Chers lectrices et lecteurs me revoici.
Tout d’abord, laissez-moi vous souhaiter une très bonne année 2023. Il n’est pas trop tard, nous pouvons le faire jusqu’au 31 janvier ! Je vous avais promis que j’allais reprendre mes publications de façon plus régulière dès 2023, c’est chose faite aujourd’hui. J’ai tardé en raison de la Covid qui ne m’a pas épargnée et m’a épuisée. Mais tout va bien et je vous présente donc la première histoire de 2023. Elle paraîtra en plusieurs épisodes et pour ne rien manquer je vous invite à vous abonner au site pour rejoindre les 1048 lecteurs fidèles qui ont déjà franchi le pas. Merci à eux ! (les 218 qui apparaissent peut-être sur votre écran ne reprennent que les abonnés par emails. Les 1048 correspondent aux abonnés email, Twitter et Facebook). Il s’agit ici d’une nouvelle à suspense, pas de policier. J’écris actuellement un roman policier et je ne veux pas que nouvelles et romans se parasitent. Pensez aussi à vous procurer mes livres déjà édités notamment les deux derniers « Le Manuscrit venu d’ailleurs » et « Paroles de pierres » dont les lecteurs rencontrés lors des dédicaces ne me disent que du bien tant ils ont apprécié l’originalité de chacune de ces histoires.
Bonne lecture !
PARAÎTRE OU DISPARAÎTRE
Lorsque son chef déposa une énorme pile de dossiers à traiter sur le côté droit de son bureau déjà trop encombré, Éthan remercia poliment son supérieur hiérarchique mais il n’en pensait pas moins.
— Voilà de quoi vous amuser un moment ! déclara le patron selon une habitude que tous les employés détestaient.
Y avait-il de l’ironie ou du sarcasme dans sa réflexion ? Le jeune homme s’en moquait car le problème n’était pas là. Le problème c’était dans la stratification de tâches sans fin, l’accumulation, l’overdose : un dossier puis un autre, puis dix autres, tous urgents, tous particuliers, tous… Il y avait de quoi tomber craquer, devenir migraineux, dépressif. Il y avait de quoi foncer chez son médecin pour hurler « J’en peux plus ! ». Ethan aurait voulu que tout s’arrête. Fini les montagnes de dossiers derrière lesquelles il aurait pu se cacher. Il aurait voulu ne plus avoir à rendre de comptes, rester chez lui, ne plus voir son chef, souffler un peu. Il aurait voulu n’avoir plus à courir après tout : le temps, les repas, les transports… Il n’avait rien à envier à une cocotte-minute prête à exploser sous la pression.
En un mot, il aurait voulu dis-pa-raître.
Mais Éthan se considérait comme un battant et il résistait au burn-out comme on dit aujourd’hui. Ce jour-là pourtant, il accepta une fois de plus, une fois de trop, le travail supplémentaire qu’on lui confiait. L’entreprise pour laquelle il travaillait exigeait que les cadres soient compétitifs, entreprenants, audacieux tout en prétendant qu’ils s’épanouissaient dans leurs tâches. La responsable des ressources humaines en avait vu défiler dans son bureau des jeunes loups ambitieux qui promettaient, lors des entretiens d’embauche, de se jeter corps et âme dans leur boulot. La performance était la promesse de rester et de signer un CDI, véritable sésame. Le médecin du travail les récupérait en miettes quelques mois plus tard, voire une année car il ne fallait pas longtemps pour que physiquement ou intérieurement ils s’effondrent. Tous gagnaient bien leur vie. Leurs comptes en banque étaient bien garnis mais aucun n’avait assez de temps libre pour en profiter.
Même si Éthan se revendiquait agnostique, il ne pouvait s’empêcher de prier des entités lambdas susceptibles de l’aider : Vishnou, Le Saint-Esprit, Bouddha et tant d’autres. Après tout c’était un moyen de comme un autre de se convaincre que le lendemain tout irait mieux. Comment s’en sortir autrement ? Mais toutes ses suppliques montaient au ciel où de toute évidence elles s’égaraient.
Ce rythme effréné, ce ronronnement journalier insidieux auquel il s’était habitué aurait pu perdurer encore un peu. Pourtant, ce mardi 8 mars, il vivait sans le savoir sa dernière journée de stress car tout allait radicalement changer !
*
Dès sa sortie de l’université, il avait tenté sa chance dans le domaine bancaire, fort de stages qui l’avaient conforté dans son choix de carrière. Un curriculum vitae puis un rendez-vous avec le D.R.H et quelques mois après, il intégrait le prestigieux siège social du L.C.L, rue de la République à Lyon où l’histoire de la banque avait commencé. Il grimpait quotidiennement un escalier de béton prolongé par de très anciennes marches en bois pour arriver au second étage où on l’avait installé. Là, seul dans son immense bureau pourvu de grandes fenêtres ne donnant que sur des façades grises, il travaillait.
Ses journées de labeur se ressemblaient. Il commençait invariablement par allumer son ordinateur puis passait environ deux heures à consulter sa boîte mail, à répondre aux courriers – dérogeant déjà au programme qu’il s’était fixé – afin d’avancer, de traiter plus vite les affaires en cours. Il était souvent dérangé par les commerciaux qui sollicitaient son avis avant de lui confier leurs dossiers de financement car Éthan était investi de ce pouvoir qui consiste à valider ou à invalider ce que les autres lui soumettaient. Ses collaborateurs redoutaient les « K.O » qu’il prononçait, lesquels réduisaient à néant des jours ou des semaines d’efforts.
Le matin, il arrivait souvent parmi les premiers, à 7 heures. À midi, il déjeunait dans son bureau pour ne pas perdre la moindre minute et quittait l’antre de la finance à 20 heures. Si ses repas n’étaient pas copieux, son temps de présence l’était.
— Encore là Éthan ! faisait remarquer Marine du service comptabilité qui le gratifiait systématiquement d’un au revoir lorsqu’elle partait.
— Oui, des affaires urgentes à traiter. Bonne soirée !
Il ne levait même pas le nez et replongeait dans cette atmosphère feutrée procurée par la lumière chaude qui émanait de la lampe de son bureau, seule éclairée à l’étage aussi tard.
Sa vie après le boulot n’existait pas et d’ailleurs personne ne m’attendait chez lui.
Il faisait généralement nuit lorsqu’il se décidait à quitter le travail pour rentrer. Ce soir-là, comme tous les autres soirs, il fit place nette sur son bureau, ferma le capot de son ordinateur et courut pour attraper un métro à la volée.
Telles les perles d’un collier sale et gris, les rames se succédaient. Il s’y engouffrait, patientait assis car à cette heure-là il y avait de la place – et prenait ensuite un train de banlieue. Une longue marche le guidait ensuite au pied de son immeuble de banlieue.
Le four à micro-ondes et la cuisine industrielle étaient ses alliés et seul, installé au milieu de son grand canapé, il ingurgitait des aliments méconnaissables, aux parfums flatteurs, riches en sel, en exhausteurs de goût, en graisses saturées et en adjuvants aux codes impénétrables.
Derrière l’écran, ses seuls compagnons s’agitaient, présentateurs à l’humour forcé ou vulgaire, journalistes qui réduisaient leurs discours à de la propagande gouvernementale croyant berner le téléspectateur… Avantage de ces êtres télévisés : aucun risque de déranger et possibilité de leur couper le sifflet d’une pression sur l’arrêt de la télécommande.
Inconvénient : absence totale de discussion.
Sur un rayonnage de son réfrigérateur désertique, Éthan trouva un vestige lacté qu’il avala sans vraiment l’apprécier. Et la soirée s’achevait, conforme aux précédentes, peuplée de vide, conforme aussi à celles qui suivraient. Du moins le croyait-il.
— Minuit ! fit-il en consultant son téléphone portable sur lequel personne ne l’appelait jamais.
Il était temps de dormir. Une douche rapide et quelques instants après il s’infiltrait au milieu de draps froissés qu’il n’avait pas pris la peine de secouer depuis des jours. Cela n’avait aucune importance. Il se remémora vaguement sa journée, visualisa ce qu’il devrait prioriser le lendemain et finit par s’endormir, harassé. Dehors, un orage s’annonçait. Par moments, sa chambre était striée par d’éphémères éclairs comme si les flashs d’appareils photos tentaient de capturer les instants exceptionnels d’une célébrité, à son insu. Mais Éthan était monsieur tout le monde et il n’y avait pas de paparazzis dans sa chambre à coucher. Il n’était qu’un homme ordinaire, tout ce qu’il y avait de plus ordinaire et cet homme ordinaire dormait.
*
À 5 heures du matin, comme le dîner absorbé était très salé, une soif tenace le réveilla. Il avait tenté de l’ignorer mais sa gorge et sa bouche étaient aussi sèches que ses lèvres. Il s’assit au bord de son lit, les pieds posés sur la couverture qu’il avait repoussée au sol dans son sommeil. Il avait chaud. Finalement, il se leva et, à tâtons, il se dirigea vers le mur de la chambre, franchit la porte ouverte et longea, tel un aveugle, le long couloir au bout duquel il tourna à gauche. Parvenu à la cuisine, il voulut prendre un verre. Impossible d’en trouver un sur l’évier. Il fit alors demi-tour, décidé à allumer la lumière. Mais seul le « clic » émis par la manœuvre de l’interrupteur lui répondit. La pièce restait baignée dans l’obscurité.
— Ah, c’est vrai, se souvint-il. L’orage ! Les plombs ont dû sauter. Zut !
Il but directement au robinet, s’essuya les lèvres d’un revers de sa manche de pyjama et s’étonna d’entendre du bruit. Il s’arrêta, fit silence et tendit l’oreille.
— C’est rien, se dit-il à lui-même comme pour s’en convaincre.
Il rebroussa donc chemin, évita l’angle de la commode qu’il se promettait chaque jour de déplacer et arriva rapidement jusqu’à son lit. À tâtons, il repéra les bords du matelas puis il se hissa sur les draps redevenus froids, pour s’y envelopper. Là, il voulut rouler sur le côté pour s’installer en chien de fusil mais il heurta quelque chose et cette chose se mit à remuer.
— Nom de Dieu ! jura-t-il sans s’offusquer de son blasphème. Qu’est-ce que c’est ?
Et il bondit hors du lit.
— Mmmh ! fit la forme.
— Que… Qui est là ? bafouilla Éthan effrayé.
— Mmmh !
Éthan scrutait vainement l’obscurité. Les stores automatiques qu’il actionnait machinalement quand il rentrait occultaient l’appartement, le plongeant dans un noir à couper au couteau. Instinctivement, il fit un bond en arrière, bouscula une chaise qui se renversa entraînant dans sa chute sa serviette et tous les papiers qu’elle contenait. Il s’immobilisa ensuite et tendit les deux bras en avant pour vérifier que personne ne s’approchait. Il ne frôla que le vide.
— Qui est là, bon sang ! Dégagez de chez moi, tout de suite !
Il se déplaça sur la gauche, contourna une table de travail, parcourut le chambranle d’une porte de ses doigts et pressa l’interrupteur qu’il sentit.
Aucune lumière ne jaillit.
Il se rua nerveusement sur le fil de la lampe posée sur la table. Le léger tremblement nerveux qui s’était invité rendait ses gestes brouillons. Quand il trouva enfin le bouton, il l’actionna mais seul un « clic » résonna dans la chambre qui restait plongée dans le noir.
— Merde ! Qu’est-ce que c’est ce délire ? Sortez de mon lit et…
Une voix masculine qui lui était curieusement familière lui répondit :
— Je dors bonté divine. Moins de bruit !
— Dégagez ! Je vous ai dit de dégager.
La panique venait de monter d’un cran. Éthan s’empara de la lampe qui, à défaut de lui procurer de la lumière serait une arme. D’un geste brusque il la leva en l’air pour arracher la prise et la propulsa violemment en direction de la voix provenant de son lit.
La suite prochainement. A Bientôt. Audrey Degal
31 janvier 2023 à 17 h 36 min
Bonsoir Audrey Degal , Bien contente de vous retrouver en lecture . Et déjà ; le suspense me laisse en attente et hâte de connaitre la suite :
Donc à bientôt . Amicalement ,Mo une fidèle lectrice :
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31 janvier 2023 à 18 h 07 min
Un grand merci Monique pour ce nouveau commentaire. Je sais que vous êtes une fidèle lectrice, que vous avez lu tous mes livres. En 2023 « Rencontre avec l’impossible » sortira et en attendant sa sortie, vous trouverez des histoires gratuites à lire sur ce site et des critiques de livres que j’ai lu. A bientôt donc.
Amitiés,
Audrey Degal
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4 février 2023 à 11 h 07 min
Content de vous revoir en ligne avec cette nouvelle histoire. Le style, l’écriture et le dynamisme sont toujours présents.
J’attends avec impatience la suite de l’intrigue.
Bonne année à vous Audrey et que 2023 vous inspire pour de nouvelles histoires et ce pour le plus grand bonheur de vos lecteurs.
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