les yeux. Jamais. Ma vie me convient. Franchement tu dérailles complètement. Et où voudrais-tu aller hein ? Tu as choisi une destination ? La chambre d’à côté peut-être, ou bien l’étage du dessus ?. Enfin, Thibault, réfléchis un peu. C’est ici, dans cet endroit protégé qu’est notre vie. C’est notre monde.

– Notre monde ! Et où se trouve-t-il notre monde ?

La voix interrompit la discussion, indiquant que la fermeture des portes des chambres était imminente et que les retardataires devaient accélérer. Elle précisa aussi que l’équipe médicale avait déjà détecté les malades dans les dortoirs, lesquels seraient pris en charge et automatiquement dirigés vers l’unité de santé. On entendait déjà les mécanismes s’activer, poussant les lits de certains sur des rails afin de les diriger vers les médecins dans le bloc 15 situé tout au bout du couloir 11. Là, du personnel les accueillait avec des sourires angéliques.

Dans la chambre 12, une caméra venait de pivoter. Elle était à présent braquée sur Thibault qui poursuivit :

– À quelle patrie appartenons-nous ? Quels lendemains préparons-nous et pour quels enfants ? Où sont les enfants ? Luc, tu te contentes de vivre ou plutôt d’exister et moi cela ne me suffit plus.

Ce dernier glissa du linge dans les bras de son ami qui s’habilla machinalement, jetant ses vêtements de nuit sur le lit qu’il venait de quitter.

– Sortons, vite. Tu parles, tu parles mais les portes vont se fermer.

Thibault se laissa pousser dehors et presque immédiatement il entendit le verrouillage de la chambre 12. Les vitres transparentes se teintèrent aussitôt rendant la pièce impénétrable visuellement.

– C’était moins une, remarqua Luc.

– Et alors. On va nous gronder ? On va nous punir ? Mais que crains-tu ?

– Je ne sais pas mais ce qui est sûr, c’est que si tu continues ainsi, si tu jettes le trouble parmi nous, si tu poses problème, ils interviendront.

– Qui ?

– Les hommes en blanc. Tu le sais pertinemment. Tu les as déjà vus à l’œuvre. Ils surgissent, on ne sait d’où, ils sont violents, déterminés, nombreux… Méfie-toi Thibault. Ils vont finir par s’intéresser à toi. Ils ne sont pas comme nous, ils sont particulièrement forts. Ils ne sont pas de notre monde.

– Tu vois, tu l’admets toi-même. Tu dis qu’ils ne sont pas de notre monde. Tu acceptes donc l’idée qu’il y a d’autres mondes et moi je ne veux pas rester ici, dans le nôtre. Il est aseptisé, voué au progrès, à la création, au développement mais au développement de quoi ?

– Peu importe ! Cela m’est bien égal pourvu que…

– …Chut, chut, fit Thibault en appliquant une main ferme sur la bouche de son ami. Écoute ! Tu entends comme moi. Il y a des voix à l’intérieur de la chambre maintenant. Il y a quelqu’un. J’en suis sûr.

– Oui j’entends. Et alors oui il y a quelqu’un. Ces gens font notre chambre, rangent notre linge… C’est ce que j’aime dans cette vie. Je n’ai pas à me soucier de ces corvées. Avançons maintenant ! On a assez traîné.

Le couloir était long, peu éclairé. Ils étaient les derniers à s’y trouver encore.

Le ballet des trains de lits de malades avait cessé et les dortoirs redevenaient calmes. La voix retentit alors :

– Luc et Thibault, chambre 12, lits 3A et 3C. Veuillez avoir l’amabilité d’activer les pas. Vous êtes particulièrement en retard et la conversation que vous avez eue ne mène à rien.

Les mains dans les poches, ils accélérèrent leur marche et se présentèrent quelques minutes plus tard devant l’immense salle de restauration.

Tout le monde était attablé à la place qui lui était assignée. Sur les murs du réfectoire, on pouvait admirer des animations perpétuelles telles que des champs d’orangers et de citronniers, un lever de soleil sur la mer et un chalutier remontant des filets de poissons qui frétillaient, du blé à perte de vue, doré, s’agitant sous le vent… L’endroit était agréable mais dès que les retardataires franchirent l’entrée, il fut verrouillé.

La voix reprit alors sa litanie, invitant chacun à se restaurer convenablement en veillant à équilibrer les mets absorbés. Elle insista sur la santé liée à l’alimentation, sur la saveur des produits et leur fraîcheur incomparable.

Il n’y avait aucun personnel affecté au service mais derrière des vitres de la nourriture avait été déposée en abondance : fruits exotiques gorgés de jus vitaminés, laitages, boissons, charcuteries variées, céréales innombrables… Une montagne de viennoiseries délicieusement odorantes avait été érigée sur une table centrale. Croissants et pains au chocolat étaient encore chauds, comme les baguettes de pain fumantes que l’on avait alignées et coupées afin de faciliter leur utilisation.

Chacun devait se munir d’un plateau et se servir au fur et à mesure de sa progression devant les comptoirs garnis. Thibault se servit comme à son habitude. Cependant, lorsqu’il levait le couvercle d’un présentoir, il ne se contentait pas de prendre la nourriture. Il observait.

– Mais qu’est-ce que tu fais encore ? demanda Luc inquiet, alors que d’autres dans la salle avaient repéré l’attitude suspecte du jeune homme. Tu ralentis tout le monde !

– Nous sommes les derniers. Par conséquent je ne ralentis personne. Et puis je cherche.

– Qu’est-ce que tu cherches ? Les ennuis probablement…

– J’essaie de voir, de comprendre, de regarder si derrière ces banques il n’y a pas du personnel posté, prêt à réapprovisionner.

– Arrête Thibault. Tu me fatigues. Il n’y a rien à voir. Tout est comme d’habitude.

Quelques instants plus tard, ils s’attablèrent.

– Tu me fais peur tu sais. Et puis qu’est-ce que ça pourrait bien faire si tu voyais quelqu’un derrière, un jour. Qu’est-ce que tu ferais hein ? Tu irais parler à… à… des étrangers ? Ecoute. Je crois que tu as dû trouver des pages subversives qui t’ont mis l’esprit en marmelade.

– C’est vrai, j’ai trouvé des pages, murmura  Thibault.

– Je m’en doutais ! Mais c’est interdit.

– Je sais mais je ne les ai pas inventées ces pages et elles ne sont pas apparues par magie.

– Où les as-tu trouvées ?

– Un jour, il y a environ deux mois, j’ai trouvé un bout de papier au sol, dans un couloir. Je pense que l’un d’entre nous l’a fait tomber. Je l’ai lu, même s’il manquait beaucoup de mots. Et puis j’ai gardé cette page. Elle parlait du monde d’avant, d’agriculture. Je n’ai pas tout compris. Je l’ai ensuite cachée dans un vêtement, une chaussette exactement.

– Et c’est ça qui t’as remué l’esprit ?

– Non, pas seulement.

– Que veux-tu dire ?

– Quelques jours après, la page avait disparu et à la place, il y en avait plusieurs, complètes cette fois. Je les ai toutes lues, je n’en dormais plus la nuit. Tu vois, j’ai même cette petite pile. Je l’ai fabriquée pour pouvoir lire sous les draps.

– Tu es fou, c’est interdit !

– Je m’en moque. Et puis un jour il y a eu des messages qui me disaient où je pourrais trouver des écrits. Tu entends Luc, des écrits, toujours bien cachés. J’ai pu lire des livres, des livres entiers et finalement j’ai compris.

– Quoi ?

– Qu’on nous utilise, qu’au-delà de ces murs de notre monde, il y a un autre monde, d’autres mondes, de la vie, le ciel, les océans, des animaux et qu’ici nous ne vivons pas une vraie vie.

– Tu plaisantes là ! Dis-moi que tu plaisantes !

– Tout ce que je viens de te dire est vrai Luc. Et il y a donc quelqu’un qui a fait en sorte que je découvre tout ceci. Quelqu’un m’a ouvert les yeux.

– Et que comptes-tu faire ?

– Je ne veux plus me réveiller à heures fixes, plus m’alimenter à heures fixes, plus consommer une nourriture sans savoir d’où elle provient, plus vivre comme ces machines que nous utilisons pour notre travail, plus obéir sans réfléchir. Sais-tu qu’avant sur la planète certains mouraient de trop manger tandis que d’autres ne parvenaient pas à s’alimenter ? J’ai vu des photos poignantes. La famine régnait sur certaines parties du globe. Ne trouves-tu pas cela injuste ?

– Oui c’est injuste et c’est la raison pour laquelle je me trouve très bien ici, mangeant à ma faim comme tous mes camarades et tu devrais remercier ceux, quels qu’ils soient, qui nous permettent de vivre ainsi. Nous vivons dans un monde sans faim et je ne veux jamais avoir faim. Le comprends-tu ? Je me contente de faire mon travail correctement. Nous avons de puissants ordinateurs à notre disposition. Nous avons la chance d’élaborer des programmes, de les perfectionner, de remédier aux altérations que nous rencontrons parfois… mais jamais on ne nous ennuie. Jamais on ne vient nous critiquer. Je fais mon travail et c’est tout ce qui compte. Pour cela, on me nourrit et c’est parfait ainsi !

– Certes, mais remarque qu’on ne nous apprend jamais rien de plus que ce que nous savons déjà. Et puis tu dis qu’on nous laisse bien tranquilles et que c’est un avantage. Alors, je te pose cette question : qui viendrait nous critiquer, nous demander des comptes quand de toute façon nous ne vivons qu’entre nous et qu’à part la voix il n’y a personne ? Qui regarde ce que filment les caméras, hein, qui ? On nous répète chaque jour que nous avons la chance de manger. On nous formate, comme nos ordinateurs et j’ai la certitude que l’on nous ment, qu’ailleurs nos existences pourraient être bien meilleures. Il faut partir, crois-moi. Je dois partir !

– Et comment comptes-tu t’y prendre ?

– Je vais m’enfuir ! affirma Thibault déterminé.

Dans la salle, certains s’étaient levés et avaient quitté la pièce, nonchalamment, afin de se rendre sur leur lieu de travail. D’autres, à proximité, avaient tendu une oreille et avaient ri ou s’étaient moqué en entendant les propos des deux retardataires. Jamais rien ne venait cependant ébranler le calme. Chacun savait qu’il n’existait aucune sortie, aucune issue, aucun lieu où porter son regard ailleurs que sur les murs de l’immeuble cité.

Pourtant, coupant cette paix au couteau, un plateau tomba brutalement sur le sol en un fracas tel que les derniers présents se retournèrent vers le lieu de l’incident. Là, une jeune fille s’excusait prétextant que ce qu’elle portait lui avait glissé des mains restées grasses à cause du beurre qu’elle avait répandu sur ses tartines. Un grand sourire, voire un air d’amusement, barrait son visage. En relevant l’assiette et le verre échoués au sol, elle jeta un regard vers les deux hommes. La voix intervint alors :

– Il est inutile de ramasser ce qui est tombé au sol. Ce n’est pas votre fonction. Le réfectoire va fermer ses portes. Veuillez tous vous diriger vers celles-ci avant qu’elles ne se ferment. Vous ne pouvez pas rester en ce lieu. Votre mission vous attend, pour le bon fonctionnement de la communauté. Dépêchez-vous !

Et le message fut répété à plusieurs reprises.

Se résignant, faute d’un plan élaboré qui l’accompagnerait dans sa fuite, Thibault se leva et obtempéra, précédé de Luc. Ils étaient les derniers dans la salle dont la lumière déclinait progressivement.

– Viens, allons au travail. On s’est assez fait remarquer ce matin, tu ne crois pas ! constata Luc.

– Tu as peut-être raison mais je partirai un jour. Demain ou plus tard, juste le temps de réfléchir et de savoir comment je dois m’y prendre et où aller.

– C’est ça, fit laconiquement son ami, satisfait que les projets d’évasion ne fussent plus au goût du jour.

Seul un faisceau éclairait désormais leurs pas et déjà la lourde porte d’acier commençait à gronder sur les rails en se refermant.

Au moment de franchir le seuil, Thibaut marqua un arrêt et regarda un bref instant en arrière, ne discernant que l’épaisseur de l’obscurité. Luc, qui le précédait quelques mètres devant, lui dit alors :

– Je suis ton ami. Viens, tu vas rester coincé si tu restes. Hâtons-nous et que…

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase que son ami fut comme happé par deux mains surgies de la pénombre du réfectoire vide et tiré à l’intérieur. Clang ! fut le bruit qui résonna lorsque les portails s’emboîtèrent, condamnant la salle jusqu’au lendemain.

– Thibault, Thibault… non ce n’est pas possible ! Thibault ! implora-t-il alors que les serrures s’enclenchaient

Resté seul, le jeune homme désemparé frappait sur la paroi métallique. Il ne cessait d’appeler son ami en vain. Quelqu’un interviendrait ! Les caméras avaient obligatoirement suivi la scène ! On allait ouvrir le réfectoire et permettre à Thibault de sortir !

Mais il ne se passa rien. Docilement chacun s’activait à sa tâche et la voix pria Luc de s’éloigner et de se rendre sur son lieu de travail. Rien ne devait perturber cette atmosphère de paix.

 

*

 

Dans l’immense salle, Thibault s’était relevé. On l’avait tracté avec une telle vivacité qu’il était tombé au sol.

Désorienté par sa chute, il ne savait plus exactement où il se trouvait. Ce dont il était certain en revanche, c’était qu’il n’était pas seul. Malgré lui, il venait de s’extirper de son monde sans faim.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE 2, Un monde sans fin

– Il y a quelqu’un ?

Le silence.

– Il y a quelqu’un ?

Rien.

– Répondez ! Il y a forcément quelqu’un !

Seule sa voix retentissait.

Il commença alors une conversation avec celui ou celle qui l’avait arraché à son univers, un monologue en fait.

– Bon. D’accord, vous ne voulez pas me répondre. Dans ce cas à quoi bon m’avoir attiré ici ? Si vous ne voulez pas vous montrer, je comprends mais au moins répondez-moi, éclairez-moi.

Il s’amusa de sa dernière remarque alors que l’opacité régnait.

Au lieu d’être en proie à la terreur, il gardait son calme. Il s’assit par terre, les jambes croisées en tailleur et reprit :

– Je sais que je ne suis pas seul alors arrêtez votre petit jeu, qui que vous soyez ! Vous m’avez attiré ici dans un but et certainement pas celui de me laisser mourir de faim dans le noir d’un lieu hermétique ou de m’ignorer. Vous êtes là, tout proche, je le sais.

Quand la vue fait défaut, l’oreille devient fine. Aussi Thibault était-il aux aguets. Il percevait clairement des sons. Quelqu’un se déplaçait autour de lui. Par moments il lui semblait même percevoir une respiration.

Il tournait la tête à droite, à gauche, essayant de distinguer la moindre forme. Ce ne fut qu’après de longues minutes, ses yeux s’habituant progressivement à l’obscurité, qu’il commença à entrevoir les contours de ce qui l’entourait. Il distingua d’abord, relativement proche de lui, les tables du réfectoire sur lesquelles il devinait les plateaux que l’on n’avait pas encore débarrassés. La montagne de viennoiseries s’imposait encore au centre même si sa face nord avait largement était attaquée. Les comptoirs réfrigérants qui ressemblaient à la partie émergée d’icebergs, semblaient flotter sur une mer noire d’un calme précédant une tempête. L’atmosphère était étrange. Jamais il n’avait vu cette salle ainsi.

– Et nous allons rester encore longtemps ainsi, à jouer au chat et à la souris ?

– Le temps qu’il faudra, lui répondit une voix féminine derrière lui.

Il se retourna brusquement mais il ne vit personne. La voix avait déjà changé de place.

– Enfin ! À qui ai-je l’honneur de parler ou plutôt qui a eu l’amabilité de me répondre ?

– Celle qui vous a tiré !

L’individu s’était déplacé une nouvelle fois. Il se trouvait à présent posté devant Thibault, à côté d’une table.

– J’ai besoin de savoir ce que vous voulez exactement ! ajouta-t-il.

– Et moi je voudrais savoir qui vous êtes et si je peux vous faire confiance car apparemment vous semblez en savoir plus sur moi que moi sur vous.

– Vous vous trompez. Je ne sais pas grand-chose sur vous. Je vous ai juste… observé et entendu. Vous n’êtes pas assez discret. Je me prénomme Alexandra, lui dit-elle mais je préfère que vous ne voyiez pas mon visage. Je vais m’approcher de vous. Ne bougez pas !

Un instant après, elle se postait devant lui puis s’assit à ses côtés. Thibault en fut tout surpris. Il entrevoyait enfin l’ovale d’un visage, en devinait les traits.

– Est-ce que je vous connais ? demanda-t-il.

– Je vous l’ai dit. Je ne veux pas que vous me regardiez. C’est mieux pour moi. Je ne veux pas d’ennuis. Contentez-vous de mon prénom. Que voulez-vous ? Vous voulez partir ?

– Oui. Décidément vous lisez en moi comme dans un livre ouvert.

– Rien de compliqué, je vous l’ai dit. Il était facile d’entendre votre discussion avec votre ami.

– Vous avez raison. Je crois que j’agissais ainsi afin que l’on m’entende. Je crois que j’attendais qu’il se passe quelque chose, que mon attitude produise un changement.

– Vous avez raison ! Vous avez bien failli être dans le viseur des hommes en blanc. Si je n’étais pas intervenue, vous auriez fini par avoir des problèmes.

– C’est peut-être ce que je souhaitais inconsciemment.

Il s’interrompit.

– Veuillez m’excuser mademoiselle mais je trouve désagréable de parler à une ombre.

Tout en parlant, Thibault glissa une main dans une poche. Il en tâta l’intérieur et saisit un objet.

– Je vous le répète pour la dernière fois : mon prénom suffit et je… Non, que faites-vous ?

Le jeune homme venait de lui braquer sa petite pile en plein visage. Il la reconnut.

– Mais vous êtes celle qui a renversé son plateau tout à l’heure.

Agacée, elle se leva brusquement et commença à s’éloigner. Thibault lui emboîta le pas. Elle se frayait un chemin entre les tables et les banques, poussant ces dernières et passant derrière. Elle semblait connaître les lieux par cœur. Comme elle allait lui échapper, il accéléra, se rapprocha et l’attrapa par le bras.

– Attendez-moi ! Ne partez pas ! Je vous en prie.

– Vous êtes content maintenant ! Vous connaissez mon visage et mon prénom. Moi je voulais simplement vous aider comme j’aurais aimé que quelqu’un m’aide quand… Je vous préviens…

– Excusez-moi ! Je ne veux pas vous nuire. C’était plus fort que moi. J’avais besoin de mettre un visage sur votre voix. Et puis sans vous qu’est-ce que je deviendrais ici ?Je connais cet endroit et en même temps j’y suis perdu. Que m’arrivera-t-il si l’on ouvre les portes demain et que l’on me retrouve ici ? Je voudrais juste comprendre où nous sommes, qui nous sommes, savoir ce que nous faisons là, de quoi est construit ce qui nous entoure… J’ai tant de questions sans réponses. Tenez, pourquoi avez-vous dit que vous auriez aimé que quelqu’un vous aide quand… D’où venez-vous ? Je vous en prie, expliquez-moi ce que vous savez.

Elle s’apaisa, revint sur ses pas et ils prirent place à une table après avoir poussé les restes de repas.

– Nous n’avons pas beaucoup de temps. Ils vont venir !

– Qui ?

– Ceux qui s’occupent des déchets et qui vont débarrasser ce lieu afin de le rendre propre pour demain. Cela ne s’arrête jamais. Tout recommence tous les jours.

– Comment savez-vous cela ?

– Je ne suis pas comme vous. Je ne suis pas d’ici, pas du monde sans faim comme vous l’appelez.

Thibault la regarda. Les yeux d’Alexandra flottaient dans le vide. Sa voix devint grave.

– Comme vous un jour je me suis posé les mêmes questions. Tous ces pourquoi ne me satisfaisaient pas. Là d’où je viens, nous n’avons pas d’ordinateurs même si j’ai maintenant appris à m’en servir pour me fondre dans votre monde. Dans mon monde, nous avons de longues pistes où courir, des cours d’eau où voguer et plein d’autres endroits. Nous devons nous entraîner quotidiennement et être en forme. Telle est notre mission. Ne me demandez pas pourquoi ! Nous avons aussi un lieu comme celui-ci où nous restaurer mais il y a seulement le strict minimum pour chacun. C’était bon mais on ne pouvait manger que ce qui était proposé et nous avions tous des rations différentes. Je viens du monde de l’énergie.

– Je ne connais pas ce monde.

– C’est normal, personne ne connaît les autres mondes et je suppose qu’il doit y en avoir des tas.

– Vous croyez ? Et combien en connaissez-vous ?

– Trois : le monde sans faim, le monde des déchets et le mien, celui de l’énergie. Je ne compte pas le monde de la sécurité car il est fait d’hommes qui vont partout et je ne sais pas où est leur véritable univers. J’espère qu’il existe un monde qui mène vers l’ailleurs. Je le cherche mais je ne l’ai jamais trouvé. Ce dont je suis certaine, c’est qu’il est l’une des portes de sortie.

– Comment le savez-vous et comment se fait-il que vous soyez dans mon monde ?

– Je vous le dirai plus tard mais en ce qui concerne ma présence ici sachez que comme chez vous, les livres que l’on peut consulter sont choisis et nous n’avons accès qu’à un enseignement limité à notre tâche. On ne sait que ce que l’on a besoin que nous sachions. Un jour, alors que j’étudiais, j’ai trouvé, à l’intérieur d’un livre, une page étrange, puis d’autres les jours suivants. Alors, j’ai découvert que notre monde faisait partie d’un tout. Notre monde est sans fin et je soupçonne l’existence d’une multitude de mondes. Ce serait trop long à vous expliquer ici et maintenant mais croyez-moi !

– Je vous crois, dit-il médusé de découvrir cela.

– Quand j’ai remarqué que vous étiez différent des autres, j’ai compris que je devais vous aider, que vous cherchiez la même chose que moi : la vérité et la liberté. J’ai alors décidé de glisser ces feuilles que vous avez trouvées puis des livres entiers. Et comme vous avez paru très intéressé, j’ai guetté le moment où vous seriez prêt à … comment dire… sauter le pas.

– Je commençais à m’en douter ! Mais vous n’avez pas répondu à ma question. Comment êtes-vous venue dans mon monde ? questionna Thibault avide de savoir.

– J’ai eu une idée. Elle m’est venue en voyant l’unité médicale et les malades qui comme chez vous sont repérés le matin. En fait, je me suis rendue au réfectoire et j’ai attendu le tout dernier moment, alors qu’il n’y avait presque plus personne, pour me jeter par terre et simuler des douleurs au ventre. Je pensais que l’on viendrait me chercher mais je savais que cela prendrait du temps. Et les portes se sont alors fermées, comme je l’espérais. Je suis restée dans le noir assez longtemps et un moment, j’ai même regretté de me trouver là. Puis j’ai entendu du bruit. Je me suis alors cachée et j’ai vu des portes s’ouvrir, des êtres sortir et débarrasser les tables, nettoyer, tout remettre en ordre… Je me suis mêlée à eux, reproduisant leurs gestes et quand tout a été propre, j’ai moi aussi franchi les portes et je suis partie.

– Tu es passée dans leur monde ?

– Oui. C’était facile finalement. Mais leur monde, le monde des déchets est un monde abominable et j’ai vite compris que je ne pouvais pas y rester.

Thibault écoutait la jeune femme attentivement. De nouvelles perspectives s’ouvraient devant lui. L’épaisseur du noir qui les entourait scellait peu à peu leur complicité. Le tutoiement s’était soudain imposé naturellement. Dans la salle, les caméras étaient éteintes, comme les drapeaux en berne d’une nation. Elle poursuivit son récit :

– Vois-tu, autant dans ton monde vous avez de la nourriture à profusion autant chez eux c’est l’inverse. Ceux qui appartiennent à ce monde ne se nourrissent que de vos restes. Tous les jours, ils installent partout ici de la nourriture comme s’il en pleuvait mais il leur est formellement interdit d’y toucher. Comme les animaux d’une époque qui n’existe plus et que j’ai vue dans les livres, ils doivent se contenter de vos miettes dont ils ne doivent pas abuser. La voix veille et les hommes en blanc aussi. Ils sont comme prisonniers. Ils voient ces aliments, ils s’en occupent, ils les présentent mais ils leur sont interdits. Si jamais ils violent cette loi de leur monde, ils sont sévèrement punis. Leurs chambres ne ressemblent pas aux vôtres. Ils dorment sur de simples paillasses et quand ils sont malades, ils sont éliminés.

Thibault, sans paraître surpris par ces révélations, n’en fut pas moins outré.

– Et ce n’est pas le pire, poursuivit-elle. Je me suis aperçue que dans ton monde par exemple, ceux qui étaient arrêtés par les hommes en blanc finissent dans celui des déchets jusqu’au jour où, comme beaucoup d’autres, ils disparaissent à jamais.

– Je craignais que tu m’annonces quelque chose comme ça. Mais qui tire les ficelles de nos existences ?

– La voix je crois, mais il n’y a pas qu’elle. Je suspecte une instance supérieure peut-être immatérielle qui commande tout et ton monde est celui dont elle a le plus besoin. C’est la raison pour laquelle vous êtes privilégiés. Vos aptitudes à créer sont ce qui les intéresse le plus.

La tête dans les mains, le jeune homme réfléchissait.

– Cachons-nous ! Ils arrivent.

Thibault fut entraîné sous la table. La proximité de la réclusion forcée en compagnie de sa guide ne lui déplaisait pas. Il sentait la chaleur de son corps, ce qui éveillait en lui des frémissements qu’il n’avait jamais ressentis auparavant.

– Je sais ce que tu ressens, susurra-t-elle, cela aussi c’est nouveau pour toi. Tu t’habitueras, tu verras et ce n’est pas désagréable.

Pour rien au monde il n’aurait voulu que cet instant ne s’achevât. Il devait prendre fin toutefois. Le réfectoire s’éclairait progressivement d’une lumière cependant blafarde.

– Tu vois, pour eux ils éclairent la lumière, mais pas trop. Ils ne dépensent rien inutilement. Bon, à mon signal, on fonce et tu fais comme moi ou plutôt tu fais comme eux. Tu nettoies, tu ramasses et tu ne me quittes pas des yeux. Suis-moi comme ton ombre. On va franchir cette porte, là-bas ! Tu la vois ?

– Oui, assura le rebelle.

– Tu es prêt à partir ? Nous allons partir !

– Attends, l’arrêta-t-il alors qu’elle allait sortir de leur cachette.

– Qu’y a-t-il ?

– Est-ce que l’on pourra revenir ? Et comment franchis-tu les portes des mondes ?

– Oui, on pourra revenir mais crois-tu vraiment que l’on parte pour finalement revenir ici, au point de départ ? Sinon je franchis les portes grâce à ça !

Et elle brandit triomphalement sous son nez une clé qu’elle venait de sortir de son corsage. Celle-ci était solidement attachée à un lien qui pendait à son cou.

– On y va.

 

Ils se redressèrent comme un seul être et se pressèrent autour des plateaux-repas, empilant les verres, les assiettes, rassemblant les couverts dans de profondes bassines prévues à cet effet, essuyant avec des éponges les comptoirs, les sièges sur lesquels des miettes de pain attendaient impatiemment d’être rassemblées.

Thibault suivait Alexandra sans trop la regarder. Il épiait les moindres gestes des autres. Tout à coup, comme elle, il déposa tout ce qu’il avait collecté sur un tapis roulant et il se dirigea vers une porte qui avait surgi de nulle part.

Une nouvelle équipe pénétra alors dans l’enceinte sacrée de la restauration afin de fournir généreusement les étalages. Chacun portait des gants et des masques pour une parfaite hygiène. Assurément on prenait soin du monde sans faim que les deux mutins s’apprêtaient à quitter.

D’un pas décidé, ils gagnèrent la sortie. Le cœur de Thibault bondit dans sa poitrine au moment de franchir l’ouverture. Lorsque les derniers furent passés, la porte se referma et disparut. Il était alors impossible d’imaginer qu’elle avait bien existé.

– Suis-moi et ne dis rien, suggéra son amie.

Perdu dans cet ailleurs qui lui semblait hostile, il obtempéra. Il lui semblait que d’une seconde à l’autre tout le monde allait le montrer du doigt. Il n’en fut rien.

Toute sa petite vie trop bien réglée venait de basculer. Il venait de quitter un monde sans faim dans lequel il ne reviendrait jamais. Il venait d’apprendre l’existence d’un monde sans fin. Qu’est-ce qui l’attendait à présent ?

Il avançait, derrière elle, épousant chacun de ses pas, plus parfaitement qu’une ombre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE 3, La fin d’un monde

De couloirs interminables en salles sombres, ils avançaient. Alexandra semblait parfaitement savoir où aller. De toute façon il n’avait d’autres choix que de la croire et de la suivre. Elle ralentit le pas pour se placer à sa hauteur.

– Pour l’instant, je ne peux rien te dire. Il faut faire ce que les autres font. Nettoyer. Plus tard je t’expliquerai.

Il approuva, n’osant ouvrir la bouche car ici tout le monde s’activait mais peu d’entre eux parlaient.

 

*

 

Ils passèrent leur journée à franchir d’autres portes que dissimulaient des murs pourtant lisses et nus quelques secondes auparavant. Ils s’activaient ensuite, exécutant minutieusement leurs corvées avant de passer à autre chose, à d’autres salles derrière d’autres portes.

Le travail était harassant et ingrat surtout pour Thibault qui n’avait pas l’habitude de l’effort. Aussi, il accueillit la pause de midi avec bonheur. La voix leur ordonna de se rassembler dans un lieu austère et triste où des bacs en matière plastique contenant des restes de nourriture en vrac étaient juxtaposés ou entassés. Là, Alexandra et lui prirent un plateau moulé sur lequel on devinait le compartiment correspondant à l’assiette et le réceptacle à boissons. Il en émergeait une paille. Le déjeuner, car il fallait bien lui donner un nom, fut englouti rapidement. Ils débarrassèrent ensuite eux-mêmes les tables et se remirent aussitôt après au travail ailleurs, plus loin.

 

Pour la première fois de sa vie Thibault fut heureux d’entendre la voix annoncer la fin de la journée. Il était brisé. Il avait porté de lourdes charges et il était resté debout en permanence. Quand il voulait quitter son monde, il ne s’imaginait pas qu’un tel univers pût exister. Luc avait-il raison finalement ? Le monde sans faim n’était-il pas un endroit privilégié ?

 

– Viens, exigea Alexandra alors que les interminables couloirs étaient désertés.

– On ne va pas dans une chambre pour dormir ?

– Ici tu peux oublier l’intimité. Les chambres sont d’immenses endroits où les lits s’amoncellent par centaines. Je préfère aller ailleurs. J’ai l’habitude.

Sans en demander davantage, Thibault la suivit. Elle était dans ce monde comme chez elle. Elle semblait en connaître tous les recoins. À chaque intersection, elle jetait un regard puis elle longeait le mur suivant, tournait à droite, à gauche, descendait des escaliers, contournait une salle, une autre. Ce monde était un véritable labyrinthe.

Tout à coup, elle s’immobilisa au milieu de nulle part.

– Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-il.

Elle vérifia autour d’elle pour s’assurer qu’ils étaient bien seuls, sortit sa clé et l’approcha de la paroi. L’objet se mit à briller, prit une couleur fluorescente verte et aussitôt les contours parfaits d’une issue se dessinèrent.

– Dépêche-toi !

Lorsqu’ils se présentèrent devant la porte, celle-ci s’ouvrit au-delà de laquelle on pouvait voir une petite pièce avec deux lits. Ils entrèrent. Le seuil se condamna aussitôt après leur passage et sur le mur, on ne pouvait plus voir aucune issue.

– Tu peux parler maintenant.

– Je n’en crois pas mes yeux ! C’est… c’est magique !

– Cette clé seulement est magique parce que ce monde, tu l’as vu, est loin de l’être. Ce serait plutôt l’enfer !

Thibault ôta ses chaussures et se jeta sur le lit. Son regard fit le tour de la chambre. Les teintes étaient douces, apaisantes et le mobilier limité au strict minimum. Il aperçut un recoin.

– Qu’y a-t-il là derrière ? demanda-t-il.

– Douche, eau, savon, serviettes, énuméra-t-elle rapidement tout en se délestant de ses vêtements.

Elle était particulièrement belle et son corps musclé. Elle remonta ses cheveux au sommet de son crâne et les noua.

– Si tu le veux bien, je vais me laver la première. Je n’en ai pas pour longtemps.

– Et après, tu m’expliqueras ce que…

– Évidemment ! Je me doute que tu as une foule de questions à me poser.

 

Elle revint quelques instants plus tard, enroulée dans une serviette blanche. Elle portait dans ses bras ses vêtements de la journée pliés.

– Pendant tes ablutions, mets ton linge dans le stérilisateur. Tu le récupéreras propre immédiatement après.

Thibault s’exécuta. L’eau bienfaisante associée à la chaleur le régénéra. Il la laissait couler sur son visage et ruisseler jusqu’à ses pieds. Il était si bien qu’il se demanda un instant si tout ceci n’était pas un rêve. Un beau rêve ou un mauvais ? Beau s’il songeait à la possibilité de partir, de découvrir la vérité, d’être avec elle car il devait se l’avouer, elle lui plaisait. Mauvais s’il s’arrêtait à ce monde de labeur et de déchets, à ce travail exténuant et à l’incertitude des lendemains.

Quand il revint, la jeune femme allongée l’observa de la tête aux pieds.

– Pas mal, ironisa-t-elle.

– Quoi ?

– Toi ! Pour un cérébral du monde sans faim, tu es pas mal. N’as-tu pas remarqué qu’en général ceux de ton monde sont plutôt sveltes, sans reliefs, sans muscles saillants, sans formes ou plutôt au contraire formatés ? Ils sont tous pareils. Toi tu es différent.

Il la remercia de sa sincérité, s’installa au bord du lit face à elle et avoua ne pas savoir par où commencer.

– Ce lieu d’abord. Comment le connais-tu et pourquoi y sommes-nous en sécurité ?

– En premier lieu, sache que je me déplace d’un monde à l’autre depuis près d’un an. Donc, j’ai vu et compris beaucoup de choses. C’est ainsi que j’ai découvert ces chambres. Des locaux comme celui-ci, il y en a des centaines, partout, dans tous les mondes et c’est ce qui me permet d’avoir un lit, la nuit, où que je sois. Quand je vivais dans ton monde, je dormais dans un endroit identique à celui-ci ou presque. Cela me permet aussi de n’être pas repérée.

– À quoi servent ces refuges ?

– À se reposer, à dormir comme tu peux le constater mais la question serait plutôt à qui sont-ils destinés ? Ce sont les repaires des hommes en blanc qui doivent pouvoir se retirer où qu’ils se trouvent puisqu’ils interviennent de partout. Ils appartiennent au monde de la sécurité.

– Mais alors l’un d’entre eux peut nous repérer !

– Non, rassure-toi. J’ai mis du temps à le comprendre et j’ai passé bien des nuits, dehors, à trembler. Quand une chambre est occupée, la clé qui permet de détecter les pièces et de les ouvrir en condamne alors automatiquement l’accès. Elle devient rouge.

– N’es-tu pas une des leurs pour être en possession de cet objet ?

Il regretta immédiatement ses paroles trop vite prononcées.

– Excuse-moi ! Je n’aurais pas dû te poser cette question. Tout est tellement…

– Ne t’excuse pas, je comprends que tout cela te dépasse. Je te fais découvrir en peu de temps ce que j’ai mis des mois ne serait-ce qu’à supposer.

Elle s’allongea totalement sur l’un des lits larges et confortables, croisa ses chevilles, plaça ses mains sous la tête et poursuivit son explication.

– J’ai vite compris que les hommes en blanc bénéficiaient de privilèges. Je l’avais déjà remarqué dans mon monde. J’ai alors pensé m’habiller comme eux pour ne pas être découverte mais tu sais d’une part qu’il est formellement interdit de revêtir du blanc, d’autre part qu’il est impossible de se procurer leurs uniformes. J’ai donc très vite dû me tourner vers un autre plan.

Thibault sursauta. Le bruit ténu et avorté d’un mécanisme venait de résonner et presque simultanément, le périmètre de la porte se matérialisa à nouveau sur le mur, teinté de rouge. Alexandra se redressa, et posa sa main sur l’avant-bras de son compagnon qui s’était raidi. Il éprouva aussitôt la même sensation agréable que lorsqu’ils s’étaient retrouvés pour la première fois côte à côte sous la table, dans le noir.

– Ce n’est rien, dit-elle, juste un homme en blanc qui cherche où dormir. Tu vois, elle reste fermée.

Il regardait les mouvements de ses lèvres.

– Tu es très belle !

Et il s’inclina doucement vers l’avant pour l’embrasser. Leurs doigts s’accrochèrent comme pour ne plus se lâcher et les bras qui avaient travaillé durement la journée entière devinrent de puissantes étreintes. Chacun se laissa aller. Chacun s’ouvrait à un monde auquel il n’avait jamais eu accès. Elle claqua des doigts et la lumière se tut !

 

*

 

Étendus sur le même lit, ils plongeaient éperdument dans le regard de l’autre pour y lire le destin qu’ensemble ils devaient tracer.

– Nous trouverons la sortie, précisa-t-elle, pleine d’espoir. J’ai lu un livre interdit où il était question d’un homme, perdu dans un dédale et qui ne parvenait pas à s’en échapper. Comme nous ! Il a alors endossé des ailes et ainsi, il a pu s’élever au-dessus de sa prison, en voir le schéma savant et complexe et s’en échapper.

– J’aime ton histoire lui dit-il. Comment s’appelle cet homme intelligent ?

– Il s’appelle Icare mais il n’est pas si intelligent que cela car ses ailes tenaient à l’aide de cire et comme il s’est approché trop près du soleil, elle a fondu, le précipitant dans la mer.

– La leçon à en tirer est de ne pas nous laisser griser par nos découvertes et de garder la tête sur les épaules, n’est-ce pas ! Mais ce soleil que tu n’as vu que dans les livres interdits, comme moi, nous aussi nous le verrons un jour. Je te le promets. En attendant tu ne m’as toujours pas dit comment tu as fait pour obtenir cette précieuse clé !

Elle poussa un profond soupir et reprit son récit :

– Tu as déjà vu avec quelle vélocité les hommes en blanc se déplacent et l’agitation qu’ils provoquent lors de leurs interventions ! Eh bien, figure-toi qu’à l’occasion d’un de mes entraînements, pendant une course, j’ai assisté à l’une de leurs descentes pour s’emparer d’un groupe d’individus. J’étais dans le monde de l’énergie. Dans la bagarre, l’un d’eux a perdu un objet. Je l’ai vu tomber. J’ai pensé qu’il allait s’en apercevoir mais non. Puis ils sont partis, emmenant les pauvres malheureux qu’ils avaient réduits au silence. Je n’ai pas osé ramasser la clé tout de suite et en même temps, j’avais peur que quelqu’un d’autre ne la prenne. Alors comme personne ne s’en souciait, j’ai avancé, comme si je reprenais ma foulée. Parvenue à sa hauteur, je me suis accroupie pour nouer les lacets défaits de mes chaussures de sport et quand je me suis relevée, j’étais en possession de la clé. Il m’a ensuite suffi d’observer pour en comprendre le fonctionnement. Elle ouvre les portes entre les mondes et permet de multiples accès. Voilà, tu en sais presque autant que moi maintenant et il faudrait dormir.

– Que faisons-nous demain ?

– Nous déciderons au matin.

 

*

 

Elle ouvrit les yeux la dernière. Il la regardait. À nouveau ils se blottirent l’un contre l’autre pour s’aimer.

– Il est encore tôt, lui dit-elle, mais il ne faut pas traîner davantage. Les hommes en blanc ne s’éternisent jamais bien longtemps sur leur lieu de repos.

Ils s’habillèrent en vitesse, déposèrent les serviettes et les draps dans le stérilisateur et remirent la chambre exactement dans l’état où ils l’avaient trouvée.

– Voilà, il ne subsiste aucune trace de notre passage ici désormais.

– Et qu’allons-nous faire ? Je m’en remets entièrement à toi.

Elle plaqua la clé sur son front et ne répondit pas immédiatement à sa question.

– C’est encore une des capacités de la clé. On peut savoir ce qui se passe dehors. Je m’en suis aperçue un soir où j’avais la migraine et que la clé était froide. Je l’ai appliquée sur mon front et j’ai découvert cette particularité. Il n’y a personne dehors. Je te propose de sortir et de quitter le monde des déchets.

– Je suis entièrement d’accord mais pour aller où ?

– Je suggère de monter. Qu’en penses-tu ? Je préfère monter plutôt que descendre ou rester aux mêmes niveaux. C’est le résultat de mes lectures. Monter, c’est s’élever, progresser. Descendre c’est parvenir aux Enfers !

– Montons alors !

 

Ils sortirent, têtes baissées et marchèrent l’un éloigné de l’autre. Ils se rendirent à la salle des repas où ils prirent quelques fruits entamés, des tranches de pain déjà desséchées et un peu d’eau. Ils suivirent ensuite le flot de cette population de résignés et, comme la veille, ils se mirent à la tâche sans trop savoir quel monde ils purifiaient.

– Dès qu’il n’y a plus personne dans les parages, je te fais signe et on décampe ! affirma-t-elle.

– Par quel côté ?

– Je ne le sais pas encore ! J’attends, j’observe. Il ne faut pas se tromper.

Moins d’une heure plus tard, les lieux étaient redevenus parfaitement propres et utilisables pour ceux d’un monde qui ignoraient quelles mains avaient œuvré pour que tout soit parfait.

– Maintenant, lança-t-elle.

Ils foncèrent vers un mur devant lequel Alexandra présenta sa clé. Une porte de feu s’illumina, s’ouvrit. Ils passèrent.

 

*

 

– Je ne sais pas où on est mais ce que je sais c’est que tu dois faire semblant de ne pas me connaître. Dès que l’on se retrouve dans un nouveau monde, dans un de ces impressionnants couloirs, les caméras sont à même de repérer des comportements suspects et trop parler en est un. C’est aussi très étrange, il n’y a absolument personne.

– Certes mais plus loin il y a des escaliers.

– J’y vais, proposa-t-elle. Dans un moment tu me suis.

 

Elle s’éloigna de lui sans se retourner. Seul, il se sentit minuscule et surtout désœuvré. Il tourna sur lui-même comme un chat. Stupide ! Il leva les yeux au plafond sans rien y trouver. Il mit ses mains dans ses poches et se mit à siffloter. Quelle contenance se donner ?

Soudain la voix s’adressa à lui alors qu’Alexandra venait de disparaître.

– Cessez de siffler ! Vous devez impérativement regagner la salle de travail où sont les autres membres de la communauté. Merci de votre contribution. Veuillez vous presser. Si vous êtes souffrant, regagnez votre lit. Vous serez automatiquement acheminé vers l’unité de soins.

Des gouttes de sueur perlaient à son front. Il prit la direction des escaliers et quelques instants plus tard, il montait.

À chaque palier il espérait voir Alexandra qui l’attendait. Hélas, il devait monter, monter encore. Le souffle lui manquait. Et s’il se perdait ! Et s’il ne la retrouvait jamais ! Cette pensée le glaça. Elle seule avait la clé. Si elle l’abandonnait, les hommes en blanc ne tarderaient pas à le démasquer et se chargeraient de lui. Plus encore que cela c’était autre chose qui le troublait. Certes il ne trouverait jamais cet autre univers où il espérait recouvrer la liberté. Mais  il était désormais terrifié à l’idée d’être séparé d’elle. Il devait l’admettre. Il ressentait quelque chose d’indéfinissable. Était-ce cela aimer ?

 

Alors qu’il longeait la rampe d’escaliers, il entendit qu’on l’appelait. C’était elle enfin ! Elle le hélait six étages plus haut.

– Rejoins-moi ! Tu ne vas pas en croire tes oreilles.

Il lui fallut de longues minutes pour la rattraper.

– Mais que faisais-tu ?

– Je pensais à toi, rien qu’à toi lui déclara-t-il afin qu’elle pût sonder son cœur.

– Moi, moi aussi, balbutia-t-elle avant de se ressaisir. Ici on peut parler. Ce que tu vois, dans l’autre pièce, c’est un orchestre. C’est merveilleux. Les gens ont l’air heureux dans ce monde, enfin en apparence. Ils règlent leurs instruments de musique et vont probablement bientôt jouer.

– Oui mais ce que je redoute, c’est qu’ils nous demandent nous aussi de prendre place. Or je suis incapable de sortir le moindre son d’un instrument de musique pour la bonne raison que je n’en ai jamais eu un entre les mains.

– Moi non plus tu sais.

– Alors on va vite nous repérer !

– Je ne vous ai jamais vus vous deux. Vous ne prenez pas votre instrument ? Vous êtes nouveaux ? Vous jouez peut-être dans le deuxième orchestre ? fit une dame en les croisant.

– Oui, c’est cela même, nous jouerons tout à l’heure.

– Fort bien ! Je vous laisse, je vais regagner ma place. Nous allons bientôt commencer.

– Tu vois, qu’est-ce que je t’avais dit ? Après ce sera notre tour et nous serons vite démasqués.

On les invita à pénétrer plus loin dans l’auditorium, une pièce somptueuse aux qualités acoustiques inégalées.

– Ne restez pas là jeunes gens. Allez vous asseoir sur ces sièges là-bas. Personne ne doit demeurer debout quand l’orchestre commence à jouer.

Et une autre personne ajouta :

– Quand ce sera à votre tour alors vous pourrez descendre sur la scène. Les musiciens viendront vous remplacer et vous entendre jouer. Quel est votre instrument ?

– Le violon, le violon, répéta Thibault comme pour s’en convaincre lui-même.

– Parfait !

L’hémicycle était plein à craquer. Chacun attendait que l’orchestre commençât. La musique monta soudain envahissant l’espace, aussi magnifique qu’un lever de soleil. C’était la symphonie numéro 3, en fa majeur, opus 90 de Johannes Brahms. Mais ni Alexandra ni Thibault ne le savaient. En revanche, ils se délectaient de la mélodie, se laissaient emporter par son ampleur comme s’ils s’étaient trouvés sur une vague puissante de quelque océan qu’ils n’avaient jamais vu. Les envoûtant toujours, les sonorités enchanteresses du ballet Daphnis et Cloé puis du concerto pour piano en ré majeur, pour main gauche de Maurice Ravel retentirent, suscitant l’émotion parmi les auditeurs.

– Tu as remarqué, il y a de l’agitation plus bas, à droite, dit Alexandra.

– Oui, je me demande ce qui se passe. J’espère que nous n’avons pas attiré l’attention mais je ne crois pas. Regarde le trouble vient plutôt de ces trois personnes. Je les avais vues en entrant. Elles sont différentes des autres.

– Tu as raison. Elles sont très pâles et paraissent nerveuses.

– Les gens autour ont l’air inquiet.

Les mélodies s’enchaînaient. Le temps s’écoulait.

Soudain les parois de bois de l’auditorium furent découpées par trois immenses portes qui se matérialisèrent simultanément. Il en sortit des hommes en blanc.

– J’ai peur, dit Alexandra, en s’enfonçant dans son fauteuil. Il ne faut pas rester ici !

Les rôles venaient de s’inverser. Elle avait désormais besoin de son ami pour se rassurer. Un laps de temps, elle se rappela leur nuit et leur complicité.

– Ne bouge surtout pas. Nous ne sommes pas leur cible, ils descendent.

Effectivement, les membres de l’équipe de sécurité convergeaient vers une seule direction. Ils s’apprêtaient à fondre sur les trois individus.

– Il va falloir profiter du tumulte pour partir car quand l’orchestre aura fini de jouer, ce sera notre tour et nous serons démasqués.

Alexandra acquiesça, surprise par l’esprit d’initiative de son compagnon et par sa rapidité d’adaptation. Elle l’avait extirpé de son monde depuis peu et déjà, il se montrait capable de prendre les bonnes décisions au bon moment. Il poursuivit :

– Comme il se fait tard, dès que nous serons dehors, tu sortiras ta clé et tu trouveras une cellule pour la nuit. Tant pis pour le repas et puis mieux vaut ne pas redescendre.

Le tumulte grandissait. L’orchestre avait cessé de jouer. De chaque côté des trois individus, les auditeurs fuyaient et ceux qui étaient coincés enjambaient les sièges pour s’éloigner au plus vite. On entendait de petits cris partiellement couverts par le fracas de l’intervention des hommes en blanc. Ils étaient d’une efficacité redoutable même si leurs ennemis ne se laissaient pas faire pour autant. Ces derniers ripostaient à chaque coup porté avec une efficacité peu commune. Ils ressemblaient à trois prédateurs tandis que la sécurité semblait avoir dépêché des anges.

La salle de concert se vida peu à peu. Alexandra et Thibault en profitèrent pour se glisser parmi les fuyards. L’intervention touchait à sa fin. Jamais ils n’avaient vu cela. Les trois ennemis avaient été phagocytés, jetés sur des brancards et avaient ensuite franchi les portes en tentant vainement de résister jusqu’au bout. Leur agressivité les conduirait directement à la destruction et à leur élimination.

– Ces trois-là vont descendre. J’ai déjà vu un cas de ce genre et ce ne sont pas des portes qui les attendaient ni d’autres mondes comme celui des déchets mais de gigantesques toboggans vertigineux qui, à ce que j’ai pu voir, descendaient vers des abîmes impressionnants et sombres. Je crois que l’on nomme cela l’enfer !

Disparaissant dans les couloirs, le couple finit par se retrouver seul. Là Alexandra activa sa clé et ils se retrouvèrent à nouveau, comme la veille dans une chambre bien plus vaste qui abriterait leur amour pour une nuit. Quatre lits les attendaient. Ils en choisirent deux qu’ils rapprochèrent.

 

*

 

Au matin, ils avaient peu dormi. Ils avaient faim mais leur foi en l’avenir leur faisait oublier le repas manqué la veille.

Ils avaient conscience d’être monté très haut dans la tour des mondes. Ils caressaient la certitude de trouver bientôt une issue. Ils espéraient que rien ni personne ne les arrêterait dans leur entreprise de conquête de leurs propres vies.

– Si nous parvenons aujourd’hui à sortir, je n’aurai peut-être plus l’occasion de profiter de cette abondance d’eau. Je vais prendre une douche, lui dit-elle.

– Je te suis dans un instant.

Il resta allongé, plongé dans ses pensées. Lorsqu’il entendit qu’elle venait de couper l’eau, il comprit qu’il était resté là un long moment. Il la rejoignit alors qu’elle écartait les parois vitrées de la douche.

– Donne-moi tes vêtements ! Je vais les mettre avec les miens dans le stérilisateur. J’ai oublié de le faire tout à l’heure. Il regagna la chambre pour prendre sa tenue quand il entendit :

– C’est incroyable !

– Qu’y a-t-il ? fit-il en la rejoignant.

– Ils les ont oubliés, remarqua-t-elle en sortant de l’appareil deux uniformes blancs immaculés.

La providence venait de se pencher sur eux.

– Mais non réfléchis. Ces tenues sont neuves. Nous sommes dans un logement prévu pour quatre et je pense qu’ils n’y sont entrés qu’à deux. Il doit y avoir une fonction qui nous échappe, prévue pour leur délivrer des vêtements. Qu’importe de toute façon. C’est inespéré, c’est notre chance ! Avec cela on peut aller partout sans être inquiété.

– Mais ils s’apercevront vite que nous ne faisons pas partie des hommes en blanc malgré ces uniformes.

Sûr de lui, il ajouta :

– Nous sommes près du but. Nous n’en avons plus pour très longtemps. Et puis j’ai déjà vu les hommes en blanc aller et venir sans nécessairement frapper quelqu’un. Nous nous contenterons de nous déplacer.

À cet instant-là, elle comprit que sans lui elle ne serait jamais parvenue jusqu’à cet endroit, dans ces hautes sphères de l’immeuble ainsi qu’ils appelaient tous l’univers abritant les multiples mondes. Sans lui, elle aurait continué à errer. Sans lui elle aurait fini par renoncer un jour ou l’autre. Sans elle il ne serait peut-être jamais parti.

Ils enfilèrent les uniformes. Ils paraissaient redoutables à leur tour. Ils franchirent la porte avec cet espoir : ce serait probablement leur dernière nuit dans ce monde.

Déjà les musiciens accordaient leurs instruments en une cacophonie dont ils s’éloignèrent.

Trois couloirs.

Quatre salles.

Deux autres couloirs plus étroits.

Ne tournaient-ils pas en rond ?

Ils venaient de la droite et ils percevaient encore légèrement les tentatives pour accorder les violons, les pianos, les saxophones… Ils se dirigeaient vers la gauche quand ils entendirent que l’on se hâtait de la même façon pour tirer le meilleur son possible des mêmes instruments.

– Je crois que nous sommes perdus.

– Non, mais je crois que ce sont deux mondes parallèles. Ils doivent avoir la même fonction. Sans doute sont-ils importants ! À présent il faut absolument trouver des escaliers et monter.

Ainsi vêtus de blanc, personne ne les dévisageait. Personne ne leur demandait de prendre place pour jouer. On fuyait leur regard ou on les ignorait.

– Là-bas, on dirait un accès à des escaliers !

Elle désigna du doigt un endroit où deux couloirs se séparaient.

– On y va ! fit-il quelques instants après.

Ils gravirent à peine une dizaine de marches qu’ils furent arrêtés net.

Un mur immense, opaque, coupait brutalement la montée.

– Surprenant ce mur au milieu de nulle part !

Alexandra caressait les parois se demandant bien pourquoi un tel obstacle avait été construit au beau milieu des escaliers.

– Réfléchis, dit Thibault. S’il est là, c’est qu’il doit empêcher toute personne de passer et s’il a cette fonction, c’est que derrière lui il y a probablement une sortie. On y est Alexandre, on y est enfin. La clé !

La jeune femme s’exécuta.

La porte apparut, qu’ils franchirent sans plus attendre.

 

*

Ils furent accueillis par une luminosité exceptionnelle. Les murs blancs se paraient de reflets, d’ombres en mouvement. Curieusement, on les salua :

– Bonjour, vous semblez égarés. Que cherchez-vous ?

Toujours méfiant, Thibault qui brûlait de demander où se trouvait la sortie se surprit à dire :

– Nous avons faim. Nous avons manqué un repas.

– Ce n’est pas bien. Vous trouverez quelque chose à vous mettre sous la dent. La salle à manger est toujours ouverte.

Puis l’aimable personne tourna les talons. Elle se figea cependant voyant que les deux jeunes gens partaient dans la direction opposée au restaurant. Elle les appela et revint sur ses pas :

– Ohé ! Vous vous trompez. Le réfectoire est par là. Vous partez dans la mauvaise direction.

– Oui, bien sûr, fit Alexandra en riant pour donner le change.

– Vous n’êtes pas de ce monde n’est-ce pas !

Ils se regardèrent, inquiets.

– Vous ne faites pas partie de l’horizon. Cela se voit immédiatement. Il n’y a pas d’hommes en blanc ici. Il n’y en a jamais !

Alexandra serra la main de Thibault. Sa gorge se serra.

– Non, pas si près du but, pensa-t-elle.

– Ce n’est pas grave ! Ne soyez pas effrayé mes tourtereaux. Ici, personne ne viendra vous importuner d’où que vous veniez. L’horizon est le monde à la fois le plus ouvert et le plus clos. Allez vous restaurer tranquillement, vous semblez épuisés. Prenez votre temps ! Je reste dans les parages. Je vous retrouverai et si je peux vous aider, je le ferai. Surtout ne vous cachez pas et dites la vérité si l’on vous interroge. Vous n’avez rien à craindre, vraiment rien !

– Mais si…

– Pas de questions pour l’instant !

Thibault insista :

– Si la voix nous donne un ordre. Que devrons-nous faire ?

– La voix dites-vous ? Quelle voix ? De quoi parlez-vous ? Cessez de vous tourmenter. Vous trouverez le réfectoire de ce côté. Je vous retrouve d’ici, disons, deux heures. Cela vous convient-il ? Je vous amènerai aussi de quoi vous changer. Vous ne ressemblez vraiment à rien dans ces déguisements. Au fait, je m’appelle Donna.

– Oui, répondirent-ils ensemble.

Ils déjeunèrent copieusement tout en observant ceux qui les observaient. On ne leur posa cependant aucune question.

– J’espère que l’on peut lui faire confiance !

– Je l’espère aussi mais si elle nous avait menti, nous aurions déjà eu des problèmes. Tout le monde nous a repérés.

– Je n’avais jamais entendu parler de ce monde de l’horizon même si je vais d’un monde à l’autre depuis longtemps. Il a l’air agréable en tout cas et puis, tu as vu cette salle n’a pas de porte. On peut y venir quand on veut. C’est un peu aussi un monde sans faim, comme le tien !

– Certes mais ils doivent avoir des obligations aussi comme dans le monde des déchets, celui de l’énergie, etc. Mais retrouvons Donna maintenant. J’ai hâte d’en entendre davantage.

 

Elle les attendait devant la grande salle. Elle leur tendit des vêtements et leur indiqua un endroit où se changer. Ils revinrent quelques instants plus tard.

– Voilà, vous êtes plus présentables, plus conformes à ce lieu, déclara-t-elle satisfaite.

– Pouvez-vous nous dire ce qu’est ce monde Donna ?

– Bien entendu. Mais tout d’abord, veuillez me suivre. Nous pourrons nous asseoir et profiter de cette belle lumière de printemps tout en parlant.

Ils s’installèrent en face d’un mur qui semblait flamboyer.

– Qu’est-ce que c’est ? demanda Thibault admiratif.

– C’est la lumière naturelle. Les mondes d’en bas, d’où vous venez, n’en bénéficient pas. La nôtre est changeante, selon les saisons. Or par chance vous arrivez au moment où la lumière est la plus belle. Mais vous n’êtes pas ici pour admirer la lumière !

– Non. Nous cherchons une sortie.

– Une sortie ? Pour quoi faire ?

– Pour nous échapper de l’immeuble cité, de tous les mondes, même si le vôtre a l’air plus accueillant.

– Vous échapper mais que voulez-vous donc fuir et où voulez-vous aller ?

– Ailleurs ! Nous voulons être libres. Libres d’agir, de penser, libres de lire ce que nous voulons…

– Oui, ajouta Alexandra, et pour cela nous voulons sortir. Mais je crains que les sorties ne soient bien gardées.

– Je vous l’ai dit. Ici les hommes en blanc sont inutiles. Le travail qu’ils font en amont est suffisant. Aucune menace ne parvient jamais jusqu’ici… Vous voulez donc voir la sortie ?

– Elle existe ?

– Bien entendu qu’elle existe. Il y en a même deux mais…

– Mais quoi ? Vous en avez trop dit pour vous taire maintenant !

– Je crains mes tourtereaux que vous n’aimiez pas ce que vous allez trouver ou plutôt ce que vous allez voir. Toutefois, puisque vous insistez, les sorties sont par ici. Je vous accompagne. Il vaut mieux.

Elle les précéda, marchant d’un pas solennel.

Un instant plus tard, ils arrivèrent devant une cavité, masquée par un rideau léger mais opaque. Le pourtour de ce tissu était blanc, le centre bleu et pile au milieu, trônait un petit rond noir. Ils devinèrent qu’au-delà se trouvait la source de la luminosité.

Alexandra, la première, osa avancer. Elle voulait voir. Elle entraîna Thibault en lui prenant la main. Donna resta sur place. Elle les attendait. Elle savait qu’ils feraient marche arrière en dépit de leur volonté de s’échapper.

Ils avancèrent précautionneusement, animés à la fois par le désir de savoir et par la crainte de ce qu’ils allaient découvrir. De sa main gauche, la jeune femme écarta le voile qui masquait l’horizon. Ils se retrouvèrent sur une sorte de belvédère et au loin ils virent pour la première fois le soleil, autant qu’ils purent ressentir la caresse de ses rayons.

Par intermittence, une cloison s’abaissait avec la rapidité d’un éclair et remontait pour se loger en haut du balcon. Le panorama disparaissait alors aussitôt avant de réapparaître. Les pourtours de cette corniche étaient garnis de filaments qu’une légère brise agitait. Alexandra s’approcha du rebord.

– Fais attention. Je ne voudrais pas te perdre ! lui dit Thibault en lâchant sa main.

L’endroit était humide et par moments un liquide salé affluait.

Deux pas encore et ils se trouvèrent au bord d’un précipice. Un garde corps relativement haut empêchait toute chute.

– Mais où sommes-nous ? Je ne comprends pas ! demanda Alexandra à son compagnon.

– Je n’en sais rien !

De partout, ils voyaient des gens qui allaient et venaient, qui s’activaient, des gens par dizaines vaquant à leurs occupations. Eux-mêmes se déplaçaient à bord de leur immeuble cité. D’imposants gratte-ciel, dans lesquels tout se reflétait, montaient vers le ciel d’un bleu infini. On aurait dit des épées d’acier défiant les dieux.

– C’est cela le monde ? C’est cela la vie ?

Donna s’était approchée.

– Oui ma belle. Ce que vous voyez s’appelle une ville et les immeubles cités sont ses habitants. Ici se trouvent la fin de votre monde et l’ouverture vers la vie, la vraie.

– La fin de notre monde ! Mais que dites-vous ?

– Ce que vous imaginiez s’achève. C’est aussi l’une des deux portes qui mènent vers l’ailleurs. Cependant, si ce sont des accès vers l’extérieur, elles ne sont ni des entrées, ni des sorties. C’est la raison pour laquelle les hommes en blanc n’ont pas besoin de venir ici. On les voit parfois mais très rarement. Leurs interventions ne sont dues qu’à des agressions extérieures provenant des balcons. Cela arrive les jours de grand vent ou quand notre hôte est fatigué. Les ennemis venus de l’intérieur sont rares ou si inoffensifs. Aucune invasion n’est à craindre ici et il est impossible d’envisager de partir. De toute façon, partir ne rimerait à rien. Il faudrait sauter dans le vide et ce serait la mort assurée. Nous tous qui sommes ici nous ne sommes rien. Vous croyez exister mais vous n’êtes que des composants d’un être vivant et sur ce belvédère, vous vous trouvez dans ses yeux.

– Ce n’est pas possible, je sais ce que je suis, objecta Thibault terrassé par ces révélations. Moi je travaillais dans le monde sans faim. Alexandra dans celui de l’énergie et nous ressentons même ce qui, je crois, s’appelle de l’amour l’un pour l’autre désormais.

– Certes mais comme moi vous n’êtes que des cellules affectées par ce corps dont vous dépendez à des fonctions très précises. Le monde sans faim n’est pas limité car il doit sans cesse alimenter le cerveau et sa créativité. Une nourriture abondante et de qualité y est nécessaire. Il se trouve assez bas dans le monde pour profiter pleinement et immédiatement des aliments dès qu’ils sont disponibles. Il est aussi proche de l’échelle nerveuse, la colonne vertébrale, dont vous avez emprunté les escaliers. Ainsi, les transmissions sont parfaites ! Le monde de l’énergie quant à lui reçoit la mission de maintenir une activité musculaire nécessaire aux efforts demandés et ils sont nombreux, parfois très soutenus et prolongés. Cela dépend de l’hôte. Je ne vais pas évoquer tous les autres mondes mais par exemple celui que vous venez de quitter, celui de la musique correspond aux deux oreilles du maître des lieux. Les tympans interdisent toute intrusion et toute fuite. Ils sont cependant parfois sujets d’agressions que la sécurité endigue.

Les deux amants s’étaient assis plus par dépit que par fatigue. Ils avaient atteint leur but. Ils en étaient privés.

– Mes enfants, conclut Donna avec une infinie bonté dans la voix. Souriez à la vie ! Peu d’entre vous parviennent jusqu’ici pour ne pas dire qu’ils n’y arrivent jamais. Vous êtes là et bien là et si vous le désirez, vous pouvez rester. Deux de plus, deux de moins, qu’importe. Vous êtes plein de ressources, je vous trouverai une tâche. Il vous appartient maintenant de faire en sorte que l’être humain dans lequel nous vivons soit heureux. Le monde de l’horizon est le meilleur des mondes. Vous verrez que vous apprécierez de venir au bord de ses yeux admirer la lune et les étoiles chaque soir.

– Et cet être humain, est-il comme nous ? A-t-il un nom ?

– À ce que je sais, certaines cellules ont moins de chance. Nous ne sommes pas égaux dans la vie. Elles se retrouvent dans des corps inintéressants, passifs, aux cerveaux privés de toute curiosité. En général, elles dégénèrent et meurent rapidement. Leur hôte n’est pas plus à envier. Par chance notre immeuble cité comme vous l’appelez s’appelle Angelina. Elle appartient à un orchestre philharmonique, elle ne cesse d’étudier, elle adore voyager, elle est sportive et en parfaite santé. Elle vivra très longtemps et vous l’accompagnerez. Jamais vous ne vous lasserez des horizons lointains qu’elle vous fera découvrir. Je vous raconterai, un jour, tous ces endroits merveilleux où nous sommes allés, tous, avec elle. Mais attention, elle est émotive et parfois au bord des larmes ; dans ses yeux, vous risqueriez d’être emportés !

 

Un manteau de nuages habilla le ciel qui se découvrit quelques minutes après. Très loin, on devinait l’océan dont les vagues déchaînées jouaient avec les teintes de bleu. L’air marin était imprégné d’iode et de senteurs de pins.

– J’oubliais. Demain, nous partons, nous nous envolons avec Angelina pour le sud-ouest de Tokyo, au Japon. Nous nous rendons au mont Fuji pour l’éclipse totale du soleil qui sera visible là-bas.

Avant de les quitter, Donna les regarda. Thibault serrait amoureusement Alexandra dans ses bras.

AUDREY DEGAL extrait de « DESTINATIONS ETRANGES », éd BoD, pages 109 à 151

 

 

 

 

 


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BONNE ANNEE 2020 !

Bonne Année, Nouvel An De L'Horloge

Nous sommes le 1er janvier 2020 et je tiens à vous souhaiter à toutes et à tous une très très bonne année 2020. 

Qu’elle vous apporte la santé, car sans elle tout devient difficile, mais aussi le bonheur, la joie, l’amour, de beaux projets, la concrétisation de vos voeux…

Que le soleil brille et réchauffe tant votre coeur que votre existence, que vos nuits soient étoilées et que ces étoiles soient vos meilleures conseillères pour guider chacun de vos pas, pour vous inspirer, pour permettre que demain soit un jour exceptionnel. 

Je vous souhaite également de belles lectures et j’espère que je contribuerai à vous divertir, voire à vous passionner encore et encore à travers les histoires que je publie sur ce site (j’essayerai de faire en sorte d’en publier davantage, pour vous !), à travers mes romans déjà publiés ou à venir, à travers les sentiments que je vous fais partager concernant mes propres lectures (tiens, j’ai fini de lire un roman ce matin, à trois heures… Je vous en parlerai), à travers aussi les films que je vais voir au cinéma… 

Enfin, je ne peux que vous remercier pour votre fidélité, pour vos commentaires, vos « j’aime » sur ce site, sur Facebook, sur Twitter… et pour l’engouement que vous manifestez pour mon dernier roman « Le Manuscrit venu d’ailleurs » qui vous séduit vraiment d’après ce que je peux  lire lorsque vous me livrez vos retours de lecture. Encore merci, merci et merci. 

Très bonne année 2020 et qu’il y en ait encore beaucoup d’autres, après, encore plus merveilleuses. 

Votre auteure : AUDREY DEGAL


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PAR PITIÉ ! … SUITE 3 (Histoire à suspense)

PAR PITIÉ ! … suite 3

Résumé de l’épisode précédent : Huis-clos abominable et particulièrement inquiétant. Que leur veulent ces hommes, leurs bourreaux. Ted a été abominablement torturé. Discuter avec les détenus permet d’en savoir un peu plus mais aussi d’avoir encore plus peur, peur d’entendre appeler son nom : Josef. Les tortionnaires jouent à désigner Josef, terrorisé.

 Josef, tu as eu peur, hein. Mais ce n’est pas ton tour. Pas encore !

Et ils s’éloignent, m’abandonnant à mes questions, à mes futures angoisses, celles de la prochaine fois où ils viendront vraiment pour me cueillir, pour me mener à l’abattoir, vivant, pour me prélever, comme disent les autres, ces rats, enfermés-là, comme moi !

Puis le rituel de l’appel recommence. Il résonne :

— Jack, c’est à toi ! Où est-ce que tu te caches ? Allez, sors du noir !

C’est lui, l’élu du jour, le candidat au massacre.

Contrairement à Ted, il se lève, péniblement certes mais, à mon grand étonnement, il précède ses deux bourreaux et les invite même à le suivre. Est-ce de la grandeur d’âme, de l’inconscience, de la soumission, du suicide ? À vous de me le dire !

Il paraît ignorer ce qui l’attend. Je me surprends à m’agiter comme une feuille secouée par un vent invisible mais violent. C’est nerveux et je n’arrive pas à me contrôler. Même mes dents claquent et je me mords la lèvre inférieure. Mince, le sang va attirer les rats, les vrais rats, ceux qui se délectent de notre chair pendant qu’on dort !

J’entends qu’on me parle.

Une ombre est étendue non loin de moi. Je ne l’avais pas remarquée.

— Jack a pété un câble, me dit-elle. Il a totalement décroché.

— Il est devenu fou ?

— Ouais, complètement dingue, confirme l’inconnu. Il faut dire qu’il ne peut plus parler.

— Ah ! Et pourquoi ?

— La dernière fois qu’ils l’ont prélevé, il est revenu avec une balafre qui lui traversait la gorge et une autre qui lui remontait du bas de ventre, jusque-là.

D’un geste, il me montre l’étendue des dégâts.

— Depuis, il est à l’ouest. Mais c’est pas le seul.

— Ah, dis-je persuadé que je viens de tomber sur l’encyclopédie vivante de l’horreur.

Observer et expliquer aux autres ce qu’il remarque, c’est peut-être ce qui aide ce gars à tenir, à survivre dans cette fosse immonde.

— Mate un peu là-bas, le gars complètement à gauche.

Je fronce les sourcils pour essayer de le voir.

— Il s’appelle Anthony.

— Et alors, quelle importance ça a ?

— Aucune mais lui, il déguste à chaque fois qu’ils le prennent et…

Je n’en peux plus d’entendre ça.

— Arrête, tais-toi ! Je ne veux rien savoir. Ferme-la, par pitié ferme-la !

— Toi, tu n’as pas encore été prélevé mais ça viendra, crois-moi !

— Tu ne peux pas te taire !

— Dis-donc, c’est toi qui m’a posé des questions. Je ne suis pas à ta botte et je parle si je veux.

Il a raison. Et puis même si ses révélations sont insupportables, parler me fait du bien et comble le vide de ma détention.

— Je m’appelle Josef. Et toi ?

— Henri. Je suis le plus ancien ici, je crois. En fait c’est Henri Désiré mais tu peux m’appeler juste Henri.

Il me tend sa main pour que je la serre, comme on conclut un pacte avec le diable. Le contact de sa peau est curieux, trop lisse. Il le sait et s’explique aussitôt.

— Ils m’ont brûlé la main, un pied aussi et d’autres partie du corps mais ces temps-ci ils me fichent la paix. Ils ont assez de nouveaux à se mettre sous la dent.

Ce qu’il me dit ne me rassure pas et vous auriez ressenti la même chose à ma place. N’est-ce pas ! Savoir que vous compatissez à ma peine, à ma douleur, que vous priez intérieurement pour que je m’en sorte – car je reste convaincu que c’est le cas, que je sortirai un jour de ce trou à rats – me donne un peu de courage, le courage qui me manquera forcément quand ils me prendront.

— Comment peux-tu supporter ça depuis si longtemps ?

— Parce que je n’ai pas le choix. Et puis j’ai cru comprendre que je suis un cas moins lourd que les autres.

— Moins lourd ! Qu’est-ce que tu veux dire ?

Il prend appui sur ses deux mains, pour se déplacer un peu et s’installer dans une position plus confortable. Qu’est-ce que je dis ? Une position moins inconfortable.

— Ils m’appellent l’escroc et il paraît que je suis un élément de moindre importance pour eux. Je les ai entendus le dire. Par contre les autres sont des cas sérieux. Alors ils trinquent.

Je me surprends à l’envier pour qu’ils m’oublient aussi, qu’ils ne m’appellent jamais mais je suis un nouveau et ils ne me rateront pas. Je me serais bien passé de la réflexion d’Henri mais voilà, il l’a faite, remuant dans une plaie que je n’ai pas encore un couteau que mes bourreaux ne manqueront pas de me planter et de retourner encore et encore dans mes plaies pour que ça fasse bien mal.

— Mais toi, comme tu viens d’arriver…

Inutile de préciser. Je l’ai déduit tout seul, je suis prisonnier, pas idiot !

J’ai presque envie de lui sauter au cou. Non, pas pour l’embrasser ! Il n’est qu’un compagnon d’infortune. J’ai plutôt envie de le tuer pour ce qu’il vient de dire, envie de lui broyer la trachée sous mes doigts. Heureusement qu’il ne lit pas dans mes pensées et qu’il ne sait pas qui je suis vraiment sinon, il tremblerait. Oui, j’ai oublié de vous le dire mais à une époque de ma vie, les gens me craignaient. Epoque révolue !

La peur de souffrir, la peur de l’instant où ils viendront me prélever m’envahit. Un vent de panique me traverse et je voudrais qu’il m’étouffe sur place, que je ne puisse plus respirer et que je meure subitement, comme ça. Je n’aurais plus besoin de trembler, plus besoin de redouter le moment fatidique qui arrivera inexorablement.

La mort ! Ça doit avoir un côté rassurant !

Mais je ne m’étouffe pas. Je respire, je suis vivant, un être vivant qui sait que le moment viendra où ils s’acharneront sur moi. Je me demande si la plus odieuse des tortures ne consiste pas dans le fait de savoir ce qui adviendra. J’ai l’impression que mon cerveau bouillonne à force de ressasser cette peur !

Mon esprit s’efforce de réfléchir, de mettre bout à bout les morceaux d’un puzzle qui ne coïncident pas. Il force les pièces, les tord, pour qu’elles s’assemblent mais elles résistent. Je ne comprends pas pourquoi je suis là !

Je tue le temps. Que pourrais-je faire d’autre ? La faim secoue mes entrailles et la soif revient peu à peu. Je me rends compte que je ne suis qu’une machine qui se résume à peu de choses : manger, boire, dormir, sont des fonctions vitales, celles auxquelles je suis réduit aujourd’hui. Le reste c’est du fard, de la poudre aux yeux : l’amour, l’amitié, ce genre de chose… Dites-moi à quoi ça me servirait maintenant ? À rien ! Je ne suis qu’un organe programmé dès la naissance pour respirer, se maintenir en vie le plus longtemps possible quelles que soient les circonstances. Et dans ces conditions, si je suis résistant, ma vie peut s’éterniser ici, hélas. Comme un épileptique, je me remets à trembler à cette perspective effroyable.

Quelle horreur ! Je n’imagine pas un seul instant que cela soit possible. Rester dans cet endroit à jamais, à leur merci et devenir une plaie putride, comme tous les autres. C’est… c’est… c’est inconcevable et en tout cas au-dessus de mes forces. Je m’égare… Je vais devenir fou.

A suivre…

Actualité : mon 4e roman est disponible, LE MANUSCRIT VENU D’AILLEURS, 420 pages.  Vous pouvez  lire la 4e de couverture ainsi que quelques extraits en cliquant sur la PAGE D’ACCUEIL de ce site. Vous trouverez au moins 5 bonnes raisons de l’acheter : plaisir de lire, suspense, Moyen Âge, mystère, rebondissements… tous les ingrédients qui vous tiendront en haleine jusqu’au bout ! 

Et ce dimanche, je dédicace mes 4 romans à Sainte Foy les Lyon, dans le Rhône, salle ellipse (en face de Calicéo), parking gratuit, entrée gratuite. Pour me trouver, c’est simple. Cherchez AUREY DEGAL. 

Bon week-end et belles lectures !

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Merci de votre fidélité,

AUDREY DEGAL


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L’ENVIE, SUITE ET FIN

Résumé de l’épisode précédent : deux femmes, Bénédicte et Maryline, sont amies mais la première même si elle est jolie souffre de la comparaison avec la seconde qui excelle dans tous les domaines et la surpasse. Bénédicte aimerait vivre la vie de Maryline. Autour d’un verre elle suggère cette idée ridicule à son amie qui rit mais accepte de prendre sa place. Après tout, c’est impossible. Elles se séparent mais lorsque Bénédicte regagne sa voiture, elle fait un malaise et s’effondre sur le trottoir. 

Un passant accourt et m’aide à me relever.

— Ça va mademoiselle ?

Il sort un mouchoir pour éponger mon front ensanglanté. Comme je suis faible, il propose de me conduire aux urgences ou de me ramener chez moi. Je choisis de lui donner mon adresse. J’espère que je n’aurais pas à le regretter car après tout je ne connais pas cet homme.

Il me demande le code de l’alarme et nous entrons dans mon appartement. Il m’installe sur mon canapé, délicatement, cale un coussin sous ma tête, puis il s’éclipse, comme s’il était chez lui. J’entends la porte du réfrigérateur se refermer et il reparaît, deux verres de jus d’orange frais à la main. Je le remercie et j’en profite pour le regarder. Il est plutôt pas mal.

— Un antalgique peut-être ? propose-t-il.

— Dans l’armoire de la salle de bains.

Quand il revient, il me tend un comprimé de doliprane avant de me prodiguer des soins.

— Ce n’est rien ! dit-il. Comment vous sentez-vous ?

— Ça va, je me remets. Mais vous vous y connaissez ?

— Je suis médecin.

— Ah, je ne pouvais pas mieux tomber.

— Si on peut dire, mais je n’ai rien fait. Le cuir chevelu saigne facilement. N’importe qui aurait pu vous soigner. Vous avez toujours mal à la tête ?

— Non, plus vraiment. Mais j’abuse de votre gentillesse. Vous êtes peut-être pressé !

— Non, répond-il, en plongeant dans mes yeux un regard puissant qui en dit long. Je peux rester si vous voulez !

Au petit matin, pendant qu’il dort encore, je m’enroule dans un drap de bain en sortant de la douche. Mon crâne est encore douloureux et je n’ai pas les idées très claires. Tout me semble étrange. Pendant que nous faisions l’amour tout à l’heure, j’avais l’impression de flotter, de ne pas reconnaître mon lit ni ma chambre mais j’ai été secouée. D’un revers de la main, j’essuie la buée accumulée sur le miroir. Et là, je me regarde comme jamais je ne l’ai fait. J’oriente mon image vers la gauche, vers la droite comme pour vérifier… Mais je n’en ai pas besoin, Nolan qui vient de se lever pour me rejoindre exprime ce qui s’est passé mieux que moi à ma place :

— Bonjour Maryline. Ça a l’air d’aller mieux ce matin.

Eros en personne est appuyé nu contre le chambranle de la porte. Il admire mon corps alors que la serviette qui m’entourait vient de glisser au sol. Il s’approche, se plaque contre moi et m’enlace. Nos visages se frôlent dans le miroir avant que nos corps ne recommencent à s’aimer. Alors qu’il est en moi, mon esprit s’échappe, appelé par une obsession merveilleuse, inimaginable qui pourtant me paraît bien réelle : je suis devenue elle, je l’ai remplacée.

Il me laisse son adresse, son numéro de téléphone et prend le mien. Il me rappellera, c’est certain.

Un café chaud en main, de ma fenêtre, je le regarde s’éloigner. Il m’envoie déjà un SMS : « je n’ai jamais vu une femme si belle. Je crois que je t’aime ! »

Je ne rêve pas. Il fait gris dehors mais ma vie est ensoleillée. Je suis devenue Maryline, je suis chez elle, je m’y sens comme chez moi. Tout semble vrai !

Mon téléphone vibre. Je décroche. C’est elle.

— Je croyais que c’était impossible ! Qu’est-ce qui s’est passé ?

— Tu regrettes ? Tu es déçue ?

— Non, je suis plutôt perdue. Je suis toi, je suis chez toi, je ne sais pas comment j’y suis arrivée mais je me sens bien. Pour le reste, je n’y comprends rien.

— Moi non plus mais c’est arrivé.

— Et toi, qu’est-ce que ça te fait d’être Maryline ?

— Comme toi, je suis bien, je dirais même extrêmement bien et surtout heureuse.

— Parce que tu ne l’étais pas avant ?

— Si, mais moins.

— Moi, être Bénédicte, ça me convient. Je me sens plus forte, épanouie ! Mais tu crois que ça va durer ?

— Franchement, j’en sais rien. Mais c’est toi-même qui a suggéré hier que ce soit définitif.

— C’est vrai. Bon, je te laisse. Je vais me plonger dans tes dossiers. Enfin dans mes dossiers. On se rappelle !

J’aurais dû me demander pourquoi elle cet échange lui convenait mais je ne l’ai pas fait. J’aurais dû trouver étrange qu’elle soit heureuse d’être moi alors que je l’ai toujours enviée mais je n’y ai pas songé. Je suis retournée dans la salle de bains pour m’enivrer de mon image, de ce corps sublime. Comment aurais-je pu deviner ce que cachait la face polie du miroir ?

*

            Seule l’issue de la vie est incertaine. J’ai revu Nolan et me suis nourrie de bonheur le lendemain et les jours suivants. J’ai vécu un rêve, éveillée. Les week-ends improvisés à la montagne, les périples à moto, l’aventure sur son voilier, seule avec lui, et plus que tout l’intensité d’être aimée.

Lorsque je plaide dans des affaires délicates, je suis d’une redoutable efficacité. Tout me paraît plus clair qu’avant, je vais à l’essentiel, on me réclame, on me paye cher, je gagne mes procès. Je suis celle que j’ai toujours voulu être.

Je rencontre parfois Bénédicte étrangement heureuse dans une vie sympathique mais plus simple. Comment ne regrette-t-elle pas ce qu’elle était ? Puis nos rendez-vous se font plus rares jusqu’au jour où…

Un taxi me mène à la clinique car je ne me sens pas très bien. Cela fait des semaines que je suis fatiguée. J’ai l’estomac en vrac, des nausées. J’ai peur. Et si tout s’arrêtait… Si je redevenais celle que j’étais que je finalement je détestais. Je perdrais Nolan…

Je paye la course, je claque la portière, les doubles portes automatiques s’ouvrent devant moi, m’avalent.

La secrétaire me reconnaît. Elle prévient aussitôt Nolan qui termine sa consultation avant de m’examiner.

— Tu es peut-être enceinte ! Calme-toi !

— J’ai fait trois tests de grossesse. Tous négatifs !

Il me fait un prélèvement de sang pour en avoir le cœur net. Nous attendons. Négatif !

— Qu’est-ce que j’ai ?

— Il faut approfondir !

Une IRM, un scanner, de nouvelles analyses et son diagnostic tombe, inimaginable, comme le couperet d’une guillotine : cancer, métastases, plus que quelques mois à vivre.

Il pleure ! Je m’effondre ! Il n’y a rien à tenter.

*

            Je suis assise à une table en terrasse, rue de la Longe, au café Fred. Le soleil brille comme jamais. Je l’attends. Je la vois arriver. Bizarre, elle est vêtue du petit tailleur Chanel que je portais ce fameux jour, quand je lui ai parlé de l’échange. Tous les regards sont braqués sur moi. Je suis très pâle mais si belle. À croire que la maladie m’a momentanément sublimée. Elle ne s’assoit même pas, m’embrasse froidement.

— Qu’est-ce que tu veux ? attaque-t-elle.

— Je veux redevenir Bénédicte !

— Pourquoi ?

— Je crois que tu le sais !

— On ne peut pas faire marche arrière, dit-elle froidement.

Comme j’ai été bête !

— Tu le savais, tu aurais dû me le dire, j’aurais pu me soigner, j’aurais pu…

Elle m’interrompt :

— Rappelle-toi : je t’ai dit qu’on perd parfois au change. Maintenant, oublie-moi !

Elle tourne les talons, s’éloigne et me raye déjà de sa vie. Elle m’efface encore une fois.

Jusqu’aux derniers moments, Nolan me comble. Je m’éteins doucement. La vie me quitte.

*

            Quelqu’un me secoue légèrement l’épaule. Je suis assise à une table au café Fred, rue de la Longe.

— Bénédicte ! C’est moi, Maryline. Tu es sûre que ça va ? me dit-elle, penchée au-dessus de mon visage.

— Oh oui, ça va très bien. J’étais simplement perdue dans mes pensées ! En t’attendant j’imaginais des tas de choses.

— Et à quoi pensais-tu pour être si absorbée ?

— À rien et je ne veux pas parler de mon absence.

— OK. Pour savoir ce qui t’est arrivé il faudrait donc qu’on échange nos vies et que…

Je l’interromps comme apeurée :

— Non, surtout pas ! Restons-nous-mêmes !

 

FIN

Mon 4e roman, LE MANUSCRIT VENU D’AILLEURS sort enfin. Oui, j’ai tardé mais les bonnes choses se font généralement attendre, n’est-ce pas. Il est entre les mains de l’éditeurs qui finalise. je ne manquerai pas de vous indiquer sa date de disponibilité chez les libraires mais le référencement sur les plateformes de vente prend parfois du temps. Un peu de patience encore. 

Rappel : les titres et résumés de mes 3 premiers livres, LE LIEN, DESTINATIONS  ETRANGES, LA MURAILLE DES ÂMES, se trouvent en page d’accueil ou dans « mes thrillers publiés ». N’hésitez pas à vous les procurer en les commandant en librairie. Vous ne serez pas déçus, le suspense y règne en maître !

Prochain article : un film que j’ai adoré et un livre pas mal du tout ! Soyez au rendez-vous et partagez cet article. Vous pouvez cliquer sur « j’aime », laisser un commentaire, en parler à vos amis. Le bouche à oreille, c’est vous ! Mon succès dépend de vous et je vous en remercie. 

AUDREY DEGAL

 


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NYMPHEAS NOIRS, BUSSI

Bonjour à toutes et à  tous, 

Avant de vous livrer la fin de la nouvelle « L’Envie », que vous avez trouvée haletante – je vous promets qu’elle ne va plus tarder – je voulais vous parler de certaines de mes lectures car j’ai tellement lu de livres…  Or, si j’ai constitué une petite pile des élus dont je veux vous parler, juste derrière moi et  le bureau d’où j’écris mes articles sur ce blog, je n’ai pas pu résister : il fallait que je vous présente NYMPHEAS NOIRS, de Bussi. 

Pourquoi me direz-vous ? Parce que je décerne la palme d’or des romans que j’ai lus (et ils sont extrêmement nombreux), oui, oui, la palme d’or ! Il est tout à la fois : captivant, intéressant, original, enrichissant culturellement parlant… Certes, j’ai deviné la fin ( aux 2/3 du livre environ) avant de la lire mais je crois que c’est à cause de mon imagination débordante et du fait que moi aussi je suis auteure à suspense. Cependant, cela n’a en rien gâché mon plaisir. Le récit alterne magnifiquement dialogues, descriptions ténues et utiles, rebondissements, analepses, narration… Donc, avant de vous dire de quoi il retourne – mais rassurez-vous, comme d’habitude je me limiterai à l’essentiel pour préserver votre plaisir de lecture – vous vous doutez que je recommande cette lecture, tout comme je vous invite à lire mes romans qui ne sont pas en reste côté suspense notamment « LA MURAILLE DES ÂMES » que mes fidèles lecteurs dévorent en 2 à 3 jours. 

Donc, NYMPHEAS NOIRS, de quoi s’agit-il ? 

Eh bien l’incipit est intrigant en ce qu’il vous présente 3 femmes qui n’ont, semble-t-il, rien à voir les unes avec les autres et qui cachent un secret. Avouez que je pique déjà votre curiosité. Nous découvrons ensuite la narratrice qui est l’une d’elle, une vieille femme puis une jeune et séduisante institutrice dont tombe amoureux le policier chargé de l’enquête et enfin une fillette. Un meurtre a été commis dans la petite bourgade de Giverny, haut lieu de la peinture des impressionnistes en son temps et lieu de pèlerinage des amoureux des arts de nos jours. Or dans le passé, un crime presque identique a eu lieu. Pourquoi une telle similitude dans ces morts suspectes alors que le temps a creusé une fossé entre elles ? C’est a priori inconcevable ! La vieille femme a vu et sait bien des choses et paraît presque machiavélique. L’institutrice, femme mariée, suscite la jalousie de son époux bien évidemment et la fillette qui semble douée pour la peinture, souhaite participer au grand concours annuel encouragée par un ami mais pas par tous. Elle côtoie un peintre qui l’encourage dans cette voie. La fillette et le peintre forment une étrange association qui ne plaît pas à tous. On les observe, on veut leur nuire. Qui et pourquoi ? Le policier de son côté piétine un peu en matière criminelle mais pas sentimentalement puisqu’il parvient à séduire la belle institutrice qui veut fuir avec lui loin de sa triste vie. Mais eux aussi sont sous surveillance et rien ne sera simple. Ah, j’oubliais de vous parler du chien, personnage à part entière, attachant, qui a son rôle à jouer ! 

Je ne vous en dirai pas davantage si ce n’est : lisez ce beau roman et laissez-vous bercer par l’intrigue. Vous pousserez aussi la porte des impressionnistes ce qui ajoutera à votre plaisir. 

Bonne lecture à toutes et à tous. La fin de « L’Envie » sera en ligne sur ce site très bientôt et les abonnés  en seront informés. Je vous glisserai aussi les premières pages de mon roman « LE MANUSCRIT VENU D’AILLEURS » qui arrive enfin et je vous ferai part de mes autres lectures parfois intéressantes, d’autres fois, un peu moins. 

Bel été ! 

Votre auteure : AUDREY DEGAL

 


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L’ENVIE

L’ENVIE

 

J’ai toujours aimé le prénom de mon grand-père : Emmanuel. C’est moderne, avec un côté séducteur. Ma grand-mère s’appelait Marie. Joli prénom, divin, oserai-je dire !

Mais moi je m’appelle Bénédicte. Je déteste, vous vous en doutez ! Ça fait banal, ça fait vieux, ça fait… enfin, j’ai toujours exécré ce prénom. Pourtant j’ai fait avec, du moins pendant un certain temps. N’allez pas vous imaginer que j’ai changé de prénom en chemin ! Non, ce serait trop simple. Quel manque d’originalité ! Non, vous dis-je. J’ai eu une autre idée, un autre plan qui allait changer mon destin, qui l’a changé mais pas comme je l’imaginais !

 

            Je devais avoir deux ans. J’étais assise dans un bac à sable et mon seau a rencontré Maryline. Ou plutôt c’est elle qui s’en est emparé. Elle a aussi pris ma pelle et a fait des pâtés, de beaux pâtés, parfaitement moulés, mieux que les miens.

            Nos mamans s’appréciaient et nous nous sommes revues régulièrement. Maryline était gentille et nous sommes devenues comme deux sœurs. Elle partageait ses jouets avec moi, ses goûters avec moi, elle se privait même parfois, juste pour moi. Déjà, elle avait le cœur sur la main.

            Sur les bancs de l’école – enfin, il s’agit de chaises maintenant – nous étions assises à côté l’une de l’autre. Toujours ensemble aux récréations, mêmes jeux, mêmes copains mais pour célébrer les anniversaires c’était elle qu’on invitait la première. Moi aussi j’avais droit à mon carton mais parce que j’étais la meilleure amie de Maryline. Pas parce que j’étais moi.

            Au lycée rien n’a pas changé, pas plus qu’à la faculté et aujourd’hui, à 30 ans et des poussières ni elle ni moi ne sommes mariées. Pas le temps ! Nous sommes avocates. Je ne vous ferai pas l’offense de vous dire laquelle a le plus brillé à l’examen du barreau !

            Nous n’avons jamais habité très loin l’une de l’autre et quand nous nous donnions rendez-vous, j’arrivais systématiquement la première, juste pour voir approcher sa longue silhouette fendant l’air comme s’il la caressait. Elle avançait d’un pas à la fois assuré et nonchalant, accompagné d’un savant balancement des hanches qui la rendait encore plus désirable. Je l’étais moi aussi mais pas autant.

            Quand nous sortions le soir, ses mini-jupes mettaient en valeur ses jambes interminables, sculptées par la pratique du sport et tous les garçons la dévoraient du regard. Moi aussi, mais moins. Elle m’effaçait, comme si je n’étais qu’une esquisse sur la planche d’un dessinateur de B.D. Une gomme entre ses doigts et mes formes les plus voluptueuses disparaissaient tandis que de l’autre main il accentuait les siennes, à l’excès. Même Lara Croft aurait nourri des complexes à côté de Maryline, Maryline la femme bien réelle, Maryline qui jouait avec dextérité de l’adjectif « parfaite ».

            J’aurais pu être jalouse, vous vous en doutez ! Avouez que j’avais l’embarras du choix quant aux raisons. Eh bien non, cela ne m’a jamais effleurée. Je l’ai toujours trouvée belle, bien plus belle que moi, intelligente, bien plus intelligente que moi, brillante, bien plus brillante que moi jusqu’au moment où, sans me l’expliquer, je me suis sentie meurtrie, déchirée, dépossédée de moi-même.

            J’ai refusé de la voir pendant des jours, des semaines, des mois. Elle ne comprenait pas pourquoi, ni ce qui se passait. Comment lui dire que je souffrais de la voir si parfaite ? Oui, moi aussi je suis belle ! Oui, j’ai un QI au-dessus de la moyenne ! Non, je n’ai pas à me plaindre. Et pourtant ! Je suffoquais sous sa supériorité, sous sa beauté, sous elle.

            Alors comme on prend un train, un avion pour disparaître, pour tourner une page qui est restée trop longtemps figée, je me suis engouffrée dans une brèche et quelle brèche ! Un abîme insondable, l’antre d’un univers dont on peut ne jamais revenir.

*

            — Maryline, c’est Bénédicte !

            — Bénédicte ! Qu’est-ce qui t’est arrivé ?

            — Rien. On peut se voir ?

            — Évidemment. Mais avant promets-moi que tu ne me referas jamais une peur pareille. Je me suis fait un sang d’encre !

— J’avais simplement besoin de couper, de faire le point mais je vais bien !

            — Bon, tant mieux. Ce serait bien qu’on se voie pour en parler. Dis-moi où et quand, je m’arrangerai. Je suis tellement contente de t’avoir au téléphone !

            — Dans une heure si tu veux, rue de la Longe, au café Fred. J’ai quelque chose d’important à te dire.

            — J’y serai. À tout à l’heure. Bisous.

            Bien sûr j’arrive avant elle. Elle approche. Elle est vêtue d’un jean et d’un tee-shirt banal et pourtant elle ressemble à un top-modèle en plus charnel. Encore une fois, elle rayonne. Moi, je porte un petit tailleur cintré de la marque Chanel qui, c’est vrai, me met en valeur. Enfin, ce serait le cas si elle n’était pas à mes côtés.

            Elle se penche vers moi pour m’embrasser et aussitôt elle capte tous les regards. À cet instant précis, je n’existe plus, je disparais. Un garçon prend la commande. La sienne d’abord, la mienne après et dès qu’il s’éloigne elle me dit :

            — Si tu savais ! Comme tu ne répondais plus, je me suis fait plein de scénarios.

            Elle croise, décroise ses jambes, passe sa main dans ses longs cheveux ondulés. Je me demande si elle n’est pas encore plus belle que la dernière fois. Je lui dis qu’on parlera plus tard de mon absence, que j’ai quelque chose d’important à lui demander. Elle n’insiste pas, me regarde droit dans les yeux et ajoute :

            — Pas de problème !

            — Ce que j’ai à te dire est particulier, tu sais !

            Elle fronce les sourcils mais même cette expression la sublime. Je me lance. Je dois le lui demander, je suis venue pour ça.

            — Si tu pouvais devenir moi et que moi je pouvais prendre ta place, tu accepterais ?

            Elle sourit, amusée. Elle ne s’attendait probablement à ce que je lui dise cela.

            — Oui, on est toutes les deux avocates même si tu gagnes un peu moins que moi, ironise-t-elle.

            — Je ne parle pas de ça ! Si je pouvais me glisser dans ta peau, vivre ta vie, être toi tandis que tu vivrais la mienne…

            — Ah, je comprends. Mais c’est impossible !

            Elle rit, à la fois sincère et perplexe. J’insiste.

            — Machiavel a dit : « Rien n’est impossible à qui veut fermement. » Alors, tu accepterais ?

            — Machiavel c’était en 1515 et ceci ne peut pas arriver. En plus, je ne vois pas pourquoi tu voudrais changer ta vie pour la mienne ! On sait ce que l’on perd mais pas toujours ce que l’on gagne ! Je trouve que tu es bizarre.

            — Drôle d’idée ou pas, c’est oui ou c’est non ?

            Elle réfléchit et finit par dire :

            — Oui, pourquoi pas mais je ne suis pas sûre que tu gagnerais au change.

            Le garçon dépose son verre de whisky sur la table, devant elle, avec un biscuit, un carré de chocolat noir à 90 % et une petite serviette. Il laisse pour moi une vodka orange, sans rien d’autre. Je crois qu’il a oublié l’accompagnement. Ah si, il me tend quelque chose : la note. Je ne dis rien. J’ai l’habitude.

            Maryline ne s’est pas aperçue de la joie qui s’est emparée de moi quand elle a dit oui. J’ai vaguement souri, j’ai prié intérieurement mais elle ne peut pas le savoir. Lorsque nous nous sommes quittées, elle a ajouté :

            — Et ce serait pour toujours bien sûr !

            C’est curieux qu’elle en ait reparlé ! Elle m’a embrassée avec la promesse de me revoir très vite puis elle a disparu dans son coupé bleu avant de tourner à l’angle de la rue en faisant légèrement crisser ses pneus sur le bitume.

            Je repense à tout ça : et si c’était possible ! C’est ridicule, inutile de me torturer. Je sors un billet que je pose sur la table, je me lève et je pars sans attendre la monnaie.

            Je cherche ma voiture des yeux. Elle n’est nulle part. Pourtant je suis certaine de m’être garée devant cet hôtel dont l’enseigne abimée clignote. Je me rappelle aussi l’employé qui fumait sur le pas de la porte, enfin je crois. Ou alors c’était ailleurs. Mon esprit se brouille, ma tête tourne, je crois que je vais tomber, je chancelle et je finis par m’effondrer sur le trottoir.

 

La suite de cette nouvelle à suspense très bientôt. En attendant je vous prépare aussi quelques résumés des nombreux livres que j’ai lu et certains étaient passionnants. 

N’hésitez pas non plus à partager cet article et ce site et à lire mes romans déjà publiés (voir en page d’accueil) car le prochain, LE MANUSCRIT VENU D’AILLEURS ARRIVE très bientôt. Si vous êtes abonnés à ce site vous en serez informés. Avant sa sortie, je vous glisserai les premières pages, celles du premier chapitre, qui ne manqueront pas de vous intéresser. 

Merci de votre fidélité.

PASSEZ UN TRES BEL ETE.

AUDREY DEGAL

 


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J’ai lu « Purgatoire des innocents »

J’ai terminé ce roman de Karine Giebel depuis quelques mois déjà et je saute aujourd’hui sur mon clavier pour vous en parler. 

C’est un livre très noir qui porte par conséquent fort bien son titre. 

Il m’a intriguée au début. L’histoire : Raphaël, un braqueur, son jeune frère William et 2 complices se réfugient chez Sandra, une jeune femme vétérinaire car l’un d’eux est grièvement blessé. Leur plan a mal tourné. Toutefois, et c’est là que je trouve l’écrivain très imaginative et brillante, la « belle » Sandra est étrange, presque inquiétante. Prise en otage, malmenée, elle craque parfois mais se reprend et ne semble pas vraiment avoir peur ou craindre les intrus qui ont envahi sa vie. Elle est mariée, à un gendarme, dit-elle, qui devrait rentrer d’un jour à l’autre. Cela n’arrange pas les voleurs, vous vous en doutez. Et ce qui devait arriver arrive : le mari rentre, peu troublé pas ces étrangers chez lui. Que cache-t-il ? Personnellement j’ai immédiatement su quel était son secret. L’intérêt de l’histoire ne réside pas là mais plutôt dans la façon dont les 4 braqueurs, qui ne sont plus que 3 d’ailleurs, et le couple vont se comporter. Quand des êtres malsains en côtoient d’autres, comment cela peut-il s’achever ? Eh bien lisez car c’est intéressant et bien tourné. Le lecteur se prend finalement de sympathie pour Raphaël et William, des bandits. Pourquoi ? La réponse se trouve entre les lignes. 

Cependant, une histoire parallèle se développe, qui intéresse probablement beaucoup de lecteurs friands de choses terribles mais j’avoue que personnellement j’ai du mal avec les récits de torture et de pédophilie. Du coup, j’ai laissé tombé le livre  quelques semaines, car cela me retournait. Le suspense reste toutefois là et l’intrigue est palpitante jusqu’au bout. Oui, Karine Giebel conçoit des récits extraordinaires mais il faut aimer lire des récits dérangeants, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. Donc vous êtes prévenus : Récit palpitant : oui. Intrigue intéressante : oui. dénouement apprécié : oui. je vous recommande cette lecture . MAIS : âmes sensibles s’abstenir ! 

Prochainement un autre résumé d’un roman que je viens de finir en attendant la sortie du mien LE MANUSCRIT VENU D’AILLEURS qui vous passionnera, j’en suis sûre ! Et pour ceux qui ne l’ont pas lu, procurez-vous mon roman policier LA MURAILLE DES ÂMES, au suspense inouï garanti.

 

Merci pour votre fidélité

AUDREY DEGAL


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Salon du livre d’Attignat

Bonjour à toutes et à tous,

Le soleil est toujours là bien que nous soyons presque fin octobre. J’espère que vous profitez de cet été indien qui, s’il fait souffrir la nature, réchauffe le coeur des hommes et donne bon moral. J’espère aussi que vous lisez toujours autant, qu’il s’agisse de mes histoires, de mes romans ou d’autres lectures.

Les histoires que je publie sur ce site se font plus rares( et j’en suis désolée) car il est difficile de concilier vie professionnelle, vie d’auteure et vie familiale. Il faut aussi savoir respirer et souffler un peu. Je n’ai pourtant pas délaissé ce site et très bientôt je vous ferai profiter d’un nouvelle policière que je viens d’achever, juste pour vous, en même temps que je terminais le dernier chapitre de mon prochain roman dont le titre est enfin arrêté : « Le Livre inachevé » Il s’agit d’un thriller fantastique où le Moyen Âge fait irruption dans le présent, malmenant au passage les deux personnages principaux aux vies bien étonnantes. 

Très rapidement un cinquième livre sortira, déjà prêt, « Rencontre avec l’impossible ». Il a pris du retard ( je l’annonçais début 2018) mais c’est parce que « Le Livre inachevé » a pris sa place et l’a un peu bousculé.

Maintenant que vous savez tout, voici l’actualité toute chaude : je serai au salon du livre d’Attignat (où j’ai gagné le 1er prix du policier l’an dernier), dans l’Ain, dimanche 14/10/2018 toute la journée. N’hésitez pas à venir me rencontrer. L’entrée est gratuite, le parking facile et il y a beaucoup d’auteurs (environ 90). Je pourrai vous dédicacer mes livres («  La Muraille des âmes », « Destinations étranges » et « Le Lien ») en attendant de vous montrer la couverture mystérieuse du tout dernier qui sera bientôt sous presse : « Le Livre inachevé ».

Bon week-end à toutes et à tous, merci pour votre fidélité et à très bientôt sur ce site pour lire en ligne la dernière nouvelle policière que je publierai. 

Amitiés,

Audrey Degal.

 


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LA DEMOISELLE INACHEVEE, suite et fin

Résumé de l’épisode précédent : C’est l’anniversaire de Mathilde et ses amis lui offrent l’annexe immobilière qu’elle voulait acheter pour ouvrir sa pâtisserie chocolaterie. Mathilde a réussi dans la vie et elle se double d’une bonne vivante qui aime bien manger. Mais elle est seule, dans sa grande propriété et si elle le cache aux autres, elle souffre intérieurement d’un mal qui la ronge : elle se déteste. Elle déteste ses rondeurs, son corps qui s’est alourdi au fil des années car elle ne parvient pas à se maîtriser : elle aime les bonnes tables et ne se prive de rien. Ce goût irrépressible pour la nourriture la poursuit même dans ses rêves où elle se voit éclater à cause de ses excès. Sourire à la vie devient très difficile pour elle désormais !

          Un klaxon de type italien résonna à deux reprises, réveillant Mathilde en sursaut. La Cucaracha annonçait Denis et ses plaisanteries. Il était 15 heures. Il coupa l’alarme de la grande bâtisse qui s’activait automatiquement chaque nuit. Il ouvrit avec sa clé et entra comme s’il était chez lui. Mathilde l’adorait : gentil, toujours là quand il fallait, doué et réputé en cuisine, l’ami parfait !

            — Encore au lit ! Allez, debout. On a une dure journée.

            Mathilde, couchée à plat ventre, saisit l’oreiller et le rabattit sur sa tête tandis que le visiteur ouvrait les rideaux de taffetas et qu’un soleil sans-gêne pénétrait dans la pièce.

            — Oh non, protesta la jeune femme aux paroles étouffées par le matelas. Pas déjà !

            Denis repéra des traces et des résidus de maquillage dans les plis de l’oreiller.

            — Tu as encore pleuré !

            — Ne m’embête pas avec ça ! C’est mon problème !

            — Je refuse que tu te laisses aller. Tu ne peux rien changer à ce qui s’est passé. Tu dois tourner la page et aller de l’avant, Mathilde. À quoi bon te torturer ?

            Toujours cachée par le coussin, elle l’écoutait mais refusait de répondre. Il reprit :

            — Tu es la meilleure pâtissière qui soit, ta notoriété monte en flèche et ta réputation commence à te précéder. Pourquoi cherches-tu encore à te punir face au succès.

            Il la connaissait parfaitement et savait comment elle réagirait. Elle émergea, le teint brouillé, pour lui dire :

            — Je n’arrive plus à me maîtriser. J’avale tout ce qui me tombe sous la main et dans mon métier, c’est pire encore ! La nourriture m’entoure : les épices, les fumets, le thym, la coriandre, le gibier. Entre le piquant et l’acidité, mes papilles ne balancent pas, elles prennent tout. Les fromages m’appellent, les fruits, les lasagnes au safran, les tiramisus à la pistache, les vins, les champagnes… Je ne peux plus résister.

            Il s’approcha pour la consoler. Il plaqua la longue chevelure emmêlée de Mathilde contre lui et se mit à la caresser.

            — Ne pleure pas. Je suis là, avec toi. Je sais que ce que tu traverses est difficile et je ne t’abandonnerai jamais. Personne n’aurait imaginé ce qui t’est arrivé il y a huit mois, quand tes…

            Mathilde posa sa main sur la bouche de Denis pour l’empêcher de parler.

            — Tais-toi ! Je ne veux pas en entendre davantage. Cela me fait souffrir et tu le sais. Mais regarde-moi, Denis ! Je ne suis plus moi-même. Je suis devenue un monstre de gourmandise qui ne sait même plus ce que signifie déguster ou apprécier.

            — Chut, intervint-il avec douceur. Écoute-moi ! Tu vas te reconstruire mais il faut du temps et de la patience pour cela. Tous tes amis sont là pour toi. Nous ne te laisserons pas tomber, Mathilde. Tu détestes les miroirs, couvre-les au lieu de les briser. N’ajoute pas du malheur au malheur ! Tu as besoin d’aide. Je vais t’aider !

*

            — Bonjour mademoiselle Delacour. Avez-vous passé une bonne nuit ? demanda l’infirmier.

            — Où suis-je ? interrogea-t-elle en se redressant sur un lit étroit aux draps blancs immaculés.

            — Je crois qu’il va falloir réduire les somnifères que vous prenez ! Vous avez toujours du mal à émerger, le matin.

          — Des somnifères ? Mais de quoi parlez-vous ? Et qu’est-ce que j’ai au bras ?

          L’infirmier la fixa de ses yeux noirs. Il émanait de sa personne autant de charisme que de douceur.

            — Une perfusion, depuis votre arrivée, ajouta-t-il. Mais comme vous allez mieux je suis venu l’enlever.

            — Une perfusion, pourquoi ? Où sont mes amis ? Où est Denis ?

            — Vous ne vous en souvenez pas ?

            — Non. Je suis totalement perdue. Que se passe-t-il ?

            Le soignant se posa un instant au bord du lit. Il prit la main de Mathilde dans la sienne et commença à lui expliquer :

            — Voilà. Depuis la mort de vos parents, dans un accident de voiture, vous avez déclenché une forme d’amnésie partielle et heureusement momentanée ainsi qu’un trouble prononcé de l’alimentation.

            — Ҫa, je le sais. Je ne cesse de manger, ironisa-t-elle tandis qu’elle se rappelait l’accident qui l’avait traumatisée.

            — Ne m’interrompez pas, s’il vous plaît. Vous allez comprendre.

            Et il poursuivit :

          — Contrairement à ce que vous croyez, vous n’êtes pas devenue boulimique et la gourmandise vous écoeure particulièrement. Vous la fuyez.

            — Qu’est-ce que vous me chantez-là ?

            — Vos amis ont craint pour votre santé car suite au traumatisme subi, vous êtes devenue anorexique. Regardez vos bras !

            — Justement, ils sont bien potelés !

            — C’est un des problèmes de cette maladie. Vous vous voyez ronde alors que votre maigreur vous met en danger. Vous avez l’impression d’être inachevée !

            — Mais…

            — …laissez-moi finir ! Dans ce centre spécialisé, vous ne rencontrerez aucun de vos proches avant d’être rétablie. Cela fait partie du protocole et c’est un gage de réussite. Or, depuis votre admission, vous avez repris du poids, six kilos. C’est considérable et bon signe !

            Mathilde ouvrit de grands yeux et resta bouche bée. Elle aurait voulu crier, protester, nier ce que cet homme venait de lui dire mais en regardant à nouveau son corps, elle finit par voir qu’elle était maigre. Une autre version d’elle non pas ronde mais longiligne !

            — Et la pâtisserie chocolaterie que mes amis m’ont offerte, je l’ai aussi inventée ?

            — Oui, vous avez été admise peu après l’accident et chaque nuit vous faites le même rêve que vous me racontez : une soirée d’anniversaire bien arrosée, plaisanta l’infirmier. Bon et maintenant, qu’est-ce que je vous sers ?

            — Je crois que j’ai faim. J’aimerais bien tirer un trait sur le passé et créer  un dessert qui me ressemblerait.

            —Très bien et comment appellerez-vous cette création ?

            — La demoiselle inachevée !

FIN.

En ce début 2018, faites- moi aussi un  petit plaisir, votre bonne action de tout début d’année : pensez à vous abonner à ce site puisque vous l’appréciez. Vous ne recevrez aucune publicité, je vous l’assure ! Faites le connaître autour de vous, faites aussi connaître mes romans. Vous êtes ma meilleure publicité. Je compte sur vous comme vous comptez sur moi pour vous écrire encore de nouvelles histoires gratuites. Encore une fois bonne année !

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Enfin MERCI à CELLES ET CEUX qui ont lu ces livres et qui ont posté des commentaires sur Amazon notamment, sur Decitre, sur d’autres plateformes (GOODREADS) ou qui en recommandent la lecture sur les réseaux sociaux. C’est fondamental pour moi et permet de me faire connaître. 


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LA DEMOISELLE INACHEVEE, 1ère partie

La Demoiselle inachevée

— Joyeux anniversaire, joyeux anniversaire, joyeux anniversaire Mathilde, joyeux anniversaire !

Dès les dernières notes fredonnées, elle avait soufflé les bougies érigées comme des tourelles sur un château de la Renaissance. Les trente flèches dressées fièrement vers le plafond de la salle louée pour l’occasion s’étaient éteintes au même moment et on avait rallumé les lumières pour apporter les cadeaux.

Mathilde souriait. Elle ne s’attendait pas à tant d’attention de la part de ses amis surtout depuis… Non ! Elle refusait d’y penser. C’était un jour de joie à savourer auprès de ceux qui la chérissaient.

Devant elle, des montagnes de paquets colorés, des grands, des petits. Elle s’en approcha et releva les pans de sa robe de cocktail pour mieux avancer. Le sol était glissant, ses talons trop hauts et elle avait l’impression de marcher sur des œufs.

— Je ne sais par lequel commencer, lança-t-elle tandis que tous les regards se braquaient sur sa personne.

— Prends n’importe lequel ! suggéra Noé.

La jeune femme en souleva un dans ses mains. Il paraissait léger. Elle en soupesa un second. Il aurait rivalisé avec une plume. Elle se fraya un passage parmi les paquets empilés pour en attraper un autre, bien plus gros. Son poids était infime.

— À quoi est-ce que vous jouez ? Je parie qu’il y a anguille sous roche !

— Et tu vas nous la cuisiner ! renchérit Denis selon son habitude.

Mathilde se doutait que cette mise en scène cachait un stratagème élaboré. Elle soupesa encore quelques paquets. Ils paraissaient tout aussi vides. Doucement, elle se mit à les écarter et, au bout de quelques minutes, elle repéra une minuscule boîte qui attendait, docilement, sous une cloche transparente. Elle s’en empara cérémonieusement comme d’un objet mystique. Elle l’ouvrit et sortit un papier plié, déposé dans un écrin de velours bordeaux. Elle le déplia et lut :

« Mathilde Delacour, à ce jour, vous êtes l’heureuse propriétaire de l’annexe située 12 place de la République où vous pourrez ouvrir votre pâtisserie chocolaterie ».

Émue aux larmes, elle faillit vaciller mais se surprit à sourire à ceux qui l’entouraient et qui lui offraient ce local.

— Le gâteau ! réclamèrent les convives à l’unisson.

 Mathilde remercia ses amis puis, d’un revers de la main, elle essuya les perles d’eau salée qui glissaient le long de ses joues. Elle prit le couteau et la pelle qu’on lui tendait et découpa précautionneusement la pièce montée.

 Elle avait toujours été d’une gourmandise absolue et tout en s’interrogeant à propos des cadeaux, elle n’avait pu s’empêcher de dévorer des yeux ce dessert qui l’attendait. Ses proches l’avaient choisi en fonction de son goût immodéré pour le chocolat, la ganache, les macarons, les calissons et le nougat. Ils voulaient la combler. Elle en avait besoin. Tous le savaient. Elle avait servi les autres et s’était servie, resservie, copieusement, trop peut-être. Il était cinq heures du matin quand Noé la raccompagna chez elle, dans sa grande maison vide.

— Des projets pour demain ? lui demanda-t-il.

— Pour l’instant, prendre un bon bain et dormir. Le reste, je verrai après.

 La voiture de sport l’abandonna sur le perron, fit demi-tour sur le gravier de la cour intérieure et disparut dans la nuit.

 Dix minutes plus tard, Mathilde se posta devant sa chaîne hi-fi pour la programmer. Si elle appréciait à l’excès la bonne chair, la jeune femme était aussi friande de musique. Des mélodies classiques en passant par le rock, elle aimait tout. Il était impensable pour elle d’entendre un air sans se le procurer aussitôt. Elle ne comptait plus ses soirées passées dans les auditoriums à se délecter des plus célèbres symphonies ni celles consacrées à scruter la toile pour dénicher le dernier concert des groupes qu’elle adorait. De Rome en Italie en passant par Reykjavik en Islande, Oslo en Norvège ou encore Los Angeles aux États-Unis, elle voulait s’imprégner, jusque dans ses gênes, de ces ambiances dont elle raffolait, de ces notes suaves, revigorantes et exceptionnelles qui flattaient son esprit autant que le chocolat son palais. Dans la vie, Mathilde se régalait de tout !

 Et cela se voyait. Elle avait fait installer son jacuzzi dans une pièce totalement dédiée à la détente. Sur les murs, des miroirs, témoins muets, lui donnaient l’impression qu’elle était entourée du monde qui lui manquait. Mais ce n’était pas le seul message silencieux qu’ils délivraient. Incapables de mentir, lorsqu’elle s’y reflétait, ils lui assénaient toujours le même leitmotiv : « gourmande que tu es ! Tu as encore grossi ! ».

 Ce soir-là, plus encore que les autres, ces surfaces froides et insensibles ne cessaient de lui répéter qu’elle avait trop profité de ce copieux repas comme des précédents. Ses joues chantaient sa gourmandise. Ses épaules moelleuses racontaient la richesse des entrées qu’elle avait appréciées. Sa taille lui répétait que la sauce forestière qui accompagnait la viande était une réussite tandis que ses hanches, pourvues de poignées d’amour inutilisées, fredonnaient une litanie faite de magrets de canards, de pommes de terre rissolées et de délicates bouchées au foie gras. Enfin, ses cuisses rondes grignotées par des îlots de cellulite étaient à elles seules un hommage aux métiers de bouche, à leur savoir-faire inépuisable et à leurs secrets.

 Mathilde prit un des objets qui reposait, parmi d’autres, sur les rebords du SPA et le lança violemment en direction des miroirs. Plusieurs se brisèrent, démultipliant désormais au sol sa silhouette qui s’y reflétait désespérément.

 — Je vous hais ! lança Mathilde.

 Je me hais ! pensa-t-elle, le regard mauvais.

Qu’y pouvait-elle ? À la tête de la plus prestigieuse table de la ville, elle se donnait corps et âme à ce qui se mangeait. Et ce soir-là, ses proches venaient de lui offrir une extension de son activité.

Elle avait menti en prétendant qu’elle ne pouvait se l’offrir, prétextant qu’il lui manquait toujours quelques deniers, qu’elle avait fait de mauvais placements en bourse… En fait, elle tentait de résister. Et voilà que ceux qui l’avaient toujours soutenue, lui apportaient sur un plateau l’annexe tant espérée, l’annexe tant redoutée. Ils avaient probablement emprunté pour elle. Ils voulaient la combler, lui permettre d’oublier, lui ouvrir de nouvelles perspectives…

  Plongée dans le bain chaud, dont les bulles masquaient son corps, elle s’imaginait concoctant ses plus prodigieux entremets : son 2000-feuilles souvent copié, jamais égalé, son Absolu citron meringué qui lui avait permis d’être remarquée, sa Banquise au caramel et beurre salé qui l’avait consacrée… Pour réussir, pour innover, pour créer il lui fallait impérativement être gourmande. Et elle l’était. Seul un « hélas » était venu s’ajouter, lancinant, impoli, agressif mais tu par nécessité.

 Un lit immense l’accueillit finalement au petit matin. Elle s’y réfugia, enveloppée dans son peignoir encore humide qu’elle avait refusé de quitter. Le visage poupin immergé dans son oreiller de soie, elle avait pleuré avant de sombrer dans des rêves sombres et peut-être prémonitoires. Elle se voyait à la tête de sa nouvelle enseigne « Mathilde Delacour, pâtissier-chocolatier », rivalisant avec les plus grands : Fauchon, Peltier ou Larher. En devanture, une queue sans fin de gourmands, jamais rassasiés, tenait davantage du boa constrictor. Le serpent, crocs sortis, voulait l’avaler. Puis cette vision cauchemardesque déboucha sur une nouvelle, encore plus angoissante. Les clients, qui entraient dans sa pâtisserie, étaient des gloutons qui se goinfraient de façon anarchique et n’appréciaient rien. Comme ils souffraient d’agueusie, ils saccageaient sa boutique et avant de partir, ils l’obligeaient à finir leurs restes. Aucune trace de leur passage ne devait subsister. Elle se mettait ensuite à grossir et à gonfler à tel point qu’elle était obligée de sortir. Une fois dehors, elle s’envolait, comme un ballon de baudruche rempli d’hélium et finissait par éclater.

Elle se réveilla en sueur, persuadée que ces songes étaient des présages et qu’ils contenaient implicitement des conseils avisés : elle devait maîtriser sa gourmandise ! Facile à dire mais difficile à appliquer !

A suivre…

Merci pour votre fidélité. 

Vous trouverez en page d’accueil toutes les références de mes livres que vous pouvez vous procurer en ebook ou en livre papier. 

Audrey Degal


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VERTIGE, Franck Thilliez

Chers lecteurs,

Comme je le fais souvent et parce que les écrivains sont très souvent des lecteurs assidus, j’ai lu pour moi et donc pour vous VERTIGE de F. Thilliez.

En fait j’ai découvert cet auteur à cette occasion et ce qui a fait que je me suis tournée vers lui, c’est l’engouement que manifestaient certains lecteurs devant son oeuvre. J’ai donc acheté VERTIGE et d’autres titres puisqu’en général je parcours toutes les oeuvres d’un auteur afin de me faire une idée plus précise sur ses écrits.

J’avoue avoir été happée par l’incipit du livre ( je l’étais déjà par la 4ème de couverture) et je savais à quoi m’attendre.

Des hommes se retrouvent enfermés dans une grotte gelée pour une raison qu’ils ignorent. Ils se réveillent l’un après l’autre et s’interrogent sur leur conditions de détention car ils sont prisonniers. Aucun d’eux ne sait qui les a conduits là ni pourquoi. Apparemment, ils n’ont aucun lien. Auprès d’eux, une tente, deux paires de chaussures et de chaussettes, deux couvertures… Quand on est 3 cela pose bien évidemment problème et le partage s’impose tandis que la lutte contre soi-même, face à l’intensité du froid, les pousserait plutôt vers l’égoïsme et la préservation. Un chien est également présent, compagnon d’un des détenus. Un réchaud, une flamme, quelques provisions  mais ils comprennent très vite qu’ils ne tiendront pas longtemps ainsi. La violence s’impose à eux comme moyen de survivre, la compassion aussi parfois.

Les 3 individus ne sont pas soumis au même sort. L’un est attaché à une chaîne par la cheville, l’autre par le poignet et le troisième est libre mais porteur d’un masque de fer  et d’un système susceptible d’exploser s’il décidait de s’éloigner de la grotte. Dès lors, il s’agit pour eux de survivre !

Une inscription les interpelle aussi : « Qui sera le menteur ? Qui sera le voleur ? Qui sera le tueur ? » Mystère et suspense sont présents qui poussent à lire la suite.

Petit à petit, on en sait plus sur eux : qui ils sont dans la « vraie » vie, quelles étaient leurs passions, quels problèmes ils rencontraient ? Certains cachent aux autres la vérité et le lecteur comprend inéluctablement qu’ils ne sont pas ici ensemble par hasard, qu’ils ont quelque chose en commun et le chien n’y est pas étranger.

Je ne veux pas vous gâcher la lecture de ce livre, aussi je n’en dirais pas plus si ce n’est que :

  • j’ai rapidement compris, trop vite à mon goût, qui était sous ce stratagème et la fin m’a démontré que j’avais vu juste. Je suis donc un peu déçue surtout quand je vois que certains éditeurs recalent des livres pour ce même motif. J’avoue que je ne comprends pas  mais tant mieux si le succès était au rendez-vous pour l’auteur;
  • le livre est prenant, c’est vrai, à cause de l’intrigue et des nombreux rebondissements qui jalonnent le livre. Mais… je m’en suis lassée avec un sentiment que l’intrigue traînait ;
  • J’ai donc posé le livre plusieurs semaines avant de me décider à le terminer ;
  • La violence, parfois gratuite, voire la torture évoquée m’a dérangée. Je trouve en effet facile de faire trembler le lecteur avec l’hémoglobine, plus difficile de piquer sa curiosité par la seule intrigue. Mais c’est la griffe de cet auteur. Certains apprécient, je n’ai pas à juger. Par contre je me suis sentie mal à l’aise tandis que l’histoire piétinait.
  • La fin m’a déçue, je vous l’ai dit, je m’y attendais et puis je l’ai trouvé bâclée. Une sorte de « il fallait terminer le livre » et qu’importe si la banalité est évoquée. Je me répète, si le livre vous plaît ou vous a plu, tant mieux, je ne donne que mon avis.

Par conséquent, à vous de voir si vous voulez lire VERTIGE. Mais en ce qui me concerne, je m’arrêterai là pour les oeuvres de THilliez. Toutefois, je le répète, vous pouvez très bien trouver votre bonheur à la lecture de ce livre. Tout dépend ce que vous cherchez.

Bonne lecture,

Lisez en page d’accueil les résumés de mes livres et laissez-vous séduire § Enfin je vous prépare une nouvelle histoire courte qui sera bientôt publiée.

Audrey Degal qui vous remercie de votre fidélité.


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La Presse en parle !

Bonjour à toutes et à tous,

Je vous transmets ci-dessous deux articles que la presse a consacrés à mon dernier roman LA MURAILLE DES ÂMES, qui vous permettront de vous faire une idée plus précise de ce thriller policier. Vous pouvez les consulter en cliquant sur les liens ci-dessous ou en vous rendant dans le MENU, à la page que j’ai créée spécialement pour cela intitulée « LA PRESSE PARLE DE MES LIVRES ».

Bientôt vous pourrez lire sur le site une critique de livre puis une nouvelle histoire courte et je vous communiquerai les dates des prochains salons su livre auxquels je participe et où vous pourrez me rencontrer. Soyez patientes et patients  et merci pour votre fidélité.

http://www.noeontheroad.com/la-muraille-des-ames/

ET

http://omagazine.fr/la-muraille-des-ames-par-audrey-degal/

Audrey Degal


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RENCONTRE DEDICACE du THRILLER « LA MURAILLE DES ÂMES »

Installation pour la dédicace avant l’arrivée des lecteurs. 

Bonjour à toutes et à tous,

J’ai peu de temps pour écrire actuellement car les séances de dédicaces se multiplient. Je ne vous oublie pas pour autant et je vais m’employer à mettre en ligne, pour VOUS, la suite de l’histoire à suspens que vous attendez impatiemment : « Paroles de pierre ». Je vous demande un peu de patience !

Pour ceux qui n’ont pas pu venir me rencontrer lors de la séance de dédicace de mon dernier thriller, « LA MURAILLE DES ÂMES », le 20 mai à la librairie Decitre, sachez que je vous consacre une journée entière SAMEDI 27 MAI 2017, de 10 h à 18 h à la librairie CULTURA  de Givors  (69700) 2 vallées. (prochain salon, en Ardèche, à Chalencon, le 23 juillet, toute la journée)

Pour vous-même ou pour l’offrir à l’occasion de la fête des mères ou de la fête des pères, ne manquez pas l’occasion d’un présent personnalisé. 

Lors de mes séances de dédicaces, les lecteurs de mes 2 premiers livres sont au rendez-vous car ils savent désormais qu’ils trouveront du suspens dans mes romans et une écriture qui les emportent jusqu’à un dénouement toujours surprenant. D’autres viennent me voir parce qu’on leur a recommandé mes livres. Imaginez le bonheur que c’est, pour moi, quand les lecteurs en redemandent ou qu’ils conseillent mes livres à leurs connaissances ! Certains me demandent s’ils peuvent faire une photographie avec moi… Joie indicible pour un auteur que ces moments-là !

Je vous adresse un grand merci à toutes et à tous car les lecteurs font les auteurs. Sans vous, rien ne serait possible.

Alors je vous donne rendez-vous samedi 27 mai à CULTURA. Mes 3 lires seront disponibles et je fixe un second rendez-vous qui ne saurait tarder (car la prochaine dédicace est au mois de juillet. Je vais pouvoir souffler et surtout écrire !) pour lire la suite de « Paroles de pierres » et bien d’autres récits, gratuits, en ligne.

Et pour celles et ceux qui résident trop loin des lieux de dédicace où je me trouve, souhaitons qu’un jour prochain, je repousse les lieux de rencontre avec mes lecteurs. Ce sera avec joie. En attendant, vous trouverez mes livres dans toutes les librairies en papier ou ebook.

Merci pour votre fidélité ! 

AUDREY DEGAL

 

 


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PAROLES DE PIERRES

PAROLES DE PIERRES

        Je rappelle enfin la sortie de mon dernier roman, un thriller policier, LA MURAILLE DES ÂMES, Audrey Degal, que vous pouvez vous procurer partout, même à l’étanger ou en cliquant ici :                                                                                                                                Pour commander « La Muraille des âmes » CLIQUEZ ICI

Pour écouter la présentation de « La Muraille des âmes » CLIQUEZ ICI

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   « Tous les silences ne font pas le même bruit », Baptiste Beaulieu.

           

          Il était tôt, ce matin-là, quand un camion de chantier s’arrêta sur le parking de la toute nouvelle piscine implantée sur la ville de Brignais. Il s’agissait du centre aquatique intercommunal concernant aussi les villes de Chaponost, Millery, Montagny et Vourles, baptisé « Aquagaron ». Il avait pour vocation de créer un espace de détente privilégié.

          Ce serait un espace de détente mais pas au sens où la population l’entendait, pas au sens premier du mot, pas au sens de la quiétude. Le centre aquatique allait se révéler dans une dimension que nul n’aurait jamais imaginée.

          Deux ouvriers descendirent du véhicule et l’un d’eux commença à décharger des matériaux : sacs de ciment, parpaings, truelles… L’autre se dirigea vers le bâtiment moderne récemment inauguré mais déjà en activité. Une fois à l’intérieur, il héla un employé qui se trouvait là.

            — Bonjour ! Nous venons pour les travaux au niveau des vestiaires.

            — Bonjour ! On m’avait prévenu de votre arrivée

            — Très bien. Je vais aider mon collègue à approcher le diable. C’est assez lourd !

            — Le diable dites-vous ?

            Le visage de l’employé venait de se liquéfier.

            — Oui, le diable, répéta l’ouvrier surpris de la réaction de son interlocuteur. Enfin le diable, ce chariot à deux roues qui sert à tout, notamment à transporter les chargements très lourds sans se casser le dos. Le diable. Vous comprenez ?

            — Oui, oui, je comprends, répondit le néophyte remis de sa frayeur. Allez-y ! Je vous attends.

            L’ouvrier s’amusa intérieurement de sa réaction excessive. D’autant que l’homme parut rester absorbé dans ses réflexions.

            Il sortit finalement et fit signe au jeune homme d’avancer mais ce dernier ne bougeait pas. Il s’était assis sur le repose pied du camion. Il attendait.

            — Qu’est-ce que fait ? Tu n’as pas vu que je t’appelais. Bouge-toi ! On a du boulot !

            — Je te rappelle que je ne devais pas être là aujourd’hui. Je ne fais que remplacer Manu.

            — Je sais mais tu ne crois pas que je vais faire le travail tout seul. Remplacer Manu signifie que tu dois m’aider. Lève-toi !

            L’autre paraissait embarrassé. Il ne bougeait pas, les coudes sur les genoux, la tête baissée comme une élève puni, pris sur le fait.

            — Bonté Loris, l’heure tourne et on a d’autres chantiers. Tire le diable, je vais t’aider, fit-il repensant toujours à l’attitude surprenante de l’employé.

            — Apparemment tu n’es pas au courant !

            — Mais de quoi tu parles ?

            Le jeune homme leva les yeux vers lui et, le regard inquiet il ajouta :

            — Tu ne sais pas !

            — Je ne sais qu’une chose : tu m’énerves ! Nous devrions déjà être en train de travailler !

            — Tu n’as pas entendu parler des…

            L’employé de mairie qui s’impatientait venait de sortir du bâtiment. Il interrompit leur conversation.

            — Messieurs !

            Deux visages se tournèrent aussitôt vers lui. Alfred bascula le diable sur ses puissantes roues et commença à le pousser. Il jeta un œil noir à Loris qui comprit qu’il n’avait pas le choix. Il se redressa pour aider son collègue, contraint et forcé.

            Un instant plus tard, le réceptionniste invita les deux ouvriers à le suivre. Ils laissèrent les matériaux devant une rampe d’accès extérieure. Ils reviendraient les chercher plus tard.

            Par la grande baie vitrée qui donnait sur les bassins, les deux visiteurs purent admirer le complexe sportif. Ils étaient fascinés par l’endroit, presque envoûtés. Il était lumineux, végétalisé et particulièrement agréable. L’infrastructure était une réussite. Les eaux bleues, qui capturaient par endroits la lumière du ciel, étaient une invitation au bien-être.

          Mais pour les deux compères, la semaine de travail commençait à peine. Elle serait longue et particulièrement laborieuse.

          Ils quittèrent donc le hall d’entrée. Leur hôte les guida à l’étage inférieur, jusque devant une série de portes. Plusieurs vestiaires collectifs réservés aux clubs de natation et aux élèves des établissements scolaires environnants se succédaient. Pour les distinguer on avait octroyé à chacun des couleurs différentes, jaune, vert, bleu, qui correspondaient aux tons du totem de la ville.

            — Voilà, nous y sommes ! Quelque chose ne va pas ? ajouta-t-il remarquant que l’un d’eux semblait soucieux.

            — Non, s’empressa de rétorquer Alfred. Quelle est la porte concernée ? Ah, il nous faudra aussi une arrivée d’eau.

            — Ce n’est pas ce qui manque, ironisa l’employé, mais je vais vous indiquer un point où vous pourrez vous brancher. Tenez, regardez ! Vous voyez là-bas, derrière le poteau orange ? Eh bien vous trouverez un robinet.

            Loris, légèrement en retrait, se contentait d’écouter.

            — Je vous laisse à présent ! Appelez-moi dès que ce sera fini.

            Leur guide tourna les talons et commença à s’éloigner.

            — Attendez, vous êtes bien pressé ! Et pour la porte ? demanda Alfred.

            L’autre s’arrêta immédiatement, sans songer un instant à revenir sur ses pas. Il semblait à nouveau inquiet et sur le point de prendre la fuite. De loin, il se décida enfin à répondre :

          — La porte, oui, bien sûr ! Il s’agit de celle qui porte le numéro 7.

            Il la désigna du doigt, sans oser s’avancer.

            — On peut entrer pour voir ?

            — Voir quoi ? se durcit-il soudain. Il n’y a rien à voir.

            — Ne vous fâchez pas monsieur. C’est juste qu’avant de commencer les travaux, nous devons tout de même vérifier la stabilité de l’encadrement, du support et nous avons besoin d’accéder aux deux côtés de la cloison.

            — Oui, bien sûr, répondit l’employé toujours à bonne distance..

          — Et puis il ne faudrait pas emmurer quelqu’un là-dedans ! plaisanta Alfred afin de détendre l’atmosphère.

          À sa mine, l’ouvrier comprit que le réceptionniste n’avait pas apprécié sa remarque. L’homme croisa les bras, tapota du pied le sol carrelé et dit :

          — Est-ce que ce sera tout ? Parce que j’ai du travail moi ! Je dois remonter à l’accueil.

Sa réponse cinglante clôtura le débat.

          — Dans deux heures le mur sera terminé, affirma Alfred.

            — Bon ! À tout à l’heure !

            Il fit demi-tour, pressé de remonter. Mais arrivé au bas des marches d’escaliers, il comprit qu’il n’en avait pas fini avec les deux ouvriers.

            — Avant de vous sauver, pourriez-vous ouvrir la porte s’il vous plaît ? Elle est fermée à clé.

            L’employé de la municipalité s’immobilisa pour la seconde fois, visiblement très agacé. Il sortit un trousseau de la poche de son pantalon, passa en revue plusieurs sésames, sortit la clé concernée de l’anneau qui la retenait. Elle portait le numéro 7.

            — Vous n’avez qu’à venir la chercher. Je la laisse là, déclara-t-il avant de gravir les quelques marches à la hâte et de disparaître.

            Alfred ne comprenait pas pourquoi son interlocuteur n’avait pas rebroussé chemin pour la leur donner. La clé les attendait sur un petit rebord. Elle brillait légèrement.

            — Quel drôle d’hurluberlu ce gars ! Allez zou, va la chercher !

            Loris obtempéra et, les mains dans les poches, il revint quelques secondes après avec l’objet.

            — Ouvre !

            — Pourquoi moi ? intervint le jeune homme.

            — Écoute mon p’tit gars. On a déjà perdu suffisamment de temps alors ou tu ouvres cette porte ou je signale au patron ton refus de travailler. Choisis !

          Loris regarda la clé qui dormait dans le creux de sa main. Il fixa le petit panneau collé au beau milieu de la porte : vestiaire 7. Il considéra longuement Alfred qui s’imagina un instant qu’il allait lui dire : « C’est toi qui l’auras voulu ! ». Il inséra avec la plus grande délicatesse la clé dans la serrure et, presque solennellement, il la tourna, les yeux rivés sur chaque geste qu’il faisait.

          — Allons, dépêche-toi ! On n’a pas que ça à faire !

          Lorsqu’il entendit le petit « clic » Loris lâcha la clé et recula précipitamment de plusieurs pas sous les yeux ébahis de son collègue.

            — Voilà, c’est fait ! dit-il, en s’écartant davantage, comme si une bête sauvage allait surgir de la pièce.

            Dans son for intérieur, Loris aurait voulu détaler mais toute fuite était impossible. Alfred n’avait pas la moindre idée de la peur qu’il ressentait.

La suite de cette histoire, sous peu. 

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  • Précision importante : pour remercier mes fidèles abonnés, la fin de cette histoire leur sera réservée. En effet, lorsqu’elle sera mise en ligne, elle sera aussitôt supprimée du site mais accessible pour vous grâce au message que vous recevez à chaque publication. Par conséquent, pensez à ne surtout pas l’effacer quand vous le recevrez. Vous pourrez lire la fin du récit alors que le lien sera inactif pour toute autre personne !
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  • Je rappelle enfin la sortie de mon dernier roman, un thriller policier, LA MURAILLE DES ÂMES, que vous pouvez vous procurer partout, même à l’étanger ou en cliquant ici :                                                                                                                                Pour commander « La Muraille des âmes » CLIQUEZ ICI
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Bonne lecture à toutes et à tous et à très bientôt !

Audrey Degal

 


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LA GRANDE MURAILLE

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Film à grand spectacle, LA GRANDE MURAILLE, avec en acteur vedette Matt Damon, avait bien des promesses à tenir.

Alors je dirais aujourd’hui, pour l’avoir vu : promesses partiellement tenues.

L’histoire :

Deux hommes sont poursuivis dans une contrée désertique chinoise et arrivent subitement au pied d’une gigantesque muraille. Ils n’ont pas le choix et y entrent. Là, on voudrait les exécuter mais l’un d’entre eux a un objet qui intrigue les résidents de la muraille (car la muraille n’est pas un mur mais un lieu d’habitation pour les soldats). La nuit précédente, il a été attaqué par une créature étrange à laquelle il a coupé une patte. On comprend dès lors que l’objectif auquel répond cette Muraille est la protection contre les attaques des ennemis et notamment de créatures effrayantes. Lors du premier assaut de celles-ci, le héros, Matt Damon, parvient à se délivrer et, au lieu de fuir, il prête main forte aux Chinois engagés dans une lutte terrible et sans merci. La femme qui commande le bataillon de cette partie de la muraille, apprécie son art du combat. De son côté, lui est ébloui par les techniques de défense qui sont déployées et surtout par la « poudre noire » qu’il est venue chercher en Chine. Tandis que son compagnon cherche par tous les moyens à voler cette poudre et à quitter la Muraille, le héros est tiraillé entre deux pôles : cette poudre explosive et la bataille. Finalement, il choisit de rester. Grandeur d’âme du personnage principal oblige. 

Comme d’habitude, je ne vous dévoilerai pas la fin pour ne pas vous priver de l’intérêt du film. 

J’ai particulièrement aimé la Muraille (mon dernier roman LA MURAILLE DES ÂMES déroule son action là-bas mais en un autre temps, au XXe siècle. J’avais donc un regard particulier envers ce film). Ainsi filmée, elle est grandiose et spectaculaire. Spectaculaires aussi sont les attaques et plus particulièrement le système de défense chinois. Fort bien imaginé ! 

L’intrigue quant à elle est banale mais le film se laisse voir. 

La fin m’a en revanche déçue. Non qu’elle soit inintéressante mais je l’ai trouvée facile. Pour ne pas trop vous en révéler, je dirais simplement que se débarrasser de l’élément principal pour que tout cesse, j’aurais aimé quelque chose de plus déroutant, de moins convenu. Cela résonne comme du déjà vu.

En conclusion, l’intérêt de ce film réside dans ses images, dans cette muraille impressionnante, et de ce côté on ne peut pas être déçu. C’est grandiose, les images sont parfaites. 

Ce film a déjà quitté les écrans de certaines salles, mais vous pourrez le voir en DVD. Privilégiez dans ce cas un grand écran. 

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Pensez à vous abonner au site et à partager pour le faire connaître. 

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Vous aimez lire, procurez-vous mes livres et notamment le dernier, un thriller policier de 384 pages, « LA MURAILLE DES ÂMES ». En librairie, même à l’étranger, donnez le titre, mon nom d’auteur, AUDREY DEGAL, éditions BoD, pour le commander en livre papier. Il est également disponible en ebook. à prix cassé pendant 4 semaines seulement. Résumé et extrait en page d’accueil du site.

 

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Merci, bonne lecture et bon films,

Le prochain article sera une nouvelle histoire. Un peu de patience !

Audrey Degal.


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DONNE-MOI LA MAIN, fin

4ème partie (fin)

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Résumé des épisodes précédents : Lola est seule avec ses deux garçons depuis que son mari l’a quittée. Elle finit par rencontrer Gabriel qui se montre doux avec elle et se projette dans l’avenir. Alors qu’ils viennent de s’installer ensemble, il lui révèle la vérité : il est toujours en relation avec une autre femme, il a acheté une maison avec elle et il envisage de laisser Lola pour retourner à ses côtés. Lola s’en relèvera-t-elle ?

*

— Maman, c’est Lola.

Dans sa voix, on sent tout le poids des derniers jours passés à espérer.

— Maman, c’est fini, on se sépare, il retourne avec l’autre. Il va vivre avec elle, il veut avoir des enfants… Maman, c’est horrible ! Pourquoi est-ce qu’il m’a fait ça ? Je l’aime ! Il dit qu’il m’aime encore mais qu’il préfère retourner avec elle. C’est insupportable, je souffre. J’ai mal, maman !

Autour de Lola, tout s’écroule, tout s’effondre, l’apocalypse est de retour, tout a un goût de fin du monde, tout est amer, tout est douleur. Jamais elle ne pourra se relever. Elle est au bord du précipice, cet abîme qu’elle connaît. Gabriel vient de l’y pousser à coups de mensonges, de promesses, d’inconscience. Lola doit tout recommencer !

Grand seigneur, il l’aide à s’installer dans un petit appartement, avec les deux garçons. Il paye la caution, histoire de racheter sa conduite déplorable sans parvenir à voir que Lola est échouée, quelque part dans une vie, prisonnière d’une existence fracassée. Elle a croisé la route d’un monstre et ce monstre s’est bien amusé.

Elle se sent détruite, salie, souillée, transparente, indésirable. Et si l’abîme l’attendait. Tout dans sa vie la ramène sans cesse à ce vide. Et si c’était sa destinée. Comment croire en des lendemains meilleurs ? Comment croire qu’un autre pourrait la désirer ? Comment ne pas devenir méfiante à l’excès ?

Gabriel portait un masque. Gabriel venait de l’ôter.

*

Quatre ans plus tard.

            — Au revoir madame, à bientôt !

            Lola sort d’un laboratoire lyonnais. Ses deux garçons sont à ses côtés. Elle s’apprête à monter dans sa voiture quand un homme l’interpelle.

            — Veuillez m’excuser madame, vous partez ? Je tourne depuis 20 minutes sans parvenir à trouver une place pour me garer.

            Lola lève les yeux et répond :

            — Oui, je m’en vais !

            L’homme, arrêté en double file, sort de son véhicule, lentement. Hésitant, il s’avance vers elle.

            — Lola ? Lola, c’est toi.

            La jeune femme s’apprête à claquer les portières arrières de son véhicule. Elle vient de vérifier que les garçons ont correctement bouclé leurs ceintures de sécurité. Elle relève la tête et dévisage l’individu.

            — Gabriel ?

            — Oui, c’est moi. Tu es ravissante ! Comment vas-tu ?

            Elle aurait pu lui répondre avec la gentillesse qui la caractérisait, mais soudain, le coup de poignard qu’il lui avait asséné le dernier soir lui revient en mémoire. Toute la souffrance passée rejaillit : toutes les années de galères quand il est parti, les fins de mois difficiles le temps de réactiver les allocations supprimées lorsqu’elle était avec lui, les week-ends seule, le concert dont ils avaient réservé les places auquel elle était allée avec une amie, toute la solitude des nuits froides dans un lit vide…

            — Parce que ça t’intéresse ? fit-elle sarcastique.

            — Bien sûr, répond-t-il sûr de lui. Je suis si heureux de te retrouver !

            Lola n’a qu’une seule envie : partir et s’éloigner de lui. Pourtant, la curiosité la pousse à lui parler :

            — Elle va bien ?

            — Qui ? demande-t-il étonné.

            — Ne fais pas l’idiot, tu m’as très bien comprise. Celle pour qui tu m’as lâchement et brutalement abandonnée avec mes fils après m’avoir juré que tu m’aimais.

            Il glisse ses mains dans ses poches et baisse la tête.

            — On est séparés.

            Lola jubile. Elle sent, du plus profond d’elle-même, une douce chaleur monter et l’envahir.

            — Ah, tu l’as plaquée elle aussi, pour une autre peut-être.

            — Non, elle m’a trompé, je suis parti et après je t’ai cherché. Je suis si heureux de te revoir ! Et toi, qu’est-ce que tu fais ?

            — Eh bien, comme tu peux le voir, je m’apprête à entrer dans ma voiture, à démarrer et à partir.

            Elle lui tourne le dos pour se glisser à l’intérieur de son véhicule. À travers les vitres, les deux garçons ont reconnu Gabriel. Même si, pour les épargner, Lola ne leur a jamais dit la vérité, ils sentent qu’ils doivent se tenir à l’écart de la partie engagée sur le trottoir.

            — Mais on vient juste de se retrouver ! Dis-moi ce que tu deviens. On pourrait peut-être aller boire quelque chose ? Je ne veux pas te perdre à nouveau. Tu m’as tant manqué Lola. Si tu savais !

            Le regard de la jeune femme, éteint pendant de longues années, se pare soudain d’une nouvelle lueur. Ses yeux semblent pétiller. Ce n’est pas une discussion entre cet homme et elle, c’est un combat qui est engagé. Elle compte bien le gagner.

            — Alors écoute-moi bien : boire quelque chose avec moi, fais-le dans tes rêves, dans ton grand lit où tu resteras probablement seul pendant de très nombreuses années. Quant au fait de me perdre, mais mon pauvre Gabriel, tu m’as définitivement perdue il y a quatre ans. C’est irrévocable. Lorsque j’étais enfant, je ne croyais pas que les monstres pouvaient exister. Grâce à toi j’y crois maintenant mais l’avantage c’est que je suis prête à les affronter.

            — Mais Lola, souviens-toi, nous parlions d’avoir un enfant tous les deux ! intervient-il éberlué.

            — Justement, regarde donc où je suis garée : « Laboratoire d’Analyses Médicales ». Je viens de découvrir mes résultats. Ils sont positifs. Je vais avoir un bébé dans environ 8 mois et pour mon plus grand bonheur, il n’est pas de toi. Mon compagnon va très bien et je vais lui annoncer la nouvelle. Ce soir, lui, les garçons et moi, nous allons fêter la nouvelle. Quant à toi Gabriel je ne sais pas ce que tu deviendras et je m’en moque totalement. Tu vois, je parle comme toi à présent car j’ai beau te regarder, tu ne m’inspires que cette phrase que tu répétais sans cesse : je ne sais pas. Eh bien moi, je sais désormais où aller, qui aimer et qui m’aime. Dans ton cas, c’est désespéré !

            — Lola, tu ne peux pas me laisser ! Donne-moi la main, nous sommes faits l’un pour l’autre, je te jure que…

            Lola s’installe au volant de sa voiture, met le contact, le regarde, lui adresse un de ses plus beaux sourire et disparaît. Gabriel reste bouche bée sur le trottoir. Il vient de recevoir le coup de grâce. Il fait demi-tour pour regagner son véhicule et se garer. Mais lorsqu’il se retourne, la place qu’il convoitait est occupée.

            Il faut toujours garder un oeil derrière soi. Quelqu’un peut vouloir prendre votre place sans que vous vous en doutiez !

***

Pensez à vous abonner au site, à consulter, dans la rubrique « Accueil », mes deux livres en vente. 

Bientôt, je vous annoncerai : 1) la date de sortie de mon thriller policier ;

                                                     2) les dates du prochain salon littéraire auquel je vais participer ;

                                                     3) le résumé d’un film qui m’a passionnée, en dépit des critiques ;

                                                   4) le début d’une nouvelle histoire à suspense, qui s’inscrira davantage que « Donne-moi la main » dans la veine de ce que j’écris d’habitude : mystère, suspense et fin surprenante. 

MERCI POUR VOTRE FIDELITE

AUDREY DEGAL

 


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A SAVOURER SANS MODERATION !

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Aujourd’hui, chers lecteurs, j’ai choisi de vous faire goûter un délice et je me mets exceptionnellement en retrait en tant qu’auteure. En effet, je me dois de vous faire profiter de quelques bonheurs de la langue française ou de la littérature et c’est sur Jean D’Ormesson et cette perle que mon choix s’est porté. 

Bien entendu, je reviens très prochainement auprès de vous pour vous proposer de nouvelles histoires (dans une registre un peu différent, pour mieux vous étonner) mais je suis très prise par la sortie imminente de mon 3ième roman, actuellement en phase de correction avant édition. Il s’appellera finalement La Muraille des âmes. Un thriller policier de plus de 350 pages pour vous que vous reteniez votre souffle jusqu’au dernier moment.  

Si vous souffrez d’un manque de lecture, vous pouvez, en attendant vous procurer mes deux précédents livres disponibles partout (Fnac, Amazon, librairies… livre papier ou ebook) ou en cliquant  sur l’un des deux liens ci-dessous :

http://www.decitre.fr/livres/destinations-etranges-9782322034383.htmlen

OU

cliquant ICI

Bonne lecture !

AUDREY DEGAL

Que vous soyez fier comme un coq,

Fort comme un boeuf,

Têtu comme un âne,

Malin comme un singe ou simplement un chaud lapin,

Vous êtes tous, un jour ou l’autre,

Devenu chèvre pour une caille aux yeux de biche.

Vous arrivez à votre premier rendez-vous

Fier comme un paon

Et frais comme un gardon

Et là, … pas un chat !

Vous faites le pied de grue,

Vous demandant si cette bécasse vous a réellement posé un lapin.

Il y a anguille sous roche

Et pourtant le bouc émissaire qui vous a obtenu ce rancard,

La tête de linotte avec qui vous êtes copain comme cochon,

Vous l’a certifié : cette poule a du chien, une vraie panthère !

C’est sûr, vous serez un crapaud mort d’amour.

Mais tout de même, elle vous traite comme un chien.

Vous êtes prêt à gueuler comme un putois

Quand finalement la fine Mouche arrive.

Bon, vous vous dites que dix minutes de retard,

Il n’y a pas de quoi casser trois pattes à un canard.

Sauf que la fameuse souris,

Malgré son cou de cygne et sa crinière de lion

Est en fait aussi plate qu’une limande,

Myope comme une taupe,

Elle souffle comme un phoque

Et rit comme une baleine.

Une vraie peau de vache, quoi !

Et vous, vous êtes fait comme un rat.

Vous roulez des yeux de merlan frit,

Vous êtes rouge comme une écrevisse,

Mais vous restez muet comme une carpe.

Elle essaie bien de vous tirer les vers du nez,

Mais vous sautez du coq à l’âne

Et finissez par noyer le poisson.

Vous avez le cafard,

L’envie vous prend de pleurer comme un veau

Ou de verser des larmes de crocodile, c’est selon.

Vous finissez par prendre le taureau par les cornes

Et vous inventer une fièvre de cheval

Qui vous permet de filer comme un lièvre.

Ce n’est pas que vous êtes une poule mouillée,

Vous ne voulez pas être le dindon de la farce.

Vous avez beau être doux comme un agneau

Sous vos airs d’ours mal léché,

Il ne faut pas vous prendre pour un pigeon

Car vous pourriez devenir le loup dans la bergerie.

Et puis, ça aurait servi à quoi

De se regarder comme des chiens de faïence.

Après tout, revenons à nos moutons :

Vous avez maintenant une faim de loup,

L’envie de dormir comme un Loir

Et surtout vous avez d’autres chats à fouetter.

Texte de Jean d’Ormesson

 


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Audrey Degal, auteure de Thriller, invitée chez DECITRE

La librairie DECITRE du centre commercial de Saint-Genis-Laval (69230) m’invite pour la 3ème fois à une séance « Entretien et dédicace » de mes deux livres déjà publiés :

LE LIEN

et

DESTINATIONS ÉTRANGES

J’aurai le plaisir, dans un premier temps, de vous révéler comment me sont venues les idées de ces livres, comment j’écris, ce qui m’inspire… Puis, ce sera le moment privilégié des dédicaces.

Mes livres ont déjà séduit de nombreux lecteurs, lesquels attendent la sortie de mon 3ème roman, un thriller policier intitulé

LA MURAILLE AUX DEUX VISAGES 

dont la sortie est prévue pour Noël. (Deux autres romans, déjà bien avancés, arrivent derrière).

Aussi, je vous invite à me rencontrer, à découvrir mes romans que je me ferai une joie de vous dédicacer personnellement.

Venez nombreux à cet événement :

samedi 15 octobre 2016 de 16H à 18H

 

Librairie DECITRE de Saint-Genis  2 (Rhône) (centre commercial Basses Barolles)

Je vous attends !

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Audrey Degal

Et très bientôt, sur mon site, la fin de l’histoire « L’Envers du décor » !


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La Nuit des temps, Barjavel

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Il y a bien longtemps que je ne vous avais pas parlé de mes lectures. Pourtant je lis beaucoup, jamais trop mais comme j’écris parallèlement mes romans, j’ai moins de temps pour vous faire part de mes remarques.

D’accord, certains ont probablement lu ce livre au lycée… Qu’importe, moi je l’ai relu cet été et je l’ai apprécié. j’ai donc envie de vous le faire partager.

L’auteur, Barjavel, grand maître de la science fiction a su écrire, avec La Nuit des temps, un roman captivant. J’avais déjà lu de lui (il y a longtemps) Le Grand secret, dont il  ne me reste que de vagues souvenirs, un seul à vrai dire, le thème : la quête de l’immortalité (à relire donc car il m’avait passionnée).

La Nuit des temps me semble relever un autre défi, celui de l’utopie car il porte un regard critique sur notre monde à travers la découverte d’une ancienne civilisation.

L’histoire : Le 1er chapitre pose astucieusement une énigme : qui est donc celle dont il est question, connue, aimée, perdue ? On a nécessairement envie de poursuivre la lecture pour le savoir. Dans L’Antarctique, on vient de découvrir une sphère et à l’intérieur deux êtres « congelés ». Les réanimer pose problème : il ne faut pas qu’ils meurent ! On réveille la femme en premier. Elle se nomme Eléa. D’où vient-elle ? De la Terre mais elle y a vécu il y a 900 000 ans ! Elle peut alors évoquer sa civilisation, son mode de vie… Mais que s’est-il passé pour que cette civilisation ait disparu. Pourquoi  avoir choisi de faire hiberner deux spécimens ? Et qui est donc l’homme qui l’accompagne encore endormi ?  Eléa était amoureuse de Païkan. Tous deux s’adoraient. La guerre est venue bouleverser leur destinée. Il faut réveiller l’homme, Coban. Eléa dit que c’est le plus grand scientifique du peuple au sein duquel elle vivait. Il a créé l’équation de Zoran que tous les Terriens contemporains veulent décrypter et dont ils veulent s’emparer. En effet, elle est source d’énergie et permet de produire tout ce dont l’homme a besoin.  La cupidité, le vol, les mensonges jaillissent alors chez ceux qui convoitent les connaissances que pourraient apporter ces deux êtres. Il faut donc réveiller Coban afin qu’il puisse révéler ce qu’il sait. Cela ne s’avérera pas aussi simple qu’il y paraît et bien des rebondissements de l’intrigue surgissent pour entraîner le lecteur jusqu’au dénouement… surprenant !

Mon avis : oui, j’ai aimé ce livre mystérieux. On se laisse emporter pas les personnages dans leur quête. Certains passages sont néanmoins longuets mais ils se situent davantage vers la fin. De longues descriptions pourraient, à mon sens, êtres supprimées et la « course » effrénée des protagonistes serait ainsi plus intéressante d’autant que j’ai pu repérer quelques incohérences avec des personnages qui descendent alors que l’auteur fait référence à ce qu’ils voient à la surface !!! Personne n’est parfait, pas même Barjavel, ce qui rassure aussi la romancière que je suis.

Alors si vous voulez lire, n’hésitez pas, plongez-vous dans La Nuit des temps, et puis vous pouvez aussi lire mes livres Le Lien, ou Destinations étranges, suspense garanti en cliquant ci-dessous. 

http://www.decitre.fr/livres/destinations-etranges-9782322034383.html

http://www.decitre.fr/livres/le-lien-9782322012701.html?v=2

Je termine actuellement mon 3ème livre qui sortira avant NOËL 2016 : « LA MURAILLE AUX DEUX VISAGES ». 

Merci de votre fidélité et à bientôt pour lire sur ce site une toute nouvelle histoire !

Audrey Degal.


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LA DERNIERE COURSE

La Dernière course.

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            Les motos tournaient depuis des heures sur le circuit d’Australie, rebaptisé depuis longtemps Phillip Island War II. Vingt neuf pilotes s’étaient positionnés sur la grille de départ mais en piste, il n’en restait plus que douze qui se battaient encore pour le titre tant espéré de champion du monde de moto GP. Roue dans roue, les engins se défiaient, chacun voulant imposer sa loi aux autres en les dépassant, en freinant le plus tard possible avant les courbes, en se plaçant en aspiration derrière un adversaire avant de le dévorer. Les sliders, apposés aux combinaisons de cuir, frottaient le bitume au niveau des genoux. Parfois même, les coudes embrassaient l’asphalte ou les vibreurs quand ce n’était pas les casques, pour une fraction de seconde au cours de laquelle l’équilibre ne tenait qu’à un fil. L’extrémité des bottes étaient pourvues de pointes acérées et les gants cloutés.

            Parmi celles qui avaient dû rentrer aux paddocks, rares étaient les motos qui tenaient encore debout. Les carénages, les selles, portaient en eux les stigmates de cette compétition de haut niveau qui s’exprimait de façon plus acharnée que jamais. Parfois même, les machines arrivaient aux stands la tête basse, les entrailles pantelantes, presque entièrement brisées : amortisseurs détruits, échappements traînant lamentablement sur le bitume comme la traîne d’une mariée en fuite, boîtiers d’injection explosés, étriers de freins rompus tombant sur des pneus lacérés et derrière tout cela, d’épaisses traces d’huile témoignaient de batailles âprement et virilement menées.

            La course ne tarderait pas à s’achever. Au loin, on entendrait ensuite les hymnes nationaux qui résonneraient pour célébrer la victoire des trois premiers pilotes. Partout, l’effervescence serait à son comble et la police sur les dents, afin de limiter les débordements désormais coutumiers ou les règlements de compte de supporters qui s’estimeraient lésés. Il y aurait des blessés, comme à chaque fois. Il en était ainsi sur tous les continents et sur tous les circuits. Il y aurait aussi des morts, victimes collatérales auxquelles les autorités s’étaient progressivement et volontairement habituées puisque la rentabilité était devenue prodigieuse.

            – Bon Dieu, dans quel état elle est celle-là, dit le chef mécanicien de l’équipe Ducati, quelque peu consterné.

            Les mains sur les hanches, il constatait les dégâts. C’était une situation qu’il connaissait déjà puisqu’elle se répétait inlassablement de grand prix en grand prix. Mais il éprouvait de plus en plus de difficulté à l’admettre.

            – Il va nous falloir au moins deux jours de boulot ! C’est un vrai massacre !

            – Au moins deux jours, tu as raison, confirma un collègue. Regarde, même le réservoir a dégusté. Il fuit.

            – C’est fou ! Pourtant, Dovi2 n’est même pas tombé.

            – Non, mais quelle guerre il a livrée contre les deux autres pilotes.

            – Il a résisté aux assauts comme jamais. J’ai vraiment tremblé pour lui car j’ai cru, plus d’une fois, qu’il allait voir le goudron de près.

            – Oui, moi aussi. Les autres ne lui ont fait aucun cadeau !

            – Hélas, c’est comme ça maintenant, je ne m’y habitue vraiment pas. Deux pilotes dis-tu ? Il m’a semblé en compter trois contre lui par moments. Comment pouvait-il s’en sortir dans ces conditions extrêmes hein ? Vise un peu la moto. Plus rien ne tient, plus rien du tout !

            – Quand la Honda et la Yamaha l’ont encadré à droite et à gauche en le prenant en sandwich, j’ai vraiment cru qu’il allait méchamment chuter.

            – Oui, c’était vraiment chaud. Ils ne l’ont pas épargné. Mais il est comme son père ce petit. Il est capable de se faufiler dans un trou de souris et il est toujours à l’attaque. Il ne lâche rien.

            – Mais il ne gagnera pas. Il a dû rentrer. Avec une moto dans cet état, il ne pouvait pas continuer. Encore une fois ce sont les arrangements et les coalitions qui l’emporteront. Tu verras. Attendons quelques tours et je te parie que ce seront les mêmes que d’habitude qui lèveront les bras au ciel en hurlant : « J’ai gagné ! ». Tu parles de vainqueurs ! Des conspirateurs oui… Je regrette vraiment les courses d’avant. Mais que veux-tu… le nouveau règlement de la Dorna est en place et on ne peut plus rien dire.

            – Cesse de te lamenter, ça ne fait pas avancer les choses. La situation est ce qu’elle est. On n’a pas d’autre choix que de l’accepter. Au travail ! Il faut remettre la moto sur ses roues pour demain. Il y aura des essais. Quelque part on a de la chance : le pilote tient encore debout et ce n’est pas le cas dans toutes les écuries.

            L’unité médicale mobile ne désemplissait jamais. Il restait encore douze tours de piste à accomplir et l’on déplorait deux blessés légers, sept dans un état grave, un dont le pronostic vital était engagé et un mort qui avait disputé ce jour-là sa première course en moto GP. Une jeunesse fauchée ! Certes les hélicoptères avaient évacué les plus touchés vers les hôpitaux spécialisés proches mais on ne répare pas toujours les corps disloqués.

            Dans les tribunes, les spectateurs vibraient au rythme des moteurs, fixant les écrans géants visibles de toutes parts diffusant les affrontements qui se déroulaient hors de leur vue. Beaucoup applaudirent lorsque le numéro 74 sortit son bras dans le virage 9, heurtant la poignée de frein du 50 qui ne parvint pas à asseoir sa moto pour virer. La glissade inéluctable accompagnée de sa gerbe d’étincelles s’acheva contre un mur de publicité électronique vantant les propriétés exceptionnelles d’un nouveau casque proposé sur le marché. L’impact fut effroyable et ne laissa aucune chance au pilote. L’écran s’éteignit aussitôt, ne résistant pas davantage mais il serait vite réparé. Parfois dans le monde, il vaut mieux être une chose !

            Assis sur chaise qui lui était dédiée, Led comme on l’appelait, suivait la course de très près. Chaque dépassement accélérait son pouls, chaque courbe mal négociée lui faisait froncer les sourcils, chaque pilote tombé, incapable de se relever lui retournait le cœur. Deux de ses poulains, qu’il avait formés, tournaient encore sur la piste. Un autre avait été évacué suite à d’importantes blessures.

            – Alors Led, les nouvelles de Snow sont bonnes ? lui demanda un des membres de son équipe.

            Led venait d’enfoncer son téléphone portable profondément dans sa poche. Il frotta ses deux mains comme pour les réchauffer, les passa ensuite dans sa chevelure jadis blonde et frotta ses yeux clairs avant de répondre :

            – Etat stationnaire mais il n’est pas encore tiré d’affaire. Combien vont encore tomber ? Combien seront sacrifiés sur l’autel des bénéfices, de l’audimat, de la publicité, de… J’en ai assez. Ces courses ne ressemblent plus à rien !

            Il résista à l’envie de jeter son téléphone par terre. Chaque fois qu’il décrochait pour répondre à un appel, il craignait de mauvaises nouvelles. Il se leva, fit quelques pas et se plongea son regard dans le bleu de la mer impassible. Quelques mouettes planaient et il se souvint soudain de ce jour où l’une d’entre elles s’était invitée dans une course, manquant de heurter le pilote qui l’avait évitée d’un mouvement de tête. Il resta là de longues minutes à penser.

            Soudain, un son extraordinaire, pareil à celui d’une corne de brume, retentit, annonçant qu’il ne restait plus que deux tours et que les pilotes devaient rentrer aux paddocks. Il leur fallait compléter les réservoirs en essence afin que chacun pût donner le maximum dans les derniers tours de roues. Un changement de pilote était aussi possible et c’était une option que certaines équipes prenaient afin d’envoyer sur la piste un homme plus hargneux mais surtout plus frais. C’était l’ultime moment que tous attendaient, issu du nouveau règlement, celui aussi de tous les dangers.

– Eh, Led, comment m’as-tu trouvé ? questionna le Warrior qui venait de laisser sa moto entre les mains des mécaniciens. J’ai accéléré comme jamais !

– Oui, c’était très bien ! Continue ainsi.

– Tu vois, avec moi, tu mises sur l’avenir car un jour je gagnerai, j’en suis sûr, ajouta le jeune pilote pourtant exténué.

– Je n’en doute pas. Mais reste prudent. Tu ne dois pas t’emballer ! Tu n’es pas seul en piste.

– Je sais Led, je sais, mais aujourd’hui je sens que je vais gagner. Je le veux et je te promets que je vais tout donner, tout !

– Que veux-tu dire ? demanda-t-il inquiet.

Son jeune poulain vint s’accroupir auprès de lui.

– Tu vois, j’ai pensé qu’aujourd’hui, la sagesse, j’allais la ranger même si c’est ce que tu m’as appris. Tous les coups sont permis et moi, je reste toujours tranquille alors que franchement Led, je n’ai qu’une envie : dégommer, pousser tous mes adversaires,  leur couper leur trajectoire et les envoyer dans le gravier. Je veux et je vais gagner. C’est mon jour, je le sens !

– Et tu crois vraiment que cela correspond à ce que je t’ai enseigné ?

– Non, répondit le Warrior embarrassé. Mais si je ne joue pas le même jeu que les autres, jamais tu entends Led, jamais je ne remporterai un grand prix, jamais je ne serai classé en moto GP. Je dois m’aligner.

            – T’aligner ? Tu parles d’agir comme eux ?

            – Oui !

            – Et comment t’y prendras-tu ? Explique-moi !

            – Je dois moi aussi trouver des associés, comme les autres.

            – Des associés dis-tu !

            – Oui, exactement.

            – Mais tu enfourches ta moto dans dix minutes, tout au plus. Où vas-tu trouver des associés en si peu de temps ?

            – Eh bien Led, je ne te l’ai pas dit mais…

            Le jeune pilote paraissait embarrassé. Il poursuivit :

            – J’ai déjà rencontré d’autres pilotes. On en a parlé et on est tombé d’accord. Il ne reste plus qu’à concrétiser.

            Led ouvrit de grands yeux. Il s’approcha au plus près du jeune pilote et, les yeux dans les yeux lui demanda :

            – Concrétiser dis-tu ? Je t’écoute, précise un peu ta pensée. Que veut dire concrétiser Warrior ?

            – Tu le sais bien Led. Tu as déjà vu ce qui s’est passé. C’est comme ça depuis que je fais de la moto, depuis que je suis tout petit. C’est la course Led !

            – La course, répondit-il désabusé. La course ! Et tu oses appeler cela, cette boucherie une course ?

            – Je veux juste lutter à armes égales avec les autres. C’est tout ! Ce ne sera pas bien méchant, je t’assure. Avec Steve et Antonin, on veut juste entourer les vainqueurs et leur bloquer la route. A tour de rôle, on en met un en difficulté ce qui permet aux autres de passer et de gagner. Pour cette course, ils vont m’aider et à la prochaine, ce sera leur tour, etc. Tu vois, on veut juste les gêner…

            – Il vaut mieux être sourd que d’entendre cela !

            – Tu te trompes Led. En général, on dit plutôt le contraire, qu’il vaut mieux entendre ça que d’être sourd.

            – Non, tu as très bien compris et je ne me suis pas trompé. J’aurais préféré être sourd que de t’entendre, toi à qui j’ai tout appris, dire de pareilles horreurs. Mais te rends-tu compte que ce que tu suggères aura les mêmes conséquences que de pousser délibérément un pilote ou de l’empêcher de freiner ou… La vitesse Warrior, tu oublies la vitesse ! A 390 kilomètres heure, un cheveu te fait chuter, une brise de vent te déstabilise et la moindre erreur de trajectoire est souvent fatale. Combien d’hélicoptères as-tu entendu décoller aujourd’hui hein ? Jusqu’à présent il ne t’est rien arrivé parce que tu ne représentais pas un danger potentiel pour les autres et le titre, mais en t’alliant à d’autres pour gagner, tu vas devenir une cible et les cibles, ces requins font tout pour les éliminer. Je ne veux pas que tu prennes de tels risques. Réfléchis un peu. Si tu gagnes, seras-tu un meilleur pilote, le meilleur pilote ? Non ! Tu seras simplement celui que les autres auront le mieux aidé, celui qui aura sacrifié des vies, des pilotes, celui qui aura eu de la chance. Mais attention petit, la chance est éphémère, la chance tourne et demain ils t’attendront et te le feront chèrement payer.

            – Mais…

            – Arrête ! Ce n’est pas ce que je t’ai appris. Je ne t’ai pas mis un guidon entre les mains pour te voir sacrifier des vies ou la tienne. Je veux te voir piloter, progresser, que la foule t’adule, que la foule t’idolâtre, qu’elle t’attende, qu’elle penche avec toi dans chaque virage, qu’elle se propulse lors de chaque accélération comme si elle était sur ta moto vers une victoire méritée due à un pilotage de qualité et parce que le pilote est tout simplement un homme respectueux et de ce fait un pilote respecté. Et toi tu me parles de jeu de massacre, de victoire due aux alliés mais l’hymne que j’entendrais alors serait souillé. Jamais, comprends bien, jamais je ne m’y résoudrai. Une course doit être propre, honnête et toute victoire doit être méritée !

            Le jeune pilote fulminait sentant qu’avec de telles paroles la victoire qu’il espérait lui échapperait. Presque fou de rage, il vida son cœur et se mit à invectiver celui qu’il avait pourtant toujours écouté.

            – Peut-être, mais aujourd’hui je suis un pilote et je veux gagner quel que soit le prix à payer. Et puis de toute façon qu’est-ce que tu t’y connais en moto, en grands prix… Je ne t’ai jamais vu piloter, je ne t’ai jamais vu gagner ni te battre comme je le fais. Tu es ici parce que tu peux financer une écurie et développer des moteurs mais question pilotage, tu n’as rien à m’apporter Led, rien. Le fameux code du respect que tu imposes à tous les pilotes que tu as engagés ne sert qu’à les faire perdre, à me faire perdre. C’est une chimère, une utopie, un monde de courses parfait que tu as imaginé, incompatible avec la réalité. Réveille-toi Led : je suis un pilote de course et tu n’es que mon conseiller financier et moral. Tu ne parles jamais de toi parce qu’il n’y a rien à dire. Tu vis la moto à travers nous les pilotes mais le monde de la piste t’est totalement étranger ! Tous ceux de l’équipe t’obéissent au doigt et à l’œil peut-être parce qu’ils te craignent. Pour que je continue à t’écouter et à te suivre il faudrait que tu puisses m’éblouir, m’en imposer car je ne suis pas comme eux. Mais aujourd’hui, j’ai tout compris, je suis un nouvel homme et le pilote qui est en moi va gagner.

            Autour des deux hommes les mécaniciens et d’autres membres du paddock s’étaient approchés pour assister à la conversation houleuse. Devant les stands, deux lumières clignotaient, invitant les pilotes à se préparer pour disputer les deux derniers tours qui décideraient de la victoire.

            – Tu ne sais pas ce que tu racontes gamin, dit le chef mécanicien, tu…

            Un autre l’interrompit et fixant le Warrior dans les yeux il dit :

            – Tu aurais mieux fait de te taire. Décidément, tu n’as rien compris.

            – Retenez-le ! lança Led aux membres de son équipe. Il ne courra plus aujourd’hui.

            Tous avaient deviné son intention. Tous savaient qu’un jour cela se produirait. Tous lui obéirent comme un seul homme.

            Le Warrior fut aussitôt bloqué et dirigé hors des regards. Il se débattait mais on le maintenait fermement. Il criait qu’il avait une course à finir qu’on ne pouvait pas l’en empêcher mais rien n’y fit. Il fut conduit dans un des local de l’équipe où on l’installa devant un écran.

            – Maintenant petit tais-toi, arrête de bouger et regarde. Tu vas prendre la première et vraie leçon de pilotage de ta vie.

            La corne de brume qui faisait office de sonnerie retentit à nouveau faisant davantage penser à un lâcher de lions dans une arène qu’à une compétition réputée. Les combinaisons de cuir ajustées, les fermetures en D des casques parfaitement bouclées, les pilotes se dirigèrent vers les engins qui déjà vrombissaient. On aurait dit qu’une horde aussi puissante que sauvage allait être lâchée. Chacun se plaça sur la grille de départ pour les ultimes tours qui pouvaient tout changer.

            Posté devant son écran, le Warrior attendait. Le grand prix se jouerait sans lui. A sa place il vit un pilote avancer, doté d’une combinaison bleue et jaune. Au sommet de son casque, on pouvait voir la peinture d’une sorte de personnage caricaturé qui riait. L’homme se posta aux côtés de sa machine. Il semblait prier. Dovi2 le regarda. Il avait compris que le Warrior était forfait, remplacé par ce pilote. Led enfourcha l’engin et, comme les autres, parcourut le tour de chauffe. Sa conduite était souple, féline, racée. Il se positionna ensuite à la dernière place d’où il s’élancerait. Sa main droite balaya sa combinaison devant, derrière, comme des gestes rituels à accomplir peut-être gages de vélocité puis il s’accrocha aux poignées, le regard fixé au loin, sur la ligne d’horizon de la piste. Juste au-dessus de sa selle, sur le cuir, on pouvait voir lire trois lettres : LED. Le feu rouge clignotait, annonçant le départ imminent puis il passa subitement au vert. Les motos bondirent. L’assaut était donné.

            Il ne fallut à Led que quelques secondes pour absorber, avec une facilité déconcertante, cinq pilotes médusés qui restèrent dans son sillage alors qu’il attaquait. Ne faisant qu’un avec son engin, il se jouait des virages et, empoignant plus tardivement les freins que les autres, ils les dépassaient. Piqués au vif, deux pilotes tentèrent une manœuvre folle pour le faire chuter. Les motos se touchaient. Leur but, le diriger vers les graviers. Led devait absolument se dégager. Il freina alors brusquement, tandis que son poursuivant, décontenancé par son geste perdit l’avant et vola dans les airs tel un soleil sur le point de se coucher. Son autre adversaire en profita pour se placer devant afin de gêner sa progression. Mais Led comprit tout de suite qu’il attendait la remontée d’un allié lequel, s’il touchait sa roue arrière, le déstabiliserait.  Sans pouvoir le constater, il sentait déjà l’autre qui approchait. Leurs pneus risquaient bientôt de se toucher. Contre toute attente, il accéléra, accomplit avec une maîtrise incroyable un évitement et la moto, en équilibre sur la roue arrière, se propulsa en avant dépassant celui qui tentait de le freiner. La rencontre imprévue dess deux acolytes puis leur chute fut inévitable. Pris à leur propre piège, ils se relevèrent indemnes mais les motos refusèrent de redémarrer. Dans les tribunes on parlait :

            – Mais qui est ce pilote ?

            – Il est incroyable ! Il conduit avec une précision inouïe !

            – C’est un pilotage de toute beauté !

            – Oui, je n’ai jamais rien vu de tel.

            – Toi non, moi si ! Mais c’était voilà bien des années, quand les courses de moto consistaient encore à faire preuve d’adresse, de tactique de pilotage, d’observation.

            – C’est superbe et ça devait être passionnant !

            – Oh oui, bien mieux que cette foire d’empoigne grotesque à laquelle nous assistons à présent et qui consiste à s’écharper.

            – Tu connais ce pilote ?

            – Oui, c’est Led ! Un des meilleurs pilotes que la terre ait jamais porté.

            – Led ? Led ! ce nom ne me dit rien.

            Et sur la piste, Led remontait. Devant lui, il ne restait que deux pilotes qui ne laisseraient rien passer. Leurs alliés étaient trop loin derrière ou avaient chuté. Les trois hommes étaient seuls et devaient livrer bataille pour l’emporter. Les derniers virages du dernier tour décideraient de l’attribution du titre.

            Warrior, médusé, avait presque collé son nez à l’écran. Devant ses yeux, celui qu’il venait de rejeter, à qui il avait voulu donner une leçon lui démontrait un savoir-faire inégalé. Pendant les quelques secondes de fin de course, il vit ce pilote, telle une divinité, balancer son engin, accélérer, freiner… en un mot piloter. Il comprit qu’au jeu des alliances afin de gagner les pilotes avaient perdu en dextérité et que la finesse de la conduite avait progressivement disparu, remplacée par les bousculades, les pneus lacérés au couteau, les coups de bottes ou de casques. La moto GP était devenu un spectacle rentable navrant, honteux mais plébiscité.

            – Mais bon Dieu, qui est Led ? Dites-le moi les gars, demanda Warrior à ceux qui le laissèrent désormais se déplacer à sa guise.

            Il empoigna l’écran à deux mains comme pour s’assurer de ce qu’il voyait : Led, unanimement ovationné, qui franchit le premier la ligne d’arrivée.

            – Comment, toi le grand pilote, tu ne sais même pas qui il est ? se moqua un membre de l’équipe.

            Warrior sortit du local comme si on l’avait chassé. Aux avants-postes du paddock, là où stationnaient les trois premières motos de la course, il attendit Led. Sa moto était arrêtée, à la place d’honneur mais Led demeurait invisible.

            – Où est Led ? demanda-t-il à ceux qui l’entouraient.

            – Ah, ce pilote ! Il est parti, par là je crois. Il n’a même pas voulu parler. De toute façon il devra revenir pour recevoir son prix.

            Warrior regagna son stand. Led s’y trouvait. Il tenait un petit chiffon et frottait son casque non pas pour le nettoyer mais comme s’il pactisait avec.

            – Mais que fais-tu ? Tu as gagné. Tu es le vainqueur. Ils t’attendent pour le prix. Tu dois…

            – Vas-y à ma place ! Tu as disputé toutes les courses précédentes en appliquant ce que je t’ai enseigné : le respect. Je ne veux pas de ce titre et si aujourd’hui tu as compris ce que je t’expliquais alors c’est toi qui l’a amplement mérité ! Va petit, monte sur le podium et sois fier d’une bataille juste, d’un pilotage affûté et du partage de la piste avec tous tes équipiers. La moto est un univers à part que pendant longtemps d’autres sports ont envié. Il faut renouer avec les valeurs d’antan. Il faut retrouver le sens de la course en moto GP.

            – Mais qui es-tu Led ? Je te connais depuis des années, sans te connaître.

– Reçois ton prix, je te le dirai après !.

            Le Warrior se plia aux photos, aux publicités mais lors des interviews il tint un discours auquel personne ne s’attendait. D’un ton solennel, il nomma un après l’autre le nom des pilotes qui étaient tombés, encore pleurés par leurs familles. Nul n’osa interrompre sa litanie pourtant justifiée. Il expliqua ensuite que ce qu’il avait vu sur la piste l’avait changé, que ceux qui se croyaient pilotes ne l’étaient pas en réalité, réduits à l’état de combattants agressifs, violents, dénués de pitié, que tous avaient reçu une leçon, battus loyalement par l’habileté d’un ancien pilote jadis vénéré. Une journaliste l’interrompit :

            – Et ce pilote, Warrior, vous le connaissez ?

            – Je crois que nous le connaissons tous et je viens seulement de me rappeler de ce que mon père me racontait, de cette année 2015 et des dernières compétitions du moto GP au cours desquelles notre avenir s’est joué. Les instances sportives de l’époque, sensibles à l’audience qui avait grimpé du fait de la bataille injustifiée opposant deux pilotes, décidèrent de modifier le règlement. C’est ainsi que les coups furent autorisés, voire conseillés, les alliances pour gagner encouragées et même sponsorisées. Le vainqueur du GP de l’époque fut hué tandis que celui, qui l’avait semble-t-il aidé, fut conspué. Le titre échappa cette année-là à celui qui l’avait mérité et le moto GP devint ce que tous vous connaissez, cette course qui n’est plus qu’un appel au meurtre ! J’ai honte de ce qu’est devenu ce sport et j’annonce aujourd’hui que je ne courrai plus jamais comme avant. Je veux redevenir un pilote digne de ce nom. Je ne suis plus le Warrior !

            Le jeune homme voulut se retirer mais on l’interpella :

            – Le nom de ce pilote majestueux d’aujourd’hui s’il vous plaît.

            – Je l’ai toujours appelé Led sans savoir véritablement comment il s’appelait.

            Alors un journaliste de presse désormais retiré de la profession se leva, s’approcha du micro et dit :

            – A l’époque je le connaissais. Led pour Le Doctor. c’était le numéro 46. Je viens juste de le comprendre. C’est une belle leçon qu’il nous a donné. Il vient de redonner au moto GP ses lettres de noblesses !

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Raoul de Cambrai, suite et fin

RAOUL DE CAMBRAI, suite et fin

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Chers lecteurs,

Il y a longtemps que certains d’entre vous attendaient la fin de ce récit du Moyen Age. La voici !

Pour ceux qui préfèrent mes  histoires à suspense, rassurez-vous, cette semaine vous lirez la suite du « Royaume sans escale », une nouvelle histoire courte, vous découvrirez le concours (livre à la clé)… donc 5 (ou plus) bonnes raisons de revenir me rendre visite sur ce site et de vous y inscrire.

Bonne lecture !

Bernier, adoubé chevalier par Raoul qui est mort a épousé Béatrice qu’il voit peu. Il est l’un des rares à faire preuve de sentiments dans cette geste et l’on est bien loin de ce qu’on appelle au Moyen Age la fin amor, c’est à dire un amour teinté de courtoisie. Les femmes des chansons de geste, vous l’aurez compris, ne représente pas grand chose. Leurs époux, leurs fils… sont si prodigieux dans les batailles notamment qu’elles s’effacent totalement à leurs côtés comme dans la narration sauf quand elles sont reines ou qu’elles sont à l’origines de malédictions comme dame Aalais dont je vous ai parlé bien avant. 

Bernier part au combat et affronte un Turc, un véritable démon « un malfé » dit le texte du Moyen Age. L’homme est redoutable, grand, puissant. Rien de surprenant à ce que les récits de l’époque parlent de Sarrasins, de païens… quand on sait l’importance que l’on accordait à la religion ! Il n’y a rien de surprenant non plus à ce que ce soit le chrétien qui gagne le combat. Il tranche la tête de son adversaire et l’amène au roi Corsuble qui dit :

CCXCVIII

« Crestiens, biaxamis, 

par Mah[omet], a gret m’avés servit. 

Se or voloies demorer avuec mi

tout mon roiaume te partirai par mi »

Vous aurez compris que le roi Corsuble se propose de partager son royaume avec Bernier victorieux car ce passage, bien qu’en ancien français, est assez clair. Mais Bernier, le seul sentimental (mais pas toujours) de cette geste, veut retrouver son épouse et il préfère rentrer. Il finit par la retrouver, non sans mal car la dame est la prisonnière d’un certain Herchambaut. Une ruse à l’occasion d’un bain dans une fontaine va leur permettre de s’enfuir car Herchambaut nu ne peut les suivre. (La fontaine est vertueuse, miraculeuse et ceux qui s’y baignent luttent contre l’impuissance ou les femmes deviennent fertiles). Scène rare que la laisse CCCXVIII où un homme est nu dans une fontaine. La dame veut que Bernier en profite et lui coupe la tête mais en agissant ainsi il serait déshonoré. Tous deux s’en vont donc tandis que l’autre est littéralement enragé. Bernier et Béatrice recherchent ensuite leur premier fils, Julien, disparu et à l’occasion de leurs retrouvailles après l’épisode de la fontaine, ils conçoivent une deuxième enfant : Henri.

En cherchant Julien, Bernier retourne auprès du roi Corsuble et doit se battre avec un certain Corsabré qui n’est autre que son fils. Il ne le sait pas.

« Li uns est pere et li autres est fis » précise le texte.

Mais Bernier croit que Corsabré est un païen recherché pour avoir tué le frère du roi Corsuble. Lors du combat, Julien (Corsabré est fait prisonnier). Julien est condamné à mort.

CCCXXIX

« Fai me une forche sor cel tertre lever,

ce pautonnier maintenant me pendès »

Ce qui signifie que Julien doit être pendu. Mais autour des hommes certains sont frappés de la ressemblance entre Julien et Bernier. Alors, miraculeusement, Bernier reconnaît soudain son fils.

Les retrouvailles sont émouvantes et tous deux rentrent à Saint-Gilles. Julien sera le digne héritier de celui-ci. Bernier pardonne finalement à Guerri toutes ses actions contre lui et ils décident de partir en pèlerinage à Saint-Jacques. Mais intérieurement, Guerri est  partagé. Il veut retrouver la paix auprès de Bernier mais il songe au fait qu’il est aussi celui qui a tué son neveu. Voici ce que dit le texte :

CCCXXXVIII

Gerri ot duel, ce saichiés vos de fi,

por la parole qu’ot de B[ernier] oït

qui li mentoit la mort de ces amis.

Tros qu’a une iaue chevauchiere[n] ainsis ;

lors chevax boivent qui enn ont grant desir.

Li duels ne pot forsdel viellart issir,

max esperis dedens son cors se mist :

ill a sa main a son estrivier mis,

tout bellement son estrier despendi,

parmi le chief B[erneçon] en feri,

le tes li brise et l[a] char li ronpi,

enmi la place la cervelle en chaï.

En résumé : Guerri est profondément accablé. Il songe aux morts, à ses proches. Ils chevauchent tous deux vers une rivière où leurs chevaux boivent. Le vieillard ne pouvant oublier sa douleur, il sort doucement son étrier et frappe Bernier à la tête. Il lui fend le crâne et la cervelle de sa victime tombe dans l’eau.

Guerri s’enfuit ensuite. Et Bernier ???? Il n’est pas mort (vous voyez qu’ils sont forts ces chevaliers du Moyen Age) et dans ses derniers instants, il pardonne le geste terrible de Guerri avant que son âme ne s’envole au paradis (après la cérémonie des brins d’herbe). Béatrice pleure Bernier et les fils de celui-ci veulent bien évidemment le venger. Ils incendient Arras. La citadelle est assiégée et l’on apprend, à la fin de la chanson de geste, alors que la nuit tombe que Guerri quitte la citadelle à cheval et s’exile. Henri, le second fils de Bernier reçoit la citadelle  d’Arras et en devient le seigneur.

« D’or an avant faut la chançon ici :

beneois soit cis qui la vos a dit

et vos  ausis qui l’avé ci oït. »

Traduction :

La chanson s’arrête ici : béni soit celui qui vous la chanta et vous aussi, qui l’avez écoutée.

On voit dans ces dernières phrases que l’histoire que je viens de vous conter et de résumer (car elle comporte 8542 vers) était chantée sur les places, dans les châteaux… puisque le gens ne savaient pas lire. L’oralité était primordiale. Le jongleur qui raconte ces exploits (qui les chante) se devait de remercier ses auditeurs et de les bénir en ces temps si croyants.

Voilà chers lecteurs contemporains du XXI ème siècle. J’espères vous avoir fait découvrir la réalité des écrits du Moyen Age et vous avoir sensibilisé à ces oeuvres riches, exceptionnelles et surprenantes qui n’ont rien à envier à notre littérature fantastique.

La prochaine oeuvre du Moyen Age que je vous ferai découvrir sera « Perceval, le nice (ce qui signifie le sot, le benêt), de Chrétien de Troyes. Je ne la présenterais pas comme je l’ai fait pour « Raoul de cambrai ». Je l’analyserai afin de vous faire découvrir toute sa saveur et sa spécificité car, chers lecteurs elle est l’ancêtre des romans que vous lisez !

La semaine prochaine :

  • le concours dont je vous ai parlé sera lancé (un livre à gagner) alors revenez souvent sur le site pour ne pas le manquer ;
  • vous découvrirez la suite du « Royaume sans escale » ;
  • et, semaine suivante je vous immergerez dans une toute nouvelle histoire.

Alors merci de vous abonner, de partager et de parler de ce site autour de vous comme tant l’ont déjà fait, que je ne remercierai jamais assez.

Bonne lecture, bonnes soirées, bonnes journées… au plaisir immense de vous retrouver !

Votre auteure : Aurey Degal

 


8 Commentaires

Comment j’écris mes histoires ?

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Tout d’abord, voici mon lieu de travail. Pour une fois, il n’est pas trop encombré !

C’est sur ce clavier que je saisis mes textes : romans  et histoires destinés au site. J’ai la chance de travailler devant la fenêtre ouverte que vous voyez derrière  et je vois des arbres, des fleurs… Tout m’inspire !

Comment me viennent les idées de mes histoires ? 

Je dirais qu’elles arrivent de toutes parts. Où que je sois, tout m’interpelle, tout est prétexte à histoire. Une anecdote, un objet, une situation… et me voici partie dans un univers imaginaire où, intellectuellement je brode et déjà des personnages prennent vie. Rapidement j’entrevois une fin. On m’offre un cadeau bien emballé et, alors que je suis en train de l’ouvrir, mon esprit est ailleurs, à bâtir tout un univers autour du contenu que je ne connais pas encore, que j’imagine, suspect, dangereux, important pour ma destinée… Bien entendu, il n’en est rien mais souvent j’ai là, matière à écrire.

D’autres fois c’est quand je m’endors. Je réfléchis, je « pars », ailleurs, je créé ce qui n’existe pas… Bien souvent, je dois me relever pour noter mon idée car au matin, pftt… tout s’est envolé. Dans les salles d’attente, dans ma voiture, au guidon de ma moto, quand je marche dans la rue, sous la douche… TOUT peut potentiellement devenir une histoire !

Mon mari a aussi beaucoup d’imagination et parfois, souvent devrais-je dire, il me dit : « Tiens, j’ai une idée d’histoire ! ». Et il me la raconte. Si elle m’inspire je prends sinon je grimace. En général, les idées que je retiens sont, une fois que j’en ai fait des histoires, bien différentes de ce qu’il imaginait au départ mais c’est ainsi. Je dilate ses récits, j’ajoute ma touche… et lui-même est surpris du résultat final.

Comment me viennent les idées de mes romans ?

C’est un peu pareil  à part que je m’aperçois que le thème va me permettre de créer des digressions, des parallèles, des rebondissements… et que le tout ne peut développer toute sa saveur en quelques pages seulement. Des idées de romans, déjà organisées sur papier, j’en ai plusieurs et je me fais plaisir rien qu’à l’idée de les écrire. Ah si j’avais le temps ! Le temps est ce qui me manque le plus. Si j’en avais davantage, si je n’avais pas l’obligation de me rendre au travail je crois que j’écrirais facilement au moins un roman par an. Mais voilà !…

Quelques exemples :

Prenons l’histoire de la nouvelle intitulée « L’Ascension », qui était sur le site et qui a disparu depuis. Eh bien, j’étais en train de lire un livre quand je me suis dit que ce pourrait être une histoire que je lisais à une personne, laquelle serait dans l’impossibilité de le faire. Il me restait à trouver quelle histoire serait racontée. Comme j’adore la montagne et que les plus hauts sommets me font rêver, j’ai décidé que ce serait une ascension, au bout du monde.

Autre exemple, celui de mon roman, LE LIEN. Sur nombre de maisons ardéchoises de vieux clous rouillés sont figés sur les façades, parfois à l’intérieur. Je m »imaaginais les enlever, je me demandais pourquoi on ne les enlevait pas et je me disais, s’agissant de vielles demeures, que peut-être, derrière se cachait quelque trésor. Trésor m’a fait penser à caisse, caisse à cercueil, cercueil à mort et voilà,  j’avais trouvé le thème de mon histoire, de cette sorte de malédiction. Comme de surcroît, avec la crise on parle sans cesse de privilégiés, d’hommes politiques malhonnêtes et de petites gens qui peinent à vivre, j’ai puisé dans ce vivier pour donner corps à des personnages totalement opposés, ce qui fait que c’est au lecteur de trouver ce qui les relie. D’où le titre : LE LIEN. Quant à Shaïma, cette jeune femme magnifique aux yeux d’ambre, son prénom et sa beauté m’ont été inspirés par une élève si belle que je lui disais toujours : « Si un jour tu hésites pour faire un métier, pense aux agences de top modèles », car je vous assure qu’elle était belle à vous subjuguer. Aujourd’hui, Shaïma n’est pas top modèle et je crois que ma suggestion, elle l’a oubliée.  

Voilà chers lecteurs et chères lectrices. Il me tenait à coeur de vous dire ceci. Et je terminerai par ces remarques qui caractérisent ce que j’écris :

 – le suspense, le mystère et une pointe de fantastique et une fin détonante… toujours.

 – quant à la crainte de la page blanche, je n’ai jamais su ce que c’était ! Car la seule chose qui nuit à mon écriture c’est LE TEMPS comme je l’ai dit plus haut  et des idées d’histoires sous forme de notes j’en ai des centaines. Bientôt je vous dévoilerai le début d’une nouvelle histoire inédite. Il vous suffit de patienter !

Bonne journée, excellentes lectures et n’hésitez pas à laisser un petit commentaire. 


6 Commentaires

« Central Park » Guillaume Musso

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Alors que son dernier roman vient de sortir, j’ose vous parler de l’avant dernier. Oui, parce que c’est celui que je viens de finir. Et oui c’est encore Musso ! 

Voyez-vous ses intrigues sont prenantes et je me suis dit « j’en lis encore un ». Et puis, je l’envie, ce monsieur. Non parce qu’il sait écrire, ce qui est un fait, mais parce qu’il est connu et reconnu… Patience Audrey me dis-je, patience !…

Donc Central Park est un roman de 383 pages (mais comparé à mon roman Le Lien) le nombre de pages est identique (c’est une question de police de caractères et de mise en page). Force est de constater que l’on ne s’ennuie pas.

Dès le début de l’intrigue on se demande : « Mais comment sont-ils arrivés là ? ». La quatrième de couverture nous l’annonce pourtant mais il est vrai que deux individus, reliés l’un à l’autre, qui ne savent pas ce qu’ils font enchaînés en ce lieu, qui ont de surcroît des traces de sang sur leurs vêtements et des chiffres gravés à même la peau sur l’avant bras, c’est surprenant ! Et l’on se pique au jeu de piste que mène l’héroïne, officier de police.

Les analepses rhétoriques (retours en arrière) sont les bienvenues pour expliquer le passé de celle que nous prenons en affection, Alice. Les pointes de mystère sont aussi présentes avec le second personnage, Gabriel, flou, énigmatique, menteur, dont on ne sait si c’est pour la bonne cause ou pour mieux faire tomber Alice dans un piège qui semble l’attendre à chaque chapitre. 

Pour couronner le tout, un tueur en série vient jeter le trouble sur nos certitudes et l’on en vient à soupçonner un peu tout le monde : le père d’Alice, son coéquipier de toujours Seymour… Bravo Musso, c’est bien pensé !

L’intrigue emporte donc le lecteur sans aucune difficulté. Au fil des pages vous n’aurez de cesse que de finir le roman pour connaître la vérité, fort bien ficelée par Guillaume Musso, je dois dire. L’enquête est minutieuse, haletante, progressive. 

La seule – petite – ombre au tableau réside dans les pages qui précèdent le dénouement qui, s’il est d’une logique implacable, teintée de surcroît d’émotion, m’a quelque peu déçue. En effet, c’est à mon sens, un voile triste, presque sordide que Musso jette sur son histoire, à la manière de son premier roman Et Après. Le lecteur espère, espère encore et toujours mais… l’inespéré ne se produit pas.  Mais cela ne tient qu’à moi. J’aurais préféré une fin plus positive, moins dramatique… Je pense d’ailleurs que Musso l’a ressenti ainsi puisqu’il a ajouté un dernier chapitre, lequel atténue le sentiment négatif que j’éprouvais. 

En conséquence, je vous recommande la lecture de ce roman Central Park. Vous ne regretterez pas de vous y plonger et vous passerez d’agréables moments. 

N’oubliez pas que lire des livres délivre ! Alors lisez Musso ou mes histoires ou mon roman et le recueil de nouvelles que je m’apprête, sous peu, à publier ! 

Bonne lecture !