Des histoires pour vous

SITE OFFICIEL D’AUDREY DEGAL


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DESTINATIONS ETRANGES

Cet article a vocation de vous signaler la sortie de mon nouveau livre :

DESTINATIONS ETRANGES

aux édition BOD

En voici la couverture 

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Comme toujours, le mystère est au rendez-vous ! Laissez-vous surprendre !

Voici un lien pour commander le livre. Cliquez ci-dessous

http://www.decitre.fr/livres/destinations-etranges-9782322034383.html

Vous pouvez aussi le commander dans toutes les librairies (il existe en livre papier ou en ebook).

Il s’agit d’un recueil de nouvelles. Vous avez pu en lire certaines sur ce site mais beaucoup de lecteurs ont exprimé le souhait d’avoir ces récits sous la forme d’un livre. C’est chose faite ! Vous pourrez aussi découvrir des histoires inédites qui n’apparaîtront jamais sur ce site. Parmi celles-ci : « Le Terminal », « L’Orée des mondes », « Le Maître des rivages », nouvelles assez longues (40 pages pour la dernière par exemple). 

Voici la quatrième de couverture et un extrait :

Quatrième de couverture :

Il n’est pas toujours nécessaire d’aller loin pour voyager ! Les frissons sont parfois à votre porte. Partir au bout du monde, ou choisir de ne pas vous éloigner, il y a des destinations qui échappent à tout contrôle. Vous ne maîtrisez ni le départ, ni l’arrivée. Tout devient alors étrange, quand ce n’est pas le voyage lui-même. Les histoires de ce recueil vous emportent là où vous ne pensiez pas aller : une montagne, un lac, une maison… Est-ce bien ce que vous croyez ? Destinations étranges, un livre à ne pas en croire vos yeux !

Dans ce nouveau livre, Audrey Degal dynamisme l’écriture et emporte le lecteur de pages en pages vers des destinations plus étranges les unes que les autres. Chaque histoire est à savourer, chaque récit est plus surprenant que le dernier…

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Extrait : 

Qui suis-je ?

Quel jour est-ce ?

Où vais-je ?

L’ailleurs n’apporte pas toujours la réponse.

L’OREE DES MONDES

 

CHAPITRE 1, Un monde sans faim

J’aurais tant aimé dormir plus longtemps, murmura Thibault en se réveillant comme chaque matin, travée 3797, allée 148, couloir 11, chambre 12, lit 3A.

La musique douce et mélodieuse venait de retentir, une fois de plus, tirant chacun d’un sommeil profond. Quelques instants plus tard, une voix féminine bienveillante déversa un flot de paroles, comme d’habitude. Elle remerciait les membres de la communauté pour leur contribution, les invitait à s’habiller rapidement et à aller se restaurer dès qu’on les inviterait à le faire. Les portes des chambres allaient bientôt s’ouvrir. Il faudrait sortir. Nul ne pouvait rester. C’était ainsi.

– Allez, lève-toi. Qu’est-ce que tu as à fixer le plafond comme cela ? On dirait que tu viens de faire une découverte. Rien n’a changé depuis hier et ce sera la même chose demain et tous les jours de notre vie…

– Tais-toi donc ! Tu n’en as pas assez de recommencer encore et encore la même journée, le même travail… Tu ne te poses jamais de questions ?

– Et lesquelles devrais-je me poser ? Je suis heureux. Tout va bien, cela me suffit.

– Je ne sais pas moi, mais tu ne t’es jamais demandé ce que nous faisions ici, pourquoi nos journées se répétaient inlassablement, qui nous nourrit, qui nettoie nos chambres et l’étage, qui…

– …Je ne sais pas. En revanche ce que je sais, c’est que nous allons être en retard si tu continues, rétorqua Luc tout en sortant son linge d’une armoire.

– Et cette voix. Qui se cache derrière elle, d’où vient-elle ? Tous les matins elle nous balance le même message, elle nous rassure, nous réconforte et nous dit gentiment d’obéir sans traîner. Je ne le supporte plus. Tous ces matins identiques, toutes ces journées semblables, toutes ces têtes baissées qui obéissent sans savoir… je n’en peux plus !

______________

Je travaille actuellement sur un troisième livre tiré de « Un Repas au coin du feu » dont vous avez pu lire une histoire abrégée sur ce site. Ce roman portera un autre nom et bien plus de rebondissements que dans l’histoire que vous avez pu découvrir. 

J’ai déjà bien avancé mon quatrième roman dont je tais encore le titre pour l’instant. Les personnages principaux sont une homme et une femme. Le décor : le Verdon. Leur rencontre va faire basculer leurs vies et tout leur échappe ensuite… 

Je dispose de 5 autres idées de romans tous très différents. Offrez-moi du temps pour que je puisse les écrire au plus vite !

Quant aux histoires que je mets à votre disposition sur ce site ou que je garde au chaud pour un prochain recueil de nouvelles,  elles sont au nombre de 63 à ce jour. Vous voyez, je ne suis pas en manque d’idées. Et vous en découvrirez de nouvelles progressivement. 

Bonne lecture à toutes et à tous, partageons ensemble ces moments privilégiés au cours desquels votre lecture rencontre mon écriture pour une fusion extraordinaire, pour une complicité magique ! 

Votre auteure,

Audrey Degal.

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Le Royaume sans escale, 2ème partie

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Le Royaume sans escale, 2ème partie

            La mer, si calme jusque-là, avait désormais son mot à dire et le bateau tanguait si bien qu’il devenait difficile de se tenir sur les ponts. Comme s’ils étaient ivres, les matelots progressaient de biais tentant de s’accrocher à tout ce qui était à leur portée. Les treize gabiers avaient reçu l’ordre d’affaler les voiles qui faseillaient au vent du nord et battaient avec force, mues par de gigantesques mains invisibles mais puissantes. Il ne pleuvait pas mais les hommes étaient trempés jusqu’aux os, fouettés par d’innombrables gerbes d’eau salée.

            – Le Hennec, tire plus fort à droite, hurlait le maître des gabiers qui tentait de coordonner les gestes des marins.

            Deux matelots tentaient de dégager une voilure coincée, en vain. La scène ressemblait à un combat et la lourde toile entravait les jambes des hommes qui tombaient, glissaient sur le pont et revenaient tant bien que mal pour accomplir leur tâche.

            – Le hauban est bloqué, maître gabier. Inutile de tirer. On ne le dégagera pas ! Il ne…

            Il n’avait pas fini sa phrase qu’une vague, plus haute que les autres, le balaya tel un brin de paille et le jeta contre un mât. L’homme tituba en se relevant. Sa tête avait heurté deux ou trois obstacles, lors de sa glissade incontrôlée. Le maître gabier se lança à son tour à l’assaut pour aider ses hommes.

            – Il faut monter, nous n’avons pas le choix. Nous devons dégager la voile et vite l’affaler. Si la mer se déchaîne encore ainsi que le vent, avec cette voile qui bat, nous ne pourrons plus diriger le navire. Qui se dévoue ?

            Sans donner de réponse, Le Hennec, connu pour sa bravoure et son courage, commença à escalader le grand mât, un couteau coincé entre les dents. Les autres le regardaient, perplexes. Il était agile mais lourd. Les éléments semblaient vouloir empêcher sa progression et il reçut des dizaines de gifles monstrueuses d’eau salée. Il résista et quand il arriva enfin au sommet, d’une main, il s’agrippa et de l’autre il commença à tailler dans l’épaisse toile qui figeait tout le gréement. Avec le vent, elle s’était entortillée autour de celui-ci et, trempée, il était impossible de la défaire tant le nœud qui s’était formé était serré. Tout à coup, libérée, la voile tomba lourdement sur le pont. Aussitôt les deux matelots restés au pied du mât s’en emparèrent et la roulèrent pour l’attacher. La tempête gagnait en intensité. La houle martelait la coque du navire voulant le prendre d’assaut. Le bruit était infernal. Le vent sifflait rageusement, la mer vociférait d’obscures paroles.

            – Le Hennec, redescends maintenant, c’est bon ! Bravo !

            Les flots impétueux engloutirent ces paroles.

            – Il a été courageux, maître, fit remarquer l’autre en achevant son nœud de cabestan qui lui permettait de se tenir de l’autre main.

           – Oui, très courageux et habile. Fais deux demi-clés sur le dormant de l’amarre sinon le nœud va se défaire. Les nœuds de cabestan ont souvent tendance à se desserrer.

           – Oui maître ! Obéit immédiatement le gabier discipliné.

         – Voilà ! La voile est bien attachée, dit le maître calfat à son matelot. Rentrons à l’abri. C’est terminé.

            Le marin ne demanda pas son reste. Il leva le menton en direction du grand mât. Plus personne ne s’y trouvait.

            – Le Hennec maître, où est Le Hennec ?

            On l’appela. On le chercha. Il ne reparut jamais. Une lame plus véloce que les autres était venue le cueillir quand il redescendait. Trente-et-un hommes manquaient désormais à l’appel.

*

            – Je vous écoute Sillace. Qu’ont donné vos investigations ? Où sont les trente hommes d’équipages qui n’ont pas répondu à l’appel ce matin ?

            – Il n’y a pas un seul recoin du navire qui n’ait été inspecté. Nous avons procédé méthodiquement, ouvrant toutes les cachettes les plus improbables. Nous avons ouvert les tonneaux de poudre, de farine… Bref, le bateau a été passé au peigne fin mais il n’y a aucune trace des hommes que nous recherchons. Dans les hamacs où ils ont passé leur dernière nuit, les couvertures sont encore tirées, toutes de la même façon, comme s’ils dormaient dessous. Leurs quelques affaires sont aussi en place. On dirait qu’ils se sont évanouis.

            – Je n’ai jamais entendu une chose pareille ! rétorqua le commandant. J’ai confiance en vous Sillace mais j’avoue que c’est extraordinaire !

            Loutail, fixait le lieutenant d’un air dubitatif. Il ajouta :

            – Êtes-vous certain de n’avoir rien oublié ? Ne nous cachez-vous pas quelque chose ?

            – Je vous assure que non. Cependant lors de nos recherches…

            On l’interrompit.

            – Entrez, s’exclama Jim alors qu’on frappait à sa porte. Maître gabier, que vous arrive-t-il ? Faites vite nous avons une urgence à traiter.

            Encore dégoulinant d’eau de mer, le visage baissé, pressant entre ses doigts un chapeau tout aussi trempé, l’homme déclara :

            – Mon commandant, on a fait tout ce qu’on a pu pour détacher la voile qui s’était coincée autour du mât principal. C’est Le Hennec qui s’en est chargé mais en redescendant il est tombé à la mer et quand elle est aussi déchaînée, vous savez comme moi qu’il n’y a rien à faire. Je suis désolé mon commandant. Un homme de moins chez les gabiers.

            Jim frappa violemment du poing la table de bois et pria l’homme de se retirer.

            – Décidément, il semble que la chance ne soit pas de notre côté. Loutail, voyez l’aumônier pour rendre hommage à ce gabier.

            Le commandant en second sortit aussitôt.

            – Sillace vous aviez autre chose à ajouter avant l’arrivée du maître gabier.

           – Oui Jim. Je n’ai trouvé aucun des hommes mais j’ai débusqué autre chose : un passager clandestin.

            – Un passager clandestin ! Étrange traversée que celle-ci. Dites-m’en plus.

           – Eh bien, il se cachait parmi les soldats de la garnison. Ce qui a attiré mon attention, c’est qu’il se comportait étrangement et se tenait un peu trop à part. Les autres commençaient d’ailleurs à le chahuter. Nous avons fait aligner tous les soldats et nous les avons comptés, deux fois. Résultat : 131 soldats au lieu de 130 initialement embarqués. Et comme nous avons procédé ainsi pour tous les corps, les canonniers, les calfats, les hommes de bord, les charpentiers, les novices… Nous sommes certains que cet individu est de trop à bord. J’ai ordonné de l’arrêter. Il a alors tenté de fuir mais il a aussitôt été rattrapé. Et puis où pouvait-il espérer aller ? On ne s’enfuit pas d’un navire !

            – Les trente hommes qui manquaient ce matin tendent à prouver le contraire, coupa Jim perplexe. Et où est ce clandestin pour l’instant ?

        – Je l’ai fait placer dans la cale, à l’isolement. C’est un jeune, il n’a pas l’air récalcitrant. Si vous voulez le voir et l’interroger…

            – Pas pour le moment ! J’ai du travail. Avec cette tempête et les deux ou trois avaries déclarées, je dois modifier notre route pour espérer un temps plus clément en navigant au sud. En revanche, veillez à ce que les canons malmenés par le tangage du navire soient à nouveau fixés solidement. Ils pourraient écraser des hommes en bougeant et endommager la coque. Voyez aussi les autres lieutenants afin qu’ils fassent le point sur les vivres. Certaines pourraient avoir pris l’eau. Tout pourrit si vite quand l’humidité s’infiltre et avec cette tempête l’eau a dû pénétrer un peu partout ! Faites écoper ! Il faut être vigilant.

            – L’aumônier dira une bénédiction demain matin pour le marin tombé à la mer, déclara Loutail en revenant. J’ai aussi appris qu’il y avait un passager clandestin. Voulez-vous que je m’en charge ?

            – Non ! Remettons-nous au travail. Il faut tirer des bords en direction du sud où nous trouverons des vents plus favorables. J’espère que cette tempête ne s’éternisera pas trop.

            – Je l’espère aussi.

*

            La nuit suivante fut plus calme mais sur le bâtiment, on ne dormait guère. On réparait ce qui s’était cassé, on consolidait, on assemblait les voilures déchirées… Un rythme de cinq quarts avait été établi. Certains dormaient, quelques-uns travaillaient, d’autres médisaient :

            – Commandant Jim ou pas, elle n’est pas normale cette traversée. D’abord, des matelots qui disparaissent, la tempête qui fauche un homme, un clandestin caché parmi nous, les canons qui se sont détachés, cinq mille litres d’eau fichus et les salaisons qui baignent dans l’eau salée.

            – Je suis de ton avis. Il y a un mauvais œil qui est monté sur le Royal-Louis.

            – Bah, la tempête s’est calmée.

            – Allons, marins ! Cessez de parler et faites votre travail. Finissez votre quart et vous irez vous coucher, ordonna leur chef.

            Les matelots baissèrent les yeux et se turent. Ils n’en pensaient pas moins.

*

            – Sillace au rapport Jim !

            Il était cinq heures du matin. La nuit, comme la précédente, avait été calme. Le lieutenant attendait que le commandant le priât de parler. Ce dernier, assis dans un fauteuil, un verre à la main, referma le livre qu’il venait de consulter. Il n’avait pas vraiment dormi.

            – Avez-vous fait votre tournée mon ami ?

            – Tournée faite Jim.

            – Et ? Vous me semblez sur la retenue.

            – Effectivement ! C’est que… c’est que…

            – Dites, je vous prie, s’impatienta-t-il. Mais ne me dites pas que…

            – … Si mon commandant ! ne put-il s’empêcher de déclarer.

            – Il manque des hommes ? Il manque des hommes, reprit-il involontairement en écho. Disparus ? Comment ? Combien ? Lesquels ?

            – Treize sont portés manquants. Deux gabiers, six novices, trois voiliers et deux soldats.

            Jim ferma fortement les paupières pour accuser le coup que cette déclaration venait de lui porter.

           – Je n’ai pas dormi cette nuit. Je suis monté prendre l’air et je suis resté là, à arpenter les trois ponts et tout le navire des heures durant. Je n’ai rien vu d’étrange, pas d’activité si ce n’est celle des gardes. Mon Dieu, treize hommes ne s’envolent pas sans bruit. C’est impossible !

           – Je le sais mon commandant… Jim, mais comme hier nous avons déjà vérifié, fouillé, compté et recompté l’équipage. Le nombre reste toujours le même : nous avons perdu 43 hommes en deux nuits. Et…

            Sillace se tut un instant.

            – Et quoi ?

            – Les hommes parlent de traversée du malheur… le ton monte.

         – Certes mais après tout c’est bien normal. N’oublions pas aussi que nous avons un passager de plus : le clandestin. Allons lui rendre visite.

            Les deux hommes, accompagnés de Loutail, descendirent à fond de cale. Celui-ci tenait une lanterne dont les verres étaient brisés. La flamme vacillait. De la proue à la poupe, le Royal-Louis avait été compartimenté et il regorgeait de victuailles. Quatre petites pièces étroites, sombres et humides étaient restées dégagées pour accueillir les matelots devenus rebelles à l’autorité après des mois de navigation éprouvante. Dans une de ces cellules, le clandestin attendait. Il était couché à même le bois froid quand il entendit des pas s’approcher ainsi que des voix. Il se redressa, s’assit et entoura ses jambes repliées de ses bras. Aucun gardien ne surveillait les lieux. Un cliquetis, une clé qui se glisse dans une serrure, une rotation de plusieurs crans et un filet de lumière qui pénètre le premier dans la geôle exiguë. Le clandestin, habitué à l’obscurité, leva son bras devant son visage pour ne pas être ébloui. Un broc d’eau en terre reposait à côté de lui et une assiette dans laquelle on devinait encore des restes de repas. Jim, toujours bienveillant, humaniste avant l’heure lui dit :

            – J’espère qu’on vous a bien traité, jeune marin.

            L’autre, le visage enfoui entre les genoux ne répondit rien.

            – Vous taire ne vous avancera pas. La traversée sera longue. Il va falloir tout nous dire et nous révéler le pourquoi de votre présence sur mon navire. On ne vous fera aucun mal. Vous serez bien traité si vous nous révélez votre identité. Qu’êtes-vous venu faire parmi les soldats de la garnison ?

            L’inconnu se taisait toujours. Sillace sollicita la permission d’intervenir.

          


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Littérature médiévale, « Raoul de Cambrai », suite

Gautier veut venger son oncle Raoul, mort au combat. Il attaque Bernier. Guerri est fait prisonnier puis délivré. Autant j’avais insisté pour vous faire comprendre que Raoul était un chevalier sous l’emprise du furor guerrier, un chevalier qui ne recule devant rien, ni la douleur physique, ni le blasphème, ce qui au Moyen Ages est choquant, autant Bernier incarne l’homme sage par excellence. Certes il rend les coups qui lui sont portés mais il tente toujours d’apaiser les querelles, il cherche à parler à ses adversaires, à leur faire entendre raison. Aussi plutôt que le sacrifice de bien des hommes, il propose ce ci à Gautier :

CCI

Se dist B[erniers] : « Gautelet, or m’enten.

tu m’aatis par ton fier hardement;

j’en ai le cuer correcié et dolent.

Don ça ta main : je t’afi loialment

qe avec nos n’avera plus de gent

ne mais qe deus qi diront seulement

a nos amis le pesant marement. »

Ce qui signifie : Bernier dit :  » Gautier, écoute-moi. Ta cruelle vaillance t’a poussé à me provoquer et j’en ai le coeur triste et je souffre. Donne-moi la main ; j’affirme loyalement qu’il n’y aura avec nous que deux hommes pour dire à nos amis la triste nouvelle ».

Cette nouvelle consiste a annoncer lequel de Bernier ou de Gautier trouvera la mort lors d’un duel. Au Moyen Age, le duel judiciaire est placé sous le signe de Dieu ainsi que j’en ai déjà parlé plus haut. Le duel ou encore les tournois sont faits pour épargner la vie des hommes puisque seulement deux hommes sont engagés. Les tournois étaient des façons de prouver la vaillance des chevaliers qui n’avaient ainsi plus à se faire la guerre. Ainsi, les lignages cessaient de s’affronter. Ici, il est question d’un duel entre Gautier et Bernier. Gautier se livre ensuite à une pratique pieuse qui consiste à s’attirer la bienveillance divine ainsi que le précise l’éminente spécialiste en la matière, Micheline de Combarieu du Grès dans sa thèse, page 469. Gautier se rend dans une abbaye, seul et s’y prosterne. Il assiste au vêpres, aux matines… Puis, le jeune chevalier se consacre à un rituel peu commun :

CCIII

Li bon espiés ne fu pas oublïés :

grans fu li fers, si est bien acérés –

en son(c) estoit uns penonciaux fermez.

Sifaitement s’en est Gautiers tornez.

Soventes foiz c’est l’enfes regardez :

lons fu grailes, pacreüs et moulez –

ne se changast por home qi soit nez.

Ce qui signifie :Gautier n’oublie pas son excellent épieu au fer grand et affuté, au bout duquel un pennon était fixé (Gautier est sur son destrier). Il se prépare alors : il se regarde et se trouve grand, svelte, d’une taille intéressante et bien proportionné. Il ne se serait échangé avec personne au monde.

J’imagine vos regards amusés en lisant ceci. En effet, les chevaliers sont beaux et leur côté narcissique ressort particulièrement bien dans cet extrait. Il doit être beau pour se présenter à Dieu s’il venait à mourir. Mais au Moyen Age le beau n’a pas seulement cette valeur esthétique que nous lui reconnaissons aujourd’hui. Le beau est le reflet de l’âme et témoigne de la pureté de l’être. On retrouve le même phénomène plus tard, chez Shakespeare à propos de l’amour que se vouent Roméo et Juliette. ils s’aiment, ils sont beaux par conséquent leur âme est pure, le beau reflétant une beauté intérieure.

Puis le combat entre Gautier et Bernier a lieu, acharné bien évidemment, violent – il ne saurait en être autrement -. Les pierres précieuses volent sous les coups et le jongleur est très précis lorsqu’il dit « qe deus cenz mailles en f[ai]t jus trebuchier » c’est-à-dire qu’il voit deux cents mailles du haubert sauter. Le sang coule, qui fascine l’homme du Moyen Age auquel le jongleur est train de « débiter » ce texte.
Les témoins présents à ce combat trouvent que tout ceci devient trop violent alors que finalement ils ne sont pas ennemis à l’origine. Mais il est hors de question qu’ils deviennent sages. Il décident eux aussi de se joindre au combat. Ainsi, Guerri tue Aliaume du camp de Bernier. Guerri est accusé de trahison car à l’origine le combat ne devait opposer que Gautier et Bernier. Guerri accusé de trahison par Bernier fonce sur ce dernier pour le frapper car il n’accepte pas d’être traité de traître. Toutefois il ne peut porter de coups à Bernier puisque Gautier avait juré que le duel ne concernerait que Gautier et Bernier. Ce serait renier la trêve. Alors Gautier raccompagne Bernier que Guerri ne peut toucher. A part Aliaume, personne n’est mort mais isl sont tous bien blessés.

Puis l’empereur donne un dîner à la laisse 223. Tous les barons sont conviés dont Gautier et Bernier. Alors qu’on apporte un plat de venaison, Guerri prend le plus gros os du cerf servi et frappe Bernier à la tempe avec son arme improvisée et offensante. C’est un affront suivi d’une bataille générale. Gautier menace les autres avec un couteau, d’autres s’emparent de perches… Les serviteurs les séparent et les mènent devant l’empereur Louis. Celui-ci veut savoir qui a commencé et menace de punir le responsable. Guerri est désigné qui ne se laisse pas pour autant intimidé puisqu’il déclare au roi :

CCXXV

« Drois empereres, ci a grant mesprison.
Se Dex m’aït, ne valez un bouton ! »

Ce qui signifie : « Mon grand empereur, c’est un outrage. Devant Dieu, vous ne valez plus rien ! »

Il clame ensuite que le clan de Bernier est responsable de la mort de Raoul et que personne n’a été puni pour cette perte. Il demande donc au roi de lui accorder un duel contre Bernier pour tuer celui qu’il n’évoque qu’en terme de « bâtard » et à l’époque c’est une insulte suprême. Gautier n’est pas d’accord. Il estime que c’est lui qui doit tuer Bernier. Aussi, sans rien demander à personne, Gautier va s’équiper pour combattre tandis que le roi fait apporter les saintes reliques à l’occasion du combat. Or, dans cette chanson de geste, peu de miracles sont évoqués. Le scribe s’en est peut-être rappelé et il choisit ce moment pour mettre en valeur le regard divin porté sur ce combat.

CCXXVIII

Saintes reliqes i fait li rois porter,
en un vert paile desor l’erbe poser.
Qi dont veïst le paille venteler,
et les reliqes fremir et sauteler,
de grant mervelle li poïst ramenbrer.

Ce qui signifie : Le roi fit apporter les saintes reliques déposées à terre sur une étoffe de soie verte. Si vous aviez vu l’étoffe se soulever, agitée par le vent. Les reliques frémissaient et tressautaient. Vous auriez gardé en mémoire ce grand miracle.


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L’histoire de Raoul de Cambrai (suite)

Raoul a donc incendié Origny en dépit de sa promesse faite à la mère de Bernier, Marsent. La laisse évoquant le feu est ses ravages est riche de précisions. En effet, on redoutait le feu au Moyen Age. Il se propageait et les moyens pour lutter étaient dérisoires. Voici ce qu’il est écrit :

LXXI

Li quens R[aous], qi le coraige ot fier,

a fait le feu par les rues fichier.

Ardent ces loges, ci fondent li planchier,

li vin espandent, [s’en flotent] li celie[r],

li bacon ardent, si chieent li lardie[r].

Li sains fait grant feu(r) esforcier :

fiert soi es tors et el maistre cloichier –

les coveretures covint jus trebuchier.

Entre deus murs ot si grant brasier.

Totes cent ardent par molt grant encombrier –

art i Marsens qi fu mere B[ernier],

et Clamados la fille au duc Renier.

Parmi l’arcin les covint a flairier ;

de pitié pleurent li hardi chevalier.

Traduction :

71

Le comte Raoul devint féroce. Il fit mettre le feu dans toutes les rues. Les maisons brûlèrent, les planchers cédèrent, le vin coula tant que les celliers furent inondés, le lard brûla et les garde-manger s’effondrèrent. La graisse aviva le feu et les flammes léchaient les tours et le clocher le plus élevé. Les toitures s’écroulèrent. Entre deux murs, le brasier fut si intense que les religieuses périrent. Cent trouvèrent la mort : Marsent, mère de Bernier et Clamados, fille du duc Renier. L’odeur des corps carbonisés était épouvantable si bien que les hardis chevaliers pleuraient de compassion.

Enfin Bernier qui assiste impuissant à cet épouvantable désastre va avoir une vision d’horreur :

LXXI suite

B[erniers] esgarde dalez un marbre chier ;

la vit sa mere estendue couchier),

sa tenre face (estendue couchier),

sor sa poitrine vit ardoir son sautier.

Traduction :

Bernier regarda : il vit sa mère étendue à terre à côté d’un marbre précieux, son tendre visage noirci et brûlé, son psautier en flammes sur la poitrine.

Assurément c’est un sentiment de vengeance qui naît à ce moment. Bernier comprend que Raoul est cruel. il déclare :

LXXIII

 » Diex me laist vivre qe m’en puist vengier ! »

Traduction :

Que Dieu me permette de vivre assez longtemps pour que je puisse me venger !

Raoul, totalement sous l’emprise du furor guerrier que j’ai évoqué plus haut, vient de renier une promesse, de faire de son meilleur ami Bernier, son pire ennemi. Il ne s’arrête pas là, empreint de démesure, il renie même la sainte Eglise en refusant de jeûner un vendredi saint.

Précisions :

Je ne vous raconterai pas toutes les laisses les unes après les autres pour la simple et bonne raison qu’elles se répètent à quelques variantes près. En effet, n’oubliez pas que les gens sont pour la plupart illettrés au Moyen Age et qu’ils connaissent ces histoires parce que des trouvères, sur les places publiques ou dans les châteaux, les racontent, par morceaux (laisses successives). C’est la raison pour laquelle ils déclament les laisses 70 à 80 par exemple et que les laisses 81 à 90 sont presque identiques aux précédentes. En fait, les « auditeurs » de leurs histoires sont parfois partis, faisant place à d’autres qui écoutent la suite, laquelle n’en est pas une mais une répétition quelque peu différente de ce qui a déjà été raconté. Ils n’étaient pas si bêtes, au Moyen age !

Résumé :

Raoul propose une réparation à Bernier offensé. Ce dernier la décline ce qui fait entrer Guerri (oncle de Raoul) dans une colère noire. Bernier s’allie contre Raoul avec les fils d’Ybert dont il est aussi l’enfant mais bâtard ainsi que se plaît à le lui rappeler Raoul. Finalement Guerri aura le dernier mot après maintes tentatives des deux camps pour éviter la guerre. Il déclare que tous doivent se tenir prêts pour la bataille.

Ainsi Raoul se présente à la tête d’une armée de dix mille hommes (il s’agit d’une hyperbole bien entendu). Bernier quant à lui avance avec à ses côtés onze mille hommes. Ceux-ci ne manquent pas de prier avant le combat. L’on est très croyant à cette époque, ne l’oublions pas ! La laisse 121 parle du jongleur, Bertolai, témoin de ces affrontements qui peut de ce fait nous chanter cette histoire (la chanter, en fait la fredonner puisque la population ne sait pas lire, d’où le nom de chanson de geste (geste signifiant exploits chevaleresques et non mouvement (attention aux faux amis)).

La bataille fait rage et les fils de Guerri, Garnier et Renier sont tués. Il faut savoir que dans la littérature médiévale les neveux ont plus d’importance que les fils. En effet, l’on peut toujours douter de sa propre paternité mais un neveu (fils d’une frère ou d’une soeur), l’est obligatoirement, même si l’on doute de son père. C’est la raison pour laquelle Guerri s’il est triste pour la perte de ses fils, l’est bien moins que pour celle de Raoul de Cambrai.

combat moyen age

(l’oeuvre figurant ci-dessus provient du château de Blois dont je conseille vivement la visite).

Le combat est un véritable bain de sang. Les hauberts sont transpercés, les destriers fauchés par les épées,les écus frappés… Le texte précise que « La terre est mole, si ot un poi pleü; li [sans] espoisse [le brai et le] palu », ce qui signifie que la terre était molle à cause de la pluie  et que le sang versé rendait la boue et le marais encore plus gluants. Songez que les chevaux ne sont pas des chevaux de courses mais qu’ils ressemblent plutôt à des chevaux robustes et lourds afin de pouvoir supporter les cavaliers et leurs armures donc le poids d’un homme  plus environ 35 à 40 kilos de fer (haubert…) et une épée qui se manie le plus souvent à deux mains tant elle pèse. Les chevaux s’enlisent donc dans les terres spongieuses.

Raoul est un combattant impitoyable. Il tranche des bras, des jambes à ses ennemis qui sont épouvantés face à lui et à son adresse. Ils n’ont que peu de chances ! Et puis, surgit alors celui qui doit lutter contre Raoul, celui qui a été offensé : Bernier.

C’est leur lutte farouche que je vous raconterai la prochaine fois.

Merci pour votre assiduité !


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Traduction du texte en ancien français

Voici la traduction de la laisse 49 (on appelle laisse(s) les « strophes » qui correspondent à des passages de l’histoire racontée). Elle est suivie d’un résumé de l’histoire de « Raoul de Cambrai » et d’explications.

Bonne lecture !

49

 

« Raoul mon cher fils, dit la belle dame Aalais. je t’ai nourri de mon lait. Pourquoi laisses-tu ainsi la douleur entrer au plus profond de ma poitrine ? Celui qui te donna Péronne et Péronelle, Ham et Roie et la ville de Nesle t’a condamné mon fils à mourir très bientôt. Pour lutter contre de tels adversaires, il faut avoir un harnais, une selle magnifique et d’excellents compagnons. En ce qui me concerne, je préférerais plutôt n’être qu’une servante ou bien une nonne dans une chapelle que de te voir partir. Toute ma terre sera la proie des flammes.  »

Raoul prit son menton dans sa main ( ce geste est important au Moyen Age, comme le précise Ph. Ménard, médiéviste. Il signifie que l’individu souffre, qu’il est tourmenté.). Il jura devant Dieu qui naquit de la Vierge que pour tout l’or de Tulède, il ne renoncerait pas au don qu’on lui a fait. Avant ce renoncement il fera sortir les viscères et répandra maintes cervelles.

 

Résumé rapide de « Raoul de Cambrai », chanson de geste anonyme du Moyen Age.

Le père de Raoul meurt alors que son fils est un enfant. Le roi Louis accorde  les fiefs du défunt à Giboin du Mans à condition que ce dernier ne déshérite pas Raoul de ses terres lorsqu’il sera grand. Les barons protestent mais le roi ne revient pas sur sa parole. L’oncle de Raoul, Guerri élève désormais l’enfant aux côtés de dame Aalais, sa mère.

Raoul,  devient un chevalier particulièrement fort au combat grâce à l’enseignement de son oncle Guerri. Il se lie d’amitié pour un jeune homme, Bernier. Le roi Louis adoube Raoul et ce dernier fait de même pour Bernier qui devient son vassal. Cependant, Guerri se rend chez le roi afin de réclamer les terres de Raoul jadis cédées à Giboin qui ne veut plus les rendre. Louis refuse de les restituer à Raoul. Il va donc les réclamer en personne au roi en ces termes :

XXXIII

« Drois empereres, par le cors saint Amant,

servi vos ai par mes armes portant ;

ne m’en donnastes le montant d’un bezant.

Viax de ma terre car me rendez le gant,

si con la tint mes pere(s) au cors vaillant. »

Traduction :

33

« Mon juste roi, sur les reliques de saint Amand, j’ai mis mes armes à votre service mais pour me récompenser vous ne m’avez même pas donné la valeur d’un besant. Rendez-moi au moins par le don de votre gant, la terre que mon vaillant père possédait. »

 

Reprise du résumé :

Le roi refuse de restituer les terres à Raoul. Guerri, qui est présent, interpelle le roi qui refuse toujours de se rétracter. Guerri menace alors Giboin de reprendre les terres de son neveu par les armes. Le roi promet alors que Raoul reprendra ses domaines à la mort du premier comte entre Loire et Rhin. Le calme revient. Mais quelques temps plus tard, Raoul apprend la mort du comte Herbert. Il monte donc à Paris accompagné de puissants chevaliers, ses garants,  pour exiger le don royal promis. Le roi refuse car le comte avait quatre fils qu’il ne veut pas déshériter. Il renie en cela sa promesse. Les chevaliers rappellent le roi à son engagement. Il finit par céder. Bernier intervient alors auprès de Raoul pour lui signifier qu’il commet une injustice, qu’il ne peut pas accepter ces terres du roi en les prenant aux quatre fils du comte Herbert. Raoul ne veut rien entendre. Il retrouve sa mère qui craint alors qu’une guerre n’éclate entre son fils et ceux du comte Herbert (voir la laisse 49 que je vous ai traduite plus haut). Elle le conseille :

LIV

« Biax fix R[aous], un consel vos reqier,

q’a fis H[erbert] vos faites apaisier

et de la guere acorder et paier.

Laisse lor terr[e], il t’en aront plus chier,

si t’aideront t’autre gu[e]re a bailler

et le Mancel del païs a chacier. »

Traduction :

54

Mon fils, écoute mon conseil. Fais la paix avec les fils d’Herbert, accepte un accord et une compensation pour éviter la guerre. En renonçant à leur fief, ils auront plus d’amitié pour toi et ils t’aideront à chasser Giboin du Mans de tes terres. C’est cette guerre que tu dois mener.

 

Reprise du résumé.

Comme souvent dans les chansons de geste,  le calme de l’un, ici la mère, s’oppose à une colère immense de l’autre, là Raoul. II rejette les conseils de dame Aalais qui finit par lui dire ces paroles lourdes de sens en ce qu’elle sont une malédiction :

LIV

 » Cil Damerdiex qi tout a jugier

ne t’en remaint sain ne sauf ne entier ! »

par cel maldit ot il tel destorbier,

con vos orez, de la teste trenchier !

Traduction :

54

« Que le Seigneur Dieu qui nous juge ne te ramène pas auprès de moi sain et sauf ni entier ! » Cette malédiction lui porta malheur, comme vous allez l’entendre. Raoul eut la tête tranchée.

 

Commentaire :

J’espère qu’à ce stade du résumé et des traductions vous commencez, chers lecteurs, à cerner l’intérêt de ces histoires médiévales et plus particulièrement de ces chansons de geste (je vous expliquerai pourquoi on les appelle chansons de geste une autre fois).

Ces histoires sont fantastiques, empreintes d’une violence exacerbée et hyperbolique qui a probablement inspiré les romans et le cinéma actuels. Les malédictions, les injustices fusent et parfois le merveilleux pénètre leurs textes. Ces histoires regorgent d’action si chère aux lecteurs contemporains.

Vous l’avez compris la guerre va avoir lieu entre Raoul et les fils du comte Herbert et bien d’autres combats encore. Peut-être êtes-vous étonnés d’avoir lu  « comme vous allez l’entendre » dans la traduction juste au-dessus. En effet, n’oubliez pas que les gens, au Moyen Age, ne savent pas lire pour la plupart. Ces récits leur sont alors dits, récités en place publique et ils les écoutent. Ils ont besoin d’être émerveillés, surpris. On leur annonce alors ce qui va se passer (Raoul eut la tête tranchée), même si l’histoire n’évolue pas vraiment ainsi. Ils viendront dès lors, plus tard, écouter la suite du récit pour savoir ce que devient Raoul et comment il perd la vie.

 

Vous aussi, chers lecteurs, je vous raconte la suite très prochainement, en espérant vous avoir intéressés et vous avoir fait découvrir l’univers littéraire médiéval tel qu’il est vraiment alors que les festivals, les manifestations estivales déforment souvent ce Moyen Age pourtant naturellement si passionnant.

 

 


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Le Moyen Age

INTRODUCTION.

Au cœur de ce Moyen Age que nous imaginons volontiers sordide, sale et violent, il peut être surprenant de constater que la pensée médiévale était en quête d’une expression de la beauté, beauté dont témoignent puissamment ces monuments qui ont su traverser le temps : les églises. L’architecture comme les sculptures sont le reflet d’un désir ardent d’édification et de représentation du beau. Le vitrail dont nous admirons encore aujourd’hui la richesse, outre le détail artistique, n’a de cesse que de s’emparer de la lumière afin de la décliner en de subtiles couleurs qui soulignent l’amour intense du Moyen Age pour la beauté et la lumière, les deux étant souvent intimement liées.
Si l’architecture romane puis gothique évoquent fréquemment la beauté, celle-ci occupe de surcroît une place prépondérante dans la littérature médiévale et vient contredire à nouveau la pensée contemporaine qui se complaît à croire que le Moyen Age était noir, triste et laid. Sans doute exagérons-nous lorsque nous tentons d’imaginer cette période de notre histoire. Le mystère et la méconnaissance qui l’entourent facilitent nos débordements imaginaires. Sans doute aussi les artistes et les poètes médiévaux sombraient-ils aisément dans l’emphase afin d’offrir aux passants ou aux auditeurs de chansons de geste un moment de contemplation, un moment de fascination bien loin du quotidien de l’homme médiéval. Donc, en dépit d’apparences trompeuses, force est de constater que le Moyen Age s’est remarquablement efforcé de rendre un hommage à la beauté.
Bien entendu, la laideur est le corrélat évident de cette beauté et il est fort difficile d’explorer le beau sans parler du laid. Le beau médiéval est associé à l’harmonie, le laid se conçoit comme la négation du beau : est laid ce qui n’est pas beau ! Aussi les gargouilles, incarnations de pierre repoussantes, l’attestent, qui jouissent d’une place privilégiée sur les façades des édifices. Elles semblent prêtes à fondre sur le passant qui de ce fait médite.

La Littérature médiévale et plus précisément les chansons de geste des XIIème et XIIIème siècles dont je vais vous parler s’est bien sûr emparée de ces notions de beau et de laid, les déclinant au cœur d’une intrigue volontiers bercée par une violence fantastique que peu connaissent et que je me propose de vous faire découvrir.

Aussi, dans un premier temps, il me semble nécessaire, cher lecteur, de vous laisser tâtonner un peu avec cette langue du Moyen Age appelée dans ce cas l’ancien français. Comme vous pourrez le constater, elle n’a rien à voir avec ce que « Jacquouille La Fripouille » exprime dans la célèbre comédie « Les Visiteurs ». Je vous laisse lire ce qui suit et tenter de comprendre le passage dont je vous proposerai très rapidement une traduction. Pour vous aider, n’oubliez pas que le Moyen Age est tourné vers Dieu, vers ses rois et que la violence y est omniprésente.
Bonne lecture !

DECOUVERTES DU FRANCAIS DU MOYEN AGE :

XLIX

« Biax fix R[aous], dist A[alais]la bele,
je te norri del lait de ma mamele.
Por qoi me fais dolor soz ma forcele ?
Qi te dona Perone et Peronle
et Ham et Roie et le borc de Neele
revesti toi, biaux fix, de mort novele.
Molt doit avoir riche lorain et cele
et bon barnaige qi vers tel gente revele.
De moi le sai, miex vosisse este ancele,
nonne velee dedens une chapele.
Toute ma terre iert mise en estencele.  »
R[aous] tenoit sa main a sa maissele,
et jure Dieu qi fu nez de pucele
q’il nel lairoit por tout l’or de Tudele.
Ains q’il ne [l] lait en iert traite boele
et de maint chief espandue cervele.

Extrait de « Raoul de Cambrai »